GENERALITES
La ponction lombaire (PL) est un geste mรฉdical consistant ร prรฉlever du liquide cรฉphalorachidien (LCR) dans lโespace sous-arachnoรฏdien. Le prรฉlรจvement doit รชtre rรฉalisรฉ au niveau des espaces intervertรฉbraux L4-L5 ou L3-L4. Il sโagit dโun geste technique dont les conditions de rรฉalisations sont corrรฉlรฉes aux risques de complications, comme le montre une รฉtude de 2017 consacrรฉe aux modalitรฉs de rรฉalisations des PL (1). La PL est indiquรฉe dans deux situations : diagnostique et plus rarement thรฉrapeutique, ร visรฉe dรฉplรฉtive (hydrocรฉphalie ร pression normale). Sur le plan diagnostique, la PL est utilisรฉe dans plusieurs cas : les infections du systรจme nerveux central (SNC) (mรฉningites et encรฉphalites), les hรฉmorragies sousarachnoรฏdiennes(HSA) , les maladies inflammatoires (syndrome de Guillain Barrรฉ (SGB), sclรฉrose en plaques (SEP), vascularites, sarcoรฏdose) et plus rarement dans le cadre de pathologies oncologiques (mรฉningite carcinomateuse, lymphome, leucรฉmie) ou de pathologies dรฉgรฉnรฉratives (2)Les contre-indications gรฉnรฉrales ร la PL sont lโhypertension intracrรขnienne, les troubles de la crase sanguine et les infections au point de ponction. Ce geste invasif peut รชtre responsable de plusieurs complications : les plus graves รฉtant lโengagement cรฉrรฉbral et les saignements de lโespace mรฉningรฉ (3) (4) alors que la plus frรฉquente est le syndrome post-PL, dรฉfini par des cรฉphalรฉes survenant en position debout, et rรฉsolutives en dรฉcubitus, au dรฉcours dโune PL.
Dans la littรฉrature, peu de chiffres relatifs ร la pratique et aux indications des PL sont disponibles. Une รฉtude franรงaise avait en 2016 analysรฉ 6594 PL durant un an, dans deux hรดpitaux universitaires (5) Les services pratiquants le plus de PL รฉtaient la neurologie (20%), les urgences adultes (17%) et la rรฉanimation (16%). Le motif le plus frรฉquent motivant une PL dans le service des urgences รฉtait la suspicion de mรฉningite ou de mรฉningo-encรฉphalite.
ETAT DES LIEUX DES RECOMMANDATIONSย
Il existe des recommandations pour encadrer la rรฉalisation des ponctions lombaires, que ce soit dans le cas dโune suspicion de mรฉningite ou de mรฉningo-encรฉphalite (ME), pour le bilan de cรฉphalรฉes (suspicion dโHSA), ou pour la prรฉvention du syndrome postPL.
INFECTIONS DU SNC : MENINGITES ET MENINGO-ENCEPHALITES
La mรฉningite est une inflammation des mรฉninges, qui peut รชtre infectieuse ou non. La mรฉningite infectieuse bactรฉrienne est un diagnostic grave. Il sโagit dโune urgence thรฉrapeutique. Les micro-organismes les plus pourvoyeurs de mortalitรฉ sont le pneumocoque (30% de mortalitรฉ dans les pays dรฉveloppรฉs) et le mรฉningocoque ( 7% de mortalitรฉ dans les pays dรฉveloppรฉs) (6) Une encรฉphalite est une inflammation aigue de lโencรฉphale (cerveau, tronc cรฉrรฉbral et cervelet). La sociรฉtรฉ de pathologie infectieuse de langue franรงaise (SPILF), a รฉcrit des recommandations en 2008, qui ont รฉtรฉ rรฉvisรฉes en 2017 sur la prise en charge diagnostique et thรฉrapeutique des mรฉningites et mรฉningo-encรฉphalites. (7)
Quelles sont les situations cliniques conduisant ร รฉvoquer un diagnostic de mรฉningite ou de mรฉningo-encรฉphalite ?
Le collรจge des enseignants de neurologie dรฉcrit 3 signes cliniques devant faire suspecter une mรฉningite : les cรฉphalรฉes, les vomissements et la raideur mรฉningรฉe. La raideur mรฉningรฉe peut รชtre accompagnรฉe des signes de Brudzinski et de Kernig, dรฉfinis comme tel :
– signe de Brudzinski : flexion involontaire des membres infรฉrieurs (cuisses sur le bassin et jambes sur les cuisses) ร la flexion forcรฉe antรฉrieure de la nuque ;
– signe de Kernig : impossibilitรฉ de sโasseoir sans flรฉchir les genoux et rรฉsistance douloureuse ร lโextension complรจte du membre infรฉrieur lorsque la cuisse est flรฉchie.
Une encรฉphalite infectieuse doit รชtre suspectรฉe devant tout symptรดme ou signe de dysfonctionnement du SNC, associรฉ ร de la fiรจvre .
Quels sont les moyens diagnostiques utilisables ?
Lโexamen de rรฉfรฉrence pour le diagnostic dโune ME est la PL. Lโanalyse du LCR doit comporter une inspection de lโaspect macroscopique, une analyse cytologique et biochimique et une analyse microbiologique. Un examen direct avec une coloration de Gram permet de guider la dรฉcision dโantibiothรฉrapie. Si cet examen est positif, il faut mettre en place un traitement. Un examen direct nรฉgatif est plus problรฉmatique. Le rรฉsultat de la culture du LCR est long ร avoir (48 heures) alors que lโantibiothรฉrapie dans le cas dโune mรฉningite bactรฉrienne est une urgence thรฉrapeutique. Afin de pouvoir choisir une prise en charge, il existe un score de probabilitรฉ clinico-biologique (score de Hoen) et des analyses rapides au POC (point of care). Le score de Hoen est un score qui a รฉtรฉ validรฉ en 2000 avec lโรฉtude de 109 analyses de LCR consรฉcutives prรฉsentant un examen direct nรฉgatif (8). Il a รฉtรฉ recommandรฉ par la SPILF en 2008 (9). Il sโagit dโune aide au diagnostic de mรฉningite bactรฉrienne lorsque lโexamen direct est nรฉgatif. Il dรฉpend de 4 facteurs : la protรฉinorachie, le nombre de polynuclรฉaires neutrophiles dans le LCR, la glycรฉmie sanguine et le taux de leucocytes sanguins. Sโil est <0,1, le risque que la ME soit bactรฉrienne est infรฉrieur ร 1%, on peut donc surseoir ร la prescription dโune antibiothรฉrapie. Le POC est une technologie rรฉcente. Il sโagit dโune analyse rapide du LCR permettant de donner un rรฉsultat en 1 heure concernant un panel de germes testรฉs par polymรฉrisation en chaine (PCR).
Dans le cas dโune suspicion de mรฉningo-encรฉphalite, la rรฉalisation dโune imagerie cรฉrรฉbrale (Imagerie par Rรฉsonnance Magnรฉtique (IRM) ou scanner injectรฉ si lโIRM est indisponible) est lโexamen diagnostic recommandรฉ en urgence, en plus de la PL.
quelles sont les indications ร dรฉbuter une antibiothรฉrapie avant la PL ?
Une antibiothรฉrapie est indiquรฉe avant la rรฉalisation de la PL en cas de purpura fulminans,ou de prise en charge estimรฉe > 90 minutes, de faรงon ร ne pas retarder le traitement .Il existe plusieurs autres situations qui contre-indiquent la PL :
– en cas de suspicion clinique de processus expansif intra crรขnien :
-Signes de localisation (paralysie faciale centrale, dรฉficit du membre supรฉrieur, et/ou du membre infรฉrieur, trouble du carrefour oro-pharyngรฉ, dรฉficit oculomoteur,nystagmus, dรฉficit sensitif dโun hรฉmicorps ร la piqรปre, hรฉmianopsie latรฉrale homonyme, syndrome cรฉrรฉbelleux) ,
-Prรฉsence de signes d’engagement cรฉrรฉbral (troubles de la vigilance ET anomalies pupillaires , dysautonomie, crises toniques postรฉrieures, arรฉactivitรฉ aux stimulations ou rรฉactions de dรฉcortication ou de dรฉcรฉrรฉbration
-Crises convulsives persistantes
– en cas dโinfection cutanรฉe รฉtendue au site de ponction ;
– en cas dโinstabilitรฉ hรฉmodynamique ou respiratoire ;
– en cas de troubles de lโhรฉmostase connus (hรฉmophilie, autre coagulopathie, nombre de plaquettes infรฉrieur ร 50 000/mm3)
– en cas de prise de traitement anticoagulant ร dose efficace quel quโil soit (hรฉparine fractionnรฉe ou non, antivitamine K oral ou anticoagulants oraux directs),
– en cas de saignements spontanรฉs รฉvoquant une coagulation intravasculaire dissรฉminรฉe (CIVD)
Quelles sont les indications ร dรฉbuter une corticothรฉrapie ?
Les indications de corticothรฉrapie chez lโadultes sont larges. Le rรดle prรฉsumรฉ de la dexamรฉthasone est de diminuer la sรฉvรฉritรฉ des complications. Une รฉtude de 2016 parue dans le Lancet a analysรฉ 1412 mรฉningites bactรฉriennes et a pu montrer que lโajout de la dexamรฉthasone (DXM) รฉtait bรฉnรฉfique (10). Dโaprรจs les recommandations de la SPILF, il faut dรฉbuter un traitement par DXM si lโexamen direct est positif pour le mรฉningocoque ou le pneumocoque, si lโexamen direct est nรฉgatif mais que le LCR est trouble ou sโil existe une forte suspicion clinico-biologique que la mรฉningite soit bactรฉrienne. Le traitement peut รชtre introduit avant ou pendant la premiรจre dose dโantibiothรฉrapie. Il peut รชtre dรฉbutรฉ jusquโร 12h aprรจs la suspicion diagnostique. La dose utilisรฉe est de 10 mg en intraveineuse toutes les 6 heures pendant 4 jours .
Quelles sont les indications ร rรฉaliser une imagerie avant la PL ?
Une imagerie (un scanner cรฉrรฉbral avec injection) est ร rรฉaliser avant la PL, et toujours sous couvert dโune antibiothรฉrapie probabiliste, dans 3 cas : en prรฉsence de signe de focalisation ร lโexamen clinique neurologique ; si le patient prรฉsente des troubles de la conscience avec un score de Glasgow infรฉrieur ou รฉgal ร 11, ou si le patient a prรฉsentรฉ au cours de lโรฉpisode une crise dโรฉpilepsie . En dehors de ces indications, il nโy a pas lieu de rรฉaliser une imagerie cรฉrรฉbrale avant la PL.
Quelle est la stratรฉgie thรฉrapeutique ร adopter ?
La stratรฉgie thรฉrapeutique recommandรฉe par la SPILF (9) est rรฉsumรฉe en annexe 1, avec un arbre dรฉcisionnel. Il faut prรฉalablement รฉliminer les indications ร une antibiothรฉrapie avant la PL (indication mรฉdicale et nรฉcessitรฉ de diffรฉrer le geste). Elle repose dโabord sur lโanalyse visuelle du LCR, si le liquide apparait trouble la suspicion de mรฉningite bactรฉrienne est forte, il faut alors dรฉbuter une antibiothรฉrapie ainsi quโune corticothรฉrapie par DXM. La dรฉcision de traitement est ensuite corrรฉlรฉe ร lโexamen direct : sโil la coloration de Gram rรฉvรจle un micro-organisme, il faut dรฉbuter le traitement. En cas dโexamen direct nรฉgatif, lโanalyse du POC, si elle est disponible, ou le rรฉsultat du score de Hoen guideront la dรฉcision : si une PCR est positive ร une bactรฉrie, il faut alors traiter, de mรชme que si le score de Hoen calculรฉ est supรฉrieur ou รฉgal ร 0,1. Le rรฉsultat dรฉfinitif de la culture permettra de dรฉcider la poursuite lโadaptation de lโantibiothรฉrapie .
CEPHALEES ET HEMORRAGIE SOUS ARACHNOรDIENNEย
Les cรฉphalรฉes constituent un motif frรฉquent de consultation aux urgences (jusquโร 2% des visites pour la revue mรฉdicale suisse). Parmi les cรฉphalรฉes prises en charges aux urgences, le diagnostic dโhรฉmorragie sous arachnoรฏdienne (HSA) est retenu pour 1ร 3 % Chez lโadulte, lโHSA par rupture anevrysmale est associรฉe ร 25% de mortalitรฉ dโaprรจs lโassociation de neuroanesthรฉsie โ rรฉnimatoire de langue franรงaise qui a รฉtudiรฉ une cohorte de 1809 HSA en 2016 (cohorte ANARLF) Il sโagit dโun diagnostic grave qui peut รชtre difficile ร poser si lโimagerie nโest pas contributive. Les recommandations franรงaises sur la prise en charge dโune cรฉphalรฉe en urgence prรฉcisent quโen cas de suspicion dโHSA, si lโangioscanner (ou lโIRM + ARM) ne permet pas dโobtenir un diagnostic, la PL doit รชtre rรฉalisรฉe, mรชme si les cรฉphalรฉes ont disparu. (11) Un score de probabilitรฉ clinique, le score dโOttawa, a รฉtรฉ proposรฉ avec une trรจs bonne sensibilitรฉ pour des patients ร ยซ haut risque ยป (12) (13) Lโapport de la PL, avec la recherche dโune xantochromie, a donc encore sa place dans le diagnostic dโHSA. Une รฉtude de 2018 prรฉcise quโelle nโest rรฉellement utile que chez les patients dont la probabilitรฉ prรฉ-test dโHSA est รฉlevรฉe.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
1 โ GENERALITES
2- ETAT DES LIEUX DES RECOMMANDATIONS
2-1 INFECTIONS DU SNC : MENINGITES ET MENINGO-ENCEPHALITES
2-2 CEPHALEES ET HEMORRAGIE SOUS ARACHNOรDIENNE
2-3 PL ET TRAITEMENT ANTICOAGULANT OU ANTIAGREGANT PLAQUETTAIRE PREEXISTANT
2-4 MANAGEMENT DU RISQUE DE SYNDROME POST-PL
3- JUSTIFICATION DE LโETUDE
MATERIEL ET METHODE
1-SCHEMA DโETUDE
2-POPULATION ETUDIEE
2-1 CRITERES DโINCLUSION
2-2 CRITERES DE NON INCLUSION
2-3 CRITERES DโEXCLUSION
3 CRITERES DโEVALUATION
3-1 SUSPICION DIAGNOSTIQUE
3-2 CONFIRMATION DIAGNOSTIQUE
3-3 IMAGERIE CEREBRALE
3-4 PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
3-5 DIAGNOSTIC MICROBIOLOGIQUE
3-6 SYNDROME POST-PL
3-7 FACTEURS CLINICO-BIOLOGIQUES PREDICTIFS DE ME INFECTIEUSE
4-CIRCUIT ET COLLECTE DES DONNEES
4-1 DONNEES CLINIQUES
4-2 DONNEES PARA-CLINIQUES
4-3 CIRCUIT DES DONNEES
5- ANALYSE STATISTIQUE
RESULTATS
1-DIAGRAMME DE FLUX
2-CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION ETUDIEE
2-1 ANAMNESE
2-2 SIGNES CLINIQUES
2-3 BIOLOGIE SANGUINE
3-ANALYSE DES PRATIQUES
3-1 IMAGERIE CEREBRALE
3-2 STRATEGIE THERAPEUTIQUE
3-3 DIAGNOSTIC MICROBIOLOGIQUE
4- SYNDROME POST PL
5- FACTEURS PREDICTIFS DE CONTRIBUTIVITE DE LA
DISCUSSION
1-CARACTERISTIQUES EPIDEMIOLOGIQUES
1-1 DIAGNOSTICS POST PL
1-2 POPULATION ETUDIEE
1-3-SYNDROMES POST PL
2-EVALUATION DES PRATIQUES
2-1 IMAGERIE AVANT LA PL
2-2 ANTIBIOTHERAPIE
2-3 DIAGNOSTIC MICROBIOLOGIQUE
3- FACTEURS DE RISQUES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES