Apparition du tréflage
Le terme de tréflage n’est pas dans le dictionnaire ou du moins pas encore. Pourtant, il est de plus en plus fréquemment employé dans le domaine industriel. Il tire l’origine de son nom de la forme obtenue lors de l’utilisation d’outils en perçage pour la réalisation de cavité en pleine matière. Donc, la fraise travaille, comme en perçage, suivant l’axe Z de la machine (Figure II. 2). Le tréflage est une opération efficace pour ébaucher une grande variété de travaux, qu’il s’agisse de poches, de rainures ou d’épaulements. En effet les travaux et communications dans ce domaine sont réduits. De plus, les documents techniques accessibles dans ce domaine sont orientés vers la l’utilisation d’outils de coupe en tréflage [Sofetec, 2001], [Sofetec, 2005], [Mitsubishi, 2004] et [Sandvik, 2004]. Selon les travaux et les documents techniques cités précédemment, l’opération de tréflage est l’une des opérations les plus productives d’enlèvement de matière pour l’ébauche d’une pièce. De plus en plus prisée par les moulistes, entre autres, la technique d’ébauche à forts enlèvement de matière en des temps de cycles restreints en procédant par tréflage avec une fraise à laquelle on fait prendre des passes successives. Le tréflage ne semble pas limiter par l’importance de la profondeur. Le seul facteur limitatif est lié à l’utilisation de porte outil (accessibilité de la cavité et la rigidité de l’attachement). Ainsi, chaque plongée de fraise peut atteindre aisément une profondeur très importante (supérieure à 200 mm) sans provoquer de déflection importante de fraise (5 µm/200 mm) [TraMetal, 2005]. Certains outils de tréflage sont capables de travailler “en tirant”, c’est-à-dire en course ascendante, ce qui permet de générer des formes complexes. D’autre part, lorsque l’on évalue la possibilité d’un tréflage au point de vue de la machine, on doit penser à l’avantage qu’il présente si celle-ci ne dispose que d’une puissance limitée. En effet, on a besoin d’une moindre puissance en fraisage par tréflage que par fraisage classique pour enlever le même volume de copeau, ce qui permet de réaliser un gain de productivité sur des machines anciennes selon [TraMetal, 2005]. D’après les documents techniques, le tréflage semble avoir les avantages suivants :
• un débit copeau élevé, incomparable aux autres méthodes d’usinage conventionnel et un enlèvement de matière maximum est assuré dès la première ébauche ;
• une réduction de la charge appliquée à la broche de la machine outils ;
• une limitation des efforts et moments fléchissants sur l’outil et la pièce (notamment l’effort radial) ;
• une utilisation des fraises ayant des attachements de longueur supérieure au fraisage classique (fraisage profond) ;
• un sens de travail principalement en poussant ou en tirant suivant l’axe Z ;
• une possibilité d’usiner des formes inclinées ;
• une diminution de la déflection de l’outil (amélioration de la qualité des surfaces). Après cette liste d’arguments plus qu’élogieux, existent cependant des inconvénients (ou interrogations) comme :
• un besoin d’une FAO en vue de définir les stratégies d’usinage (dégagement de copeau suivant l’axe Z) ;
• une définition de réelles conditions opératoires pour des géométries d’outil données ;
• une connaissance des types de dégradation des outils pour évaluer la durée de vie des outils;
• une réalisation en semi finition et finition de surfaces en tréflage…
Plus généralement, cette opération d’ébauche soulève un certain nombre d’interrogations relevant d’une appréciation critique des affirmations de documents techniques vantant cette opération. En effet, le choix d’outil et les recommandations des conditions opératoires disponibles sont à ce jour assez limités. De plus, après la plongée-ébauche qui laisse une cavité grossière, il y a un problème de reprise en semi finition voire en finition. La discontinuité de la géométrie de la pièce après l’opération d’ébauche en tréflage induit une augmentation du temps d’usinage ou des nouvelles stratégies d’évidemment de matière. Du reste, il existe des contraintes technologiques où une opération de tréflage en pleine matière n’est possible que si un avant trou est réalisé préalablement. Cela conduirait à plonger directement dans la matière, ce que la fraise à plaquette ne peut faire.
Les modèles en usinage
L’industrialisation de procédé repose sur un ensemble de modèles permettant de définir les conditions opératoires adéquates en vue de respecter les spécifications géométriques, dimensionnelles et d’intégrité de surface.En général, les modélisations d’une opération d’usinage nécessitent dans un premier temps de définir l’échelle à laquelle l’étude est envisagée. Ces modèles traduisent un certain nombre de comportements comme :
– ceux des matériaux usinés (contraintes résiduelles, efforts de coupe…) ou usinant (usure) en fonction des phénomènes mécaniques, physico-chimiques en jeux et quelque soit l’échelle ;
– de la géométrie voire de la topographie des surfaces usinées ;
– des trajets et stratégies d’usinage (génération de processus d’usinage) ;
– le respect des cadences et productivité (durée de vie).
Néanmoins, les modèles en usinage qui sont prédominants, sont encore aujourd’hui essentiellement issus de l’expérimentation. Ils en disent plus qu’ils ne prédisent et c’est par des essais codifiés par la communauté scientifique ou/et industrielle qu’il est possible de comparer, d’échanger les résultats et les méthodes d’investigation. Le caractère expérimental est excessivement lourd ce qui conduit à la nécessité de la simulation de l’usinage en vue de prédire l’état de la pièce (géométrique, mécanique, métallurgique, physique) en tenant compte du comportement des outils, de la machineoutil et des outillages. Or, l’essentiel des démarches de modélisation de la coupe depuis plus d’une cinquantaine d’année se situe au niveau mésoscopique (cf. paragraphe II.3.1.1). Mais quelques approches méthodologiques de prédétermination des conditions opératoires en usinage prennent un essor certain comme le couple outil matière (cf. paragraphe II. 3.3). Néanmoins, la problématique d’industrialisation (procédé et processus), selon Le Calvez [Le Calvez, 2005] est de prédire le comportement à la fois dimensionnel, géométrique, ainsi que les propriétés mécaniques de la pièce. L’industrialisation des procédés nécessite alors de répondre à deux contraintes :
– la prise en compte des erreurs et défauts du système « Pièce/Outil/Machine » lors de génération de trajectoires permettant d’identifier les écarts dimensionnels, géométriques et d’états de surface à partir des conditions opératoires;
– mais aussi de tenir compte des aspects matériaux par l’évolution des microstructures, des contraintes résiduelles induites par les procédés de coupe (champs de déformations et de températures) en fonction de l’historique de fabrication par exemple. Ces deux contraintes doivent déboucher sur des solutions viables économiquement et technologiquement dans un contexte industriel.
Types de modélisation des efforts
La modélisation des efforts de coupe recouvre différentes méthodes qui peuvent être classifiées sous trois approches :
(i) modèles d’efforts de coupe issus de l’expérimentation appelés modèles phénoménologiques (formalisation de type loi puissance) ;
(ii) modèles d’effort de coupe dit analytiques fondés sur les principes et les lois de la mécanique des milieux continus ;
(iii) modèles d’effort de coupe dit hybrides correspondant à une mixité de deux précédents. En général, l’ensemble de ces approches peut se décliner. Prenons comme exemple la détermination des efforts de coupe par approche phénoménologique utilisant le coefficient spécifique de coupe (vision globale des efforts) lequel obtenu par discrétisation de l’arête de coupe devient un modèle de détermination mécaniste des efforts de coupe. En outre, ces modèles peuvent aussi s’adapter pour être numérisés. Prenons l’exemple de la modélisation par éléments finis de la coupe orthogonale. La numérisation prend source selon deux domaines relatifs au régime de fonctionnement (stationnaire, non stationnaire, périodique…) et à la prise en compte du temps. Ces deux méthodes conduisent à des techniques de linéarisation (critères simplifiés selon le régime de fonctionnement) et les schémas d’intégration (selon le schéma temporel : complexes et non linéaire). Le passage des approches analytiques voire phénoménologiques, soit par discrétisation puis par utilisation de méthodes numériques sont prometteuses, mais nécessitent encore des temps de calcul très supérieurs à une vague d’essai bien menée pour une première approximation. En s’appuyant sur les travaux de Seo [Seo, 1998], Fontaine [Fontaine, 2004] et Laheurte [Laheurte, 2004], nous pouvons présenter un chronogramme portant sur la modélisation de la coupe essentiellement à l’échelle mésoscopique. Chaque auteur a apporté une amélioration d’un point spécifique de la modélisation de la coupe (Figure II. 12).
Méthodologie du Couple « Outil-Matière » (COM)
Concept de base La méthodologie du Couple « Outil/Matière » permet de clarifier la représentation de l’interaction « outil/pièce » sur la machine et pour une opération donnée, mais surtout de sécuriser et d’optimiser les opérations d’usinage [NF E, 1994]. Elle permet en outre de faire le choix d’outil en fonction des impositions technico économiques ou de comparer la réponse en usinage de différents matériaux [Bagur, 1996], [Bagur, 2001]. Le Couple « Outil/Matière » est obtenu en suivant une démarche normée en vue d’une définition précise de l’outil, de la matière et de l’opération et d’une formalisation des procédures expérimentales de détermination de ces paramètres (Figure II. 19).
But du COM En effet, les buts du Couple « Outil/Matière » (COM) sont multiples :
• Il est un moyen d’échange entre les différents intervenants d’un processus d’usinage : fabricants d’outils, services méthodes, préparation et programmation mais également les fabricants de matières et de machines.
• Il permet de choisir le bon outil au bon moment.
• Il permet de déterminer le domaine d’emploi d’un outil dans une matière compte tenu de l’environnement d’usinage (machine, type de pièce, bridage, état de surface…).
• Il permet de capitaliser les expériences d’usinage.
La méthodologie Couple « Outil Matière » permet quant à elle :
• de déterminer par essais le COM ;
• d’extrapoler les résultats d’un COM pour un autre COM ;
• d’être » bon du premier coup » c’est à dire de diminuer fortement les temps d’industrialisation des pièces ;
• pour les fabricants d’outils, de diminuer les temps de développement des nouveaux outils. Un paramètre très important est à noter : le COM s’adresse en premier lieu aux industriels usineurs. Cela implique qu’il doit être rapide et simple à obtenir et à utiliser. Mais le COM s’adresse également aux fabricants d’outils ou de matériaux. Il doit donc être suffisamment précis pour être utilisable en recherche et développement et suffisamment simple pour être utilisable au quotidien par un usineur. Ces deux contraintes ont abouti à l’écriture d’un logiciel utilisant le COM pour obtenir des conditions de coupe sous contrainte d’environnement (machine, état de surface, bridage…).
Contraintes d’environnement Un des résultats important sur lequel s’appuie la méthodologie COM est la constatation que le domaine de coupe d’un outil donné dans une matière donnée est d’étendue maximale lorsque la machine est à la fois puissante et rigide : on parle alors de fonctionnement d’un outil dans une matière sans contraintes d’environnement. Ce domaine peut être considéré comme uniquement dépendant de l’outil et de la matière usinée. C’est en travaillant sur la comparaison entre différents domaines de coupe sans contraintes que l’on peut comparer les performances de différents Couples « Outil/Matière », en faisant varier à volonté, la matière, l’outil ou les deux simultanément. Lors de la prise en compte d’une opération industrielle d’usinage, il faut intégrer un certain nombre de contraintes qui réduisent l’étendue du domaine de coupe [Bagur, 1996] :
• Les contraintes liées à la machine : courbe de réponse en puissance, couple disponible en fonction du régime, efforts susceptibles d’être supportés par la machine (rigidité, volume accessible…).
• Les contraintes découlant d’impositions incontournables : niveau de rugosité imposé, rigidité du montage de la pièce (cas des petites pièces élancées.), rigidité du montage de l’outil (cas des rallonges permettant l’usinage des fonds de poche…).
• Les contraintes liées à des conditions particulières : chocs en cours d’usinage, flexibilité de la pièce, recyclage de copeaux…
Il peut effectivement arriver que les contraintes soient telles qu’elles interdisent tout usinage à l’intérieur du domaine de coupe sans contrainte (par exemple, cas d’un outil à forte vitesse de coupe minimale, utilisée avec une longue rallonge en fond de poche…). L’existence de la zone d’emploi sous contrainte est donc en soit un premier résultat concret de la méthode COM, permettant d’invalider un certain nombre de choix d’outils, de machine ou de matière. Une fois connue la zone d’emploi sous contrainte,l’enjeu pour l’usineur est de vérifier qu’en tout point de sa trajectoire, les conditions de coupe effectives sont bien incluses dans cette zone d’emploi sous contrainte.
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Table des matières
NOTATIONS
AVANT-PROPOS
I. INTRODUCTION GÉNÉRALE
I.1. Introduction
I.2. Présentation de l’étude
I.3. Définitions
II. INDUSTRIALISATION DU PROCÉDÉ DE TRÉFLAGE : MODÈLES ET MÉTHODOLOGIE
II.1. Innovation en usinage
II.2. Usinage par tréflage
II.2.1. Apparition du tréflage
II.2.2. Domaines d’application
II.2.3. Les travaux scientifiques relatifs au tréflage
II.3. Les modèles en usinage
II.3.1. Modèles de coupe
II.3.1.1. Echelle de modélisation
II.3.1.2. Modèles des efforts de coupe
II.3.1.2.1. Types de modélisation des efforts
II.3.1.2.2. Modèles phénoménologiques
II.3.1.2.3. Modèles analytiques
II.3.1.2.4. Modèles numériques
II.3.2. Modèle de qualité des surfaces
II.3.2.1.1. Influence de la géométrie de l’outil en fraisage
II.3.2.1.2. Influence de la géométrie de coupe
II.3.3. Méthodologie du Couple « Outil-Matière » (COM)
II.3.3.1. Concept de base
II.3.3.2. But du COM
II.3.3.3. Contraintes d’environnement
II.3.3.4. Paramètres pilotant le COM
II.3.3.5. Méthodologie du Couple « Outil-Matière »
II.4. Conclusion
III. LE TRÉFLAGE : DE LA DESCRIPTION À LA MODÉLISATION
III.1. Introduction
III.2. Classification et définition du tréflage
III.3. Cinématique de l’opération du tréflage
III.3.1. Mouvements de l’outil
III.3.1.1. Mouvement de coupe
III.3.1.2. Mouvement d’avance
III.3.1.3. Mouvement résultant de coupe
III.3.2. Trajectoire de la partie active de la fraise en tréflage
III.4. Les outils en tréflage
III.4.1. Technologie des outils
III.4.2. Caractéristiques géométriques des outils de tréflage
III.4.3. Modèle simplifié de la géométrie de la plaquette
III.4.3.1. Systèmes et plans de référence
III.4.3.2. Angles de l’outil
III.5. Paramètres pilotant l’opération du tréflage
III.5.1. Paramètres limites de coupe
III.5.2. Prédétermination des paramètres pilotant le tréflage
III.5.2.1. Mode d’obtention des paramètres limites
III.5.2.2. Prédétermination de la vitesse de coupe minimale (Vcmin )
III.5.2.3. Détermination des limites en avance par dent zf
III.5.2.4. Détermination des limites pour l’engagement radial (ae)
III.5.2.5. Détermination des limites pour le pas (P)
III.6. Conclusion
IV. LES EFFORTS DE COUPE EN TRÉFLAGE
IV.1. Introduction
IV.2. Informations préliminaires à la modélisation
IV.3. Hypothèses sur le modèle
IV.4. Mode de travail (opposition et avalant)
IV.5. Modélisation géométrique de coupe
IV.5.1. Paramètres géométriques
IV.5.2. Section de coupe
IV.5.2.1. Epaisseur radiale de coupe
Engagement partiel
Engagement complet
IV.5.2.2. Epaisseur axiale de coupe
IV.6. Modélisation des efforts de coupe
IV.7. Coefficients spécifiques
IV.8. Validation expérimentale
IV.8.1. Descriptif du système expérimental
IV.8.1.1. Machine-outil
IV.8.1.2. Matériau et géométrie des pièces usinées
IV.8.1.3. Outil
IV.8.1.4. Système de mesure d’effort
IV.8.2. Mesure des efforts de coupe
IV.8.3. Détermination de coefficients spécifiques
IV.8.4. Comparaison entre le modèle théorique et expérimental
IV.9. Influence des paramètres de tréflage sur les efforts de coupe
IV.10. Conclusion
V. MAÎTRISE DE L’OPÉRATION DE TRÉFLAGE
V.1. Introduction
V.2. Trajectoires et stratégies d’usinage
V.2.1. Trajectoires d’usinage
V.2.2. Stratégies d’usinage
V.3. Productivité en tréflage
V.3.1. Débit instantané de copeau
V.3.1.1. Débit instantané de copeau : application au tréflage d’un épaulement
Cas de la première plongée
Cas des plongées suivantes
Cas de la dernière plongée
V.3.1.2. Débit instantané de copeau : application au tréflage d’une rainure
Cas de la première plongée
Cas des plongées suivantes
Cas de la dernière plongée
V.3.1.3. Débit instantané de copeau : application au tréflage pour élargir un trou
V.3.2. Temps d’usinage
V.3.2.1. Principe
V.3.2.2. Temps d’usinage en tréflage
Données
Formulation
V.4. Comparaison entre l’opération de tréflage et le fraisage classique
V.4.1. Configurations géométriques et paramètres de coupe
V.4.2. Trajectoire d’usinage
V.4.3. Stratégies d’usinage
V.4.4. Temps d’usinage
V.4.5. Débit du copeau
V.4.6. Efforts et puissance de coupe
V.5. Topographie des surfaces tréflées
V.5.1. Hauteur de crête
V.5.1.1. Hauteur de crête dans le cas de plongées successives sur une surface plane et sur une surface inclinée
V.5.1.2. Hauteur de crête dans le cas de plongées en Zigzag
V.5.1.3. Hauteur de crête dans le cas de plongées en escalier
V.5.2. Défauts de rectitude liée à une plongée de fraise
V.6. Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES
ANNEXE : DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL
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