Découvertes et nomenclature des PGs et TXs
Les PGs ont été découvertes pour la première fois dans les années 1930 par Goldblatt puis Von Euler [16] qui ont détecté la présence d’un acide gras dans le liquide séminal humain. Von Euler lui attribue le nom de prostaglandine pensant que cet acide gras provenait de la glande de la prostate. Trente ans plus tard, Bergstrom et Samuelsson [16, 17] établissent pour la première fois la structure de deux PGs : PGE et PGF. Les PGs et les thromboxanes (TXs) font partie d’une famille de lipophiles comprenant 20 atomes de carbone et une fonction acide carboxylique. Ils dérivent principalement trois substrats : l’acide eicosatriènoïque, l’acide arachidonique (AA), et l’acide eicosapentaènoïque. Parmi les PGs et les TXs les plus connues, formées à partir de l’AA, il y a : PGE2, PGD2, PGI2, PGF2α et TXA2. Pour la PGF, α et β indiquent la configuration spatiale du groupement hydroxyle situé en position 9 (Figure 2 et Figure 3) [16, 18-22].
Découvertes de COX-1 et COX-2
En 1971, Vane démontre pour la première fois que l’aspirine empêche la synthèse des PGs et postule que cette inhibition est due à l’inhibition d’une protéine, la prostaglandine G/H synthase, qu’il nommera plus tard la cyclooxygénase (COX) [33]. En 1976, Hemler et collaborateurs isolent la COX-1 [33]. Cependant, dans les années 1990, Needleman suspecte pour la première fois l’existence d’une forme inductible de la COX. Un an plus tard, la seconde isoforme inductible est identifiée, codée par un gène différent de la première isoforme et en 1988, plusieurs équipes (Herschman, Simmons, Dewitt, Smith) réussissent à cloner ce gène [33]. Plus tard, le nom de COX-1 et COX-2 leur sera attribué selon leur découverte chronologique : COX-1 pour l’isoforme découverte en 1976 et COX-2 pour celle découverte en 1991. De nombreux travaux entre 1990 et 1993 s’intéressent à la COX-2, démontrant notamment que la quantité de COX-2 dans les tissus inflammés est significativement plus élevée que dans les tissus sains [37, 38]. Les deux isoformes interviennent donc dans des processus biologiques distincts. La forme constitutive COX-1 est généralement qualifiée de « house-keeping » puisqu’elle participe au maintien d’un taux normal de PGs dans les tissus sains et la deuxième isoforme est qualifiée « d’inductible » car elle est activée par différents stimuli impliqués dans la réponse inflammatoire [18, 33, 39-44].
Sélectivité et évaluation d’inhibiteurs de COX-2
Les premiers médicaments inhibiteurs de COX étaient non sélectifs, inhibant l’activité des deux isoformes sans avoir une affinité préférentielle significative pour l’une des deux protéines. Ces inhibiteurs non sélectifs présentent divers effets indésirables, en particulier affectant le système gastrointestinal (GI), de simple maux de ventre jusqu’au développement de sévères ulcères pouvant entraîner la mort. De nombreux travaux ont soutenue l’idée que ces effets secondaires non souhaités avaient pour principale cause l’inhibition de l’enzyme « housekeeping » COX-1 [16, 19, 25, 45, 65]. Ainsi, le développement de molécules originales, sélectives vis-à-vis de l’isoforme inductible, a été le point de départ de la conception de nombreux médicaments anti-inflammatoires sélectifs de COX-2. La sélectivité d’une molécule envers COX-2 est définie par le calcul du ratio de son IC50 sur COX-1 et de son IC50 sur COX-2, l’IC50 évaluant la concentration de la molécule nécessaire pour réduire de 50% la production de PGs [29, 46]. Ainsi la puissance d’un inhibiteur de COX-2 se caractérise par un fort ratio d’ IC50 (COX-1) / IC50 (COX-2), une activité anti-inflammatoire conséquente, très peu d’effets indésirables, et donc une meilleure tolérance. Plusieurs études ont d’ailleurs démontré une relation entre le ratio d’IC50 (COX-1/COX-2) et les effects secondaires du système GI : plus le ratio est grand, moindre sont les effets secondaires [33, 67]. Par ailleurs, des molécules hautement sélectives (sélectivité >1000 pour COX-2) ont été élaborées par des industries pharmaceutiques ; il n’y a donc pas de valeur optimale réellement définie concernant la sélectivité de COX-2 [46].
Résultats des tests biologiques
Les études biologiques ont été réalisées dans l’équipe du Pr Bertrand Liagre à la Faculté de Pharmacie de Limoges, dans le Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles (EA 1069). Dans le cadre de ma thèse, l’activité inhibitrice sur COX-2 a été évaluée sur les diastéréoisomères majoritaires des analogues du cyclocoumarol synthétisés. Cette activité a été déterminée par inhibition de la production de PGE2, la prostaglandine majoritairement surproduite en cas d’inflammation. Les résultats obtenus sont décrits dans la Figure 41 et le Tableau 13. La synthèse de PGE2 est évaluée après pré-traitement par les agents pharmacologiques à 10 µM pendant 2 h puis traitement par le LPS (10 ng/mL) pendant 24 h. Les cellules Raw 264.7 sont ensemencées à 2.105 cellules/puits pendant 24 h puis traitées comme décrit précédemment. Les taux de PGE2 sont déterminés à partir des surnageants de culture à l’aide d’un kit EIA (Cayman Chemical). Les résultats sont exprimés par la moyenne ± l’écart type de 8 expériences indépendantes. Le NS-398, inhibiteur spécifique de la cyclooxygénase-2, a été utilisé comme molécule de référence [276]. Le composé présentant la plus forte inhibition de la synthèse de PGE2 est le composé 7d avec une inhibition de PGE2 proche de la molécule de référence, NS-398. (79% et 88% d’inhibition respectivement). L’ensemble des molécules testées présente une activité inhibitrice de l’ordre de 50% d’inhibition (7a, 7b, 7c, 7e). Le composé (7f) se révèle être un faible inhibiteur de COX-2 (31% d’inhibition) tandis que (7g) ne présente aucune inhibition sur la synthèse de PGE2 (Tableau 13). Après avoir déterminé l’effet inhibiteur sur COX-2, l’un des critères importants était d’évaluer la sélectivité COX-2 vis-à-vis de COX-1. En effet, des molécules non sélectives sont connues pour avoir des effets secondaires affectant notamment le système gastrointestinal. Ainsi, le potentiel d’inhibition de COX-1 de nos composés a été testé (Figure 42) : pour cela aucune source d’inflammation (LPS) n’a été introduite dans le milieu permettant ainsi de mesurer le taux de production de la PGE2 synthétisée par COX-1 et la conséquence sur la sélectivité (Figure 42). La synthèse de PGE2 est évaluée après traitement par les agents pharmacologiques à 10 µM pendant 24 h en déprivation de sérum (1%) (activité COX-1). Les cellules Raw 264.7 sont ensemencées à 2.105 cellules/puits pendant 24 h puis traitées comme décrit précédemment. Les taux de PGE2 sont déterminés à partir des surnageants de culture à l’aide d’un kit EIA (Cayman Chemical). Les résultats sont exprimés par la moyenne ± l’écart type de 6 expériences indépendantes (Figure 42). Les molécules testées ne démontrent aucune inhibition significative vis-à-vis de COX-1. Cela conforte les résultats obtenus précédemment et démontrent que le composé 7d présente à la fois une bonne inhibition et une bonne séléctivité pour COX-2. A partir de la molécule la plus prometteuse de la série (7d, cyclocoumarol méthoxylé) nous nous sommes ensuite intéressés au critère de dose-réponse dans l’idée de déterminer si la molécule présentait une inhibition de COX-2 plus importante en fonction de la concentration testée. Le composé (7d) a été testé à 4 doses différentes : 1µM, 5 µM, 10 µM, 20 µM. (Figure 43) et le NS-398 a été, une nouvelle fois, prise comme molécule de référence. La synthèse de PGE2 est évaluée après pré-traitement par les agents pharmacologiques (1-20 µM) pendant 2 h puis traitement par le LPS (10 ng/mL) pendant 24h. Les cellules Raw 264.7 sont ensemencées à 2.105 cellules/puits pendant 24h puis traitées comme décrit précédemment. Les taux de PGE2 sont déterminés à partir des surnageants de culture à l’aide d’un kit EIA (Cayman Chemical). Les résultats sont exprimés par la moyenne ± l’écart type de 6 expériences indépendantes. Quatre expériences aux concentrations différentes ont été menées (1 µM, 5 µM, 10 µM, 20 µM). A 1 µM, on note une inhibition faible de 3 et 11% pour 7d et NS-398 respectivement. A 5 µM l’inhibition reste moyenne (45% et 61% pour 7d et NS-398 respectivement). A 10 et 20 µM l’inhibition est très intéressante : 7d révèle une inhibition de 79% et 89% respectivement, tandis que NS-398 démontre une inhibition de 88% à 10 µM et de 94% à 20 µM. Ainsi, à 20 µM, la molécule synthétisée 7d révèle une inhibition proche de la molécule de référence. Les tests biologiques montrent que la plupart des molécules synthétisées possède une activité inhibitrice de COX-2 sans présenter une inhibition significative sur COX-1. Dans cette série, une molécule se détache tout particulièrement, le cyclocoumarol méthoxylé (7d), et se révèle être une nouvelle molécule sélective de COX-2 avec une inhibition dose-dépendante.
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Table des matières
Première partie : Introduction
I.1 Cycle de vie d’un médicament
I.2 Stratégies de découverte d’un médicament
Deuxième Partie : COX-2 et inflammation
II.1 Les prostaglandines (PGs) et les thromboxanes (TXs)
II.1.1 Présentation des prostaglandines (PGs) et thromboxanes (TXs)
II.1.1.1 Découvertes et nomenclature des PGs et TXs
II.1.1.2 Biosynthèse des PGs
II.1.1.3 Fonctions des PGs
II.1.1.4 Acide arachidonique et cyclooxygénase
II.1.2 Descriptions des isoformes de COX
II.1.2.1 Découvertes de COX-1 et COX-2
II.1.2.2 Expression des gènes
II.1.2.3 La structure de COX-1 et COX-2
II.1.2.4 Peut-on parler de COX-1 inflammatoire et COX-2 constitutive ?
II.1.3 Sélectivité et évaluation d’inhibiteurs de COX-2
II.1.4 Mécanisme d’inhibition des molécules sélectives de COX-2
II.2 Les inhibiteurs de COX-2-état de l’art
Troisième partie : Les méthodes de criblages in silico
III.1 Généralités
III.2 Les modèles pharmacophoriques
III.2.1 Modèles pharmacophoriques « ligand-based »
III.2.1.1 Approches pharmacophoriques 2D
III.2.1.2 Approches pharmacophoriques 3D
III.2.1.3 Applications des méthodes de pharmacophores
III.2.1.4 Limites des méthodes de pharmacophores
III.2.1.5 Exemple : LigandScout, un logiciel permettant de générer des modèles pharmacophoriques
III.3 Docking
III.3.1 Docking ligand rigide
III.3.2 Docking ligand flexible
III.3.2.1 Les algorithmes de recherche
III.3.3 Docking « semi-flexible »
III.3.4 Scoring
III.3.4.1 Fonctions de score
III.3.4.2 Autres paramètres importants à prendre en compte pour réaliser un docking
Quatrième partie : Développement de nouveaux inhibiteurs sélectifs de la cyclooxygénase-2 – Résultats et discussion
IV.1 Introduction
IV.2 Choix du cyclocoumarol
IV.2.1 Antécédents de l’étude
IV.2.2 Pharmacomodulation du cyclocoumarol
IV.3 Résultats et discussion
IV.3.1 Synthèse
IV.3.1.1 Synthèse de benzalacétones
IV.3.1.2 Synthèse de la warfarine et de ses dérivés
IV.3.1.3 Synthèse des dérivés du cyclocoumarol
IV.3.2 Résultats des tests biologiques
IV.3.3 Utilisation de la modélisation moléculaire pour guider la recherche d’inhibiteurs sélectifs de COX-2
IV.3.3.1 Détermination des modes de liaison des inhibiteurs connus de la COX-2
IV.3.3.2 Génération des pharmacophores sélectifs de COX-2
IV.3.3.3 Etudes de docking
IV.3.3.4 Prédiction de nouveaux analogues au cyclocoumarol, potentiellement inhibiteurs de COX-2 (SeeSAR)
Cinquième partie : Conclusion
Sixième partie : Partie expérimentale
VI.1 Chimie
VI.2 Biologie
VI.3 Bioinformatique
VI.3.1 Databases used to obtain COX-2 inhibitors and structures
VI.3.1.1 PDB
VI.3.1.2 ChEMBL
VI.3.1.3 DUD_E
VI.3.1.4 Preparation of the different data sets used for pharmacophore generation
VI.3.2 Pharmacophore generation
VI.3.3 Seesar
Bibliographie
Annexes
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