Importante hétérogénéité au sein des lymphocytes T régulateurs

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Importance des lymphocytes T dans les réponses immunes

Le système immunitaire est divisé en 2 composantes : le système immunitaire inné et le système immunitaire adaptatif. Ces 2 systèmes font appel à différents types cellulaires pour défendre l’organisme. Les cellules myéloïdes, issues de la moelle osseuse, participent à l’immunité innée, mais sont également impliquées dans l’immunité adaptative. Parmi elles on retrouve les macrophages, les monocytes, les cellules dendritiques, les neutrophiles, les éosinophiles, ainsi que les basophiles. Les réponses immunitaires sont également réalisées par des cellules lymphoïdes, tels que les lymphocytes T et les lymphocytes B qui sont impliquées dans l’immunité adaptative, alors que les cellules lymphoïdes innées (ILCs) et les Natural Killer (NK) sont retrouvés dans les mécanismes de l’immunité innée. La population cellulaire lymphoïde de Natural Killer T (NKT) est à l’interface entre ces 2 systèmes. Les interactions coopératives entre les cellules du système immunitaire sont cruciales pour une réponse immune adéquate.
Les lymphocytes sont des leucocytes (cellules blanches du sang) divisés en 3 grands groupes cellulaires : les lymphocytes T, les lymphocytes B et les cellules NK, bien qu’on retrouve également les ILC et les NKT. Ils sont identifiés par un noyau qui occupe la quasi-totalité de la cellule. Seuls les lymphocytes T et B sont impliqués dans les réponses adaptatives du système immunitaire. Les lymphocytes T sont impliqués dans les réponses à médiation cellulaire. En réponse aux pathogènes rencontrés, certains lymphocytes T vont produire des cytokines pour diriger la réponse immunitaire alors que d’autres vont produire des granules toxiques induisant la mort du pathogène. Les lymphocytes B sont impliqués quant à eux dans les réponses à médiation humorale avec la production d’anticorps. Ces derniers sont également capables de sécréter des cytokines. En réponse aux pathogènes, les lymphocytes B vont produire une grande quantité d’anticorps afin de les neutraliser. Les lymphocytes T et B ont des récepteurs à leur surface, TCR (récepteur T) et BCR (récepteur B) respectivement, dont la structure et la fonction sont détaillées dans la partie suivante.
Les lymphocytes T naïfs simples positifs sont polarisés grâce à des cytokines donnant lieu à de multiples sous-types de lymphocytes T présentés dans la figure 1.
D’un côté, on retrouve les lymphocytes T conventionnels qui possèdent un TCRαβ déterminant une spécificité envers un antigène (Ag), qui peuvent être subdivisés en lymphocytes T CD4+ et lymphocytes T CD8+. Pour les lymphocytes T CD4+ dits « helper », noté Th, plusieurs sous-types sont répertoriés et classés selon l’expression de facteurs de transcription, de récepteurs de cytokines ou chimiokines et selon leur production de cytokines, distinguant les Th1, Th2, Th9, Th17, Th22 et les Tfh. De plus, parmi les lymphocytes T CD4+ on retrouve une sous-population de cellules T régulatrices exerçant des fonctions suppressives via entre autres l’IL-10 et le TGF-β (Tregs CD4+). Pour les lymphocytes T CD8+ cytotoxiques, il y a le même type de classification, avec les Tc1, Tc2, Tc9, Tc17 et Tc22. Finalement, comme pour les lymphocytes T CD4+, on retrouve au sein des lymphocytes T CD8+, une sous-population cellulaire régulatrice, les Tregs CD8+. En plus des lymphocytes T conventionnels, on retrouve également plusieurs sous-populations cellulaires de lymphocytes T non-conventionnels comme les lymphocytes Tγδ, les NKT ou les Mucosal Associated Invariant T cells (MAIT). Ces lymphocytes T non conventionnels ont un TCR semi-invariant, bien que pour certains types de NKT il soit possible de retrouver un TCR variable.
Toutes ces cellules ont des rôles et des fonctions différents qui peuvent varier selon le contexte. Les Tregs (CD4+ et CD8+) jouent un rôle prépondérant dans la tolérance immune. Leurs caractéristiques sont détaillées dans le chapitre suivant.

Qu’est-ce que la tolérance immune ?

La tolérance immune permet l’absence de réponses, entre autres, face aux Ags du soi de notre système immunitaire, au contraire des Ags étrangers. Elle peut être décrite en deux niveaux différents : d’un côté la tolérance centrale (dans les organes lymphoïdes primaires) et d’un autre côté la tolérance périphérique (dans les organes lymphoïdes secondaires). Ces 2 niveaux de tolérance immune impliquent les lymphocytes T et les lymphocytes B. Le corps produit en permanence des lymphocytes capables de reconnaitre nos propres Ags, dits auto-réactifs, il est donc nécessaire de les éduquer dans les organes lymphoïdes primaires et secondaires, pour qu’ils deviennent tolérants. Les mécanismes d’induction et du maintien de la tolérance sont différents entres les lymphocytes B et les lymphocytes T. Dans cette thèse, j’ai choisi de n’aborder que le cas des lymphocytes T.

Tolérance centrale

La tolérance centrale est le mécanisme qui a pour but d’éliminer les lymphocytes qui reconnaissent les Ags du soi correspondant aux lymphocytes dits auto-réactifs. Elle permet donc de s’assurer que le système immunitaire ne puisse pas attaquer nos propres cellules. Cette tolérance centrale se déroule dans les organes lymphoïdes primaires : la moelle osseuse et le thymus pour les lymphocytes B et lymphocytes T respectivement.
Avant d’entrer en détails sur les mécanismes liés à la tolérance centrale, il est nécessaire de parler ici du développement des lymphocytes T, ainsi que de leurs récepteurs. Les récepteurs des cellules T (TCRs) sont générés par réarrangement somatique, également appelé la recombinaison VDJ (Figure 2). Ce processus se déroule au cours des premiers stades de maturation des lymphocytes T. Il s’agit d’un réarrangement aléatoire entre le fragment variable (V) avec le segment jonction (J) et parfois le segment de diversité (D). En résulte une nouvelle 17 séquence en acides aminés dans la région de reconnaissance des TCRs (Krangel 2009). Ce processus permet d’augmenter la diversité des récepteurs et permet ainsi une reconnaissance de tous les Ags.
Du fait de la nature aléatoire du processus de recombinaison VDJ, cela entraine une génération de TCRs qui peuvent reconnaitre des Ags du soi. Afin d’éviter des problèmes d’auto-immunité, c’est là qu’intervient la tolérance centrale en éliminant tous les lymphocytes capables de reconnaitre les Ags du soi. Les mêmes mécanismes sont retrouvés pour les lymphocytes B avec leurs BCRs. Il est important de notifier ici que les lymphocytes ne peuvent développer une tolérance que vis-à-vis des Ags qui sont présentés dans la moelle osseuse (lymphocytes B) ou dans le thymus (lymphocytes T).
La tolérance centrale des lymphocytes T se déroule donc dans le thymus. Les lymphocytes T vont subir 2 grandes étapes de sélection dans le thymus : une sélection positive suivie d’une sélection négative (Figure 3) (Klein et al. 2014).

Tolérance périphérique

La tolérance centrale n’est pas un processus totalement efficace. En effet, il est possible de retrouver des lymphocytes T auto-réactifs dans le sang périphérique qui ont pu échapper à la tolérance centrale (Xing et Hogquist 2012). De plus, tous les Ags du soi n’étant pas exprimés par les cellules présentatrices d’Ags dans le thymus, les clones auto-réactifs contre ces Ags n’ont pas pu être éliminés à cette étape et arrivent en périphérie. C’est pourquoi un autre mécanisme de tolérance se met et place : la tolérance périphérique. Elle se déroule après la tolérance centrale, c’est-à-dire lorsque les lymphocytes quittent les organes lymphoïdes primaires pour aller dans les organes lymphoïdes secondaires (ou périphériques) : les ganglions lymphatiques, la rate, les amygdales et les tissus lymphoïdes associés aux muqueuses. L’objectif principal de la tolérance périphérique est d’éliminer les lymphocytes auto-réactifs retrouvés en périphérie, bien qu’il y ait tout de même besoin de garder un répertoire auto-réactif restreint.
Dans le sang, les lymphocytes T auto-réactifs qui pourraient potentiellement s’activer et proliférer doivent être contrôlés. Cette tolérance périphérique se déroule via l’un des 4 mécanismes suivants:
– L’anergie : il s’agit du mécanisme majeur permettant d’inactiver les lymphocytes T auto-réactifs. Trois signaux sont nécessaires pour une activation complète des lymphocytes T.
o Le signal 1 est généré par l’interaction du TCR avec les molécules de CMH présentées par les CPAs.
o Le signal 2 est le signal de costimulation, le CD28 (entre autres) exprimé par les lymphocytes T se lie aux molécules CD80 et CD86 des CPAs.
o Quant au signal 3, il correspond à la stimulation des lymphocytes T par des cytokines.
Dans le cas d’induction d’anergie, il y a une absence des signaux 2 et 3, ainsi les lymphocytes T ne peuvent plus s’activer face à un Ag.
– La délétion clonale : les lymphocytes T activés sont éliminés par des mécanismes d’apoptose.
– Le développement de Tregs.
– L’ignorance : Il est également possible que certains lymphocytes T ignorent des Ags du soi ; cela peut être le cas pour des Ags localisés dans des sites immuno-privilégiés.
Il est important de noter ici que la plupart des molécules étrangères qui pénètrent dans notre organisme sont inoffensives, une seule petite partie est néfaste. Ainsi il n’est pas nécessaire de mettre en place des réponses immunitaires adaptatives contre toutes les molécules étrangères. Les allergies sont un exemple de réponses immunitaires adaptatives délétères contre des molécules étrangères inoffensives. En temps normal, le système immunitaire inné ne se charge de faire appel au système immunitaire adaptatif que lorsque celui-ci reconnait des molécules associées aux pathogènes.

Conséquences d’une rupture de la tolérance

Parfois, les mécanismes de tolérance échouent conduisant ainsi à des erreurs de distinction du « danger » et du « non-danger » dont le soi, par le système immunitaire, ce qu entraine des réactions dites d’auto-immunité. Les composants du « non-danger » dont le soi, sont identifiés comme appartenant au « danger ». Ainsi, le système immunitaire va réagir de manière destructrice vis-à-vis des propres molécules de l’hôte. Ce défaut du système immunitaire peut entrainer des allergies ou des maladies auto-immunes : il s’agit d’une rupture de la tolérance.

Les maladies auto-immunes, principales conséquences d’une rupture de tolérance

L’une des principales conséquences de la rupture de cette tolérance est le développement de MAI. Aujourd’hui on dénombre plus de 80 types de MAI différentes. On estime que 5 à 8% de la population mondiale serait atteinte d’une de ces MAI (Cooper, Bynum, et Somers 2009). Parmi les plus courantes on retrouve la sclérose en plaques, le diabète de type I, le lupus, la polyarthrite rhumatoïde ou bien la maladie de Crohn (Wang, Wang, et Gershwin 2015). Certaines vont être spécifiques à un organe ou à un tissu alors que d’autres sont systémiques avec une pathologie bien plus étendue. Ces MAIs sont caractérisées par la présence d’auto-anticorps et de lymphocytes T auto-réactifs.
Les symptômes communs associés aux MAIs sont : la fatigue, une faible fièvre, des gonflements et rougeurs, une difficulté à se concentrer ou bien des éruptions cutanées. Cependant, chaque MAI peut entrainer d’autres symptômes plus spécifiques, comme c’est le cas pour le diabète de type 1 avec une soif extrême et la perte de poids ou bien dans le cas de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin dans lesquelles on retrouve de fortes douleurs abdominales et des diarrhées. Ces maladies auto-immunes sont handicapantes et peuvent parfois être mortelles. Il est possible d’en traiter les symptômes mais aujourd’hui, aucun traitement n’est capable de guérir les patients atteints.

Quelles sont les causes de la rupture de tolérance ?

De nombreuses études cherchent à comprendre pourquoi ces phénomènes d’auto-immunité apparaissent chez certains individus et pas chez d’autres. Il a été montré que le sexe de l’individu est un facteur important : les maladies auto-immunes sont trois fois plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes (Ngo et al., 2014), bien que les raisons ne soient pas encore claires, les hormones sexuelles comme l’estrogène pourraient jouer un rôle dans l’augmentation de la quantité d’auto-anticorps, mais il également probable que le chromosome X soit impliqué (Brooks et Renaudineau 2015). Certains facteurs environnementaux sont susceptibles de déclencher des MAIs. Parmi ces facteurs on retrouve notamment certains microbes de nos intestins (Bellocchi et Volkmann 2018; Clemente, Manasson, et Scher 2018; Khan et Wang 2020; Kirby et Ochoa-Repáraz 2018; Luo et al. 2018; Maeda et al. 2016) ou bien des infections virales comme par exemple le phénomène de COVID long qui a récemment été lié à l’auto-immunité (Rojas et al. 2022). Certaines mutations ou variations génétiques ont été identifiées comme responsables de phénomènes d’auto-immunité comme les mutations des gènes AIRE ou Forkhead Box P3 (FOXP3). La figure 4 reprend les différentes causes et les conséquences d’une rupture de la tolérance. Bien que l’impact de l’environnement soit un élément clé dans la rupture de la tolérance, son implication est difficile à quantifier. Ainsi, j’ai focalisé mon étude sur les mutations génétiques et les prédispositions génétiques, Mutation du gène AIRE : Parmi les maladies auto-immunes de cause génétique on retrouve le syndrome de PolyEndocrinopathie Auto-immune-Candidose-Dystrophie Ectodermique (APECED) également appelé Polyendocrinopathie Auto-immune de type 1 (APS-1). C’est une maladie héréditaire rare autosomale récessive causée par des mutations dans le gène AIRE. Les premiers signes de ce syndrome sont une infection candidose chronique suivie par un hypoparathyroïdisme auto-immun ainsi que la maladie d’Addison (Ahonen et al. 1990). La prévalence de cette maladie est de 1/500 000 en France mais elle est beaucoup plus élevée dans certains pays scandinaves comme la Finlande avec une prévalence de 1/25 000. Le gène AIRE est nécessaire pour la sélection négative des lymphocytes T dans le thymus car celui-ci est responsable de l’expression de certains Ags du soi par les cellules épithéliales thymiques. Pour les patients atteints de mutations du gène AIRE, il y a une mauvaise présentation des Ags du soi entrainant à la fois un échappement des lymphocytes T auto-réactifs et une altération de la fonction des Tregs conduisant à l’APECED.
Pendant ce doctorat, j’ai pu participer à des travaux portant sur cette maladie, notamment sur l’étude transcriptomique des Tregs générés après l’utilisation d’anticorps anti-CD45RC pour prévenir et traiter l’APECED chez des rats déficients pour le gène AIRE (Besnard et al. 2022) (article en annexe 3).
Mutations du gène FOXP3 : Une autre maladie auto-immune rare d’origine génétique est le syndrome de dérèglement Immunitaire – Polyendocrinopathie – Entéropathie lié à l’X ou IPEX causée par une mutation dans le gène FOXP3 (Bennett et al. 2001). Cette maladie se développe généralement au cours des premiers mois de vie conduisant généralement à la mort des patients au cours des 2 premières années sans la prise de traitements. Ce syndrome se manifeste par une hypertrophie des organes lymphoïdes secondaires (ganglions lymphatiques, rate, etc), le développement du diabète de type I ainsi que des infections et des allergies alimentaires et une entéropathie.
FOXP3 est un facteur de transcription clé et nécessaire pour le développement et le maintien des Tregs CD4+CD25+ (Fontenot, Gavin, et Rudensky 2003). FOXP3 se lie à NFAT (Nuclear Factor of activated T cells) et NFκB ce qui bloque leurs capacités à induire l’expression de gènes codant pour des cytokines telles que l’IL-2, l’IL-4 ou l’IFN-γ (Bettelli, Dastrange, et Oukka 2005). FOXP3 agit également comme un activeur de la transcription de plusieurs gènes, à savoir CTLA4 et IL2RA (CD25) (Hori, Nomura, et Sakaguchi 2003).
Les mutations conduisant à une perte de fonction dans le gène FOXP3 entrainent une altération du développement des Tregs ainsi que leur dysfonction, ce qui conduit à une activation incontrôlée des cellules T conventionnelles auto-réactives et donc un désordre auto-immun.
Mutations des gènes RAG1 et/ou RAG2 : Des mutations génétiques au niveau des gènes codants pour les recombinases RAG1 et/ou RAG2 conduisent à un déficit génétique immunitaire combiné sévère grave (SCID) (Schwarz et al. 1996). Ces mutations empêchent une bonne activité de la recombinaison V(D)J des BCRs et TCRs ce qui entraine l’arrêt du développement des lymphocytes T et B. Ainsi des phénomènes d’auto-immunité sont observés chez les patients avec des mutations dans ces gènes (K. Chen et al. 2014)
Mutation du gène PTPN22 : Le gène PTPN22 code pour une protéine tyrosine phosphatase (LYP) impliquée dans les voies de signalisation des TCRs et BCRs qui a pour rôle d’inhiber l’activation et la prolifération cellulaire (Bottini et Peterson 2014). Des mutations de ce gène ont été associées au développement de MAIs comme le diabète de type 1 (Bottini et al. 2004), à des maladies thyroïdiennes auto-immunes (Smyth et al. 2004), ainsi qu’à la polyarthrite rhumatoïde (Wellcome Trust Case Control Consortium 2007).
Susceptibilités génétiques liées aux molécules HLA (Human Leucocyte Antigen) : Un large nombre de Genome Wide Association Studies (GWAS) ont montré l’association de polymorphismes génétiques associés à des maladies auto-immunes (Marson, Housley, et Hafler 2015; Zenewicz et al. 2010). Les plus fortes associations sont présentes dans les régions des allèles HLA. Il s’agit de la région la plus dense en gènes du génome humain et représente environ 4 mégabases (Mb), située sur le bras court du chromosome 6. On y retrouve 250 gènes parmi lesquels plus de 40% ont été décrits comme jouant un rôle dans le système immunitaire. Cette région est caractérisée par un très haut degré de polymorphisme. En effet, on retrouve plus de 1000 allèles différents pour HLA-A et HLA-B. Il existe de nombreux exemples d’associations, pour n’en citer qu’un : les individus possédants les allèles HLA-DQB1*03:02 et DQB1*02:01 ont un risque plus élevé de développer le diabète de type 1 que des individus n’ayant pas ces allèles (Barnett et al. 1981).

Autres types de tolérance

Il existe d’autres types de tolérance, dont la tolérance fœto-maternelle, qui est nécessaire pendant la grossesse pour permettre à l’embryon/fœtus de ne pas être attaqué par les défenses immunitaires maternelles et cela malgré le fait qu’il exprime des allo-Ags paternels. Ce mécanisme est notamment lié à l’augmentation de l’expression des molécules HLA-G (CMH I non classique) (Gregori et al. 2015) ainsi qu’à l’implication des lymphocytes T régulateurs pour prévenir le développement de réponses immunes contre l’embryon/fœtus (Huang, Chi, et Qiao 2020).
Les phénomènes d’allergie impliquent des réactions immunitaires tolérogènes inefficaces contre des pathogènes non dangereux pour l’organisme comme les acariens ou les pollens. Les lymphocytes T régulateurs sont impliqués dans le maintien de la tolérance immunitaire face aux allergènes, mais les mécanismes par lesquels les Tregs ne parviennent pas à maintenir la tolérance chez les patients allergiques ne sont pas encore complètement élucidés (Rivas et Chatila 2016).
Dans le cadre de transplantation, il est nécessaire d’éviter les phénomènes de rejet de greffe, malgré le fait que les molécules de CMH portées par le greffon soient différentes de celles du receveur. Cela est aujourd’hui possible grâce à la prise de traitements immunosuppresseurs qui vont éteindre de manière aspécifique le système immunitaire et ainsi empêcher le rejet à court terme. Cependant, ces traitements entrainent de nombreux effets secondaires et ne permettent pas d’induire une tolérance vis-à-vis du greffon, ce qui peut entrainer un rejet chronique. L’induction de la tolérance est donc cruciale pour la survie du greffon à long terme. L’objectif majeur en transplantation serait de pouvoir induire une tolérance qui soit à la fois spécifique et non toxique, les Tregs présentent toutes les caractéristiques pour être de bons candidats dans cette induction de la tolérance.
Pour conclure ce chapitre sur la tolérance, que ce soit dans le cas de maladies auto-immunes ou de transplantation, l’induction de la tolérance est un point crucial. Aujourd’hui il n’existe pas de traitement curatif pour les MAIs, ni de traitement spécifique pour éviter le rejet de greffe. Les lymphocytes T régulateurs, un sous-type de lymphocytes T, jouant un rôle important dans les mécanismes de tolérance, ils offrent des possibilités de traitements plus spécifiques pour les MAIs ou les transplantations.

Les lymphocytes T régulateurs, acteurs clés de la tolérance

La tolérance vis à vis des Ags du soi englobe plusieurs mécanismes de contrôle. Dans des conditions physiologiques, le système immunitaire fait appel à la tolérance centrale et à la tolérance périphérique. De plus, il existe un réseau de mécanismes actifs de tolérance qui permet de prévenir l’activation des lymphocytes auto-réactifs : les cellules régulatrices. Ce type de cellules à un rôle de suppression dont les actions peuvent être réalisées par différents mécanismes. Plusieurs types cellulaires ont démontré des capacités régulatrices, cependant la plus importante est la population cellulaire de lymphocytes T régulateurs. Dans des conditions auto-immunes, un des mécanismes de tolérance est altéré, ainsi on a une survie ou une activation de cellules auto réactives pouvant entrainer des dommages tissulaires.
Dans ce chapitre, la notion de cellule régulatrice est détaillée. Les marqueurs associés à la tolérance et utilisés pour identifier et/ou isoler les Tregs ainsi que leurs mécanismes d’action impliqués dans la tolérance sont expliqués. Mon sujet de thèse portant sur la sous-population de lymphocytes T régulateurs de type CD8+, une description détaillée de ces cellules et notamment des Tregs CD8+CD45RClow/- est réalisée. Ensuite, le rôle et l’implication des Tregs dans les MAIs ainsi qu’en transplantation sont développés pour montrer l’importance de ces cellules.

Rôles et types de cellules régulatrices

Dans notre organisme nous retrouvons des cellules dites « régulatrices » dont le rôle principal est de réguler ou de supprimer les fonctions d’autres cellules immunitaires. Les cellules régulatrices ont plusieurs fonctions : elles peuvent empêcher le développement de maladies auto-immunes en maintenant une tolérance du soi, éviter les phénomènes d’allergie et d’asthme. Elles sont également responsables de la tolérance fœto-maternelle ainsi que de la tolérance orale (Ags alimentaires).
Il existe plusieurs types de cellules régulatrices parmi lesquelles on retrouve des cellules dendritiques tolérogènes (García-González et al. 2016), des macrophages régulateurs (Fleming et Mosser 2011), des NK régulatrices (Deniz et al. 2008), des lymphocytes B régulateurs (Mizoguchi et al. 2002) et des lymphocytes T régulateurs dont les Tregs CD4+ et les Tregs CD8+. Ces 2 populations cellulaires de Tregs CD4+ et CD8+ sont détaillées dans ce chapitre. La suppression médiée par les Tregs est un mécanisme fondamental et vital permettant une régulation de l’inflammation évitant les désordres auto-immuns.

Découverte et historique des Tregs :

La première description de cellules suppressives remonte à 1970 par R. K. Gershon et K. Kondo (Gershon et Kondo 1970), puis en 1972 ils ont pour la première fois introduit le concept de cellules T suppressives (Gershon et al. 1972), mais par manque de marqueurs spécifiques et de gènes régulateurs clairement identifiés pour les distinguer des autres lymphocytes T, elles ont été délaissées. La recherche de nouveaux marqueurs spécifiques des Tregs pour mieux les isoler et ainsi les exploiter, a permis la découverte de marqueurs tels que le CD45RC, le CD25 et FOXP3. En 1990, Powrie et Mason ont montré que la molécule CD45RC permet de distinguer 2 groupes cellulaires au sein des lymphocytes T CD4+ chez le rat : T CD4+CD45RChigh et T CD4+CD45RClow/- , et que les Tregs CD4+ étaient dans la fraction T CD4+CD45RClow/- (Powrie et Mason 1990). La molécule CD45RC est fortement exprimée par les cellules T conventionnelles, mais peu par les cellules T régulatrices. Cette même observation a été réalisée en 2004 pour les Tregs CD8+ qui sont dans la fraction des lymphocytes T CD8+CD45RClow/-chez le rat (Xystrakis et al. 2004). Ces résultats ont ensuite été confirmés pour les Tregs CD8+ chez l’Homme (Bézie et al. 2015; 2018) et sont donc définis comme étant des lymphocytes T CD8+CD45RClow/-.
En 1995, Sakaguchi a montré que chez la souris, la déplétion d’une petite population de lymphocytes T CD4+ exprimant la chaine α du récepteur à l’IL-2, le CD25, conduisait à la génération de maladies auto-immunes. De plus, Sakaguchi et son équipe ont montré que le transfert adoptif de lymphocytes T CD4+CD25+ permettait de prévenir ces pathologies auto-immunes (Sakaguchi et al. 1995). Ainsi ont été identifiés les lymphocytes T régulateurs CD4+CD25+.
Finalement, en 2003, une équipe a démontré l’importance de FOXP3 dans la fonction des Tregs (Fontenot, Gavin, et Rudensky 2003). En effet, des mutations dans le gène codant pour FOXP3 causant l’IPEX chez l’Homme et également retrouvé chez les souris dites scurfy, ont permis de démontrer son rôle dans les Tregs, ainsi que l’importance des Tregs dans le développement de MAIs. Cependant, il existe un sous-type de Tregs CD4+, les Tr1, qui n’expriment pas FOXP3 et ont pourtant des fonctions régulatrices démontrées (Groux et al. 1997). De plus, le rôle de FOXP3 dans les Tregs CD8+ n’est pas clair, son rôle n’a pas été démontré. Il semble donc que FOXP3 soit un facteur de transcription clé pour certains types de Tregs mais pas nécessaire pour tous.
De manière générale, que ce soit pour les Tregs CD4+ et encore plus pour les Tregs CD8+, il y a un réel besoin d’augmenter nos connaissances. En effet, les marqueurs admis pour les isoler ne permettent ni de comprendre l’origine ni l’hétérogénéité de ces cellules. Ces 2 points sont abordés dans les paragraphes suivants.

Tregs : plusieurs origines possibles

Il est important de savoir d’où proviennent les Tregs. Premièrement, cela permet d’améliorer nos connaissances générales sur ces cellules. De plus, le fait de connaitre leur origine et de savoir comment elles sont générées, cela permettrait d’envisager d’intervenir sur ces mécanismes pour les induire. Finalement, ces connaissances nous permettraient de caractériser leurs mécanismes d’action ainsi que d’identifier les facteurs de transcription clés.
Les lymphocytes T régulateurs peuvent être classés selon leur origine : ils peuvent avoir soit une origine thymique soit une origine périphérique. Il existe une autre source de Tregs, qui ont une origine induite in vitro, ce type de Tregs n’est pas retrouvé naturellement dans le corps. La première origine se déroule dans le thymus, des thymocytes se différencient en Tregs et sont appelés tTregs pour Tregs thymiques (anciennement appelés « nTregs » pour Tregs naturels). Les Tregs d’origine périphérique correspondent quant à eux à une conversion de lymphocytes T naïfs en Tregs périphériques (pTregs) (anciennement appelés « iTregs » pour Tregs induits). Finalement, il existe des Tregs induits (iTregs) qui eux, sont générés par protocole de différentiation in vitro lors de culture cellulaire en présence de TGF-β. Ces 3 origines de Tregs sont présentées dans la figure 5 et détaillées ci-dessous.

Origine thymique des Tregs :

Les Tregs d’origine thymique, tTregs, sont générés dans le thymus à partir de thymocytes auto-réactifs reconnaissant des Ags du soi. Certains thymocytes arrivent à échapper à la sélection thymique bien qu’ils soient spécifiques à des Ags du soi et se différencient en progéniteurs de Tregs. Ces tTregs sont caractérisés par une augmentation de l’expression protéique des membres de la super-famille des récepteurs au TNF-α dont GITR, OX40 et TNFR2 (Mahmud et al. 2014). L’augmentation de l’expression de ces protéines rend les progéniteurs de Tregs plus sensibles à l’IL-2. L’IL-2 étant une cytokine nécessaire pour une différenciation optimale des Tregs dans le thymus, ces thymocytes vont s’engager dans la voie de Tregs. Ce mécanisme de génération de tTregs impliquant un fort signal TCR pose la question de savoir comment ils sont sélectionnés car ce même fort signal est également responsable de l’induction de la mort d’autres thymocytes. Une hypothèse a été émise selon laquelle l’intensité du signal serait importante. Il semblerait qu’au-dessous d’un certain seuil, une stimulation TCR permettrait l’induction du programme Tregs, alors qu’au-dessus de ce seuil cela conduirait à la mort des thymocytes (Josefowicz, Lu, et Rudensky 2012).
Les études portant sur les tTregs ne prennent en compte que les Tregs de type CD4+. A ma connaissance, jusqu’à aujourd’hui il n’y a pas de preuves quant à l’existence de tTregs CD8+ cependant cela n’est pas exclu. En effet, du fait du faible nombre d’études portant sur les Tregs CD8+, il est possible que cela n’ait pas encore été découvert. Pour vérifier la présence de Tregs CD8+ d’origine thymique il serait intéressant de réaliser une analyse des TCRs portés par les Tregs CD8+ totaux et voir s’ils reconnaissent ou non des Ags du soi.

Origine périphérique des Tregs :

Les lymphocytes T CD4+ et CD8+ naïfs provenant du thymus peuvent être différentiés en plusieurs types cellulaires avec des rôles complètement différents (cf Figure 1). Certains lymphocytes T périphériques conventionnels sont stimulés par des Ags périphériques pour être convertis en Tregs (Apostolou et von Boehmer 2004). Ils acquièrent ainsi l’expression de FOXP3 et des fonctions régulatrices associées pour devenir ainsi des pTregs (Cobbold et al. 2004; Lafaille et al. 2004). Ces phénomènes d’induction de Tregs apparaissent en réponse à des Ags du non soi comme la nourriture, des allergènes ou des bactéries commensales (Kretschmer et al. 2005). En plus d’une stimulation TCR ainsi qu’une co-stimulation faible (lié au faible niveau de CD28), la génération de pTregs à partir de Tregs naïfs, nécessite la combinaison des cytokines IL-2 et TGF-β. Les pTregs ont un phénotype de Tregs notamment avec l’expression des marqueurs comme CTLA-4, GITR et CD103.
Parmi les Tregs générés en périphérie, il existe plusieurs sous populations : un sous-groupe appelé pTregs (anciennement nommé iTregs), les Th3 et les Tr1 (Figure 6). La sous-population de pTregs exprime FOXP3. Les Th3 ont été identifiés avec un rôle de tolérance et de production du TGF-β (Carrier et al. 2007). Quant aux Tr1, ils sont caractérisés par la production d’IL-10 (Pot, Apetoh, et Kuchroo 2011). Ces Tregs Tr1 n’expriment pas FOXP3 de manière basale, mais il peut être up-régulé uniquement transitoirement après stimulation (Gregori et Roncarolo 2018).
Origine induite : Pour les iTregs : De nombreuses études ont démontré que des lymphocytes T conventionnels FOXP3- pouvaient être convertis en lymphocytes T FOXP3+ en présence de TGF-β (W. Chen et al. 2003). Ces cellules induites in vitro sont appelées iTregs (selon la nouvelle nomenclature). Des tests in vivo de transfert de iTregs dans des souris « scurfy » ont montrés que les iTregs permettaient du supprimer les effets de maladies auto-immunes (Huter et al. 2008).

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Table des matières

Remerciements
Abréviations
Liste des figures
Liste des tableaux
Contexte :
I. Introduction
Chapitre 1 : La tolérance immune
A. Importance des lymphocytes T dans les réponses immunes
B. Qu’est-ce que la tolérance immune ?
C. Conséquences d’une rupture de la tolérance
Chapitre 2 : Les lymphocytes T régulateurs, acteurs clés de la tolérance
A. Rôles et types de cellules régulatrices
B. Découverte et historique des Tregs :
C. Tregs : plusieurs origines possibles
D. Importante hétérogénéité au sein des lymphocytes T régulateurs
E. Les mécanismes de suppression des Tregs
F. Différences et similitudes entre Tregs CD4+ et Tregs CD8+
G. Implication des Tregs dans les maladies auto-immunes et en transplantation
Chapitre 3 : Induire la tolérance pour mieux traiter
A. Thérapies cellulaires de Tregs pour induire la tolérance (amplification ex vivo)
B. Déplétion des cellules T conventionnelles in vivo : exemple d’une thérapie utilisant un anticorps anti-CD45RC
C. Activation des Tregs in vivo : thérapie ciblant le TNFR2
Chapitre 4 : Raffiner l’identité des Tregs CD8+ pour mieux agir grâce aux nouvelles technologies
A. Outils d’édition de génome : Génération de modèles pour l’étude des Tregs
B. Analyses protéiques :
C. Analyses transcriptomiques en bulk :
II. Problématique de la thèse
III. Le projet de recherche
A. Méthodologie
B. Publication scientifique
C. Résultats complémentaires :
IV. Discussion
Confirmation de l’utilisation de la protéine CD45RC pour identifier les Tregs CD8+:
Est-ce que TNFR2 a un rôle fonctionnel dans les Tregs CD8+ ?
Quelle est l’origine des Tregs CD8+ ?
Impact des résultats pour l’amplification des Tregs CD8+CD45RClow/-:
La plasticité des Tregs :
Intérêt de l’étude des Tregs CD8+ dans le contexte de MAIs ou de patients transplantés :
V. Annexes
Publication n°1: CD4+ and CD8+ regulatory T cells characterization in the rat using a unique transgenic Foxp3-EGFP model.
Publication n°2: Anti-CD45RC antibody immunotherapy prevents and treats experimental autoimmune polyendocrinopathy-candidiasis-ectodermal dystrophy syndrome
Publication n°3: Stable renal function in transplanted patients correlates to a phenotypic signature based on CD45RC T cell subsets
Publication n°4: IL-34 deficiency impairs FOXP3+ Treg function in a model of autoimmune
colitis and decreases immune tolerance homeostasis
Publication n°5: IL-34 actions on FOXP3+ Tregs and CD14+ monocytes control human graft rejection
Publication n°6: Rapid and reproductible differentiation of hematopoietic and T cell progenitors from pluripotent stem cells
Publication n°7: Generation of CD34+CD43+ hematopoietic progenitors to induce thymocytes from human pluripotent stem cells
Curriculum Vitae
Conclusion personnelle :
VI. Références bibliographiques

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