Indicateurs proposés pour construire les modèles prédictifs
L’essor des composites à fibres et la place des bois
Les composites à fibres, notamment d’origine végétale, sont de plus en plus utilisés dans la réalisation de composants pour le transport (Bodros et al., 2007), la fabrication d’éoliennes (Chen et al., 2013) ou de bateaux à voile (Le Duigou et al., 2009). Très souvent la technologie utilisée est la réalisation de plaques ou coques multicouches, en variant les paramètres d’anisotropie et d’épaisseur entre couches et en n’hésitant pas à combiner des matières différentes pour chaque pli. L’utilisation de logiciels de conception permet de « jongler » avec l’hyperchoix de matériaux de base, pour optimiser les composants. Sur le plan technique, les bois sont des matériaux anisotropes qui s’avèrent tout à fait compétitifs, vis à vis des composites à fibre, lorsqu’ils figurent dans un logiciel de sélection comme CES (Ashby et al., 2004; Laurent et al., 2010). Ce sont les plus légers des matériaux de structure avec des densités variant de 0,1 à 1,3 pour des modules d’élasticité longitudinale pouvant atteindre 40 MPa (dans les cas de forte densité et d’anisotropie maximale de la paroi cellulaire).
Ils peuvent être produits sous forme de feuilles d’épaisseur variable, de manière classique par les industries du tranchage et du déroulage. On peut citer l’exemple du LVL (laminated veneer lumber) réalisé à partir de placages déroulés (Hata et al., 2001), qui est en plein essor sur le marché de la construction et le contreplaqué qui reste un produit technique haut de gamme, encore utilisé dans l’aéronautique et les transports. Cependant, malgré leurs qualités techniques, il faut constater que les bois sont rarement retenus dans les choix finaux. Ce constat est probablement lié à divers facteurs, on peut citer : la garantie d’approvisionnement, les procédés associés (usinage), la variabilité des propriétés ou encore la connaissance du matériau par les concepteurs. Pour encourager l’utilisation des bois en conception mécanique, un des enjeux est donc de trier, qualifier et tracer les pièces de bois. Cela suppose un certain nombre de travaux de fonds sur les liens entre genèse et structure du bois dans l’arbre et les liens entre structure (aux différentes échelles) et propriétés technologiques du matériau. Cela implique aussi de réaliser des campagnes de mesures importantes sur les bois, en complément de ce qui se fait actuellement sur le bois d’oeuvre pour ses applications en génie civil.
Le bois pour l’ingénieur mécanicien
Les bois sont utilisés depuis les origines de l’humanité, notamment comme matériaux de structure (Thelandersson et Larsen, 2003). Ils restent massivement utilisés dans la construction et l’habitat et se maintiennent dans quelques secteurs de la construction mécanique (transports notamment). Dans les usages structurels on s’intéresse en premier lieu au comportement mécanique du matériau. Les premières étapes de la conception se font dans le domaine élastique de ce comportement, afin de déterminer déformations et contraintes dans les pièces avant d’examiner les risques d’endommagement dans les zones critiques. Les variations dimensionnelles des matériaux en raison de variations de paramètres physiques de l’environnement, comme la température et l’humidité, sont aussi des paramètres clés pour la conception. Le bois est considéré, en première approximation, comme un matériau orthotrope (Guitard, 1987) possédant trois plans de symétrie naturels déterminés par les directions de croissance de l’arbre en hauteur (direction longitudinale L), et en diamètre (direction radiale R). La troisième direction du repère orthonormé correspond à la tangente aux cernes annuels (direction tangentielle T). Cela définit les trois plans de référence du bois (figure 1.7 : RT (transversale, perpendiculaire à L), LT er LR (parallèles, respectivement perpendiculaires à R et T).
En élasticité linéaire (qui décrit bien le comportement du bois en petites déformations), le comportement élastique d’un matériau est caractérisé par son tenseur des complaisances élas- tiques (S), qui relie l’état des déformations à l’état des contraintes (loi de Hooke). Ce tenseur, généralement noté sous forme matricielle, dans laquelle chaque composante peut être exprimée en fonctions de grandeurs techniques (module d’élasticité, module de cisaillement et coefficient de Poisson). Pour les matériaux isotropes 3 paramètres (un module d’élasticité, un module de cisaillement et un coefficient de Poisson) suffisent pour calculer la relation entre contrainte et déformation. Pour un matériau orthotrope, il faut neufs constantes indépendantes pour définir le comportement élastique : 3 modules élastiques dans les 3 directions de référence, ainsi que les 3 modules de cisaillement (GLR, GLT et GTR), définissant la diagonale de la matrice (1.1), auxquels il faut ajouter 3 termes non diagonaux permettant de calculer, avec les 3 modules élastiques, les 6 coefficients de Poisson.
Dans beaucoup d’usages traditionnels (y compris en construction mécanique, comme le charronnage) le bois est utilisé en pièces élancées dans la direction L et le seul module élastique longitudinal est suffisant pour le dimensionnement, associé à un critère de rupture dans la même direction. La plupart des bases de données sur le bois (Tropix : Paradis et al., 2015; Kretschmann et Green, 1999) se contentent de cette seule constante élastique et de deux résistances dans la direction axiale, en compression et en flexion (les deux valeurs étant extrêmement bien corrélées, la résistance en flexion valant sensiblement le double de la résistance en compression). Toutefois, cela n’est plus suffisant pour la conception de pièces plus complexes (Thelandersson et Larsen, 2003).
Daniel Guitard (Guitard, 1987), en compilant toutes les données de la littérature avait proposé des régressions en partant de la densité seule, avec des fonctions puissances pour les feuillus et des fonctions linéaires pour les résineux. Ces « modèles de Guitard » (Guitard et El Amri, 1987) restent la seule référence opérationnelle face à un bois dont on connait la densité. Mais l’incertitude sur les 9 coefficients reste grande et elle limite la capacité à valoriser au mieux les pièces de bois au sein d’une espèce, en conception mécanique. Des outils nouveaux permettent aujourd’hui des mesures non destructives sur les matériaux tant du point de vue physique (tomographie RX) que mécanique (utilisation de vibrations ou d’ondes ultrasonores). La tomographie RX (Freyburger et al., 2009; Svedström et al., 2012) donne accès à la largeur de cerne, à la densité et à ses variations. Les méthodes vibratoires ou ultrasonores donnent accès au module spécifique (rapport entre le module élastique longitudinal et la densité) qui est très bien corrélé à l’AMF (Cave, 1968) et peut être considéré comme un bon descripteur de cet angle, paramètre clé de l’anisotropie du bois. La caractérisation chimique du bois massif reste compliquée, mais des outils comme la spectrométrie de surface en proche infrarouge par exemple, restituent un spectre d’absorption qui dépend beaucoup de la chimie du bois (Zahri et al., 2008; da Silva et al., 2013). On peut imaginer que, complétant les modèles de Guitard, pour un groupe d’espèces suffisamment homogène en termes de chimie et de structure, l’ajout de descripteurs de la chimie et de l’anisotropie devrait permettre d’améliorer la prédiction des propriétés physiques et mécaniques de pièces de bois.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte et enjeux 7
1.1 Matériaux pour la conception mécanique
1.1.1 Les classes de propriétés et de matériaux
1.1.2 Les procédures de sélection
1.1.3 L’essor des composites à fibres et la place des bois
1.2 Bois d’oeuvre et bois « sans défauts »
1.2.1 Bois « sans défauts » des résineux
1.2.2 Le bois pour l’ingénieur mécanicien
1.3 Les pins : un groupe d’espèces important
1.4 Contours et objectifs du travail de thèse
2 La démarche employée
2.1 Matériel végétal et préparation des échantillons
2.1.1 Matériel végétal
2.1.2 Préparation des échantillons
2.2 Mesures des propriétés élastiques
2.2.1 Méthode Bing©
2.2.1.1 Mode opératoire
2.2.1.2 Principe et analyse
2.2.2 Méthode ultra-sonore par contact direct
2.2.2.1 Mode opératoire
2.2.2.2 Principe et analyse
2.2.3 Méthode de spectroscopie par résonance ultra-sonore (RUS)
2.2.3.1 Mode opératoire
Mesure des fréquences propres
Identification inverse
2.2.3.2 Principe et analyse
Problème direct
Problème inverse
2.2.4 Essai de rupture en compression axiale
2.2.4.1 Mode opératoire
2.2.4.2 Principe et analyse
2.3 Mesures des propriétés hygroscopiques
2.3.1 Variations de masse et dimensions en fonction de l’humidité relative
2.3.1.1 Mode opératoire
2.3.1.2 Principe et analyse
2.3.2 État saturé
2.3.3 État anhydre
2.3.4 Calculs des retraits, PSF et infra-densité
2.3.4.1 Retraits totaux
2.3.4.2 Coefficients de retraits
2.3.4.3 PSF
2.3.4.4 Infra-densité
2.4 Mesure de spectrométrie proche infrarouge (NIRS)
2.4.1 Mode opératoire
2.4.2 Principe et analyse
2.4.2.1 Prétraitement des données spectrales
2.4.2.2 Méthode PLS
2.5 Indicateurs proposés pour construire les modèles prédictifs
2.5.1 Densité
2.5.2 Module spécifique longitudinal
2.5.3 Largeur de cernes
2.5.4 Indicateur de la chimie
2.6 Méthodes statistiques
2.6.1 Statistiques descriptives
2.6.2 Élaboration des modèles prédictifs
2.6.3 Logiciels utilisés
2.6.4 Méthodes de sous-échantillonnage
3 Résultats et Discussion
3.1 Description statistique
3.1.1 Description générale
3.1.2 Relations entre variables
3.1.3 Influence de la densité sur les constantes élastiques
3.2 Modèles prédictifs de propriétés
3.2.1 Prédictions par indicateurs physico-mécaniques
3.2.2 Prédictions par spectrométrie proche infrarouge
3.2.3 Prédictions par modèles combinés
3.2.4 Conclusion pour ce chapitre
Conclusion et perspectives
Contexte et Enjeux
La caractérisation des bois « sans défauts »
À propos des modèles prédictifs
Extension du cadre scientifique
Vers le transfert industriel
Bibliographie
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