Influence de la fatigue musculaire sur le contrôle sensorimoteur du tronc

Modèles de stabilité vertébrale

Le modèle de Bergmark : muscles locaux versus muscles globaux : Vers la fin des années 1980, le Professeur Bergmark a proposé un modèle permettant d’expliquer le contrôle de la stabilité vertébrale par l’action de deux grands groupes musculaires: les muscles locaux et les muscles globaux (Bergmark, 1989). Dans ce modèle, les muscles locaux comprennent les muscles profonds et certaines portions profondes de muscles superficiels qui s’insèrent directement sur les vertèbres. Les muscles locaux ont une influence sur le contrôle intersegmentaire de la colonne vertébrale (relation intervertèbre et position dans l’espace) et sur sa rigidité. Parmi ces muscles locaux, figurent les multifidus, devenus un terme générique englobant tous les muscles des couches profondes de la région lombaire. Bien que la contribution des muscles locaux soit primordiale au contrôle de la stabilité vertébrale, elle n’est pas exclusive. Dans le modèle de Bergmark, les muscles globaux s’insèrent sur le thorax et le pelvis (aucune insertion directe sur les vertèbres et à travers plusieurs segments vertébraux) (Bergmark, 1989).

Ces muscles sont donc responsables du contrôle du mouvement de la colonne vertébrale, et ont le potentiel de réagir aux forces externes. En effet, la ligne d’action des erector spinae a une orientation postérieure et caudale, permettant à ces muscles de générer des forces de translation postérieure avec un moment de force en extension sur les vertèbres supérieures. Ces forces de translation postérieure sont capables de faire face à des forces antérieures souvent produites lors d’une flexion du tronc dans une tâche typique de soulèvement de charge (McGill, 2016). Parmi ces muscles globaux, figurent les muscles superficiels fléchisseurs (rectus abdominis, obliquus internus abdominis et obliquus externus abdominis), et extenseurs du tronc (erector spinae : longissimus, iliocostalis et spinalis). La contribution de ces deux groupes musculaires est nécessaire pour assurer une stabilité adéquate de la colonne vertébrale. Bien que le muscle TrA ne soit pas considéré dans le modèle de Bergmark, son rôle dans la stabilité vertébrale a été largement étudié. De plus, ses caractéristiques anatomiques pourraient l’inclure dans le groupe des muscles locaux. Avec une orientation parallèle de ses fibres musculaires, et ses multiples origines et insertions, le muscle TrA est capable de créer une tension du fascia thoraco-Iombaire et d’augmenter la pression intervertébrale pour augmenter la stabilité du rachis.

Le modèle du cylindre rigide 

Le cylindre rigide est une façon d’expliquer le contrôle de stabilité vertébrale en représentant le tronc comme un cylindre (Hodges, 1999). Le cylindre s’étend du plancher pelvien au diaphragme alors que le mur abdominal profond est formé par le TrA et constitue la paroi antérieure du cylindre (Lee et al., 2008). Le cylindre rigide est donc formé par la co-activation du TrA, du diaphragme et du plancher pelvien. La contribution du TrA dans la stabilité vertébrale a d’abord été suggérée en lien avec une augmentation de la pression intra-abdominale lors de contraction isométrique en extension du tronc, alors qu’une très faible contribution des muscles superficiels fléchisseurs du tronc avait été observée (Cresswell and Thorstensson, 1989). Ces observations suggèrent que le muscle TrA est le principal responsable de l’augmentation de la pression intra-abdominale (Hodges et al., 2001; Crommert et al., 2011). Aussi, la contraction du TrA est responsable de l’augmentation de la rigidité intervertébrale par une mise en tension du fascia thoracolombaire (Tesh et al., 1987; Hodges, 1999). Le TrA a constitué un sujet d’investigation très important dans la compréhension des mécanismes stabilisateurs du rachis depuis une vingtaine d’années, notamment sur les délais d’activation du TrA lors de mouvements volontaires affectant la stabilité vertébrale. Certains chercheurs ont observé que lors d’un mouvement volontaire de flexion à l’épaule, l’activation unilatérale du TrA était indépendante de la direction du mouvement ou encore de sa cinétique (Hodges, 1999). Ces observations suggèrent que le muscle TrA contribue donc de façon intersegmentaire au contrôle de la stabilité vertébrale tel qu’observé dans le rôle des muscles locaux proposé par le modèle de Bergmark (1989).

À l’inverse, certains auteurs ont montré que lorsque des participants exécutaient différents mouvements des membres supérieurs (ex. flexion/extension asymétrique des épaules) l’activation bilatérale du muscle TrA était dépendante du type de mouvement (Morris et al., 2013). La contribution unilatérale versus bilatérale du TrA dans le contrôle postural durant des mouvements est incertaine mais une étude in vivo a montré une augmentation de la stabilité vertébrale avec une contraction bilatérale du TrA uniquement (Hodges et al., 2001). Parallèlement à la contribution du TrA dans la stabilité vertébrale, le diaphragme ainsi que le plancher pelvien contribueraient également au contrôle de la colonne vertébrale (Hodges, 1999; Hodges et al., 2007). C’est la co-activation de ces trois structures anatomiques qui serait à l’origine du développement du modèle du cylindre rigide. Bien que le coût énergétique de la co- activation de ces trois structures n’ait jamais été directement mesuré, une augmentation de ce coût est rapportée avec l’augmentation de la rigidité du tronc (Franklin et al., 2004) ou la coactivation des muscles du tronc (van Dieen and Kingma, 2005). Cette stratégie pourrait nuire à la performance motrice à long terme. De façon générale, les muscles globaux et les muscles locaux (ainsi que le muscle TrA) semblent contribuer au maintien d’une stabilité vertébrale efficace. Suite au modèle de Bergmark, un nouveau modèle théorique prenant en compte la contribution des muscles locaux et globaux, ainsi d’autres composantes neuroanatomiques, dans la stabilité vertébrale a été proposé (Panjabi, 1992a).

Modèle de Panjabi La fonction principale des mécanismes de stabilisation du rachis consiste à fournir suffisamment de support à la colonne vertébrale pour prévenir tout changement de la posture du rachis, suite à des perturbations mécaniques et/ou physiologiques, attendues ou inattendues (White and Panjabi, 1978). Pour ce faire, plusieurs sous-systèmes doivent interagir afin de maintenir cet objectif de stabilité vertébrale. Panjabi conceptualise le système de stabilisation du rachis par sa représentation en trois sous-systèmes (Panjabi, 1992a) (Figure 1.3): [l J le système passif comprenant les vertèbres, les articulations facettaires, les disques intervertébraux, les ligaments de la colonne vertébrale, les capsules articulaires et également les éléments passifs du système musculaire, tel que les tendons et le tissu conjonctif, contribue au maintien de la stabilité vertébrale essentiellement en fin d’amplitude de mouvement; [2J le système actif comprenant les muscles entourant la colonne vertébrale basé sur la théorie de Bergmark, suggère que les muscles locaux et globaux jouent un rôle important dans la stabilité vertébrale (Bergmark, 1989) ; [3J le système nerveux qui d’après Panjabi est composé de capteurs de forces et transducteurs de mouvement localisés dans les ligaments, les tendons, les muscles, et les centres de contrôle nerveux (Panjabi, 1992a). La détérioration d’un de ces sous-systèmes peut entrainer l’instabilité du rachis. En 1978, White et Panjabi ont défini l’instabilité vertébrale comme la perte de l’habileté de la colonne vertébrale à maintenir ses patrons de déplacement en présence de charges physiologiques (forces de translation et/ou de rotation) (White and Panjabi, 1978). Pope et Panjabi ont ensuite décrit l’ instabilité comme une perte de rigidité menant à l’augmentation de mouvements altérés de la colonne vertébrale (Pope and Panjabi, 1985).

En présence d’instabilité, les mouvements pourraient donc être altérés de façon qualitative (patrons de mouvement) ou quantitative (augmentation ou réduction de l’amplitude mouvement) (Dupuis et al., 1985). L’amplitude de mouvement physiologique du rachis inclut une zone neutre et une zone élastique (Panjabi, 1992b) (Figure 1.4). La zone neutre est considérée comme la partie initiale d’un mouvement intervertébral, mesurée à partir de la position neutre. Dans cette zone, le mouvement du rachis est exécuté avec une résistance interne minimale. La zone neutre est suivie par la zone élastique, qui s’achève à l’atteinte de la limite physiologique de l’amplitude de mouvement (Panjabi, 1992b). On y retrouve la plus grande résistance au mouvement. La zone élastique est majoritairement contrôlée par les structures passives et les récepteurs sensoriels, lesquels envoient des informations proprioceptives au SNe, qui réplique par des commandes motrices appropriées et coordonnées.

D’après cette théorie, une stabilité optimale de la colonne vertébrale implique une relation modulée entre ces deux zones. Panjabi associe, par la suite, l’instabilité à une augmentation de la taille de la zone neutre dans les limites physiologiques du mouvement du rachis (Panjabi, 1992b). La courbe de gauche représente la relation charge/déplacement au rachis (adaptée de (Panjabi, 1992b)). La courbe de droite représente la relation déformation/tension. La stabilité de la colonne vertébrale peut donc s’expliquer suivant différents modèles théoriques, biomécanique ou encore neuromécanique. Dans cette thèse, le modèle de stabilité vertébrale choisi est celui de Panjabi (1992a). Ce choix est basé sur le fait que ce modèle est le seul à expliquer la stabilité vertébrale par l’ interaction de trois systèmes (actif, passif et nerveux), alors que les deux autres modèles n’ intègrent que le système actif et/ou nerveux. Cependant, le rôle important des structures passives du tronc dans la stabilité vertébrale a été montré (Solomonow et al., 1998; Solomonow et al., 1999). Finalement, cette thèse s’attardera principalement au rôle des muscles superficiels du tronc dans la stabilisation vertébrale et plus spécifiquement, à la contribution des erector spinae, qui n’est pas considérée dans le modèle du cylindre rigide.

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Table des matières

Résumé
Abstract
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Remerciements
Chapitre 1 . Introduction
Concept de stabilité vertébrale
Anatomies et fonctions des muscles paravertébraux
Modèles de stabilité vertébrale
Modèle de Panjabi
Mode de contrôle du mouvement
Contrôle réactif
Adaptation du contrôle réactif: premier essai de perturbation versus répétition de la même
perturbation
Concept de variabilité motrice
Les théories de la variabilité motrice
Variabilité motrice au quotidien
Variabilité motrice du tronc
Outils de mesure de la variabilité motrice
Cinématique
Électromyographie
Électromyographie intramusculaire versus électromyographie de surface
Électromyographie à haute-densité
Fatigue musculaire
Influence de la fatigue musculaire sur le contrôle sensorimoteur du tronc
Influence de la fatigue musculaire sur la stabilité vertébrale
Douleur lombaire expérimentale
Lombalgie
Influence de la douleur lombaire expérimentale sur le contrôle sensorimoteur du tronc.
Influence de la douleur lombaire expérimentale sur la stabilité vertébrale
Déformation des structures passives du système vertébral
Les structures passives du système vertébral
Influence du fluage sur le contrôle sensorimoteur du tronc
Influence du fluage sur la stabilité vertébrale
Variabilité interindividuelle
Objectifs et hypothèses
Chapitre 2 . Méthodes
Participants
Choix de l’ instrumentation
Électromyographie
Cinématique
Protocole pour induire les perturbations du tronc
Protocole pour induire la fatigue musculaire
Protocole pour induire le fluage des structures passives
Protocole pour induire la douleur expérimentale
Chapitre 3 . Article 1 – Effects of muscle fatigue, creep and musculoskeletal pain on neuromuscular responses to unexpected perturbation of the trunk: a systematic review
Résumé
Abstract
INTRODUCTION
MATERIAL AND METHODS
Registration
Search strategy
Eligibility criteria
Study selection
Tools used in the risk of bias assessment
Risk of bias assessment
Data extraction and synthesis
Statistical analyses
RESULTS
Search results
Inter-rater reliability
Quality assessment
Muscle fatigue
Spinal creep
Clinical LBP
DISCUSSION
Quality assessment
Baseline activity
Muscle fatigue effects on spinal stability
Spinal tissue creep effects on spinal stability
Musculoskeletal LBP effects on spinal stability
Limitations
Research recommendations
Chapitre 4. Article 2 – Test re-test reliability oftrunk motor variability measured by largearray
surface electromyography
Résumé
Abstract
INTRODUCTION
MA TERIAL AND METHODS
Experimental protocol
Data Acquisition
Data Analysis
Statistical analyses
RESULTS
Muscle fatigue
Correlations of motor variability variables between session 1 and 2
DISCUSSION
Limitations
Limitations Recommendations for future studies
CONCLUSION
Chapitre 5 . Article 3 – Influence of lumbar muscle fatigue on trunk adaptations during sudden
external perturbations
Résumé
A bstract
INTRODUCTION
MATE RIAL AND METHODS
Recruitment
Experimental protocol
Data Acquisition
Data Analysis
Statistical analysis
RESULTS
Presence oflow back muscle fatigue
First perturbation trial
Trunk kinematic
Baseline activity
Reflex latency
Reflex peak
Reflex spatial distribution
Abdominal reflex activity
DISCUSSION
Methodological considerations
Muscle fatigue effect
Trial-to-trial adaptation·
New insights into motor adaptation to spinal instability
Chapitre 6 . Article 4 – Motor adaptations to trunk perturbation: effects of experimental back
pain and spinal tissue creep
Résumé
Abstract
INTRODUCTION
MATERIAL AND METHODS
Participants
Protocol
Data acquisition
Data analysis
Statistical analysis
RESULTS
Rest Condition
Creep Condition
Experimental pain Condition
DISCUSSION
Creep effect
Experimental pain effect
Motor adaptations
Limitations
CONCLUSION
Chapitre 7 . Discussion générale
Adaptations neuromusculaires du tronc et instabilité vertébrale: synthèse des résultats de la
littérature
Possibles limites avec les études actuelles
Adaptations du système vertébral suite à des perturbations externes du tronc
Contribution des systèmes actif et nerveux dans la stabilité vertébrale
Contribution des systèmes passif et nerveux dans la stabilité vertébrale
Effets négatifs à long terme
Nouvelle approche du système de stabilisation vertébrale
Perspectives de recherche
Considérations méthodologiques
Conclusion
Bibliographie

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