Incidence des lésions médullaires traumatiques (LMET)
Selon l’HAS l’incidence des lésions médullaires traumatiques en France est de l’ordre de 1200 nouveaux cas par an (environ 19,4 nouveaux cas par million d’habitants (6). L’incidence varie d’un pays à un autre, de 13 à 53 nouveaux cas par million d’habitants selon les pays (6). En Europe les incidences varient de 10,4 à 29,7 par million d’habitants, toutes causes confondues. Elle est estimée à 40 par million aux Etats Unis .
L’incidence des LMET a tendance à baisser aux Etats Unis, en Australie, ou en Finlande suite aux politiques de prévention routière. En France, malgré une baisse des décès liés aux accidents de la route pour les utilisateurs de voitures, l’incidence est restée stable du fait de l’augmentation des LMET impliquant les cyclistes et les motards .
Le taux d’incidence des LMET est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Identique dans les populations pédiatriques, ce taux augmente régulièrement avec un pic entre 16 et 21 ans. Le rapport est de 4 hommes pour 1 femme (8) en France. On observe deux pics dans la pyramide des âges : un premier chez les jeunes adultes (hommes : 20-29 ans, femmes : 15-19 ans) et un second chez les personnes âgées (hommes de plus de 70 ans, femmes de plus de 60 ans (6)). L’incidence chez les personnes âgées augmente depuis quelques années comme le montre des études au Canada, en Chine et en Australie. Cette augmentation s’explique par un plus grand nombre de chutes. De même, l’âge au moment du traumatisme est en augmentation. Il est passé de 40,2 ans à 48,9 ans en Norvège et de façon encore plus significative chez les femmes, de 24,7 à 57,7 ans .
Etiologies
Les accidents de la voie publique (AVP) sont la principale cause de LMET dans les régions de l’OMS. Leur incidence varie selon les pays. Le port de la ceinture de sécurité a permis de réduire les LMET (au Mississipi l’incidence était plus élevée que dans les autres états car la ceinture de sécurité n’était pas obligatoire dans les automobiles (9)). En deuxième cause on retrouve les chutes. Elles sont responsables de plus de 40% des LMET en Méditerranée Orientale et en Asie du Sud Est. Chez les sujets âgés, après 60 ans pour les femmes et 70 pour les hommes – elle est la première cause de traumatisme médullaire (6). Les traumatismes médullaires sur canal cervical étroit (10% des traumatismes du rachis cervical avec troubles neurologiques) sont responsables de tableaux neurologiques spécifiques (syndrome central de la moelle), ne montrant aucune anomalie radiologiquement décelable, seule l’ IRM en permet le diagnostic(10). Chez le sujet âgé, les tassements ostéoporotiques ont une fausse réputation de bénignité. Très fréquents, ils sont de diagnostic souvent tardif.
En troisième cause on retrouve les agressions (en incluant les automutilations). Certains pays sont plus touchés comme les Etats Unis, le Brésil ou la Turquie, les pays de la Méditerranée Orientale, ou ceux d’Afrique. Ce taux augmente dans les pays en guerre. Aux Etats Unis les armes à feu sont responsables de près de 11,7% des cas (6). En Europe, le taux de LMET lié aux agressions est beaucoup plus faible, autour de 4%. Enfin on retrouve dans les régions de l’OMS, les activités sportives et les loisirs représentent moins de 10% des LMET. Certains pays font exception comme les Etats unis (28%) ou la France (22%) .
Prévalence
La prévalence, selon l’OMS, varie de 280 à 1298 cas par million d’habitants (6). En France, il y avait 50000 blessés médullaires traumatiques en 2000. Elle était de 250000 aux Etats Unis, et est en augmentation croissante du fait de l’amélioration de survie après le traumatisme .
Localisation
Le rachis cervical est plus souvent atteint que le rachis dorso-lombaire (60/40%) (8). Ainsi les tétraplégies (54,1%) sont plus fréquentes que les paraplégies (12) et les atteintes neurologiques complètes (55,6%) (12) prédominent sur les lésions incomplètes. Le rapport de l’OMS de 2011 montre que l’incidence des LMET dans le monde est faible, mais que le coût est élevé. Elle pourrait être réduite, pour les étiologies traumatiques qui représentent 70 à 80% des étiologies, grâce à une série de mesures préventives.
Mortalité et espérance de vie
Le taux de mortalité de 80%, qui prévalait dans les années 40, n’a cessé de diminuer au cours de ces dernières décennies, pour se stabiliser autour de 17%. L’amélioration de la prise en charge à la phase aigue et de la réadaptation ont permis de prolonger l’espérance de vie dans les pays à revenu élevé mais elle reste plus basse que celle de la population générale. Les blessés médullaires ont 2 à 5 fois plus de chance de mourir prématurément. Le risque de mortalité augmente avec le niveau et la gravité de la lésion (6). Les complications liées à la lésion médullaire ne sont plus les principales causes de décès dans les pays à revenu élevé (contrairement aux pays à faible revenu). Les causes de décès se rapprochent de celle de la population générale. Ce sont les problèmes respiratoires (en particulier la grippe et la pneumonie), les complications cardiaques, les suicides ou les problèmes neurologiques .
Anatomophysiologie et classification
Anatomie
La moelle épinière est un cordon d’environ 50cm de longueur, de 1cm de diamètre. Elle est logée dans le canal rachidien (13). Elle fait partie du système nerveux central. Elle est entourée d’un canal ostéo-fibreux inextensible. Elle part du trou occipital et va jusqu’au disque L1-L2 puis se prolonge par la queue de cheval. De là partent les racines nerveuses qui constituent les racines rachidiennes (8 cervicales, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées et 1 coccygienne) qui innervent les 31 métamères. A partir de T6 il existe un décalage entre la vertèbre et le segment médullaire. Elle est constituée d’une substance grise centrale qui est le siège des fonctions réflexes, entourée de cordons de substance blanche (antérieur, latéral et postérieur) où passent les voies sensitives et motrices.
-les voies sensitives ascendantes
La voie lemniscale (colonne dorsale: figure 6a) véhicule, via des fibres de gros calibres myélinisées, les informations de la sensibilité consciente que sont le tact épicritique (sensibilité à la pression de la peau=baresthésie via des récepteurs situés dans l’épiderme et l’hypoderme) et la sensibilité profonde proprioceptive (qui renseigne sur la tension de l’appareil ligamentaire et sur la position des segments de membres dans l’espace) fournies par des mécano-récepteurs. Elle transporte également la sensibilité vibratoire (pallesthésie) via des corpuscules situés dans le périoste des os. Le premier neurone (protoneurone) monte directement dans la substance blanche des cordons dorsaux en formant les faisceaux gracile et cunéiforme et se termine au niveau de la moelle allongée. Le deutoneurone (deuxième neurone) verra ces fibres nerveuses croiser la ligne médiane au niveau de la moelle allongée pour former le lemniscus.
La voie lemniscale est rapide, discriminative, croisée et fortement organisée : elle envoie l’information sensitive de la périphérie au cortex avec précision, sans diffusion.
Le faisceau spinothalamique est divisé en faisceau ventral (ou paléo spinothalamique), qui transporte la sensibilité protopathique (tact grossier), et en faisceau dorsal (ou néo-spino-thalamique), qui transporte les sensations thermiques et douloureuses (brèves et précises). Ces deux faisceaux des voies extra-lemniscales, qui montent dans le cordon latéral (après avoir croisé au niveau du deutoneurone) puis dans le tronc cérébral et enfin le thalamus, donnent des branches collatérales à la substance réticulée dans le tronc cérébral. Il est constitué de fibres de petits calibres peu ou non myélinisées.
Ces deux voies, responsables de la sensibilité consciente sont constituées de trois neurones et de deux relais.
Le faisceau spino-cérebelleux véhicule la proprioception inconsciente (sensibilité à la tension des muscles et des tendons musculaires).
-Les voies descendantes motrices
Il existe deux types de voies motrices:
-Les premières sont directes et monosynaptiques, elles forment la voie corticospinale directe qui fait partie du faisceau pyramidal. Elles sont constituées de deux neurones, le neurone central qui a un trajet corticospinal et dont la lésion -quelque soit le niveau- entraine une paralysie centrale spastique et le deuxième neurone, périphérique, qui est situé dans la corne ventrale. Sa lésion entraine une paralysie périphérique flasque. La motricité volontaire permet d’agir sur les muscles squelettiques sous le contrôle de la conscience, en synergie avec les voies de la sensibilité.
-Les voies motrices indirectes, polysynaptiques forment les voies extrapyramidales. Leurs lésions entrainent des troubles moteurs centraux avec rigidité plastique.
La voie cortico-spinale ou pyramidale
C’est la grande voie de la motricité volontaire. Elle descend du cortex cérébral, traverse la capsule interne, croise la ligne médiane pour sa plus grande partie au niveau de la moelle allongée pour former le faisceau pyramidal croisé situé dans le cordon latéral de la moelle. Elle est responsable du mouvement précis et sélectif. Les autres fibres vont former le faisceau pyramidal direct situé au niveau du cordon ventral.
Les voies extra-pyramidales sont responsables de la motricité globale, consciente ou non, qui aboutit au mouvement. Elles comprennent:
-Les voies archéo-motrices avec la voie réticulo-spinale qui joue un rôle dans la locomotion et la posture. Elle part de la substance réticulée. La partie médiane – dans le cordon ventral – a un rôle facilitant, la partie latérale – dans le cordon latéral – a un rôle inhibiteur et la voie vestibulo-spinale qui est située dans le cordon ventral et qui joue un rôle dans l’équilibre.
-La voie paléo-motrice joue un rôle dans les mouvements globaux et inconscients. Elle comprend le faisceau rubro-spinal dans le cordon latéral et le faisceau tectospinal, situé dans le cordon ventral, responsable des mouvements de la tête en fonction des sensations visuelles et auditives.
-La voie néo-motrice comprend le faisceau olivo-spinal, situé dans le cordon ventral (concerne les muscles synergiques du membre supérieur) et les voies cortico-spinales extra-pyramidales, mêlées aux fibres du faisceau pyramidal.
-Les voies descendantes aminergiques sont situées dans les cordons antérieurs et latéraux.
-Les voies descendantes végétatives sont les voies du système nerveux autonome. Elles participent au fonctionnement de la vessie, du rectum et à la régulation de l’activité via les barorécepteurs.
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Table des matières
Introduction
I. La blessure médullaire: rappels, ses conséquences cliniques et sociales
1. Le blessé médullaire, rappels: épidémiologie, physiopathologie, classification et principaux syndromes
1.1. Rappels
1.2. Données épidémiologiques
1.2.1. Incidence des lésions médullaires traumatiques (LMET)
1.2.2. Etiologies
1.2.3. Prévalence
1.2.4. Localisation
1.2.5. Mortalité et espérance de vie
1.3. Anatomophysiologie et classification
1.3.1. Anatomie
1.3.2. Les principaux syndromes
1.3.3. Classification neurologique des blessés médullaires
1.3.4. Niveaux fonctionnels
2. La lésion médullaire et ses conséquences cliniques
2.1. Déficiences neurologiques
2.1.1. La spasticité
2.1.2. La syringomyélie
2.2. Déficiences neurovégétatives
2.2.1. La dysréflexie autonome (AD)
2.2.2. L’hypotension orthostatique (HO)
2.3. Déficiences orthopédiques
2.3.1. Les para-ostéo-arthropathies neurogènes (POAN)
2.3.2. L’ostéoporose
2.4. Déficiences cutanées
2.5. Déficiences digestive
2.6. Déficiences vésico-sphinctériennes et rénales
2.7 Déficiences génitales et sexuelles
2.8. Déficiences respiratoires
2.9. Déficiences cardiaques et circulatoires
2.10. Fatigue
2.11. Douleur
2.12. Déficiences psychologiques
3. Le vieillissement du blessé médullaire et ses conséquences
4. Le blessé médullaire en tant que modèle social
4.1. Evolution de la législation
4.2. Limitation d’activité et restriction de participation
4.3. Qualité de vie
II. Etude descriptive d’une cohorte de blessés médullaires d’origine traumatique à plus de deux ans de l’accident
1. Matériel et méthode
1.1. Objectifs
1.2. Population
1.3. Méthode d’observation
1.4. Méthode d’évaluation statistique
2 Résultats
2.1. La population
2.2. Suivi médical
2.2.1. Hospitalisation
2.2.2. Evolution de l’IMC
2.2.3. Déficiences neurologiques
2.2.4. Déficiences vésico-sphinctériennes
2.2.5. Déficiences cutanées
2.2.6. Déficiences digestives
2.2.7. Déficiences génito-sexuelles
2.2.8. Déficiences pneumologiques
2.2.9. Déficiences orthopédiques
2.2.10. Douleur
2.2.11. Déficiences psychologiques
2.3. Incapacité et handicap
2.3.1. Incapacité
2.3.2. Handicap
3. Discussion
3.1. Critiques de la méthodologie
3.1.1. Biais de recrutement
3.1.2. Limites du mode de recueil des données et des outils d’évaluation utilisés
3.2. Suivi médical et recommandations
3.3. Quelques éléments de Comparaison avec la série nancéenne
Conclusion
Références