Influence de la structure des couverts végétaux en télédétection de la fluorescence chlorophyllienne

La télédétection de la végétation est la mesure du rayonnement électromagnétique issu des plantes et son interprétation en termes de paramètres physiologiques, phénologiques ou physiques. Elle trouve principalement des applications en écologie et en agronomie comme par exemple, la cartographie de l’occupation des sols ou l’aide à la conduite des cultures. Un domaine de la recherche particulièrement actif actuellement est l’étude des biomes comme puits ou source de carbone atmosphérique. On sait que la précision des projections climatiques dépend fortement de l’estimation de la quantité de carbone séquestré par photosynthèse. Or une cartographie globale de la photosynthèse permettra de mieux contraindre les scénarios et de diminuer leur divergence. L’enjeu est donc de trouver les signaux de télédétection qui nous renseignent sur la photosynthèse du couvert.

On sait que l’observation satellitale actuelle, basée sur la mesure de la réflectance des surfaces continentales, permet de caractériser l’état du couvert végétal (recouvrement, indice foliaire, interception de la lumière et dans certains cas biomasse), mais pas son fonctionnement. Plusieurs indices de végétations s’appuient sur la différence de réflectance entre les gammes spectrales rouge et proche infrarouge, qui est caractéristique de la chlorophylle. Néanmoins, on ne sait pas discriminer une parcelle agricole qui absorbe beaucoup de CO2 car elle est en bon état physiologique, d’une parcelle similaire mais qui fait très peu de photosynthèse parce que le sol est trop sec ou que la température est trop basse ou trop élevée. La fluorescence chlorophyllienne est une émission lumineuse spontanée de la chlorophylle. Cette émission, très faible devant la lumière réfléchie (quelques%), est en compétition avec les autres voies de désexcitation de l’énergie absorbée que sont la photochimie et la dissipation thermique. In vivo, la fluorescence variable est un indicateur du fonctionnement photosynthétique de la plante. Depuis plusieurs dizaines d’années, la photosynthèse est quantifiée de manière routinière au niveau de la feuille grâce à la mesure de la fluorescence (Papargeorgiou et Govindjee, 2004). Si depuis quelques années, les mesures au niveau du couvert sont possibles (Louis et al., 2005, Moya et al., 2006, Daumard et al., 2010), les enjeux actuels sont l’interprétation de la mesure de fluorescence à cette échelle ainsi que la mesure depuis l’espace.

Le groupe Fluorescence et Télédétection du Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD) a une longue expérience de la mesure de la fluorescence des plantes. Il a en particulier mis au point une méthode de mesure passive de la fluorescence induite par le rayonnement solaire qui exploite les variations spectrales des bandes d’absorption de l’oxygène atmosphérique autour de 687 nm (bande O2-B) et 760 nm (bande O2-A) (Moya et al., 1999). Au fond de ces bandes, le flux solaire est fortement atténué : la part de fluorescence dans le signal mesuré devient quantifiable en mesurant le comblement de la bande d’absorption. L’équipe a développé plusieurs instruments permettant la mesure passive au niveau du sol ou avionnée (Evain et al., 2001, Evain et al., 2004, Moya et al., 2004, Louis et al., 2005, Daumard et al.,2010).

Le lieu de la photosynthèse 

La photosynthèse se déroule dans un organite subcellulaire spécialisé, le chloroplaste (figure I.1). Les chloroplastes ont une forme de lentille de 3 à 10 µm de diamètre et de 1 à 2 µm d’épaisseur (Lawlor, 1993). Ils sont délimités par une double enveloppe, composée d’une membrane externe, perméable aux métabolites de faible poids moléculaire, et d’une membrane interne délimitant une matrice intra chloroplastique, le stroma. Ce milieu liquide transparent contient des molécules hydrosolubles et une grande variété d’enzymes. A l’intérieur des chloroplastes se trouvent des bicouches lipidiques, les lamelles qui forment un réseau de vésicules fermées, les thylakoïdes, et définissent deux phases sans communications immédiates, l’espace stromatique et l’espace intra thylakoïdal, ou lumen. Par endroit, les lamelles s’accolent pour former des empilements de disques, les granas, qui restent en relation de continuité avec les lamelles non accolées. Les membranes thylakoïdales sont le siège des réactions photochimiques de la « phase claire », assurant la capture puis la conversion de l’énergie lumineuse en énergie chimique. Tandis que c’est dans le stroma que se déroulent les réactions biochimiques de la «phase sombre ».

Le transfert d’électrons

L’appareil photosynthétique est organisé en plusieurs sous unités situées le long des membranes thylakoïdales et reliées par des transporteurs, des molécules solubles dans la membrane ou dans le lumen. Ces sous unités sont les photosystèmes, le cytochrome b6/f et l’ATP synthase. Un photosystème comprend entre 250 et 400 molécules de pigment et se compose de deux parties : un complexe antennaire et un centre réactionnel. Le complexe antennaire (ou LHC pour Light Harvesting Complex) est constitué de complexes protéines pigments, chlorophylle a, b, et caroténoïdes, qui collectent l’énergie lumineuse et la canalisent vers le centre réactionnel. Le centre réactionnel est formé d’un complexe de protéines et de chlorophylle qui permet la conversion de l’énergie lumineuse en énergie chimique. Tous les pigments d’un photosystème peuvent absorber les photons mais dans chaque photosystème, seul une paire de molécule de chlorophylle-a peut effectivement utiliser l’énergie lumineuse. Lorsque l’énergie lumineuse est absorbée par une molécule pigment, elle est transportée de proche en proche par résonance jusqu’à atteindre la paire de molécules de chlorophylle spéciale du centre réactionnel. Ce transfert est souvent nommé transfert d’exciton. Lorsque l’une de ces molécules absorbe l’énergie, un électron est porté au niveau d’énergie supérieur et transféré à une molécule acceptrice, ce qui déclenche le flux d’électrons. La molécule de chlorophylle est alors oxydée et chargée positivement.

On distingue deux photosystèmes (notés PSI et PSII). La majorité des PSII se trouvent dans les empilements granaires tandis que la plupart des PSI se situe dans les lamelles. Généralement, les deux systèmes fonctionnent simultanément et de manière continue. Ils sont liés dans leur fonctionnement par une chaîne de transport d’électrons représenté par le schéma dit en Z (voir figure I.2). Dans les photosystèmes I, les molécules de chlorophylle spéciales du centre réactionnel sont nommées P700, « P » pour pigment et « 700 » qui indique le pic d’absorption optimal en nanomètres. Pour le photosystème II, les molécules de chlorophylle particulières sont appelées P680.

Les premières étapes de la photosynthèse ont lieu au niveau du photosystème II. Les antennes contiennent entre 200 et 300 molécules de chlorophylle-a. Leur rôle est d’absorber l’énergie lumineuse qui est ensuite transférée vers le centre réactionnel. Celui-ci contient une paire de molécules de Chlorophylle-a (P680), entourée de deux protéines D1 et D2, de deux phéophytines a, d’une plastoquinone fortement liée, QA et d’une plastoquinone plus faiblement liée, QB. La protéine D1 possède une tyrosine active d’un point de vue redox. L’excitation de P680 induit une séparation de charges, un électron étant transféré de P680 à la phéophytine a puis à la plastoquinone QA. L’oxydant P+ 680 créé par la séparation de charge est réduit par un électron donné par la tyrosine, qui est ensuite réduite par un électron de l’eau. Du côté accepteur du photosystème, l’électron est ensuite transféré de QA à QA au cours d’une réaction plus lente. Après avoir reçu deux électrons, QB lie deux protons provenant du lumen et se dissocie pour rejoindre le pool des plastoquinones situé dans la membrane. La chaîne des transporteurs membranaires se poursuit avec le cytochrome b6/f et une plastocyanine, protéine soluble du lumen, qui est le donneur du PSI.

Les mécanismes de régulation de la photosynthèse

Les plantes disposent d’un ensemble de mécanismes, à différentes échelles, qui leur permettent de réduire les dommages subis lorsqu’elles sont soumises à un excès de lumière. En effet, en conditions naturelles, la végétation est fréquemment soumise à d’importantes intensités lumineuses par rapport à leurs capacités photosynthétiques. C’est notamment le cas en été par beau temps autour du midi solaire, ou bien au début du printemps, par temps clair, lorsque le froid ralentit leur activité photosynthétique. Les mécanismes de régulation sont le seul moyen dont disposent les plantes pour se protéger, et sont indispensables à leur survie.

Intéressons nous aux mécanismes de dissipation de l’énergie par voie thermique regroupés sous l’appellation générale des quenching non photochimiques. Ces régulations se produisent au niveau des antennes du PSII, pour des articles de revue voir (Horton et al., 1996; Pospisil, 1997; Müller et al., 2001; Govindjee, 2002).

Pour réagir à leur état physiologique, les plantes ont besoin d’un indicateur sensible à l’excès d’énergie et capable de transmettre l’information au niveau des antennes. Il est largement accepté que cet indicateur est le gradient de pH transmembranaire (énergisation de la membrane ou ΔpH) créé à la suite d’une accumulation de protons dans le lumen. Ceci se produit lorsque l’énergie absorbée dépasse la capacité photosynthétique de la plante. La composante majoritaire du quenching non photochimique dépend du ΔpH. Il est donc appelé quenching énergétique (qE). Pour une revue voir Holt et al., 2004 ou Horton et al., 2008. Il apparaît en quelques minutes et relaxe en 1 ou 2 minutes à l’obscurité. L’énergisation de la membrane active plusieurs mécanismes, dont la conversion de la violaxanthine en zéaxanthine (appelé cycle des xanthophylles) et un changement conformationnel du LHCII. Ces modifications de structure ont pour conséquence une augmentation de la dissipation de l’énergie par voie thermique.

L’énergisation de la membrane active un autre mécanisme, la photoinhibition (qI), qui relaxe au bout d’un temps beaucoup plus long que qE. Pour une revue voir Aro et al., 1993, Murata et al., 2007 ou Tyystjärvi, 2008. Son mécanisme n’est pas entièrement élucidé. On sait cependant que le fonctionnement du PSII fait que le centre réactionnel, et notamment la protéine D1, est régulièrement dégradée à la suite d’une oxydation. La durée de vie du centre réactionnel est plus courte en forte lumière et la synthèse de nouvelles protéines étant assez lente, ceci peut conduire à une baisse de la photosynthèse. L’intensité de la photoinhibition dépend de l’équilibre entre les dommages dus à la lumière et leur réparation. Un autre mécanisme existe en faible lumière. Une partie des LHCII est mobile et peut se détacher du PSII et migrer dans la membrane vers le PSI. Cette migration est appelée changement d’état (qT) (Allen, 1992; Wollman, 2001). Elle entraîne une modification de la section efficace d’absorption relative du PSI et du PSII et a pour effet de diminuer l’absorption d’énergie par le PSII. La mobilité des LHCII dépend de leur état de phosphorylation, contrôlée par une kinase. L’activité de celle-ci dépend du niveau d’oxydoréduction de la chaîne de transfert d’électrons. Ce phénomène tend à disparaître pour des lumières plus fortes lorsque qE augmente.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I PHOTOSYNTHESE, FLUORESCENCE ET TELEDETECTION DES COUVERTS VEGETAUX
I.1. LA PHOTOSYNTHESE
I.2. LA FLUORESCENCE
I.3. LA TELEDETECTION DES COUVERTS VEGETAUX
CHAPITRE II EMISSION DE FLUORESCENCE ET STRUCTURE TRIDIMENSIONNELLE DES COUVERTS
ABSTRACT
II.1. INTRODUCTION
II.2. MATERIALS AND METHODS
II.3. RESULTS
II.4. DISCUSSION
II.5. CONCLUSION
ACKNOWLEDGEMENT
REFERENCES
CONCLUSION
CHAPITRE III SUIVI LONG TERME DE LA FLUORESCENCE DES COUVERTS AGRICOLES.
III.1. INTRODUCTION
A FIELD-PLATFORM FOR CONTINUOUS MEASUREMENT OF CANOPY FLUORESCENCE
INTRODUCTION
III.2. DESCRIPTION OF THE PLATEFORM
III.3. TRIFLEX
III.4. MEASURMENT CAMPAIGN
III.5. RESULTS
III.6. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
CONTINUOUS MONITORING OF CANOPY LEVEL SUN-INDUCED CHLOROPHYLL FLUORESCENCE DURING THE GROWTH OF A SORGHUM FIELD
INTRODUCTION
III.7. MATERIALS AND METHOD
III.8. RESULTS
III.9. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
III.10. CONCLUSION DU CHAPITRE III
CHAPITRE IV EFFET DE LA REFLECTANCE BIDIRECTIONNELLE SUR LA MESURE PASSIVE DE FLUORESCENCE
IV.1. INTRODUCTION
IV.2. MATERIEL ET METHODES
IV.3. RESULTATS ET DISCUSSION
IV.4. MODELISATION
IV.5. SIMULATION
IV.6. MANIPULATION DU MODELE D’INTERCEPTION
IV.7. CONCLUSION
REFERENCES
CHAPITRE V LA FLUORESCENCE A 760NM COMME ESTIMATEUR DE L’ASSIMILATION DE CO2.
V.1. INTRODUCTION
V.2. COMPARAISON ENTRE MESURES ACTIVES ET PASSIVES DE FLUORESCENCE
V.3. ETUDE DE LA RELATION ENTRE FLUORESCENCE ET ECHANGES GAZEUX
V.4. CONCLUSIONS
REFERENCES
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
ANNEXE A : CALCUL DU FLUX DE FLUORESCENCE ET DE LA FRACTION DE FLUORESCENCE AVEC TRIFLEX
ANNEXE B : MESURE DE L’ECLAIREMENT ET CALCUL DE L’ESTIMATEUR DE LA FRACTION DE RAYONNEMENT DIFFUS
ANNEXE C : EQUATIONS DE DETECTION DE TRIFLEX ET LASERPAM
BIBLIOGRAPHIE GENERALE

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