Influence de la microstructure sur les micromécanismes de déformation en fluage dans le superalliage AD730TM

Dans les domaines de l’aéronautique et du spatial, les matériaux utilisés doivent posséder certaines propriétés physiques particulières (résistance mécanique, résistance thermique, masse volumique,) en fonction de leur rôle dans la structure de l’avion. Les superalliages sont les seuls matériaux adaptés pour les parties critiques des moteurs d’avion. Ils se retrouvent ainsi au niveau des disques et aubes de turbines, des disques de compresseurs et dans les chambres de combustion. Depuis une trentaine d’années, des études sont menées pour comprendre et tenter d’améliorer les propriétés mécaniques des superalliages à base de nickel. En effet, l’objectif de l’industrie aérospatiale est d’augmenter les températures d’entrées de turbines afin d’accroître le rendement des moteurs. Cependant, les superalliages actuellement en service ont atteint leurs limites d’utilisation en termes de contrainte et de température, et ceci malgré l’évolution de la composition chimique, l’optimisation des microstructures et les innovations dans les procédés de fabrication.

Pour répondre au besoin de matériaux résistants à plus haute température, Aubert & Duval a breveté, en 2009, puis développé, en 2011, un nouveau superalliage polycristallin base nickel nommé AD730TM. Ce superalliage élaboré par voie « coulée/forgée » sera destiné à la fabrication des disques de turbines des futurs turboréacteurs pour application civile. Il devra répondre au cahier des charges de chargements complexes qui combinent des chargements de type fatigue, fluage et traction/compression monotone à haute température. Grâce à de nombreuses études, il a été possible d’élaborer un superalliage innovant dans la mesure où les propriétés mécaniques de l’AD730TM sont proches de celles de l’Udimet 720 et supérieures à celles de l’Inconel 718 et 718 plus. D’autre part, la température maximale d’utilisation de l’AD730TM de 700°C est supérieure aux superalliages élaborés par métallurgie des poudres déjà utilisés dans l’aéronautique.

Si le comportement mécanique de superalliages pour disque a été largement étudié par le passé dans une large gamme de sollicitations mécaniques et de températures, les données présentes dans la littérature ouverte sur les mécanismes de déformation sur l’AD730TM sont insuffisantes en raison de son récent développement. On peut néanmoins s’attendre à ce que ses propriétés mécaniques soient très dépendantes de paramètres microstructuraux tels que la taille et la distribution spatiale des grains, et des caractéristiques des précipités durcissants γ’ (taille, distribution, chimie). Des études antérieures sur les superalliages N18, NR3 et UdimetTM 720Li ont montré que l’état de précipitation contrôle le comportement mécanique de ce type d’alliages lors d’essais de fluage menés autour de 700°C. Par ailleurs, durant les cycles de vol, cet alliage va subir différentes sollicitations thermomécaniques qui peuvent entraîner des modifications microstructurales et qu’il convient d’analyser afin d’identifier quelles peuvent être les répercussions de ces évolutions microstructurales sur les propriétés en fluage. Il est donc important, à la fois d’un point de vue fondamental et d’un point de vue applicatif, de mener des études à l’échelle microscopique sur ce nouvel alliage pour apporter des éléments de compréhension sur la relation microstructure propriétés en fluage.

Les superalliages base nickel 

Historique

Les premiers superalliages apparaissent dans les années 30 grâce aux travaux de C.E Guillaume [Guillaume, 1922]. En modifiant les rapports Fe/Ni il réussit à ajuster les coefficients de dilatation et le module d’élasticité d’aciers Fe-Ni. Ce développement se fait simultanément en Europe (Angleterre, Allemagne, France) et aux États-Unis en raison des besoins d’alliages plus résistants à haute température pour les turbomachines. En 1929, Pierre Chevenard ajoute des éléments tels que l’aluminium, le titane aux alliages à base fer ou nickel et observe une amélioration des propriétés mécaniques [Chevenard, 1930]. Le Nimonic 80 fait partie des premiers superalliages développés à partir des alliages Ni20%Cr dans les années 40. Ce superalliage est durci par précipitation de la phase γ’. Les superalliages qui ont suivi ont été développés par :
• l’augmentation de la proportion de γ’
• la diminution de la teneur en chrome
• l’ajout de molybdène, de tungstène, de bore et de zirconium.

C’est avec l’apparition de premières générations de turboréacteurs et la nécessité d’augmenter sans cesse les performances de ces derniers que l’utilisation des superalliages commence à se développer. Ces alliages haute performance possèdent sur un large domaine de température :
• une excellente résistance mécanique,
• une bonne résistance au fluage.
• une bonne tenue à l’oxydation et à la corrosion.

Ainsi malgré leur grande densité (8907 Kg/m3 contre 2696 Kg/m3 pour l’aluminium à température ambiante), les superalliages sont devenus des matériaux structur aux indispensables dans de nombreux domaines et notamment dans l’aéronautique. Dans les parties chaudes des turboréacteurs, les superalliages base nickel sont utilisés pour la fabrication d’aubes et de disques de turbines . Dans leurs premières versions, ces deux composants étaient élaborés dans le même alliage. Toutefois, en service, les aubes et les disques ne subissent pas les mêmes contraintes thermomécaniques. Ces différences expliquent le fait que les matériaux utilisés pour la confection des aubes et des disques de turbines ont connu des évolutions distinctes.

Lors de la conception des moteurs, une attention particulière est portée sur la Température d’Entrée de Turbine (TET), car plus elle est élevée, plus le moteur sera performant. Ces augmentations de la TET ont conduit à la recherche de l’amélioration de la résistance en température des aubes et des disques.

Les températures en tête des aubes peuvent atteindre 1000°C pour des contraintes de 300 MPa alors que le pied est porté à 650°C et les contraintes locales peuvent y atteindre les 1200 MPa.

L’évolution de la tenue en température des aubes s’est d’abord faite par l’introduction d’un système de refroidissement interne dans les années 60 dont fut équipé le Conway [Bowmer, 1961]. De plus, la protection des aubes par des barrières thermiques permet également de diminuer les températures à leur niveau. L’augmentation de la résistance des aubes a également été obtenue grâce à la modification de leur microstructure. En effet, la solidification dirigée des grains colonnaires a été développée à partir des années 70 diminuant ainsi l’endommagement par fatigue tout en améliorant la résistance en fluage. Dans les années qui ont suivi, la tenue en température des aubes augmente encore grâce à l’élaboration de monocristaux à solidification dirigée qui permet d’éliminer les joints de grain. Une autre voie d’amélioration a été obtenue grâce aux évolutions de la composition chimique (ajout de rhénium et/ou ruthénium) qui ont entraîné l’apparition de plusieurs générations de superalliage [Sims, 1984]. Lors des phases de « démarrage – vol – arrêt » qui correspondent à des sollicitations de type fatigue fluage, les contraintes peuvent varier entre 600 et 1000 MPa en fonction du régime moteur près des disques de turbines. La tenue en température, fatigue, fluage et en traction est donc essentielle afin de garantir la survie de la structure. Ces propriétés ont été obtenues grâce à l’élaboration de nouvelles nuances de superalliages possédant des compositions chimiques optimisées. De plus, l’évolution des procédés d’élaboration du forgeage vers la métallurgie des poudres (MdP) et l’amélioration des techniques de traitement thermique (qui permettent de limiter la pollution de l’alliage par des éléments qui le fragilisent et d’affiner la structure) ont permis l’augmentation des propriétés mécaniques des disques [Astm, 1997]. Cependant, l’amélioration de la résistance en température des superalliages est toujours d’actualité, avec la problématique supplémentaire de réduire l’émission d’oxyde d’azote (NOx) et de baisser la consommation des moteurs d’avion afin de réduire l’empreinte carbone des turboréacteurs.

Propriétés des phases 

Les superalliages base nickel peuvent être durcis par précipitation γ/γ’, γ/γ’’ ou par solution solide. Dans ce manuscrit, nous allons nous concentrer sur les superalliages durcis par γ/γ’. Les superalliages durcis ainsi sont constitués d’une matrice de structure cubique à faces centrées qui forme une phase continue dans laquelle précipite la phase γ’ ordonnée à longue distance de structure L12 de type Ni3(Al, Ti).

Les propriétés de ces deux phases influent sur le comportement général de l’alliage. Peu d’études ont été réalisées sur la phase γ seule, or, elle joue un rôle durcissant, car c’est principalement dans cette phase que naissent et se propagent les dislocations [Pettinari, 2001]. Beardmore a montré que le rôle de la phase γ’ est d’améliorer les propriétés mécaniques de l’alliage. En effet, la présence de cette phase ralentit le mouvement des dislocations ce qui a pour conséquence de durcir l’alliage grâce à son caractère ordonné [Beardmore, 1969]. Cet auteur fait partie des premiers à s’être intéressé au rôle des deux phases dans les superalliages. En représentant la variation de la limite élastique à 0,2% de déformation en fonction de la température cet auteur montre les propriétés mécaniques de la phase γ seule, la phase γ’ seule puis celles de l’alliage avec différentes fractions volumiques de γ’ [Beardmore, 1969]. À température ambiante, les propriétés mécaniques de la phase γ sont légèrement supérieures à celle de la phase γ’. Mais lorsque la température augmente, le phénomène inverse est observé. En effet, les propriétés mécaniques de la phase γ’ s’améliorent avec la température jusqu’à 900 °C, alors que celles de la phase γ s’altèrent. Ces résultats montrent également qu’au-dessus de la température correspondant au pic de la limite d’élasticité, la limite d’élasticité de l’alliage biphasé obéit à une loi des mélanges. Toutefois, à basse température, le comportement des deux phases est plus élevé que celui prédit par la loi des mélanges.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. LES SUPERALLIAGES BASE NICKEL
I.1.a. Historique
I.1.b. Propriétés des phases
I.1.c. Effets des éléments chimiques
I.1.d. Relation entre les traitements thermiques et les propriétés en fluage
i. Relations entre les traitements thermiques et la microstructure
ii. Relation entre la microstructure et les propriétés en fluage
I.2. LES DEFAUTS DANS LES SUPERALLIAGES
I.2.a. La phase γ
i. Les défauts linéaires
ii. Les défauts plans
I.2.b. La phase γ’
i. Les défauts linéaires
ii. Les défauts plans
I.2.c. Les défauts de super-réseau dans γ et γ’
I.2.d. Les Macles et Micromaclage
I.2.e. Le glissement dévié et la montée
I.3. DURCISSEMENT STRUCTURAL DANS LES SUPERALLIAGES
I.3.a. Contournement
I.3.b. Cisaillement avec création d’une paroi d’antiphase
I.3.c. Aspect théorique du durcissement dans les superalliages
I.3.d. Bilan des mécanismes de déformation
I.4. LE SUPERALLIAGE AD730TM
I.4.a. Objectifs du développement
I.4.b. Optimisation de l’AD730TM
i. Composition chimique
ii. Microstructure
I.4.c. Influence des traitements thermiques sur l’AD730TM
i. Influence de la mise en solution
ii. Influence du refroidissement depuis la mise en solution
iii. Influence du traitement thermique
I.5. CONCLUSION
CHAPITRE II : MATERIAU ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES
II.1. MATERIAU ETUDIE
II.2. MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE EN TRANSMISSION EN MODE CONVENTIONNEL
II.2.a. Préparation des échantillons
II.2.b. Observations en mode conventionnel
II.2.c. Essais de traction in situ
II.2.d. Analyse quantitative de la microstructure
i. Caractérisation de la microstructure de précipitation
ii. Orientation cristallographique des grains
II.3. ANALYSES CHIMIQUES LOCALES PAR SPECTROSCOPIE EDX ET EELS
II.3.a. Analyses EDX
II.3.b. Analyses EELS
II.3.c. Synthèse
CHAPITRE III : EFFET DE LA TAILLE DES GRAINS ET DE LA CONTRAINTE SUR LES MICROMECANISMES DE DEFORMATION
III.1. PRESENTATION DE LA PROBLEMATIQUE
III.1.a. Comportements macroscopiques – effet de la taille des grains
III.1.b. Comportements macroscopiques – effet de la contrainte appliquée
III.2. PRESENTATION DES ECHANTILLONS
III.2.a. Échantillons à microstructure GF
i. Traitements thermiques
ii. Microstructure de précipitation : précipités secondaires
III.2.b. Échantillons à microstructure GG
i. Traitements thermiques
ii. Microstructure de précipitation
III.3. MICROMECANISMES DE DEFORMATION
III.3.a. Échantillons à microstructure GF
i. Essais de fluage sous 600 MPa
ii. Essais de fluage sous 850 MPa
iii. Synthèse
III.3.b. Échantillons à microstructure GG
i. Essais de fluage sous 600 MPa
ii. Essais de fluage sous 850 MPa
iii. Synthèse
III.4. BILAN SUR LES MICROMECANISMES DE DEFORMATION OBSERVES
III.4.a. Micromécanismes de déformation dans les précipités γ’ primaires
III.4.b. Micromécanismes de déformation dans les grains
III.5. EFFET DE LA TAILLE DES GRAINS SUR LES MICROMECANISMES DE DEFORMATION
III.6. EFFET DE LA CONTRAINTE SUR LES MICROMECANISMES DE DEFORMATION
III.6.a. Approche quantitative des micromécanismes de déformation
III.6.b. Comparaison des micromécanismes de déformation sous 600 MPa et 850 MPa des microstructures GF
III.6.c. Comparaison des micromécanismes de déformation sous 600 MPa et 850 MPa des microstructures GG
i. Facteur de Schmid
ii. Désorientation cristallographique
iii. Synthèse – Discussion
III.7. CONCLUSIONS
CONCLUSION GENERALE

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