Le bassin, ou pelvis est très utilisé en anthropologie ou dans le cadre médico-légal pour la détermination sexuelle, encore appelée diagnose sexuelle, du squelette humain. En effet, chez l’Homme actuel, il existe de nombreuses différences entre les bassins osseux féminins et masculins, c’est pourquoi cet élément du squelette humain est celui qui confère le plus de précision quant à la diagnose sexuelle. L’ensemble de ces différences constitue le dimorphisme sexuel* pelvien [1].
Le bassin osseux, chez l’Homme, possède les empreintes liées à l’acquisition de la station érigée et de la locomotion bipède. [1], [2]. Il permet ainsi l’équilibre du corps, en faisant la transmission des forces entre le tronc et les membres inférieurs. De plus, la partie constituée par les ailes iliaques, aussi appelée « grand bassin », se situe dans l’abdomen et sert de support aux viscères digestifs. Enfin, il exerce la fonction de parturition, chez les femmes seulement. Il forme ainsi un véritable canal d’accouchement et constitue la voie de passage du fœtus hors de la filière génitale maternelle.
Chacun de ces détroits obstétricaux est impliqué lors des différentes étapes de l’accouchement. C’est pour cette raison que leurs formes et leurs dimensions sont d’une importance capitale pour la mécanique obstétricale et ont suscité l’intérêt de nombreux chercheurs. En 1938, Calwell et Moloy [4] ont établi une classification des bassins osseux féminins en fonction, notamment, de la forme de leur détroit supérieur. Ils décrivent 4 types de bassins :
• Gynécoïde, caractérisé par une forme ronde de son détroit supérieur. Il comprend toutes les caractéristiques du pelvis féminin. Un élargissement de l’ogive pubienne, une grande échancrure sciatique plus large font que ce bassin est considéré comme le bassin obstétrical idéal.
• Androïde, comprenant les caractéristiques des bassins masculins dans lesquels le détroit supérieur est de forme triangulaire.
• Anthropoïde, pouvant être assimilé aux bassins des primates.
• Plathypelloïde caractérisé par une forme plate dans l’axe antéro-postérieur.
La classification de ces bassins doit être utilisée avec prudence car son utilisation n’est pas soutenue par de récentes études [2], [5] et son élaboration, datant du début du XXème siècle, est teintée de connotations racistes supposant la prédominance de bassin anthropoïde au sein de la population africaine [4]. Ce bassin anthropoïde n’est pas retrouvé dans les analyses morphométriques de Bouhallier [2], et Kuliukas et al. [5] suggèrent que la classification en 4 types ne reflète pas la variabilité anatomique pelvienne. Ils recommandent aux enseignants en maïeutique de ne plus enseigner cette classification de Caldwell et Moloy.
Les traits morphologiques d’apparence plutôt féminine sont donc définis comme des traits morphologiques gynécoïdes. Depuis, de nombreuses méthodes d’analyses ont été élaborées afin de différencier les bassins osseux féminins et masculins. Celles-ci reposent principalement sur l’étude morphométrique* [1], [6], [7], [8] et morphologique [9] des différentes parties du pelvis et ont permis d’étudier sa forme et ses dimensions, d’identifier les traits morphologiques gynécoïdes afin de mettre en évidence les zones du bassin les plus dimorphiques et d’améliorer ainsi la qualité de la diagnose sexuelle.
Pour Marchal [1], Bouhallier [2] et Arsuaga [8], le pubis est plus long chez les femmes et l’angle sous pubien est plus ouvert. L’incisure sciatique est également plus large et plus ouverte. Ces mêmes auteurs décrivent une cavité pelvienne plus large. Ceci est lié au fait que la grande incisure sciatique est plus ouverte, ce qui a pour effet de projeter le sacrum vers l’arrière, les vertèbres sacrées étant à distance de la symphyse pubienne, d’agrandir la cavité pelvienne et donc d’augmenter la circonférence du détroit moyen. D’après la classification de Cadwell et Moloy [4], cette forme de bassin correspond au type gynécoïde et au bassin obstétrical idéal.
Pour Moffet et al., [10], la largeur sacrée est plus importante sur les bassins féminins que sur les bassins masculins, à l’échelle des primates. Cette relation n’est vérifiée que pour les primates à forte « contrainte fœto-pelvienne » (ratio entre la taille céphalique néonatale et la taille du détroit supérieur), suggérant un rôle déterminant de la parturition pour expliquer ce trait dimorphique.
De plus, Bruzek [9] a déterminé des différences de conformation au niveau de la surface auriculaire : chez les femmes, cette partie du bassin est en forme de « C » avec l’angle des axes des 2 cornes supérieur à 90°. Chez les hommes elle est en forme de « J » avec l’angle des axes des 2 cornes inférieur à 90°. Il constate également une nette élévation de la surface auriculaire féminine. Ces différences morphologiques amènent, avec d’autres traits dimorphiques, à une méthode fiable de diagnose sexuelle toujours utilisée de nos jours. Mais cette partie du bassin est facilement visualisable dans un contexte archéologique, tandis qu’elle est difficilement quantifiable dans un contexte médical par le biais d’un pelviscanner.
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce dimorphisme :
• Les différences hormonales entre les hommes et les femmes
• Des facteurs liés à l’activité physique intense lors de la petite enfance ou pendant l’adolescence, qui selon Abitbol, entraîne une forme androïde chez les femmes adultes [11].
• L’accouchement, qui semble être le facteur le plus important expliquant le dimorphisme.
Selon cette hypothèse, le dimorphisme sexuel pelvien serait une conséquence de la contrainte obstétricale et la présence de traits morphologiques gynécoïdes permettrait aux femmes d’accoucher de façon eutocique (accouchement qui aboutit à l’expulsion du fœtus par voie basse, sans difficultés, ni complications). Au contraire, les femmes dont la conformation des bassins ne se rapporteraient pas à des dimensions gynécoïdes accoucheraient de façon dystocique, c’est à dire par césarienne ou à l’aide d’une extraction instrumentale.
Population étudiée par les landmarks
Au sein de cet échantillon, 9 patientes ont été exclues car les pelviscanners n’étaient pas disponibles en version CD-rom dans la pochette de recueil de pelviscanner. Par la suite, 2 patientes ont encore été exclues de l’étude : une patiente dont les données étaient manquantes, tandis qu’une autre avait une discordance complète avec les données 3D des landmarks. La discordance correspond à l’application de la formule sur les coordonnées 3D qui entraîne des valeurs peu probables pour certains diamètres et angles (par exemple, un diamètre transverse médian de 300mm).
Nous nous sommes donc focalisé sur 120 patientes dont 22 ont accouché par césarienne, 46 ont accouché par voie basse (AVB) et 52 ont accouché avec une aide instrumentale. Les résultats sont présentés sous la forme de tableaux comparatifs entre 2 groupes, correspondant à 2 modes d’accouchement, avec les moyennes obtenues, les écart-types pour chaque variable et leur p respectif. Les figures suivantes représentent les histogrammes réalisés à l’issue de l’obtention des résultats. On constate que l’ensemble des variables suivent une distribution normale et une homogénéité des variances, ce qui nous a permis de tester leurs différences à l’aide du test de Student.
Discussion
Parmi les variables sélectionnées pour cette étude, 5 sont associées à des modalités d’accouchements eutociques. Il s’agit de :
– la largeur sacrée
– la largeur inter-sciatique
– la largeur inter-ischiatique
– le diamètre transverse médian
– la hauteur de la symphyse pubienne .
Nos résultats montrent que les femmes ayant accouché par voie basse ont un diamètre transverse médian, inter ischiatique, inter sciatique, et une largeur sacrée significativement plus grande que les femmes ayant eu une césarienne pour stagnation. Ceci montre que la largeur des détroits obstétricaux est importante pour favoriser l’accouchement par voie-basse, et éviter la disproportion foeto-pelvienne.
En revanche, il est surprenant que les variables du détroit moyen (largeur inter-sciatique) et du détroit inférieur (largeur inter-ischiatique) interviennent dans cette dystocie car la disproportion foeto-pelvienne correspond généralement à une incompatibilité des dimensions entre le pôle céphalique et le détroit supérieur.
A priori, seuls le diamètre transverse médian et la largeur sacrée auraient un rôle dans cette disproportion. Par ailleurs, il n’est pas surprenant de constater qu’une différence significative observée au niveau du diamètre transverse médian s’accompagne d’une différence significative au niveau de la largeur sacrée. En effet, certains auteurs [10] ont mis en évidence une corrélation claire entre ces deux variables. Pour Moffet et al. la largeur sacrée est dimorphique chez les primates ayant une forte contrainte fœto-pelvienne. Les auteurs expliquent ce résultat en considérant que parmi les espèces pour lesquelles la contrainte fœto-pelvienne est forte, une augmentation de la largeur sacrée s’accompagne d’un élargissement transversal du détroit supérieur, ce qui facilite l’accouchement. Hormis la variable « Hauteur de la symphyse pubienne », toutes les variables dont le résultat est significatif correspondent à des variables associées à la largeur de la cavité pelvienne, à chaque détroit du bassin osseux. Ainsi, on peut établir que les femmes ayant une cavité pelvienne plus étroite seraient plus susceptibles d’accoucher par césarienne pour disproportion fœto-pelvienne. Pour Marchal [1], Bouhallier [2], Arsuaga [8] une cavité pelvienne plus large est retrouvée dans les bassins féminins. Selon la classification de Caldwell et Moloy de 1933 [4], le bassin gynécoïde, grâce à la forme ronde de son détroit supérieur est le bassin idéal pour permettre un accouchement eutocique, en comparaison aux autres formes de bassins définis dans leur classification. Les traits morphologiques gynécoïdes, retrouvés avec un élargissement transversal des détroits obstétricaux correspondraient à une modalité d’accouchement eutocique, ce qui expliquerait pourquoi ces variables sont préférentiellement augmentées dans notre groupe eutocique. Une seule variable est significative pour la comparaison des groupes « AVB » et « Accouchement avec aide instrumentale » : il s’agit de la hauteur de la symphyse pubienne. L’une des explications proposée par Fremondière [3], est que l’augmentation de la hauteur de la symphyse pubienne contribue à modifier la forme du canal d’accouchement, en le raccourcissant, rendant sa trajectoire plus verticale et donc plus simple. La forme du canal d’accouchement, plus simple avec une courbure moins prononcée, favoriserait l’accouchement eutocique [12].
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Table des matières
Introduction
Matériels et méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
Annexes
Glossaire