Variables à expliquer
Le poids préconceptionnel était défini selon les déclarations des patientes aux professionnels de santé ayant initié leur suivi leur grossesse, et le poids de fin de grossesse selon la mesure pondérale réalisée en salle d’accouchement ou en consultation dans les 15 jours ayant précédé l’accouchement, tels que reportés sur dossier hospitalier. Le poids à 18 mois de l’accouchement était défini sur déclaration des participantes ayant pu être recontactées pour entretien téléphonique. Les Indices de Masse Corporelle (IMC) de début, de fin de grossesse et à 18 mois de l’accouchement ont été calculés à partir de ces poids grâce à la mesure de la taille réalisée par les professionnels ayant initié le suivi de grossesse. Une variable continue « gain de poids en cours de grossesse » a été calculée par soustraction du poids préconceptionnel au poids mesuré en fin de grossesse. Une variable continue « gain de poids à 18 mois de l’accouchement » a été calculée par soustraction du poids préconceptionnel au poids déclaré à 18 mois de l’accouchement. De la même manière ont été calculées des variables « gain d’IMC en cours de grossesse » et « gain d’IMC à 18 mois de l’accouchement ». Une variable catégorielle « Rétention de Poids de Grossesse » (RPG) a été ensuite produite, prenant la valeur « 1 » si le gain de poids ou d’IMC à 18 mois de l’accouchement était positif ou « 0 » dans le cas contraire.
Principales variables explicatives
Compte-tenu de l’objectif de l’étude, ces variables étaient d’ordre sociodémographique. Sur dossiers hospitaliers ont été recueillis : âge, niveau d’études (< 6 ans de scolarisation, entre 6 et 12 ans de scolarisation, ou plus de 12 ans de scolarisation), ainsi que situation familiale (en couple ou non) et professionnelle (en activité ou non) de la mère en début de grossesse. Sur entretiens téléphoniques ont été recueillis : niveau de revenu (selon le statut vis-à-vis de l’impôt sur le revenu – imposable ou non-imposable – les personnes gagnant moins de 1 500 € par mois étant exonérées d’impôt sur le revenu en France), situation familiale et professionnelle de la mère et situation professionnelle du père ou du conjoint au moment de l’entretien. La communauté linguistique des participants était approchée par une question portant sur la langue qu’ils parlaient le plus souvent en famille ou entre amis (créole, français ou autre). Cette langue usuellement parlée peut délimiter un groupe social caractérisé par des normes sociales et des traits culturels communs, quels que soient le phototype et l’origine géographique des individus [16].
Analyse statistique
L’analyse des données a été effectuée avec le logiciel Stata 14, sur données disponibles. Les caractéristiques de la population ont été décrites en effectif et pourcentage pour les variables catégorielles, ainsi qu’en médiane et intervalle interquartile pour les variables continues, aucune de ces dernières n’étant de distribution normale. Les prises de poids par classe d’IMC préconceptionnel ont été classées conformément aux recommandations 2009 de l’Institute of Medicine (IOM)[17]. En analyse bivariée, les différences de valeurs prises par les variables catégorielles ont été évaluées grâce au test de Chi2 ou Fisher selon les effectifs disponibles. L’analyse multivariée a tout d’abord fait appel à la régression logistique. Deux modèles parcimonieux et concaténés ont été construits, le premier pour tester la relation entre RPG et facteurs socio-économiques, et le second pour évaluer le rôle potentiellement médiateur des facteurs comportementaux dans cette relation. Les variables explicatives à intégrer aux modèles ont été sélectionnées sur p-value < 0,200 en analyse bivariée. Seules celles significativement associées (p-value < 0,050) à la RPG en analyse multivariée pouvaient finalement être retenues. Des recherches d’interactions ont été effectuées, en particulier entre facteurs socio-économiques et recours au médecin traitant depuis l’accouchement afin d’évaluer si ce dernier modifiait la relation entre position sociale et RPG. Dans un second temps, les effets des facteurs socio-économiques aux trois temps de trajectoire pondérale – préconceptionnel (temps 0), à l’accouchement (temps 1), et à 18 mois de l’accouchement (temps 2) – ont été évalués par régression linéaire à effets mixtes. Ajustement a été fait sur l’âge, car fortement associé au facteurs socio-économiques, et le terme, car pouvant influer le gain de poids en cours de grossesse, ces deux co-variables étant exprimées en quartiles. Seuls les facteurs socio-économiques significativement associés à la RPG en analyse multivariée pouvaient être considérés. Des termes d’interactions entre facteurs socio-économiques et temps 1 ou temps 2 de trajectoire pondérale avec intercept aléatoire ont permis d’estimer les différences de gain de poids en cours de grossesse et à distance de celle-ci selon le statut social des participantes, et de tester la significativité de ces différences (procédures mixed et lincom de Stata). Le seuil de significativité des tests utilisés était fixé à 5%, toujours en situation bilatérale. Log-likelihood et analyse des résidus ont été utilisés pour évaluer l’adéquation des modèles.
Analyse multivariée des facteurs associés à la rétention de poids de grossesse
En analyse multivariée, seules quatre variables restaient significativement associées à la RPG : les niveaux d’études et de revenu, la sédentarité et la consommation de soda (Tableau 4). Dans le modèle le plus simple ne comprenant pour variables explicatives que les facteurs socio-économiques, le risque de RPG était augmenté chez les femmes de niveau d’études primaire comparativement à celles de niveaux d’études supérieur et secondaire (OR=3,70 ; IC95% : 1,27-10,75), ainsi que chez les femmes de faible niveau de revenu comparativement à celles de revenus supérieurs (OR=2,04 ; IC95% : 1,39-3,00). L’ajout au modèle des variables activité physique et consommation de soda diminuait à 1,53 (IC95% : 1,01-2,30) l’OR de RPG en rapport avec le niveau de revenu. Le recours au médecin traitant après grossesse ne modifiait pas significativement ces résultats.
CONCLUSION
Dans cette population antillaise française, il n’existait pas d’inégalités sociales de prise de poids en cours de grossesse. Mais ces prises de poids excédaient encore trop souvent les recommandations, en particulier chez les femmes affectées d’obésité en début de grossesse, ces dernières étant le plus souvent en position sociale défavorisée. Dans notre population d’étude comme dans les quelques enquêtes ayant précisément exploré ce phénomène, il existait en revanche de fortes inégalités sociales de perte de poids à distance de l’accouchement et donc de rétention de poids de grossesse. Ici comme ailleurs, la construction de ces inégalités relève partiellement de comportements à risque : sédentarité et alimentation inadaptée. D’autres facteurs semblent impliqués, tels que le manque de support social et des normes culturelles s’opposant aux normes biomédicales. Le stress chronique lié aux situations sociales difficiles pourrait également jouer un rôle. Des études complémentaires, quantitatives et qualitatives, sont nécessaires pour mieux comprendre le phénomène. C’est d’autant plus nécessaire que l’après grossesse constitue bien une période critique de prise de poids, accessible à des interventions [36,37] dont le succès exige qu’elles soient globales et adaptées au contexte.
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Table des matières
Introduction
Méthodes
Population
Recueil des données
Définitions
Variables à expliquer
Principales variables explicatives
Co-variables
Éthique et réglementation
Analyse statistique
Résultats
Caractéristiques de la population
Analyse bivariée des facteurs associés à la rétention de poids de grossesse
Analyse multivariée des facteurs associés à la rétention de poids de grossesse
Analyse de la relation entre trajectoire pondérale et facteurs socio-économiques
Discussion
Gain de poids en cours de grossesse
Rétention de poids de grossesse
Conclusion
Références
Annexes
Index des tableaux, figures, graphiques et annexes.
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