Séparé de l’Afrique et de l’Asie pendant la dérive de continent, Madagascar constitue « un sanctuaire de la nature ». La grande île abrite une richesse faunistique et floristique extraordinaire. Ses espèces présentent une forte endémicité lui conférant d’une importance mondiale en termes de biodiversité. Pourtant, cette biodiversité malgache est menacée d’extinction. La forêt naturelle est victime des pressions humaines. Le pays est classé en troisième position après les Andes tropicales et la Méditerranée en termes d’hotspot (Mittermeier et al, 2005). Des espèces animales et végétales ont disparues et ne sont pas retrouvées dans leurs sites originels suite à une perte annuelle de 200 000 hectares de surface boisée. Pour les primates, malgré une endémicité exceptionnelle, beaucoup d’espèces n’existent plus, actuellement, que sous formes fossiles (Mittermeier et al, 1994).
Ainsi, suite aux activités dévastatrices et des exploitations forestières non maîtrisées depuis longtemps dans le pays, les pertes biologiques s’aggravent d’année en année. Cela montre que la conservation de la biodiversité constitue une urgence à Madagascar. Pour cette conservation, différentes activités sont entreprises à travers des programmes et projets. D’innombrables organismes et diverses institutions nationaux et internationaux sont mobilisés dans différentes zones, dans des aires protégées ainsi que des réserves naturelles et spéciales du territoire malgache. L’ensemble de toutes les activités relatives à la conservation est géré par Madagascar National Park ou MNP. L’ICTE ou Institute Conservation for Tropical Environment figure parmi les institutions qui exercent ses activités dans différentes zones de Madagascar, en particulier dans le Parc National de Ranomafana. Un centre de recherche y a été créé pour une collaboration et un échange multinationaux.
Le Parc National de Ranomafana présente une particularité faunistique et floristique caractéristique de la forêt dense humide. Il renferme des forêts intactes, sélectivement abattues et intensément touchée par l’activité humaine. Cela lui confère d’une importance particulière à l’étude de l’influence du changement environnemental sur la survie des espèces de lémuriens comme Eulemur rubriventer.
PARC NATIONAL DE RANOMAFANA
Situation géographique et topographique
Le Parc National de Ranomafana se trouve dans la partie Sud-Est des Hautes Terres Centrales de Madagascar, dans la circonscription administrative de la Région de Vatovavy Fitovinany. Situé à 65 km à l’Est de la ville de Fianarantsoa, il est traversé par la route nationale 25 vers la région du Sud-Est et le fleuve de Namorona. Ce parc délimite une surface de 41 601 ha (PLANGRAP, 2001). C’est le 4ème Parc National de Madagascar après Sa création du 27 mai 1991 suivant le décret 91-250 (Grenfell, 1995). Le relief présente des montagnes et des chaînes de collines à pente abrupte de 35 à 45° intercalés par des ruisseaux. La région présente deux hautes montagnes ; au Sud se trouve le mont de Maharira (1314 m) et au Nord celui de Vohidratina (1313 m) (Grenfell, 1995). La présence de la falaise orientale dite falaise d’Angavo permet de trouver une dénivellation comprise entre 400 à 1417 m. Elle s’étend en direction NNW et SSE (Figure 1, page 6). Il existe également une faille sinusoïdale ou paliers de faille qui la relie avec la côte-Est malgache (Petit, 1987).
Parcelle 1
C’est la partie la plus au Nord et la plus grande qui couvre 25.260 ha. Comme c’est le secteur le plus éloigné, il est le plus épargné à l’activité humaine. Cette parcelle contient deux types de forêts primaires. La plus au Nord est une section relativement large de forêts humides primaires non perturbées. Au Sud, une petite section de forêts humides primaires peu perturbées fournit une composition différente d’habitat qui reçoit moins de précipitations et contient des centaines d’espèces d’orchidées. Des formations marécageuses couvertes de Pandanus et de joncs sont également présentes dans cette partie Sud de la parcelle.
Parcelle 2
Cette partie est la plus à l’Ouest et la plus petite couvrant une étendue de 1.613 ha et se trouve sur le haut plateau. Des forêts ombrophiles à hautes altitudes composent cette section. Des plantations de pins et d’eucalyptus bordent cette parcelle à l’Ouest.
Parcelle 3
C’est la partie la plus au Sud s’étalant sur une superficie de 13.740 ha. C’est la parcelle la plus exploitée. La grande majorité des recherches faites dans le parc ont été menées dans cette parcelle. La principale station de recherche située à Talatakely est construite en pleine forêt secondaire, avec deux stations satellites, Vatoharanana et Valohoaka, établies en forêt primaire. La première zone touristique se trouve dans cette parcelle. Il s’agit principalement d’une forêt secondaire caractérisée par l’abondance de goyaves et de bambous. D’où la facilité d’observer les lémuriens nourrissant de bambous et de goyaves. Une grande section de forêts primaires non perturbées est située dans la partie Sud dont une section au Sud-Est constitue l’unique habitat de Varijatsy ou Varecia variegata variegata.
Climat
La région de Ranomafana fait partie de la région orientale pluviale de Madagascar. Son climat est typiquement tropical humide (Donque, 1975).
Température
La température moyenne annuelle est de 11,9 à 26,42° C avec un minimum de 7° C en août et un maximum de 31,8° C en novembre (Balko, 1998). Sur l’année, deux périodes sèches caractérisent la région ; l’une aux mois de mars à mai et l’autre au mois de novembre .
Pluviométrie
La précipitation moyenne annuelle est de 2600 m avec près de 200 jours de pluies par an. L’humidité relative est comprise entre 45 et 98%. Le régime pluvial de Ranomafana humidifie la région pendant toute l’année. Cependant, l’hiver correspond à la faible pluviosité mensuelle variant de 4,23 à 13,54 mm avec une moyenne de 8,43 mm.
Hydrologie
La rivière de Namorona prend sa source dans le parc. Sa chute alimente la centrale hydroéléctrique de la JIRAMA (Jiro sy Rano Malagasy) pour l’approvisionnement électrique de la partie Sud-Est de Madagascar. Cette rivière est le plus grand réservoir hydrique de cette région (Grenfell, 1995) conférant son importance économique.
Géologie et sol
Les sols du parc sont généralement pauvres à cause de l’acidité élevée (pH 3,6 à 5) et l’appauvrissement en nutriments (Grenfell, 1995). Deux types de formations marquent la région ; l’une à gneiss et migmatite et l’autre à granites rubanés et œillets. Les sols sont latéritiques avec un horizon superficiel jaune souvent observé dans les parties dégradées. En zone forestière, les sols humifères noirâtres sont sensibles à l’érosion (Grenfell, 1995).
Faune
Beaucoup d’auteurs ont fait l’inventaire de tous les animaux présents dans le parc mais les formes présentées suivantes sont compilées essentiellement des travaux de Petter et al en 1977, de Tattersall en 1982, de D. Overdorff depuis 1988 ainsi que celui de Terborgh, J. et Wright en 1994. Les lémuriens sont les mammifères les plus observés dans le parc. Il en existe douze espèces. La forêt pluviale de Ranomafana est un site exceptionnel pour quelques espèces de lémuriens et plus particulièrement pour Hapalemur aureus et Hapalemur simus qui comptent parmi les espèces de lémuriens les plus rares. Le lémurien doré Hapalemur aureus découvert en 1986 fut à l’origine de la création du parc (Wright, 1994). Hapalemur simus, considéré disparu, a trouvé être réfugié dans la région et a réussi à subsister jusqu’à maintenant. Les lémuriens les plus représentés sont le propithèque ou Propithecus diadema edwardsi, le lémurien à ventre roux ou Eulemur rubriventer, le lémurien fauve ou Eulemur fulvus rufus, et le petit hapalemur ou Hapalemur griseus griseus. Les espèces nocturnes sont représentées par Avahi laniger laniger, Lepilemur microdon, Microcebus rufus et Cheirogaleus major et l’Aye-Aye ou Daubentonia madagascariensis.
Les carnivores comptent six espèces dont Fossa fossana, Cryptoprocta ferox et Galidia elegans sont les plus abondantes.
Les insectivores renferment onze espèces incluant Tenrec ecaudatus, Hemicentetes nigriceps et H. semispinosa et Setifer setosus.
Les Chiroptères ou Chauves-souris présentent huit espèces dont Myzopoda aurita, une chauve-souris rare à pied-ventouse, n’existe qu’à Madagascar.
Les Rongeurs endémiques rencontrés dans le parc comptent six espèces de la famille des Cricetidae. La présence de Nesomys rufus ou Tsangiala, du voalavofotsirambo est caractéristique.
De plus, l’avifaune est d’une richesse extrême et quelques espèces rares comme Accipiter henstii, Mesitornis unicolor, Brachypteracias leptosomus, Atelornis crossleyi, Caprimulgus enarratus, Phyllastrephus cinereiceps, Dromaeoceras seebohmii, Crossleya xanthophrys et Xenopirostris polleni sont bien représentées. 114 des 257 espèces d’oiseaux de Madagascar se trouvent dans la région de Ranomafana dont la majorité sont endémiques. Une trentaine d’espèces existent exclusivement dans la forêt primaire. Cinq des familles endémiques d’oiseaux y sont toutes représentées, y compris neuf des quatorze espèces de Vangidae et quatre des cinq espèces de Brachypteraciidae. Les rares espèces reconnues dans le monde sont trouvés là-bas. Ce sont Mesitornis unicolor, Brachypteracias squamiger, Neodrepanis hypoxantha, et Xenopirostris polleni.
Enfin, trente six espèces de reptiles dont dix espèces de lézards, douze espèces de caméléons et quatorze espèces de serpents sont actuellement connues dans le parc.
Quarante et une espèces d’amphibiens sont observées dans la région de Ranomafana. La population de grenouilles est particulièrement remarquable pour sa diversité en espèces de Mantidactylus et de Mycrohylidées. Mantella baroni et madagasariensis sont réfugiés à l’intérieur du parc, Mantella bernardi peut être observé en zone périphérique.
Six espèces de poissons sont présentes, en particulier, Bedotia sp. (ou Jono) découverte en 1994. Les anguilles et Paratilapia (ou Soafony ou Marakely) sont présents également.
Soixante et quatorze espèces d’insectes sont rencontrées à Ranomafana. Il est possible que 30% à 90% des autres groupes d’insectes collectés dans le parc se révèlent être des nouvelles espèces et 95% des espèces d’insectes existant sont endémiques à Madagascar. Parmi les papillons, ils comptent environ 90 espèces, les quatre espèces rares à savoir Graphium endochus, Charaxes cowani, Euxanthe madagascariensis et Acreaea boya sont observées dans la région.
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Table des matières
INTRODUCTION
I- DESCRIPTION DE LA ZONE ET DE LA PERIODE D’ETUDE
I.1. PARC NATIONAL DE RANOMAFANA
I.1.1. Situation géographique et topographique
I.1.1.1. Parcelle 1
I.1.1.2. Parcelle 2
I.1.1.3. Parcelle 3
I.1.2. Climat
I.1.2.1. Température
I.1.2.2. Pluviométrie
I.1.3. Hydrologie
I.1.4. Géologie et sol
I.1.5. Faune
I.1.6. Flore
I.1.7. Peuplement humain
I.2. SITES D’ETUDE
I.2.1. Site de Talatakely
I.2.2. Site de Vatoharanana
I.3. PERIODE D’ETUDE
II- MATERIELS ET METHODES
II.1. MATERIEL BIOLOGIQUE
II.1.1. Systématique
II.1.2. Morphologie
II.1.3. Mode de vie
II.1.4. Mode de locomotion
II.1.5. Régime alimentaire
II.1.6. Menace exercée sur l’espèce
II.1.7. Distribution géographique
II.2. METHODOLOGIE
II.2.1. METHODE DE COLLECTE DE DONNEES
II.2.1.1. Etude du milieu biologique
a- Inventaire floristique
b- Description des arbres
c- Phénologie
II.2.1.2. Suivi de l’animal focal
a- Recherche de groupe
b- Méthode de suivi
c- Observation continue
II.2.1.3. Dénombrement d’individus composant le groupe
II.2.2. METHODE D’EXPLOITATION DE DONNEES
II.2.2.1. Structure et composition de la forêt
a- Abondance relative des arbres
b- Répartition des arbres
c- Disponibilité de nourritures
II.2.2.2. Mode de vie
a- Rythme d’activités
b- Utilisation de la forêt
c- Taille du groupe
III- RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III.1. DESCRIPTION DE LA VEGETATION
III.1.1. Abondance relative des espèces végétales
III.1.2. Caractères physiques des arbres
III.1.2.1 Hauteur des arbres
III.1.2.2.DHP des arbres
III.1.3. Arbres dortoirs
III.1.4. Disponibilité alimentaire
III.1.4.1. Arbres sources de nourritures
III.1.4.2. Caractères physiques des arbres
III.2. UTILISATION DES ARBRES
III.2.1.Utilisation des arbres pour les repos
III.2.1.1. Arbres dortoirs
III.2.1.2. Arbres sources de nourritures utilisés comme dortoirs
III.2.1.3. Hauteur des arbres où s’effectue le sommeil
III.2.2. Utilisation des arbres en alimentation
III.2.2.1. Arbres sources de fruits
III.2.2.2. Arbres sources de feuilles
III.2.2.3. Hauteur des arbres où s’effectue la prise de nourritures
III.3. MODE DE VIE
III. 3.1. Rythme d’activités
III.3.2. Repos
III.3.3. Recherche de nourritures et alimentation
III.3.4. Correspondance des variables
III.3.4.1. Changement de repos
III.3.4.2. Changement des activités
III.3.5. Densité
IV- DISCUSSION
IV.1. Le contenu en espèces végétales
IV.2. La cathéméralité de l’animal
IV.3. Les caractères de l’animal sensibles à la déforestation
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES