Influence de la matière organique naturelle sur la spéciation des lanthanides trivalents

Les activités anthropiques entrainent une pollution des eaux naturelles et des sols par rejets de contaminants. Il est primordial de contrôler les rejets de produits ayant une toxicité pour la faune et la flore, comme les métaux lourds ou les polluants organiques. Afin de pouvoir faire de la remédiation d’environnements pollués, il est également nécessaire d’avoir une meilleure compréhension du comportement des polluants dans les milieux naturels.

Les terres rares, et principalement les lanthanides (Ln), sont devenus un enjeu mondial majeur du fait de leur utilisation toujours croissante dans de nombreux domaines :
✦ dans l’industrie électronique : dans les écrans plats, téléphones portables, disques durs,
✦ dans le domaine de l’imagerie médicale où beaucoup de produits de contraste sont à base de terres rares,
✦ pour des applications militaires telles que les appareils de vision nocturne ou pour la télémétrie.

Leur importance dans la transition énergétique est centrale puisque certains lanthanides sont utilisés pour la fabrication d’aimants permanents pour les éoliennes, de lampes basse consommation ou pour la construction de batteries pour voitures hybrides (Binnemans et al., 2013). Leur non recyclage – par exemple dans le cas de lampes basse consommation ou des écrans cathodiques – ou leur rejet en sortie d’hôpital peuvent engendrer une pollution des milieux naturels.

Les lanthanides sont présents dans l’environnement à différents degrés d’oxydations – de +II à +IV – mais sont majoritairement présents dans les environnements naturels sous leur degré d’oxydation +III, sous la forme d’ions Ln3+ . Des lanthanides trivalents sont présents dans le cycle nucléaire en tant que produits de fission ou d’activation. Ces éléments sont aussi de bons analogues chimiques des actinides mineurs au degré d’oxydation +III, tels que le curium(III), l’américium(III) ou le plutonium(III). L’énergie nucléaire est une source d’énergie importante dans le monde et la première source d’énergie électrique en France. Le devenir des polluants issus du cycle de l’énergie nucléaire est important puisqu’il est possible de les retrouver dans l’environnement et les organismes vivants (Maloubier et al., 2015), suites aux retombées des explosion nucléaires à Nagasaki (Fujikawa et al., 1999), comme dans le cas de l’accident de Tchernobyl en 1986 (Agapkina et al., 1995) et de Fukushima en 2011 (Xu et al., 2016), ou lors de relargage d’un site de stockage de déchets nucléaires (Litaor et al., 1998; McCarthy et al., 1998a; McCarthy et al., 1998b; Santschi et al., 2002). Les projets de stockage géologique profond de déchets nucléaires – comme le projet français Cigéo* qui est en phase préindustrielle depuis 2011 et en attente d’autorisation pour 2020 – sont considérés dans différents pays – Belgique,† États-Unis, France, Japon, Suisse,‡ Suède,§ Finlande pour les projets les plus avancés – pour gérer à long terme les déchets radioactifs. Dans le cas d’un relargage de ces radionucléides par les colis de stockage, l’eau présente dans la roche hôte – pour le transport dans la géosphère – puis les sols – dans le cas du transport dans la biosphère – est un vecteur de migration de ces éléments. Les radionucléides seraient impactés par les colloïdes présents dans les milieux naturels qui possèdent des surfaces spécifiques importantes et des capacités d’adsorption/complexation élevées. Les lanthanides et actinides au degré d’oxydation +III peuvent soit se lier à la matière organique dissoute et migrer avec l’eau (Artinger et al., 1998; McCarthy et al., 1998a; McCarthy et al., 1998b), soit voir leur mobilité diminuée s’ils se fixent sur les phases minérales présentes dans les sols ou dans les aquifères (Crançon & Van der Lee, 2003; Crançon et al., 2010). Les études du devenir des radionucléides dans l’environnement sont donc primordiales pour la maîtrise de risques de ces installations. Ces études sont fondées sur la spéciation des radionucléides dans les milieux naturels, c’est-à-dire la répartition entre les différentes formes chimiques de ces éléments (Nordberg et al., 2004).

Réactivité de la matière organique naturelle

La matière organique naturelle (MON) est une des composantes majeures des eaux naturelles de surface et souterraines. La MON est issue de la décomposition du vivant et est composée d’une fraction provenant des résidus de plantes, d’une fraction de biomasse de sol et d’une fraction d’humus stable .

Substances humiques

La fraction humique de la MON comporte des substances organiques de poids moléculaire relativement élevés. Ces substances humiques sont des colloïdes, c’est-à-dire des molécules ou objets poly-moléculaires ayant, au moins dans une direction, une dimension comprise entre 1 nm et 1 μm d’après la définition IUPAC (Everett, 1972). Les colloïdes sont des particules qui restent en suspension du fait de leur mouvement brownien et dont la réactivité dépend des paramètres physico-chimiques du milieu.

Les substances humiques (SH) représentent une part importante du cycle global du carbone et constituent la majeure partie du carbone organique dans les eaux : jusqu’à 60% du carbone organique dissous (COD) dans la majorité des eaux, et jusqu’à 90% du COD dans les tourbières (Thurman, 1985). Les SH peuvent donc être considérées comme représentatives de la matière organique naturelle .

Les substances humiques peuvent être définies comme :
→ « Un ensemble de substances de poids moléculaire relativement élevé, et formé par des réactions de synthèse secondaire » (Stevenson, 1982).
→ « Une catégorie de substances organiques naturelles, d’origine biologique et hétérogène, qui peut être généralement caractérisée comme étant de couleur jaune et noire, de haut poids moléculaire » (Aiken et al., 1985). Ces définitions étant imparfaites, les SH sont généralement classées en trois grands types utilisant des définitions opérationnelles relatives aux conditions utilisées pour leur extraction respective (Aiken et al., 1985) :
→ Les acides fulviques (AF), solubles quel que soit le pH ;
→ Les acides humiques (AH), insolubles à pH < 2 ;
→ L’humine qui est la fraction insoluble quel que soit le pH.

Cependant, le traitement chimique alcalin appliqué pour ces extractions permet également d’extraire des parties de fractions de sol qui ne sont pas destinées à être inclus dans les «substances humiques», telles que la biomasse vivante, des biomolécules simples ou des racines en décomposition. Le traitement alcalin à pH 13 va permettre l’extraction de composés qui ne se dissocient habituellement pas dans l’intervalle de pH des sols (pH 3,5 à pH 8,5). Les fractions « humiques » et «fulviques» qui en résultent ont donc probablement une réactivité chimique exagérée.

Composition

Les éléments majoritairement présents dans les substances humiques sont le carbone (40 à 60 % de la masse totale), l’oxygène (35 à 45 %), l’hydrogène (de l’ordre de 5 %), l’azote (1 à 5 %) et le soufre (moins de 2 %). Les rapports élémentaires hydrogène/carbone et oxygène/carbone permettent d’identifier l’origine (aquatique ou sédimentaire) et l’aromaticité des substances humiques (Rice & MacCarthy, 1991). Les SH ayant un rapport H/C proche de 1 ont un caractère aromatique alors qu’un rapport proche de 2 révèle un caractère aliphatique.

Structure et taille

Les substances humiques sont chimiquement complexes et hétérogènes : elles sont polydisperses et polyfonctionnelles. Ce sont des mélanges composites, constitués de composants aromatiques et aliphatiques multifonctionnels. Les SH présentent de nombreux groupements fonctionnels : carboxyliques, alcools et phénols, amines, amides, soufrés, carbonyles (Buffle, 1988). Du fait de leur hétérogénéité et de leur complexité, il est très difficile de définir leur structure qui est fortement liée à leur réactivité.

La structure des substances humiques a longtemps été considérée comme le résultat de réactions de polymérisation secondaires lors de la dégradation du vivant (Stevenson, 1982). Les substances humiques sont alors considérées comme des complexes polyélectrolytiques (Ghosh & Schnitzer, 1980). Une autre description propose que les substances humiques sont des agrégats de molécules plus petites (Wershaw, 1993; Piccolo et al., 1996; Wershaw, 1999; Simpson et al., 2001) dont la cohésion est assurée par des interactions de faible énergie et/ou des liaisons hydrogènes (Conte & Piccolo, 1999), avec une structure fractale (Wershaw et al., 1967; Österberg & Mortensen, 1992; Rice & Lin, 1993; Rice et al., 1999; Redwood et al., 2005).

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Table des matières

Chapitre I : Introduction
1. Avant-propos
2. Réactivité de la matière organique naturelle
2.1. Substances humiques
2.2. Composition
2.3. Structure et taille
2.3.1. Comparaison des études structurales
2.3.2. Influence des cations
2.4. Propriétés
2.4.1. Propriétés optiques
2.4.2. Propriétés acido-basiques
3. Interactions entre substances humiques et métaux
3.1. Nature des interactions
3.2. Modélisation
3.2.1. Le modèle de Donnan
3.2.2. Modèle NICA (Non-Ideal Competitive Adsorption model)
3.2.3. Données génériques
4. Spéciation des lanthanides
4.1. Choix du lanthanide d’étude : chimie de l’europium(III)
4.2. Spectroscopie de Eu(III)
5. Spéciation de l’europium(III) dans l’environnement
5.1. Complexation avec les SH
5.2. Considérations sur les paramètres NICA-Donnan pour les Ln et An(III)
5.3. Systèmes ternaires
6. Étude de la spéciation de l’Eu(III) : principe de la spectrofluorimétrie laser à
résolution temporelle (SLRT)
6.1. Description de la SLRT
6.2. Montage expérimental
7. Objectifs de la thèse
8. References
Chapter II: Eu(III)-Fulvic Acid Complexation: Evidence of Fulvic Acid Concentration Dependent Interactions by Time-Resolved Luminescence Spectroscopy
1. Résumé
2. Abstract
3. Introduction
4. Materials and methods
4.1. Reagents and Chemicals
4.2. Time-Resolved Luminescence Spectroscopy
4.3. Modeling
5. Results and discussion
5.1. Spectroscopic data
5.2. Decay time evolutions
5.3. Effect of ionic strength
5.4. Simulation and modeling
5.5. Eu(III)-SRFA interactions
6. References
7. Supporting information
Chapter III: Size Evolution of Eu(III)-Fulvic Acid Complexes with pH, metal and SRFA concentrations by Taylor Dispersion Analysis
1. Résumé
2. Abstract
3. Introduction
4. Materials and methods
4.1. Reagents and chemicals
4.2. CE instrument
4.3. TDA data treatment
4.4. NICA Donnan model
5. Results and discussion
5.1. Estimated RH with TDA
5.2. Donnan volume calculations
5.3. NICA-Donnan Calculations
5.4. Environmental implications
6. Conclusions
7. References
Chapter IV: Mixed europium(III)-CO3-fulvic acid complex: spectroscopic evidence
1. Résumé
2. Abstract
3. Introduction
4. Materials and methods
4.1. Reagents and Chemicals
4.2. Time-Resolved Luminescence Spectroscopy
4.3. NICA Donnan model
5. Results
5.1. Binary systems
5.1.1. Eu-SRFA binary system
5.1.2. Eu-CO3 binary system
5.2. Eu-CO3-SRFA ternary systems
5.2.1. Eu-CO3-SRFA ternary system with fixed CSRFA
5.2.2. Eu-CO3-SRFA ternary system with fixed [CO3] = 1 mM
5.2.3. Eu-CO3-SRFA ternary system with fixed [CO3]total = 10 mM
6. Discussion
7. References
Chapitre V : Conclusion 

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