Individualisme méthodologique et sociologie compréhensive : le souci de replacer l’individu au centre de l’étude

Individualisme méthodologique et sociologie compréhensive : le souci de replacer l’individu au centre de l’étude

L’une des questions sous jacente à l’étude du rapport affectif aux lieux est celle de savoir si le travail doit se centrer sur l’individu en tant qu’acteur c’est-à-dire « pourvu d’une intériorité subjective, d’une intentionnalité, d’une capacité stratégique autonome et d’une compétence énonciative? » (AUDAS 2007)Ou au contraire, en référence au principe d’holisme de Durkheim, considérer l’individu comme la simple partie du tout qu’est la société. Selon ce courant, les comportements individuels sont socialement déterminés. Dans le cadre de notre démarche qui cherche à évaluer une complexité ressentie du lieu, se positionner dans le champ de l’holisme semble réducteur. Cela reviendrait à occulter les dimensions individuelles de la complexité mises en avant par les aspects de souvenirs et de surprise.

De plus, comme le montre D. Martouzet, du fait même de la nature de l’information que nous cherchons à recueillir, c’est-à-dire des données de l’ordre de l’affectif, le positionnement dans le champ de l’individualisme méthodologique s’impose, au moins dans un premier temps. En effet pour étudier le rapport affectif aux lieux « il faut décortiquer chaque discours car il n’y a pas la possibilité de décortiquer un discours commun ou un discours reflet d’une communauté »  . Et ce n’est seulement que dans un second temps que l’influence des valeurs sociales sur la construction du discours sur le rapport affectif fait jour, au moment de l’analyse de celui-ci.

Pour l’étude du rapport affectif aux lieux, le positionnement dans le champ de l’individualisme méthodologique, se traduit en terme de méthode par le recours à des outils qui placent l’individu, ses comportements et ses ressentis au centre. C’est ce que propose la sociologie compréhensive portée à l’origine par Weber puis Boudon. L’un des fondements de la sociologie compréhensive est qu’elle ne cherche pas à expliquer mais bien à comprendre les faits par « une approche qualitative des phénomènes sociaux et humains » En plaçant la compréhension de l’interrogé comme une base, la sociologie compréhensive positionne l’observateur dans un rapport d’empathie envers l’interrogé. Pour que ce rapport s’établisse, l’observateur doit considérer que l’interrogé est compréhensible « quels que soient ses dires, son comportement, ses décisions et actions, ses croyances car l’observateur va se mettre en position intellectuelle de comprendre l’autre » .

Selon Boudon, un phénomène collectif serait « le résultat de l’interaction d’actions, décision, attitudes, comportements, croyances individuels », aussi appelées ADACC. Les actions individuelles ne sont alors pas considérées comme complètement mécaniques mais dépendantes d’un système de contraintes qui les régit, les ADACC. L’individu est alors pensé comme un être rationnel, pourvu d’un système de valeurs et d’affectivités, capable d’émettre un choix et de l’évaluer. Considérant cela, il implique pour notre recherche de placer l’individu au cœur de l’analyse, par le recours au récit. Dans le cadre de notre recherche, le fait d’avoir recours au récit des personnes, justifie de considérer la compréhension de ces ADACC comme une étape importante dans l’analyse. L’observateur doit comprendre ces ADACC « reconstituer [leurs] raisons d’être. La compréhension des ADACC individuels est alors un moment de l’explication du phénomène collectif qui en résulte. Loin de s’opposer à l’explication, la compréhension en est ici un moment » (BOUDON 2003) .

Dans l’étude de la corrélation entre complexité du lieu et rapport affectif au lieu, c’est bien l’individu qui est au centre. En effet même si c’est l’influence des caractéristiques du lieu sur le rapport affectif que nous cherchons à explorer, celle-ci se fait du point de vue de l’individu. Les caractéristiques du lieu ne sont appréhendées que par le biais de la définition, de la représentation que chaque individu en a. Dans le sens où chaque lieu est unique pour celui qui le définit, ce n’est plus alors l’individu en tant que tel qui est au cœur de la recherche mais bien l’interrelation entre individu et lieu. Cette nécessité de repenser l’interrelation homme-environnement est à la base de la psychologie environnementale.

Psychologie environnementale : la nécessité de repenser l’interrelation homme-environnement 

La psychologie environnementale peut se définir comme l’étude des interrelations entre l’individu et son environnement physique et social, en intégrant à la fois la dimension de temps et d’espace. Prohansky  présente la psychologie environnementale comme la « tentative d’établir un lien théorique et empirique entre le comportement, l’expérience de la personne et l’environnement ».

Cette définition fait écho, de façon significative, à l’un des objectifs de notre recherche qui est de mieux comprendre de façon empirique l’inter-relation entre espace et individu. Cela met en avant le double enjeu de la psychologie environnementale : repositionner l’individu comme un acteur à part entière de son environnement et considérer cet environnement comme un participant dans la construction du comportement individuel.

Ce souci d’analyse de l’interrelation se retrouve également dans les facteurs que la psychologie environnementale prend en compte. En effet, Jean Morval insiste sur le fait qu’en psychologie environnementale il est important de considérer à la fois les facteurs de l’environnement physique et les facteurs liés à la personne. Ainsi il convient d’analyser :
– les variables de l’expérience de l’environnement (lieu de naissance, durée de résidence,…),
– les dimensions sociales de l’environnement (utilisation de l’espace différent selon les classes sociales),
– les variables personnelles (âge, sexe, personnalité,…)
– les caractéristiques physiques de l’environnement,
– le degré de stimulation produit par l’environnement et enregistré par l’individu.

C’est pourquoi, au vu de notre objectif de recherche, nous nous sentons proche du courant de la psychologie environnementale qui considère le lieu comme un élément clé dans la construction de la représentation de l’environnement. Cette théorie fait écho à notre hypothèse comme quoi le lieu, dans sa complexité, est un élément clé dans la construction d’un rapport de type affectif entre individu et lieu. Aussi par les variables qu’elle examine la psychologie environnementale rejoint sur de nombreux points l’étude des déterminants du rapport affectif à la ville.

La psychologie environnementale propose également une méthode d’analyse. N’ayant pas eu recours à cette méthode nous ne nous attacherons pas à la présenter ici. En revanche nous souhaitons désormais revenir de façon plus précise sur notre méthode mise en place pour mener à bien notre travail de recherche.

Le questionnaire, moyen de mesure du rapport affectif aux lieux 

Pour Tuan  il est primordial de revenir à des valeurs d’expérimentation que l’Homme a perdue en évoluant. L’abstraction, la pensée et la rationalisation l’ayant éloigné de la science de l’expérimentation. Dans le cas de cette recherche l’expérimentation semble la voie la plus adaptée à démontrer nos hypothèses. En effet le choix a été celui d’évaluer la complexité ressentie puisque la mesure de la complexité est a proprement parlé impossible. De même l’évaluation d’un rapport de type affectif ne peut passer que par l’individu et les mots qu’il utilise pour évaluer les liens affectifs qu’il établit avec un lieu donné.

La recherche sur les déterminants du rapport affectif du point de vue du lieu étant à ses débuts il semble que l’expérimentation soit un bon moyen d’entamer la validation des hypothèses. Si l’expérimentation valide ou invalide les hypothèses cela peut ensuite permettre de poursuivre la recherche dans cette voie ou de proposer d’autre pistes de recherche. Notre démarche d’étude se positionne certes du point de vue du lieu, mais du lieu compris, analysé, vécu et défini par l’individu. C’est donc en interrogeant l’individu que l’on pourra atteindre cette connaissance.

Le but étant d’établir ou non une relation entre deux variables statistiques l’objectif de l’investigation sera de capitaliser des données chiffrées relatives à la complexité et l’affectivité sur un lieu donné. Ainsi le choix du questionnaire s’est avéré pertinent pour atteindre cet objectif. Le questionnaire permet aussi, grâce à la codification des réponses, d’établir des regroupements de personnes.

Un questionnaire présente plusieurs intérêts pour notre recherche :
– simplicité de mise en œuvre et d’analyse
– attractivité pour les individus si le questionnaire est rapide
– possibilité de récolter un grand nombre de données
– méthode simple pour le recueil de valeurs numériques
– anonymat

La démarche de questionnaire portant sur le rapport affectif a été testée et validée lors des précédents travaux de recherche sur ce même thème. L’élaboration de notre questionnaire s’appuiera donc en partie, sur ces précédentes expériences.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : Présentation de la recherche
I Eléments de définition
I.1 Le rapport affectif à la ville
I.1.1 Le subjectif et la ville: une nouvelle approche
I.1.2 De l’existence du rapport affectif à la ville à sa définition: retour sur l’état actuel des connaissances
I.1.3 De la construction du rapport affectif: retour sur les notions de sensations, perceptions, émotions et sentiments
I.1.4 De la compréhension du rapport affectif: retour sur les déterminant du rapport affectif
I.2 Le lieu: une définition entre milieu de vie et système de relations
I.3 La complexité : positionnement théorique et caractérisation d’un système
I.3.1 La complexité : un nouveau positionnement théorique
I.3.2 La complexité: outils de caractérisation d’un système
I.3.3 La complexité et le lieu: essai de définition en vue de l’expérimentation
II. Présentation de l’objectif de recherche et questionnement
II.1 Objectif et intérêt de la recherche
II.2 Questionnement et élaboration des hypothèses de recherche
PARTIE II: Positionnement théorique et choix méthodologiques
I. Positionnement théorique
I.1 Individualisme méthodologique et sociologie compréhensive : le souci de replacer l’individu au centre de l’étude
I.2 Psychologie environnementale : la nécessité de repenser l’interrelation homme-environnement
II. Le questionnaire, moyen de mesure du rapport affectif aux lieux
II.1 Le questionnaire : population et méthode de sondage
II.2 Choix des lieux
II.3 Elaboration du questionnaire
III. L’entretien complémentaire, moyen pour atteindre le subjectif
III.1 L’entretien semi-directif: révélateur du discours d’existence
III.2 Le guide d’entretien : principe et élaboration
III.3 L’entretien: moment privilégié
Partie III: Analyse des matériaux de recherche
I. Analyse des questionnaires
I.1 Méthode d’analyse
I.1.1 Analyse statistique et graphique
I.1.2 Analyse qualitative
I.2 Présentation de l’échantillon
I.3 Interprétation des résultats
I.3.1 Une tendance à aimer les lieux
I.3.2 Une différence entre complexité évaluée et complexité calculée
I.3.3 Une faible corrélation complexité évaluée– rapport affectif
I.3.4 La complexité calculée et l’influence de ses différents éléments
I.3.5 Des résultats devenant hypothèses à vérifier par les entretiens
II. Analyse des entretiens
II.1 Méthode et objectifs de l’analyse
II.2 Présentation de l’échantillon
II.3 Les situations d’entretien
II.4 Analyse du corpus
II.4.1 Les différents types de rapport affectif aux lieux
II.4.2 Des lieux appréciés et jugés différemment
II.4.3 La complexité : une notion difficilement appréhendée
II.4.4 Les éléments de la complexité des lieux
III. Conclusion de la phase d’analyse
CONCLUSION

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