Les soins de santé primaires ont été définis par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1978 dans la déclaration d’Alma-Ata comme des « soins essentiels » constituant « le premier niveau de contact avec le système national de santé ». Leur proximité avec le lieu de vie des personnes y était décrite comme importante. La définition donnée était vaste et regroupait de multiples missions telles que la prévention et le traitement des maladies, la fourniture des médicaments, la promotion de la santé mais aussi l’éducation sanitaire et alimentaire avec des mesures d’assainissement, d’approvisionnement en eau saine et d’accès au logement. Divers intervenants participant aux soins primaires étaient cités dans cette déclaration : médicaux, paramédicaux, auxiliaires et agents communautaires ainsi que les praticiens traditionnels. L’accent était mis sur le travail collaboratif et sur l’égalité d’accès aux soins (1) (2). En 1996, de nouvelles missions de soins primaires ont été détaillées par l’OMS dans la charte de Ljubljana : l’amélioration de la qualité de la vie, la réadaptation des patients ainsi que la prise en charge des personnes souffrantes et en fin de vie (3). En 2008 dans le rapport « Soins de santé primaires, maintenant plus que jamais » l’OMS accordait cette fois une attention particulière à la dimension humaine des soins (4).
En France, la définition des soins de premier recours a été donnée par la loi n° 2009-879 « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009 (5). Les mêmes éléments que dans la définition de l’OMS des soins primaires étaient retrouvés : la notion de proximité et la liste des différentes missions des soins de premier recours (prévention, éducation, dépistage, diagnostic, traitement et suivi des patients, dispensation des thérapeutiques, orientation dans le système de soins et le secteur médico-social). Les rôles du médecin généraliste y étaient décrits avec les notions de coordination et de permanence des soins.
La définition des soins primaires évoluait au fil des années pour s’adapter aux problématiques de santé de son temps. En cinquante ans, les progrès de la médecine avaient conduit à un allongement de l’espérance de vie. Les maladies non transmissibles avaient remplacé les maladies infectieuses (6). Sur la période 1985- 2005, la prévalence des maladies chroniques avait doublé. Avec le vieillissement de la population la part des patients avec plusieurs maladies chroniques avait augmenté considérablement (7).
Dans ce contexte, le concept de la multimorbidité émergea. Elle a été définie par l’OMS en 2008 comme l’association d’au moins 2 conditions médicales chroniques (4). Ses conséquences étaient une diminution des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie des patients, une polymédication, un risque accru de décès prématuré et une surconsommation du système de santé avec le coût que cela représentait pour la société (8). Plusieurs études provenant de différents pays avaient cherché à déterminer sa prévalence. Une revue de la littérature a montré que les résultats obtenus étaient très variables allant de 13,1 % à 71,8 % à 75 ans dans la population générale. Ses différences de résultats étaient expliquées par le choix de la population étudiée, la tranche d’âge ciblée, les méthodes de collecte de données utilisées et surtout la définition de la multimorbidité retenue. Elles étaient en effet très différentes selon les études et, comme le terme « condition » de la définition de l’OMS, souvent floues (9) (10).
La définition de la multimorbidité a été enrichie et adaptée aux soins primaires par l’european general practice research network (EGPRN) (11). Elle a été validée au niveau européen puis traduite dans les différentes langues européennes (12). Elle était alors définie comme la combinaison d’une maladie chronique avec au moins une autre maladie (aiguë ou chronique) ou un facteur biopsychosocial ou un facteur de risque somatique.
La prise en charge des patients multimorbides nécessitait la participation de nombreux professionnels de santé et ressources du secteur médical, sanitaire et social. Cette multiplicité des intervenants pouvait conduire à une fragmentation des soins, ce qui s’avérait inefficace voir nocif pour la prise en charge des patients multimorbides (13). Chez ces patients complexes, il fallait privilégier une approche globale avec des soins centrés sur le patient plutôt que des soins centrés sur la maladie (14). Pour y parvenir une collaboration et une coordination entre les différents professionnels œuvrant pour le patient était nécessaire (6).
Le système de soins français devait s’adapter aux nouveaux besoins de ces patients multimorbides, et ce dans un contexte d’inégalité de répartition territoriale de l’offre de soins de premiers recours. Le regroupement des professionnels au sein des GECO apparaissait comme une solution à ces problématiques. Le but était de faciliter l’accès aux soins notamment dans les déserts médicaux, d’améliorer la qualité des soins et le suivi des patients grâce à la coopération interprofessionnelle (15). Ce mode d’exercice devait répondre de plus aux attentes des jeunes diplômés qui recherchaient un meilleur compromis entre la vie professionnelle et la vie privée que l’exercice individuel rendait difficile (16).
Les GECO correspondaient à toutes les organisations professionnelles qui produisaient de l’exercice coordonné. Ils pouvaient s’organiser de différentes façons, en pôles et maisons de santé ou alors s’organiser autour de prises en charge spécifiques telles que le suivi de la femme enceinte et du nouveau-né, le parcours de la personne âgée ou l’élaboration de programmes d’éducation thérapeutique (17).
Le concept de maison de santé pluri-professionnelle (MSP) a été défini en 2007 par l’article L.63233 du code de la santé publique introduit par la loi de financement de la sécurité sociale (18) : « Les maisons de santé assurent des activités de soins sans hébergement et peuvent participer à des actions de santé publique ainsi qu’à des actions de prévention et d’éducation pour la santé et à des actions sociales. Les maisons de santé sont constituées entre des professionnels de santé. Elles peuvent associer des personnels médico-sociaux ». La définition a été modifiée plusieurs fois ensuite. La loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) du 21 Juillet 2009 (5) ajoutait que les professionnels exerçant en MSP « élaborent un projet de santé, témoignant d’un exercice coordonné et conforme aux orientations des schémas régionaux ». La loi Fourcade du 10 Août 2011 (19) définissait la maison de santé comme « une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens ». La loi de modernisation du système de santé du 26 Janvier 2016 (20) donna la dernière version de la définition des maisons de santé en y décrivant la maison de santé pluri-professionnelle universitaire.
L’état mit en place différentes mesures de financement pour favoriser l’exercice coordonné et le développement des GECO. Parmi ces mesures, les nouveaux modes de rémunération avaient été introduits dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2008 (21). Ils se sont généralisés et pérennisés en 2015 avec la mise en place du règlement arbitral (22) qui fut substitué en 2017 par l’accord conventionnel interprofessionnel (23). Il s’agissait d’une rémunération basée sur l’atteinte d’indicateurs pour financer le temps de coordination et d’informatisation des dossiers patients et l’offre de nouveaux services aux patients (tel que l’éducation thérapeutique). Les schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) permettaient de plus aux MSP situées dans des zones où l’offre de soins primaires était faible voir insuffisante de prétendre à des aides des agences régionales de santé (ARS) si leur projet de santé avait été validé (15).
Grâce à toutes ses mesures qui furent mises en place, les maisons de santé pluri-professionnelles affichèrent une pleine expansion. De 150 à 200 comptabilisées par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) en 2010, elles étaient passées au nombre de 910 en 2017, avec plus de 300 MSP en projets supplémentaires (24).
Depuis quelques décennies, il s’était opéré un changement de modèle de la relation médecin malade. Le modèle paternaliste, avec des médecins qui décidaient pour les patients sur le principe de la bienveillance fut remplacé par un modèle de décision médicale partagée où le respect de l’autonomie du patient était primordial .
Cette implication du patient dans les soins s’était faite progressivement au cours du temps, encadrée par des lois laissant de plus en plus de place au patient dans sa prise en charge. Cela débuta par la notion de consentement, apparue en 1994 dans la loi no 94-653 relative au respect du corps humain (27) : le consentement devait être recueilli avant tout acte pouvant « porter atteinte à l’intégrité du corps humain ». Puis en mars 2002, dans la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (28), il était précisé que : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». En 2013 la Haute Autorité de Santé (HAS) définissait le concept de la décision partagée dans son rapport « Patient et professionnels de santé, décider ensemble » (29) comme un modèle qui décrivait 2 étapes clés de la relation entre le professionnel de santé et le patient qu’étaient l’échange d’informations et la délibération en vue d’une prise de décision acceptée d’un commun accord concernant la santé individuelle du patient.
Les répercussions de cette nouvelle implication des patients dans les soins ont été étudiées. Il a ainsi été démontré que la participation accrue du patient aux décisions médicales qui le concernent diminuait son anxiété et améliorait sa santé (30).
Les maisons de santé pluri-professionnelles avaient dans ce contexte également cherché à développer l’implication et l’autonomisation des patients multimorbides dans la prise en charge de leurs problèmes de santé (31) (32). Pour cela elles se sont notamment appuyées sur l’éducation thérapeutique des patients que ce soit lors des consultations individuelles de suivi du patient ou lors de séances spécifiques dédiées à l’éducation thérapeutique.
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Table des matières
INTRODUCTION
DEFINITION DES SOINS PRIMAIRES
L’EVOLUTION DES PROBLEMATIQUES DE SANTE AU COURS DU TEMPS ET L’APPARITION DU CONCEPT DE MULTIMORBIDITE
L’APPARITION ET LE DEVELOPPEMENT DES GECO (GROUPES D’EXERCICE COORDONNE)
PLACE DU PATIENT DANS LES SOINS
PLACE DU PROCHE-AIDANT
ÉVALUATION DE LA QUALITE DES SOINS
L’ETUDE QUALSOPRIM
MATÉRIEL ET MÉTHODE
RÉSULTATS
Figure 1 : localisation des 5 GECO
Tableau 1 : Caractéristiques de l’échantillon
Tableau 2 : Tableau de synthèse
A) ACCESSIBILITE
A1- Gestion de la prise de rendez vous
A2- Accessibilité physique et géographique
A3- Soins à domicile
A4-Accessibilité des soignants hors rendez vous
A5-Accessibilité financière
B) DISPONIBILITE
B1- Délai d’obtention des rendez vous
B2- Flexibilité d’organisation des soins
B3- Ponctualité
B4- Disponibilité du professionnel
C) AMENAGEMENT DES LOCAUX
C1- Aménagements de confort
C2- Aménagements récréatifs
C3- Confidentialité
C4- Équipements de la maison de santé
D) SOINS MEDICO-TECHNIQUES
D1- Compétences du professionnel
D2- Certificats et démarches administratives
D3-Coordination du parcours de soins
D4- Efficacité des soins
E) RELATIONS AVEC LE PROFESSIONNEL
E1-Communication
E2-Relations humaines
E3-Recherche des souhaits et besoins
E4-Relation de confiance
E5-Secret médical
E6-Facteurs influençant le choix du professionnel
F) PLACE DU PATIENT DANS LES SOINS
F1- Évaluation du retentissement psycho-social
F2- Informations au patient
F3- Séances d’éducation thérapeutique
F4- Soutien du patient
F5- Implication du patient
G) PLACE DE L’AIDANT DANS LES SOINS
G1-Retentissement sur l’aidant
G2-Informations à l’aidant
G3- Soutien des aidants
G4- Implication de l’aidant
H) ORGANISATION DES SOINS DANS LA STRUCTURE
H1- Permanence des soins sur la MSP
H2- Continuité des soins au sein de la structure
H3- Communication entre les professionnels
H4- Coordination des soins
H5- Formation des étudiants
H6-Diversité de l’offre de soins
H7-Prise en charge générale
I) ORGANISATION TERRITORIALE DES SOINS
I1- Démographie médicale
I2- Répartition géographique
I3- Permanence des soins
DISCUSSION
SYNTHESE DES RESULTATS
APPORTS DE L’ETUDE AU REGARD DE LA LITTERATURE
LIMITES DE L’ETUDE
CONCLUSION
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