Infections grippales et prévention : généralités
Structure virale, physiopathologie
Les virus influenza appartiennent à la famille des Orthomyxoviridae. Ce sont des virus à enveloppe contenant un acide ribonucléique (Figure 1) avec huit gènes. Le virus de la grippe pénètre dans l’organisme par inhalation de microgouttelettes projetées par une personne infectée. Il se multiplie alors au sein de l’arbre respiratoire cilié qui s’étend du nez jusqu’aux bronchioles. Généralement, l’infection ne s’étend pas au-delà et n’atteint pas les alvéoles. En profondeur, le virus ne dépasse pas la membrane basale, il n’y a donc pas de virémie. Cette multiplication locale entraîne une nécrose de l’épithélium respiratoire cilié mais celle-ci est réversible. Cette nécrose explique la toux et l’épistaxis inconstante. La fièvre et les courbatures quant à elles viendraient de la sécrétion secondaire d’interleukine 6, de cytokine et d’interféron.
Il y a trois types de virus grippaux distincts par leur antigénicité au niveau des protéines de capside : les virus à influenza A, B et C (le C ne donne pas d’infection apparente chez l’homme). Leur enveloppe (péplos) porte deux types de spicules qui sont des glycoprotéines virales : les spicules à hémagglutinine (H) et à neuraminidase (N). Ce sont des antigènes viraux qui jouent un rôle dans la multiplication virale. Après une épidémie de grippe, l’hiver suivant, les sujets vont avoir des anticorps anti-H et anti-N. Cela va créer à l’échelle de la population une barrière immunitaire contre le virus de l’épidémie précédente [1].
Epidémiologie
Les virus à influenza sont des virus qui ont une capacité d’adaptation (principalement les A). Ils vont alors muter quelque part dans le monde, puis va apparaître un mutant qui va passer à travers la barrière immunitaire grâce à une modification antigénique de la neuraminidase ou de l’hémagglutinine. Il existe deux types de mutations antigéniques :
– les mutations radicales = cassures = sauts antigéniques de l’agglutinine ou de la neuraminidase : elles concernent uniquement le virus A et font apparaître des sous types différents, remplaçant ainsi le précédant. Elles sont à l’origine des pandémies puisque le virus change radicalement dans la population générale ;
– les mutations plus légères = par glissement antigénique : elles correspondent à des changements ponctuels de quelques bases nucléiques du gène de l’hémagglutinine ou de la neuraminidase. Elles surviennent tous les ans ou tous les deux ans et sont à l’origine des épidémies limitées.
Chaque année on retrouve la grippe sous forme d’épidémie pendant environ dix semaines .
Pour se protéger contre une épidémie il faut que le virus circulant pendant l’épidémie soit celui présent dans le vaccin mais cela est souvent difficile en pratique car on n’a pas toujours le temps matériel d’isoler la souche épidémique au cours de l’hiver, de l’identifier, de la contrôler et de préparer le vaccin afin de le diffuser à toute la population susceptible d’être atteinte. C’est pour ces raisons que chaque année les recommandations de l’OMS pour les souches vaccinales tombent vers mars et sont généralement celles ayant principalement circulé lors de l’épidémie de l’hiver précédant. Si pendant l’année il y a un saut, on manque alors de vaccins efficaces. Les vaccins grippaux sont trivalents [1].
Toutes les données de surveillance épidémiologique de la grippe sont placées sous l’égide de l’OMS qui a ensuite pour relais le Centre National de Référence (CNR) de la grippe, l’Institut Pasteur de Paris pour le nord de la France et celui de Lyon pour le sud de la France [1]. Des systèmes de surveillance sont mis en place pour suivre l’évolution de l’épidémie ainsi que son éventuelle gravité. L’InVS coordonne la surveillance de la grippe en France. Cette surveillance épidémiologique de la grippe a pour objectifs : prévision, détection précoce et suivi des épidémies grippales en France, ainsi que surveillance des souches grippales en circulation et identification des populations pour lesquelles la grippe a été d’une particulière gravité. Les pics d’activité pour la grippe surviennent entre fin janvier et février [1].
Le dispositif de surveillance clinique de la grippe saisonnière comprend trois niveaux :
– la surveillance de la grippe dans la communauté, assurée par deux réseaux de médecins libéraux en métropole (le réseau sentinelles de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le réseau des Groupes Régionaux d’Observation de la Grippe (GROG) ;
– la surveillance des formes sévères de grippe qui s’appuie sur le suivi des passages aux urgences et hospitalisations pour grippe clinique ;
– la surveillance réactive des décès pour grippe clinique .
Tableaux cliniques
Grippe non sévère
Le virus de la grippe touche la partie haute ou basse de l’arbre respiratoire. Il donne lieu la plupart du temps à des infections localisées au niveau de la muqueuse respiratoire, ce qui a pour conséquence une période d’incubation qui est courte (un à deux jours) et une diffusion rapide du virus au sein de la communauté. Le virus de la grippe (= virus influenza) se caractérise par son apparition brutale et par une fièvre d’environ 40°C, accompagnée de douleurs diffuses, de céphalées, de rachialgies et de myalgies. Parfois un écoulement nasal, une toux sèche, des douleurs pharyngées, laryngées ou trachéales ou une épistaxis sont retrouvés. Toute cette symptomatologie disparaît généralement en trois à quatre jours. L’auscultation pulmonaire est habituellement normale, on ne retrouve de foyer que dans 10% des cas. La radiographie pulmonaire n’est, le plus souvent, pas nécessaire. La détection du virus de la grippe se fait par prélèvement des sécrétions nasales au début de l’infection, par écouvillonnage. Ce dépistage est indiqué uniquement devant des formes graves ou à visée épidémiologique .
Grippe sévère
Même si la grippe est dans la plupart des cas bénigne, celle-ci peut être mortelle. Les épidémies de grippe se traduisent toujours par un excès de décès. On estime la mortalité moyenne de la grippe à 0,1%. Cette mortalité est principalement liée à une surinfection bactérienne. Les pneumonies grippales malignes sont favorisées chez les patients ayant une insuffisance cardiaque ou respiratoire .
Chez la femme enceinte
Les femmes enceintes présentent à l’état physiologique une surcharge de la petite circulation, qui augmente le risque de complications. A court terme une mort fœtale, une mort maternelle, une hypoxémie réfractaire, des complications dans les soins de réanimation et à long terme une insuffisance respiratoire pourront être observées. Ces complications peuvent être aggravées par l’existence de comorbidités (obésité, carences (incluant le bypass)) et en cas de précarité. L’incidence et la gravité augmentent avec le terme de la grossesse pour la mère et le fœtus avec notamment un risque de prématurité multiplié par quatre par rapport à la population générale [12, 13]. Selon l’InVS, la proportion de femmes enceintes admises en réanimation en France métropolitaine sans comorbidité associée était de 1% en 2014-2015 versus 2% en 2013-2014, 1% en 2012-2013, 1% en 2011-2012 et 4% en 2010-2011 .
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Table des matières
Introduction
I. Infections grippales et prévention : généralités
A. Structure virale, physiopathologie
B. Epidémiologie
C. Tableaux cliniques
1. Grippe non sévère
2. Grippe sévère
3. Chez la femme enceinte
4. Chez le nouveau-né
5. Grippe nosocomiale
D. Traitements
1. Traitement curatif
2. Traitement préventif : la vaccination
a) Composition
b) Efficacité
c) Contre-indications
d) Effets secondaires
II. Campagne de prévention et de promotion de la vaccination antigrippale
A. La communication préventive
B. La communication d’urgence
III. Objectif de l’étude
Matériels et méthode
I. EPP : méthodologie et calendrier
II. Mesures d’amélioration
A. Groupe de travail
B. Outils de la campagne de promotion de la vaccination
1. Affiches
2. Soirée-conférence d’information sur le thème « grippe et grossesse »
3. La mise à disposition de vaccinateurs dans les différents services jour et nuit
4. Enquête de satisfaction
a) Objectifs de l’enquête
b) Critères d’inclusion et d’exclusion
c) Nombre de sujets
d) Support
e) Lieu et durée
f) Outils de recueil des données
III. Analyse statistique
Résultats
I. Taux de vaccination antigrippale du personnel de gynécologie-obstétrique et néonatologie du CHU de Caen
II. Enquête de satisfaction du personnel
Discussion
I. Principaux résultats
A. Forces et limites
B. Efficacité de la campagne vaccinale
C. Bonne acceptation de la campagne vaccinale
II. Comparaison du taux de couverture vaccinale de notre étude avec les données publiées
A. Dans les autres maternités françaises et à l’international
B. Dans les établissements de santé en France et dans le monde
1. En France
2. A l’étranger
III. Les freins à la vaccination antigrippale en maternité
A. Les idées fausses sur le vaccin antigrippal
B. Difficultés à informer sur la vaccination antigrippale
1. Le manque de données sur la grippe nosocomiale
2. La désinformation sur internet
3. Exemple de l’échec de la campagne vaccinale de 2009
4. Disparités selon catégories socioprofessionnelles et en fonction de la perception ou de la représentation que l’on se fait de la maladie et du vaccin
IV. Propositions pour améliorer la diffusion de l’information et de la formation de tous les professionnels de la périnatalité
Conclusion
Bibliographie
Annexes