INTRODUCTION
La découverte des antibiotiques a constitué un évènement majeur dans l’histoire de la médecine ; leur usage a augmenté l’espérance de vie moyenne d’une quinzaine d’années, en comparaison, un traitement qui guérirait 100% des cancers, n’allongerait l’espérance de vie que de 5 ans [1]. Depuis l’introduction des antibiotiques dans l’arsenal thérapeutique des maladies infectieuses, les microorganismes ont développé des moyens de défense leur conférant une insensibilité aux antibactériens. Toutes les espèces ou germes bactériens sont concernés par le phénomène de la résistance aux antibactériens posant, parfois de véritables problèmes thérapeutiques [2]. La résistance aux antimicrobiens est devenue un problème important dans le monde [3]. Elle se diffuse rapidement parmi de nombreux agents pathogènes aussi bien nosocomiaux que communautaires [4]. Les bactéries multirésistantes qui cumulent de nombreuses résistances acquises posent des problèmes particuliers par leur fréquence et leurs conséquences thérapeutiques, tant à l’hôpital (Staphylococcus aureus résistants à la méticilline, Klebsiella pneumoniae productrices de BLSE, Pseudomonas aeruginosa résistants à l’imipénème) que dans la communauté (pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline) [5]. Une surveillance de la résistance bactérienne est plus que nécessaire pour limiter la diffusion des résistances, élaborer des schémas d’antibiothérapie appropriés et ainsi éviter des situations d’impasse thérapeutique.
En Europe les bactéries résistantes aux antibiotiques causent 400.000 infections par an avec au moins 25000 morts annuels [6]. En Afrique ce phénomène de résistance est mal évalué. Toutefois, des études rapportent que le continent africain n’est pas en marge du phénomène. Au Mali si les maladies infectieuses bactériennes constituent un problème de santé publique, l’absence d’enquête nationale sur la résistance bactérienne aux antibiotiques en est un autre. On note également une absence de procédures opératoires standards et donc une prescription on consensuelle en matière d’antibiothérapie [8]. Les diabétiques sont exposés à différentes complications, qui constituent la gravité même de leur maladie. En ce qui concerne les lésions du pied, qui s’infectent et se gangrènent très facilement chez le diabétique, les études concordent sur l’observation que le risque d’amputation chez les patients diabétiques est 15 à 20 fois plus élevé que dans la population générale. Il se trouve que le terrain diabétique est particulièrement favorable aux infections [9]. Quinze à vingt pour cent des diabétiques développent une ulcération du pied au cours de leur vie, et 40% à 80% de ces pieds s’infecteront. Les estimations indiquent que 5 à 10% des diabétiques de type 1 seront amputés d’un orteil, d’un pied ou d’une jambe du fait d’une infection [10]. Si la découverte de l’insuline en 1921 a permis d’améliorer significativement, la prise en charge du diabète, les résistances bactériennes demeurent une préoccupation majeure parce qu’elles sont susceptibles d’aggraver le pronostic fonctionnel voire vital de ces patients.
Diabète
Le diabète est une affection métabolique caractérisée par la présence d’une hyperglycémie chronique résultant d’une déficience de sécrétion d’insuline, d’anomalies de l’action de l’insuline sur les tissus cibles, ou de l’association des deux (OMS). L’OMS, dans la dernière révision des critères diagnostiques en 1999 [11], indique que le diagnostic du diabète peut être retenu dans quatre situations différentes.
– Existence de symptômes de diabète : polyurie, polydipsie, amaigrissement et glycémie sur plasma veineux ≥ 2,00g/l (11,1 mmol/l) ;
– Glycémie (sur plasma veineux) à jeun ≥ 1,26 g/l (7,0 mmol/l) après deux glycémies veineuses ;
– Glycémie (sur plasma veineux) mesurée n’importe quand ≥ 2,00 g/l ;
– Glycémie (sur plasma veineux) deux heures après injection de 75g de glucose [test d’hyperglycémie provoquée orale (HGPO)] ≥ 2,00g/l (11,1 mmol/l).
Infection du pied du diabétique
L’infection du pied du diabétique est définie par une invasion avec multiplication de microorganismes, dans la majorité des cas, des bactéries entraînant des dégâts tissulaires avec ou sans réponse inflammatoire de l’organisme, secondaire en règle à une plaie cutanée .
• Pied diabétique Le terme « pied diabétique » regroupe l’ensemble des affections atteignant le pied, directement liées aux répercussions du diabète. Il est le siège de macérations fréquentes, expliquant, le risque d’infections bactériennes et mycosiques, d’autant que la structure particulière du pied, avec ses trois compartiments, permet une propagation facile et rapide du processus infectieux [13].
• Pus ou suppurations Une suppuration est due à l’évolution spontanée d’une infection à germes pyogènes. Elle provient d’une collection purulente (abcès), qui peut être superficielle comme dans le cas d’un furoncle (inflammation d’un follicule pilosébacé produite par un staphylocoque) ou d’un abcès de la gencive, ou profonde et localisée alors dans un viscère (foie, poumon, cerveau, rein), suppuration qui ne se résorbe pas et qui s’écoule soit spontanément par l’intermédiaire d’une fistule (canal pathologique) vers la peau ou dans un organe voisin, soit par ouverture chirurgicale [14]. C’est l’échantillon à traiter au laboratoire en cas d’infection de plaie diabétique.
MECANISME DE SURVENUE DU PIED DIABETIQUE
L’infection du pied du diabétique n’est pas en cause dans l’apparition des plaies. En effet, celles- ci sont la conséquence d’un appui excessif répété de la plante des pieds et favorisé par l’insensibilité cutanée et les déformations des articulations métatarso- phalangiennes [21]. Les causes majeures clairement identifiées des atteintes du pied sont d’une part la neuropathie ériphérique, en particulier chez les patients insulino-dépendants, et d’autre part l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, qui concerne surtout les diabétiques non insulino-dépendants. Il n’est pas rare que ces deux complications se conjuguent chez le même patient [22]. La plupart du temps, la plaie est d’origine mécanique : frottement d’une chaussure, blessure à partir d’un durillon (la présence d’un durillon augmente le risque d’ulcération par 11) ou d’un ongle incarné non soigné, soins de pédicurie traumatisants, coricides…La plaie passe inaperçue en raison de la neuropathie associée, qui fait disparaître le signe d’alerte qu’est la douleur.
La plaie non soignée va se surinfecter, entrainant d’abord une infection des parties molles, puis par contiguïté, une infection de l’os (touchant d’abord la corticale, puis la médullaire). Toutes sortes d’objets « retrouvés » dans la chaussure peuvent entraîner une plaie chez ces patients : clou, caillou, punaise, comprimés, coton-tige, pièce de Lego, tube de rouge à lèvres…ainsi que tout autre objet pouvant être contondant. Les chaussures trop serrées peuvent entraîner des ulcérations en différents endroits. Les plus fréquents siègent sur la face dorsale des orteils en griffes, latérale sur une exostose d’hallux valgus ou sur le bord externe du pied en regard de la 5e articulation métatarso-phalangienne, ou encore dans l’espace interdigital en regard de l’articulation interphalangienne (« œil de perdrix ») .
Physiopathologie des infections des plaies diabétiques
La porte d’entrée de l’infection de pied diabétique peut être une plaie passée inaperçue en raison de la neuropathie ou un mal perforant plantaire. Le mal perforant, complication habituelle du pied neuropathique, est constitué d’une hyperkératose au niveau des zones d’hyperpression, et peut être le siège d’une effraction cutanée qui favorise la surinfection locale. La susceptibilité accrue à l’infection est due aux perturbations immunologiques dues à l’hyperglycémie et la cétose (altération de la migration des leucocytes, de la phagocytose, de l’activité bactéricide intracellulaire). L’ischémie liée à l’artérite et la neuropathie entraîne une diminution de la vasodilatation capillaire contribuant à une moindre réponse à l’infection. Cette infection peut ensuite diffuser vers les gaines tendineuses et l’os, ceci étant favorisé par l’anatomie du pied, cloisonné en plusieurs loges .
Clinique des infections des plaies diabétiques
Toutes les plaies ou ulcères du pied chez le diabétique ne sont pas infectés. L’infection peut être évoquée par un aspect inflammatoire local, un écoulement purulent, la mise en évidence d’une collection. Tous les aspects peuvent être observés allant de l’infection localisée modérée à une fascite nécrosante extensive mettant en jeu la conservation du membre voire même la vie du patient par diffusion systémique. D’une manière générale ; les lésions superficielles sont de bon pronostic, les lésions profondes sont susceptibles d’engager un risque d’amputation plus ou moins étendue. Les signes généraux stigmates d’infection sont rarement observés (fièvre, frissons, hyperleucocytose). L’hyperglycémie ou plutôt la décompensation brutale du diabète est un signe de gravité d’évolutivité de l’infection .
Diagnostic bactériologique
De façon habituelle les infections superficielles sont dues à des staphylocoques dorés ou à des streptocoques [30]. Les infections profondes avec atteinte osseuse sont souvent mixtes avec une flore associée regroupant des cocci Gram positifs aérobies, des bacilles Gram négatifs (entérobactéries : Escherichia coli, Klebsiella spp, Proteus spp) et des germes anaérobies (peptostreptocoques, Bacteroides spp) . Un des problèmes principaux est l’identification du ou des germes responsables. L’écouvillonnage de la plaie ou de l’orifice doit rendre circonspect sur la responsabilité de l’agent isolé par cette méthode ; en effet, la contamination du prélèvement est fréquente. Le curetage de l’ulcère après débridement chirurgical paraît un bon moyen. La ponction à l’aiguille avec aspiration de liquide est assez spécifique mais peu sensible [31]. Enfin, la culture de fragment osseux prélevé par carottage à l’aiguille ou lors d’un geste chirurgical, assure une sécurité quant à la validité des résultats. Encore faut- il que le prélèvement ne soit pas contaminé lors des manipulations.
Dans tous les cas et quel que soit le type de prélèvement, le transport en laboratoire et l’ensemencement doivent être rapide. La liaison médecin ou chirurgien et bactériologiste est la condition essentielle d’obtention de résultats exploitables pour traiter le patient avec le maximum de pertinence. Dans le cas du traitement du pied diabétique et pour statuer sur sa durée, il est nécessaire de savoir si l’os sous- jacent est atteint. En effet, dans cette éventualité le traitement sera beaucoup plus prolongé, évitant ainsi le risque de récidive au décours de traitement trop court .
Traitement antibiotique
Les lésions du pied chez le diabétique imposent la mise en route d’un traitement médical qui repose sur une antibiothérapie systémique adaptée à large spectre, souvent par voie intraveineuse et prolongée en particulier lorsque le sujet présente une ostéite infectieuse. Les soins locaux sont constitués par un décapage des plaies consistant à exciser les zones mortifiées et à irriguer largement les trajets fistuleux avec des solutions contenant des antiseptiques ou des antibiotiques. Les gestes chirurgicaux plus ou moins étendus tels que la résection d’un orteil ou d’un rayon osseux (orteil plus métatarsien) sont parfois nécessaires. Il n’en reste pas moins que l’efficacité de toutes ces thérapeutiques impose d’obtenir un bon équilibre diabétique, qui conduit à réviser le traitement antidiabétique de ces malades et ce d’autant plus que la lésion du pied provoque souvent un déséquilibre du diabète sucré [33]. L’antibiothérapie du pied diabétique ne fait pas toujours l’objet de consensus (indications, choix, durée), mais une mauvaise stratégie chez des patients fréquentant souvent l’hôpital, peut participer à l’émergence et la diffusion de souches bactériennes multi-résistantes. Il est donc primordial, dans le cadre de cette pathologie, de savoir restreindre l’antibiothérapie aux indications indispensables en même temps que de choisir celle-ci avec discernement [34]. Plutôt que des recettes qui ne s’adressent qu’à des cas particuliers, quelques grands principes sont à respecter :
– Obtenir un germe dont on peut dire avec quasi certitude qu’il est responsable de l’infection des parties molles et/ou de l’os sous- jacent. Le corollaire est d’éviter les traitements empiriques sans avoir un prélèvement local sûr.
– Traiter avec les antibiotiques bien sûr actifs in vitro mais ayant aussi une bonne diffusion cutanée et/ou osseuse.
– Eviter tout antibiotique toxique notamment les aminoglycosides.
– Lorsqu’il y a une infection osseuse ou une infection extensive le traitement doit être parentéral.
– La durée doit être suffisante pour éviter tout risque de récidive. Deux à trois semaines pour une infection des tissus mous, huit à dix semaines pour une infection osseuse.
– Les antibiotiques ne servent à rien s’ils n’accompagnent pas une thérapeutique chirurgicale raisonnée et un contrôle du diabète. Le traitement antibiotique s’intègre dans une stratégie .
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Table des matières
LISTE DES MEMBRES DE L’ADMINISTRATION ET DU CORPS ENSEIGNANT A LA FACULTE DE PHARMACIE
DEDICACES
REMERCIEMENTS
HOMMAGES AUX MEMBRES DU JURY
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
1. INTRODUCTION
2. OBJECTIFS
3. GENERALITES
3.1. DEFINITIONS
3.2. MECANISME DE SURVENUE DE PLAIES DIABETIQUES
3.3. INFECTIONS DE PLAIES DIABETIQUES
3.4. FAMILLES D’ANTIBIOTIQUES : MODE D’ACTION – MECANISMES DE RESISTANCE
3.5. ANTIBIORESISTANCE
3.6. SURVEILLANCE DE LA RESISTANCE BACTERIENNE
4. METHODOLOGIE
4.1. PRESENTATION SOMMAIRE DU MILIEU PHYSIQUE
4.2. CADRE D’ETUDE
4.3. TYPE ET PERIODE D’ETUDE
4.4. POPULATION DE L’ETUDE
4.5. COLLECTE DES DONNEES
4.6. ANALYSE ET TRAITEMENT INFORMATIQUE DES DONNEES
4.7. AUTRES MATERIELS AYANT PERMIS L’ETUDE
4.8. MODE OPERATOIRE DE L’EXAMEN CYTOBACTERIOLOGIQUE DE PUS PROVENANT DE PLAIES DIABETIQUES AU LABORATOIRE RODOLPHE MERIEUX
5. RESULTATS
5.1. RESULTATS GLOBAUX
5.2. RESULTATS SUR LA RESISTANCE BACTERIENNE
5.3. MULTIRESISTANCE BACTERIENNE
6. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
6.1. NATURE DES PRELEVEMENTS DE PUS ANALYSES AU LRM
6.2. ORIGINE ET RESULTATS A LA CULTURE DES PRELEVEMENTS DE PUS DIABETIQUES ANALYSES AU LRM
6.3. ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DES PRELEVEMENTS DE PUS DIABETIQUES INFECTES
6.4. SOUCHES BACTERIENNES ISOLEES DES PRELEVEMENTS DE PUS DIABETIQUES INFECTES
6.5. ANTIBIOGRAMME ET NIVEAU DE RESISTANCE DES SOUCHES BACTERIENNES ISOLEES DES PRELEVEMENTS DE PUS DIABETIQUES AU LRM DE JANVIER A DECEMBRE 2013
6.6.MULTIRESISTANCE DES SOUCHES BACTERIENNES ISOLEES DES PUS DIABETIQUES AU LRM DE JANVIER A DECEMBRE 2013
7. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
8. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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