Influence de l’insulinothérapie basale sur le sommeil de patients diabétiques de type II

Diabète

Définition Le diabète est une maladie chronique et insidieuse, défini par une hyperglycémie chronique liée à une insulinopénie et/ou à une insulinorésistance. Selon les recommandations de l’HAS de janvier 2013, le diagnostic de diabète est établi par la présence de l’un des trois critères suivants [14] :
– une glycémie veineuse, après un jeûne de 8 heures et vérifiée à deux reprises, supérieure ou égale à 1,26 g/l
– des symptômes du syndrome cardinal (polyurie, polydipsie, amaigrissement) associés à une glycémie veineuse, non à jeun, supérieure ou égale à 2 g/l
– une glycémie veineuse, 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose, supérieure ou égale à 2 g/l
Le taux de 1,26 g/l de glycémie à jeun, correspond au seuil d’apparition de la micro angiopathie rétinienne. Le dépistage du diabète est recommandé chez les sujets ayant :
– un âge ≥ 45 ans
– une obésité
– un antécédent familial de diabète
– un antécédent personnel de diabète gestationnel ou de macrosomie
– un antécédent personnel d’hypertension artérielle
– un antécédent personnel d’intolérance au glucose ou d’hyperglycémie modérée à jeun.
Le médecin généraliste est le premier professionnel de santé concerné par le dépistage du diabète, ainsi que par l’annonce de cette maladie et la mise en place d’une stratégie thérapeutique.
Prévalence et coût du diabète
Prévalence du diabète : Le diabète est considéré actuellement comme une épidémie mondiale. Le diabète de type 2 représente 80 % des diabètes connus. En 2014, selon l’OMS, 9 % des adultes étaient diabétiques [15]. L’InVS a estimé en 2009, la prévalence du diabète traité à 4,4 % en France hexagonale, contre 2,6 % en 2000 et 3,9 % en 2007 [16] (figure 1). Ce chiffre est très probablement sous-estimé, puisqu’il ne tient pas compte des diabétiques non diagnostiqués ou non traités. La prévalence du diabète varie en fonction de l’âge des patients. Inférieure à 1,6 % jusqu’à l’âge de 44 ans, elle augmente chez l’adulte de plus de 50 ans pour atteindre son maximum de 19,7 % dans la tranche d’âge 75-79 ans (figure 2). Il existe une variation de la prévalence du diabète en fonction de la zone géographique. Elle est plus élevée en Outre-Mer, chez les Aborigènes d’Australie ainsi que chez les Indiens Pima. En 2009, la prévalence du diabète traité s’élevait à 8,8 % à la Réunion, 8,1 % en Guadeloupe, 7,4 % en Martinique et à 7,3 % en Guyane (figure 3). La prévalence du diabète est plus élevée chez les hommes que chez les femmes (6,4 % versus 4,5 %), alors que c’est l’inverse dans les départements d’Outre-Mer où elle est respectivement évaluée à 6,2 % et à 8,2 %.
Coût du diabète : Le diabète est un enjeu économique important. Il représente 5 à 10 % du budget de santé des pays développés du fait de l’augmentation de sa prévalence, de l’amélioration de la prise en charge de la maladie et de la mise sur le marché de nouveaux traitements. L’étude Entred de 2007 estimait à 12,5 milliards d’euros le montant total des remboursements des diabétiques traités pharmacologiquement. Le remboursement moyen annuel était de 5300 euros par personne, avec de grande disparité entre diabétiques. En effet, il peut atteindre 8700 euros par an chez les diabétiques âgés de plus de 85 ans. Selon les données de l’Assurance maladie, le montant remboursé des traitements antidiabétiques a augmenté de 5,9 % en 2009 par rapport à 2008, pour atteindre un montant de 716,9 millions d’euros. Le diabète est une maladie qui évolue sur de nombreuses années, et entraine fréquemment des complications micro et macro vasculaires. Le diabète est la première cause de cécité, d’insuffisance rénale et de neuropathie invalidante. Il est responsable d’un quart des infarctus du myocarde. Ces complications micro et macro angiopathiques nécessitent généralement une hospitalisation. En 2007, l’hôpital représentait 37,2 % des dépenses liées à la prise en charge du diabète soit 4,7 milliards d’euros, les médicaments 26,8 % et les soins infirmiers 8,4 % [17] (figure4).
Physiopathologie du diabète de type 2 : Le diabète de type 2 est lié à des troubles métaboliques de l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité. Dès le stade d’hyperglycémie modérée à jeun (glycémie à jeun entre 1,10 g/l et 1,26 g/l), s’installe une diminution de la sécrétion sur le mode oscillatoire et rapide de l’insuline, ainsi qu’une disparition de la sécrétion précoce d’insuline. Après plusieurs années d’évolution, apparaît une réduction globale de la sécrétion d’insuline. Les troubles de la sécrétion insulinique sont associés à une insulinorésistance. Cette dernière est caractérisée, par la diminution de la sensibilité à l’insuline au niveau musculaire, hépatique et adipeux ainsi que par l’augmentation de la production hépatique de glucose. Avec le vieillissement, la masse musculaire diminue ce qui explique l’augmentation de la prévalence du diabète de type 2 chez les sujets âgés. La diminution de l’activité physique entraîne une réduction de la captation du glucose par les muscles. Lutter contre la sédentarité, a montré son efficacité dans la prévention primaire et secondaire du diabète de type 2. L’obésité est également un facteur de risque du diabète de type 2. Les acides gras libérés par le tissu adipeux diminuent le captage du glucose au niveau musculaire et augmentent la production hépatique de glucose. Il a été démontré que des facteurs génétiques influencent également l’insulinosécrétion et l’insulinosensibilité [18].
Stratégies médicamenteuses du diabète de type 2 : Le médecin généraliste est le premier professionnel de santé impliqué dans la prise en charge du patient diabétique. L’objectif du traitement du patient diabétique de type 2 est de réduire la morbi-mortalité secondaire aux complications micro et macro vasculaires. L’amélioration de la qualité de vie passe par un bon contrôle glycémique. L’HbA1c cible est le plus souvent inférieure ou égale à 7 %, mais cet objectif doit être individualisé. Les mesures hygiéno-diététiques sont le traitement de première intention. Quand l’HbA1c cible n’est pas atteint, un traitement médicamenteux doit être initié ou modifié. Selon les recommandations de janvier 2013 de l’HAS (annexe 1), la metformine est le traitement de première intention du sujet diabétique de type 2, en l’absence de contreindication. Si la monothérapie est insuffisante, le médecin généraliste initie une bithérapie en privilégiant l’association metformine et sulfamide hypoglycémiant. En cas d’échec des antidiabétiques oraux, l’insuline est le traitement de choix. Son instauration, réalisée souvent après plusieurs années d’évolution du diabète, doit être préparée et nécessite un apprentissage et un accompagnement du patient. En 1ère intention sera initiée une insulinothérapie basale dont l’objectif est de couvrir de façon lente et prolongée les besoins en insuline. Si l’objectif glycémique n’est pas atteint, une insuline d’action courte et rapide sera ajoutée lors de la prise des repas. La stratégie médicamenteuse du médecin doit toujours tenir compte de l’écart à l’objectif d’HbA1c, des contre-indications, de la tolérance et du coût des traitements. Il est recommandé au médecin généraliste, de faire appel à un endocrinologue en cas de difficulté à atteindre l’objectif glycémique [14]. La stratégie médicamenteuse de l’American Diabetes Association (ADA) est d’avantage centrée sur le patient. Le traitement de première intention est le même que celui des recommandations de l’HAS. Les avis divergent en cas de bi ou trithérapie. Le choix du traitement de deuxième intention par le médecin tient compte de l’objectif glycémique et des préférences du patient (annexe 2).
Qualité de vie : Comme beaucoup de maladies chroniques, le diabète est responsable d’une altération de la qualité de vie des patients. La qualité de vie du diabétique peut être évaluée par des échelles génériques, comme l’échelle SF-36, et par des questionnaires spécifiques du diabète tel que le DHP-18. L’échelle de qualité de vie SF-36 (annexe 3), fréquemment utilisée, explore le retentissement du diabète sur 3 domaines : la santé physique, la santé émotionnelle et les activités sociales. Les différents domaines évaluent : l’activité physique, les relations avec les autres, les douleurs physiques, la santé perçue, la vitalité, les limitations dues à l’état psychique. Après cette évaluation, un score entre 0 et 100 est obtenu pour chaque domaine. Un score tendant vers 0 indique une altération de la qualité de vie. Le questionnaire DHP-18 (annexe 4) évalue le retentissement psychosocial du diabète sur le malade. Les 32 items, qui le composent, explorent la détresse psychologique, l’obstacle à l’activité et l’alimentation incontrôlée. L’étude Entred de 2001 et 2007 retrouve une association entre un âge plus élevé, un diabète déséquilibré et compliqué, une dépendance aux activités de la vie quotidienne et un score de qualité de la santé physique et mentale plus bas [19].

Les troubles du sommeil

     La classification internationale des troubles du sommeil classe les troubles du sommeil en six familles (ICSD) :
– Insomnie (aigue, chronique, autres)
– Troubles respiratoires liés au sommeil (syndrome d’apnée centrale du sommeil, syndrome d’apnée obstructive du sommeil, hypoventilation, hypoxémie…)
– Hypersomnie d’origine centrale (narcolepsie…)
– Parasomnie
– Troubles du rythme circadien
– Mouvements liés au sommeil (syndrome des jambes sans repos…)
Ils regroupent les troubles quantitatifs et qualitatifs du sommeil. Le SAOS est le trouble respiratoire du sommeil le plus fréquent. Sa prévalence est de l’ordre de 1 à 5 % dans la population adulte masculine, sachant qu’il a été démontré que la prévalence du SAOS non diagnostiqué dans la population générale varie de 0,3 à 5 %. Il est prévu qu’elle augmente dans les années à venir en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’obésité. Ce trouble respiratoire est dû à un relâchement des muscles du palais, de la langue et des amygdales entrainant une obstruction des voies aériennes. Le diagnostic de SAOS est posé par l’association d’une somnolence diurne à un index d’apnée-hypopnée > 5 par nuit à la polysomnographie. Des études épidémiologiques ont estimé que la durée de sommeil a diminué en moyenne de 2 heures par nuit ces dernières années, en relation avec des modifications du mode de vie [21]. Cette réduction de la durée de sommeil ainsi qu’une mauvaise qualité de sommeil ont de graves conséquences. Ils sont responsables d’une augmentation de la mortalité, de la prévalence de maladies chroniques (hypertension artérielle, dépression, cancer, obésité), des taux d’accidents de la voie publique et des accidents de travail, de la diminution de la qualité de vie et de la productivité. Sur le plan métabolique, la privation de sommeil entraîne :
– une augmentation des catécholamines par activation du système  nerveux autonome sympathique
– une augmentation de la sécrétion de cortisol par l’axe hypothalomo-hypophysaire
– un stress oxydatif
– une réponse inflammatoire avec une augmentation d’interleukines et d’interférons
– une modification de la sécrétion des adipokines avec une augmentation de la durée de sécrétion de la ghréline et une diminution du taux de leptine. La ghréline est une hormone normalement sécrétée le jour pour favoriser la sensation de faim alors que la leptine joue un rôle dans la satiété.

Influence de l’insulinothérapie basale sur le sommeil

     A notre connaissance, notre étude est la première qui explore l’influence d’un traitement par insulinothérapie basale sur les caractéristiques du sommeil de patients diabétiques de type 2, en comparant un groupe de diabétiques de type 2 traités par insulinothérapie à un groupe sous antidiabétique(s) excluant l’insuline, et en utilisant une mesure objective du sommeil dans des conditions de vie réelle. La durée moyenne du sommeil de notre échantillon était de 5 h 44 min et l’efficacité moyenne du sommeil de 79,4 %. La mesure objective du temps de sommeil était similaire dans d’autres échantillons de diabétiques de type 2 [8] [13] [29] ou plus élevée pour d’autres auteurs (respectivement de 7 h 15 min et de 6 h 23 min) [11] [13]. L’association entre courte durée de sommeil et diabète de type 2 a été retrouvée dans plusieurs publications [1] [26] [30]. Bien qu’en analyse bivariée, nous retrouvons une tendance à une durée de sommeil plus importante et à une plus faible proportion de « petits dormeurs » dans le groupe de diabétiques traités par insulinothérapie basale ; cette différence s’efface en analyse multivariée. De plus, nous ne retrouvons pas d’influence de l’insulinothérapie basale sur la qualité de sommeil. L’hyperinsulinisme endogène est vraisemblablement associé à une hyperactivité sympathique, particulièrement durant la nuit, et pourrait participer à l’apparition de troubles du sommeil chez les individus présentant des troubles du métabolisme glucidique [10]. Ainsi certains auteurs ont suggéré que l’insulinothérapie exogène puisse perturber le sommeil [11] [12]. Bien que l’insulinothérapie soit un traitement de recours classique dans le diabète de type 2, peu d’études ont évalué son influence sur le sommeil des patients. Une étude chinoise publiée en 2012 a analysé, à l’aide du questionnaire PSQI, le sommeil de 140 patients diabétiques de type 2 traités par insuline. L’analyse multivariée mettait en évidence une association entre mauvaise qualité de sommeil et femmes diabétiques de type 2 traitées par insuline [12]. Cependant les résultats de cette étude sont issus de données subjectives du sommeil chez des patients traités exclusivement par insuline. En accord avec notre étude, une étude indienne réalisée à partir de questionnaire du sommeil, ne retrouve pas de différence de la durée de sommeil ni de l’efficacité de sommeil entre des sujets diabétiques de type 2 traités par insuline et ceux sous antidiabétique(s) sans insulinothérapie, même si le score global PSQI était plus élevé chez les patients sous insulinothérapie [31]. L’analyse subjective du sommeil par une autre étude chinoise ne montre pas de différence de la durée de sommeil entre sujets normo glycémiques et ceux ayant un trouble de la régulation du glucose, après ajustement sur un traitement par insuline [32]. Plusieurs auteurs ont évalué le sommeil objectivement soit par un actimètre soit par une polysomnographie. Aucune de ces études n’a retrouvé de relation entre la durée de sommeil et le traitement par insulinothérapie chez le diabétique de type 2 [8] [29] [33]. La metformine étant un des traitements de l’insulinorésistance, une étude française s’est intéressée à l’influence d’un traitement par metformine sur la durée et l’efficacité du sommeil. Ses résultats sont en faveur d’une meilleure quantité et qualité du sommeil chez les diabétiques de type 2 traités par metformine sans influence de l’insuline [13]. Les auteurs Trento et al. ont exclus de leur étude les patients traités par insulinothérapie considérant que l’insuline est associée à des troubles du sommeil [11]. Peu d’auteurs ont étudiés le sommeil de patients diabétiques de type 1. Une étude réalisée sur un petit échantillon a comparé le sommeil de diabétiques de type 1 à celui d’un groupe contrôle, en utilisant un enregistrement par polysomnographie. La proportion de sommeil de stade II était plus importante chez les sujets diabétiques de type 1 sans différence de la durée totale de sommeil entre les deux groupes [34]. Une autre publication ayant étudié objectivement le sommeil de 7 diabétiques de type 1, conclue qu’une privation de sommeil induit une résistance périphérique à l’insuline [35].

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Table des matières

1. Introduction
2. Préambule
2.1. Diabète
2.1.1. Définition
2.1.2. Prévalence et coût du diabète
2.1.3. Physiopathologie du diabète de type 2
2.1.4. Stratégies médicamenteuses du diabète de type 2
2.1.5. Qualité de vie
2.2. Sommeil
2.2.1. Les stades du sommeil
2.2.2. La régulation du sommeil
2.2.3. Les tests du sommeil
2.2.4. Les troubles du sommeil
3. Matériel et méthode
3.1. Type d’étude
3.2. Patients
3.2.1. Critères d’inclusion
3.2.2. Critères de non-inclusion
3.3. Déroulement de l’étude
3.3.1. Données médico-socio-démographiques
3.3.2. Données cliniques
3.3.3. Données biologiques
3.3.4. Actimétrie
3.4. Analyse des données
3.5. Analyse statistique
4. Résultats
4.1. Population étudiée
4.1.1. Participants
4.1.2. Caractéristiques médico-socio-démographiques de la population
4.1.3. Caractéristiques cliniques et biologiques de l’échantillon
4.2. Données d’activité physique de l’actimètre ArmBand
4.3. Données du sommeil de l’actimètre ArmBand
4.3.1. Caractéristiques du sommeil sur une semaine
4.3.2. Caractéristiques du sommeil les jours travaillés et les jours non travaillés
4.3.3. Analyse des autres facteurs influençant potentiellement la durée de sommeil, l’efficacité du sommeil et la proportion de « petits dormeurs »
4.3.4. Analyses multivariées
5. Discussion
5.1. Influence de l’insulinothérapie basale sur le sommeil
5.2. Influence des autres facteurs sur le sommeil
5.3. Point forts et limites de l’étude
5.4. Perspectives de l’étude
6. Conclusion
7. Références bibliographiques
8. Annexes
8.1. Annexe 1 : Stratégies médicamenteuses chez le diabétique de type 2 selon l’HAS
8.2. Annexe 2 : Stratégies médicamenteuses chez le diabétique de type 2 selon l’ADA
8.3. Annexe 3 : Echelle de qualité de vie SF-36
8.4. Annexe 4 : Echelle de qualité de vie DHP-18
8.5. Annexe 5 : Questionnaire de typologie circadienne de Horne et Osterg
8.6. Annexe 6 : Questionnaire de qualité de sommeil de Pittsburg PSQI
8.7. Annexe 7 : Questionnaire de Berlin
8.8. Annexe 8 : Polysomnographie
8.9. Annexe 9 : Actimétrie
8.10. Annexe 10 : Serment d’Hippocrate

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