Importance des oocystes dans la transmission de la toxoplasmose
Réservoir d‟émission
Chat domestique (Felis catus)
La population de chats domestiques (Felis catus) est estimée à 8 millions en France et à 400 millions dans le monde (Legay, 1986). Les toxoplasmoses félines symptomatiques sont exceptionnelles (Dubey et Beattie, 1988). La transmission verticale ne semble pas jouer de rôle épidémiologique important (Dubey, 1977). La multiplicité des tests sérologiques utilisés dans les différentes études de séroprévalence rend difficile une comparaison des données (Tenter et al., 2000). La séroprévalence varie avec l‟âge, le sexe et le mode de vie des chats. Les anticorps sont généralement détectés après le sevrage (>6-10 semaines). Les mâles, plus territoriaux et plus enclins à chasser que les femelles, sont les plus exposés. Les séroprévalences élevées (>55%) sont retrouvées parmi les chats qui évitent tout contact avec l‟homme (Dubey, 1973 ; Dubey, Saville et al. 2002) ou qui vivent dans des zones de transmission toxoplasmique importante (Dubey, Navarro et al. 2004). Au contraire, les chats vivant en intérieur et nourris avec une alimentation industrielle sont moins infectés (<40%). Quelque soit le mode de vie des chats, la séroprévalence est plus faible en Asie (6-33%) qu‟ailleurs (Tenter et al. 2000). En France, la séroprévalence est d‟environ 40 à 60% (Pestre-Alexandre et al., 1984 ; Cabannes et al., 1997). La quantité d‟oocystes émis semble plus importante chez les jeunes mâles (<1 an) (Dubey, Hoover et al., 1977). La fin de l‟émission correspond au développement d‟une immunité protégeant des réinfections (Dubey et Frenkel, 1972 ; Sheffield et Melton, 1976 ; Frenkel et Smith, 1982 ; Davis et Dubey, 1995). Pourtant, une réexcrétion moins importante d‟oocystes a été montrée expérimentalement chez des chats infectés puis réinfectés par une souche de génotype différent de la première (Dubey et Frenkel, 1974 ; Dubey, 1995). Une dénutrition, une corticothérapie (Dubey et Frenkel, 1974), et des infections parasitaires (Dubey, 1976) peuvent aussi favoriser des réexcrétions. Étant donné la brièveté de l‟émission des oocystes dans la vie d‟un chat (2-3 semaines) et la rareté des réinfections, l‟examen parasitologique des selles n‟est pas une technique fiable de dépistage de la toxoplasmose féline. Par cette technique, seulement 2% des chats sont trouvés excréteurs à un moment donné (Dubey et Beattie, 1988 ; Jackson et Hutchison, 1989 ; Dubey, 2004).
Félins sauvages
Dix-sept espèces de félins sauvages sont connues comme hôtes définitifs du toxoplasme. (Lukesova et Literak, 1998). Expérimentalement, avec des souches de toxoplasme provenant du cycle domestique, le pourcentage d‟animaux excréteurs est plus faible et la quantité émise d‟oocystes est moins importante que pour des chats placés dans les mêmes conditions (Jewell et al., 1972 ; Miller et al., 1972). La séroprévalence de la toxoplasmose a été surtout étudiée parmi les populations sauvages de félins américains (Aramini et al. 1998 ; Labelle et al. 2001 ; Zarnke et al. 2001 ; Kikuchi et al., 2004 ; Riley et al., 2004) ou chez des animaux captifs (Zhang et al., 2000 ; Silva et al., 2001 ; Kikuchi et al., 2004) Comme chez le chat domestique, la séroprévalence varie en fonction de l‟âge et du sexe, les mâles adultes étant les plus infectés (Kikuchi et al., 2004). Elle est plus élevée en régions intertropicales (50-75%) (Silva et al. 2001 ; Kikuchi et al. 2004) qu‟en milieu arctique (15%) (Zarnke et al. 2001). Le rôle direct des félins sauvages dans l‟épidémiologie de la toxoplasmose humaine est mal connu. Les oocystes qu‟ils émettent pourraient être à l‟origine de certains cas humains de toxoplasmoses sévères (Benenson et al. 1982 ; Aramini et al. 1998 ; 1999 ; Carme et al. 2002).
Dissémination et prévalence dans les matrices environnementales
Sol
L‟habitude des félins d‟enterrer leurs fèces permet une contamination des dix premiers centimètres de la surface du sol et empêche une dessiccation des oocystes (Frenkel et al., 1975 ; Aramini et al., 1999). Des oocystes ont ainsi été isolés plus volontiers de sols humides et ombragés (Ruiz et al. 1973). Les eaux de ruissellement et la microfaune du sol favorisent la dissémination du parasite. Les vers de terre, maintenus au contact de sols contaminés, sont capables de transmettre l‟infection (Frenkel et al. 1975 ; Ruiz et Frenkel, 1980 ; Bettiol et al. 2000). En surface, d‟autres invertébrés (cafards, mouches) et leurs fèces peuvent également être porteurs ou contenir des oocystes infectants (Wallace, 1973 ; Frenkel et al. 1975 ; Smith et Frenkel, 1978). Des oocystes ont été isolés du sol après des cas groupés de toxoplasmose au Royaume-Uni et au Brésil (Fleck et al., 1972 ; Coutinho et al., 1982). En dehors de tout contexte épidémique, des bio essais positifs chez la souris ont été obtenus à partir de sols naturellement contaminés (Dubey et Beattie, 1988 ; Ruiz et al. 1973 ; Dubey, Weigel et al. 1995 ; Frenkel et al. 1995).
Eau
Le drainage des sols permet une contamination des eaux de surface et souterraines, des eaux ressources destinées à la consommation et aux loisirs, puis du milieu marin (Bowie et al., 1997 ; Miller et al. , 2002). Au regard de la densité des oocystes (1,104-1,140 ; Dubey, Miller et al., 1970b) et de leur interaction probable avec des particules sédimentaires, les oocystes pourraient se localiser plutôt au fond des eaux stagnantes. Une seule étude a mis en évidence des toxoplasmes (sous forme d‟ADN) dans 10/139 échantillons d‟eaux de consommation, de surface ou souterraines, prélevés en dehors de tout contexte épidémique (Villena et al., 2004).
Végétaux
La présence d‟oocystes sur les fruits et légumes destinés à la consommation n‟a jamais été recherchée. Expérimentalement, les oocystes restent infectants pendant 8 semaines au contact de baies (framboises, myrtilles) conservées à 4°C (Kniel et al., 2002). Ces fruits ainsi que d‟autres végétaux peuvent être une source d‟infection par Cyclospora cayetanensis, coccidie proche du toxoplasme (revu par Shields et Olson, 2003). Il est probable que des oocystes adhérant aux végétaux restent infectants aussi longtemps que les conditions de température et d‟humidité optimales pour leur survie sont maintenues. Leur ingestion par un hôte est alors possible avant la décomposition des végétaux. Des oocystes de toxoplasme ont été isolés par bio-essai sur de la nourriture de porc (Dubey, Weigel et al, 1995).
Exemples d‟espèces animales soumises à l‟infection par les oocystes
Un seul oocyste peut induire une toxoplasmose chez la souris (Dubey, Speer et al., 1997) ou chez le porc (Dubey, Lunney et al., 1996), mais certaines espèces y sont plus résistantes : chat, rat, bovins (Dubey et Beattie, 1988 ; Dubey, 1996a ; 1996b). L‟ingestion d‟oocystes est un mode majeur de contamination pour un grand nombre de mammifères et d‟oiseaux (Tenter et al., 2000). Il est impossible de faire une présentation exhaustive du réservoir animal soumis à l‟infection par les oocystes. Les quatre exemples suivants montrent que certaines espèces, de par leur écologie, peuvent servir de bioindicateurs de la présence d‟oocystes infectants dans l‟eau et le sol.
Rongeurs
Les rongeurs ne semblent réellement constituer un réservoir important d‟infection pour le chat domestique que dans les zones urbaines ou rurales pour lesquelles un cycle parasitaire perdure (Eyles et al., 1959 ; Dubey, Weigel et al., 1995 ; Frenkel et al., 1995 ; Lehmann et al., 2003). Les données de séroprévalence montre que la contamination des rongeurs dépend fortement du degré d‟exposition aux oocystes. L‟exposition est maximale près des bâtiments de fermes qui attirent rongeurs et chats (Lehmann et al., 2003). Cependant, cette exposition ne serait pas nécessaire pour maintenir une prévalence élevée. Celle-ci s‟expliquerait par une transmission verticale du parasite sur plusieurs générations (Owen et Trees, 1998 ; Marshall et al., 2004). Cette hypothèse nécessite des investigations supplémentaires, pour expliquer l‟importance de ce mode de transmission dans la toxoplasmose.
Oiseaux
Par le phénomène de migration, les oiseaux sont aptes à transmettre le toxoplasme sur des distances géographiques importantes, même si la prévalence du parasite chez les espèces migratrices reste peu connue (Dubey, 2002b). Les espèces sédentaires qui ont été domestiquées (volailles) sont utilisées comme bio-indicateurs d‟une contamination tellurique par les oocystes, surtout dans les pays où les conditions climatiques sont très favorables à la survie des oocystes (Da Silva et al., 2003). Des séroprévalences élevées ont été rapportées dans des élevages traditionnels au Brésil (39 à 65,2% selon les régions) (Dubey, Graham et al., 2002, Dubey, Graham et al., 2003a, Dubey, Navarro et al., 2003 ; Da Silva et al., 2003), dans le nord de l‟Argentine (65,5% ; Dubey, Venturini et al., 2003), en Israël (42,2% ; Dubey, Salant et al., 2004), en Égypte (40,4% ; Dubey, Graham et al, 2003b) et en République Démocratique du Congo (50,0% ; Dubey, Karhemere et al., 2005). Au contraire, 6,2% et 16,9% de poulets séropositifs sont rencontrés respectivement au Mexique (Dubey, Morales et al., 2004) et aux Etats-Unis (Dubey, Graham et al., 2003c). La séroprévalence en France n‟est pas connue. La fréquence de la contamination de la volaille domestique pourrait représenter un risque potentiel pour l’homme. Cependant, les kystes sont localisés préférentiellement dans le cœur et le cerveau, puis dans les viscères et dans les muscles (Biancifiori et al. 1986 ; Dubey, Ruff et al., 1993 ; Kaneto et al., 1997, Sedlak et al., 2004).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 : Généralités sur la Toxoplasmose
1. Cycle évolutif du toxoplasme
2 .Oocystogenèse
2.1. Stades entéroépithéliaux
2.1.1. Mérozoïtes
2.1.2. Microgamétocyte et microgamètes mâles
2.1.3. Macrogamétocyte et macrogamète femelle
2.1.4. Fécondation
2.1.5. Formation de la paroi de l‟oocyste
2.1.6. Émission des oocystes
2.2. Sporulation
2.2.1. Paramètres physico-chimiques
2.2.2. Ultrastructure
2.2.3. Antigènes
2.2.4. Autofluorescence
3. Résistance aux conditions environnementales et aux procédés d‟inactivation
3.1. Facteurs physiques
3.1.1. Température
3.1.2. Dessiccation
3.1.3. Rayonnements
3.1.4. Hautes pressions
3.2. Facteurs chimiques
3.2.1. Acides et bases
3.2.2. Désinfectants et détergents
3.2.3. Enzymes
4. Importance des oocystes dans la transmission de la toxoplasmose
4.1. Réservoir d‟émission
4.1.1. Chat domestique (Felis catus)
4.1.2. Félins sauvages
4.2. Dissémination et prévalence dans les matrices environnementale
4.2.1. Sol
4.2.2. Eau
4.2.3. Végétaux
4.3. Exemples d‟espèces animales soumises à l‟infection par les oocystes
4.3.1. Rongeurs
4.3.2. Oiseaux
4.3.3. Ovins
4.3.4. Mammifères marins
4.4. Le rôle des oocystes dans l‟infection humaine
4.4.1. Facteurs de risque associés aux oocystes
4.4.2. Épidémies et cas groupés de toxoplasmoses par ingestion d‟oocystes
4.5. Association avec des génotypes particuliers
4.5.1. Diversité génétique du toxoplasme : outils d‟analyse et biais de sélection
4.5.2. Structure génétique de T. gondii
4.5.3. Quels génotypes circulent dans l‟environnement ?
4-6-Manifestations cliniques de la toxoplasmose chez l‟homme
4-6-1. Toxoplasmose chez le sujet immunocompétent
4-6-1.1. La toxoplasmose ganglionnaire
4-6-1.2. Les atteintes oculaires
4-6-1.3. Formes sévères de toxoplasmose
4-6-1 .4.Evolutions
4-6-2. Toxoplamose chez l‟immunodéprimé
4-6-2.1. Toxoplasmose cérébrale
4-6-2.2. Toxoplasmose extra-cérébrale
4-6-2.2.1. Localisation oculaire
4-6-2.2.2. Localisation pulmonaire
4-6-2.2.3. Autres localisations et formes disséminées
4-6-3. Toxoplasmose congénitale
4-6-3.1. Données historiques
4-6-3.2. Données actuelles pour la France (cohorte lyonnaise)
4-6-3.3. Conclusions
4-7-Méthodes de diagnostic de la toxoplasmose humaine
4-7-1. Diagnostic parasitologique
4-7-1.1. Examen direct
4-7-1.2. Inoculation à la souris
4-7-1.3. Culture cellulaire
4-7-1.4. Biologie moléculaire
4-7-2. Diagnostic sérologique
4-7-2.1. Techniques quantitatives de « première intention »
4-7-2.2. Techniques complémentaires
4-7-3. Conduite du diagnostic de la toxoplasmose
4-7-3.1. Diagnostic de la toxoplasmose de l’adulte (en dehors de la grossesse ou d’un contexte d’immunodépression)
4-7-3.2. Diagnostic de la toxoplasmose chez la femme enceinte (Figure 10)
4-7-3.3. Diagnostic de la toxoplasmose congénitale (cf. Figure 11)
4-7-3.3.1. Diagnostic anténatal
4-7-3.3.2. Diagnostic néonatal
4-7-3.3.3. Diagnostic postnatal
4-7-3.4. Diagnostic de la toxoplasmose chez l‟immunodéprimé
4-7-3.5. Diagnostic de la toxoplasmose oculaire
4-8-Principaux schémas thérapeutiques de la toxoplasmose humaine
4-8-1. Principaux médicaments
4-8-1.1. Inhibiteurs de la synthèse de l‟acide folique
4-8-1.2. Macrolides
4-8-1.3. Autres médicaments
4-8-1.4. Résistances
4-8-2. Principaux schémas thérapeutiques
4-8-2.1. Traitement de la toxoplasmose en dehors de la grossesse
4-8-2.2. Traitement de la toxoplasmose congénitale
4-8-2.2.1. Traitement anténatal
4-8-2.2.2. Traitement de la toxoplasmose congénitale de l‟enfant
4-8-2.3. Traitement de la toxoplasmose cérébrale chez l’immunodéprimé
4-8-2.3.1. Traitement curatif et d’entretien
4-8-2.3.2. Traitement prophylactique
5. Méthodes de détection des oocystes
5.1. Stratégies d‟échantillonnage
5.2. Détection dans l‟eau
5.2.1. Concentration
5.2.1.1.Filtration
5.2.1.2.Floculation
5.2.1.3.Centrifugation
5.2.2. Purification
5.2.2.1.Flottation
5 .2.2.2.Séparation par immunomagnétique (IMS)
5.2.2.3.Cytométrie en flux
5.2.3. Détection
5.2.3.1.Microscopie
5.2.3.2.Analyse moléculaire
5.2.3.3.Vitalité et virulence
5.3. Détection dans les matrices solides
5.4. Synthèse des méthodes proposées
6. Conclusion – Objectifs
PARTIE 2: TRAVAIL PERSONNEL
II-1- But de l‟étude
II-2- Méthodologie de l‟étude
II-2-1-Méthodologie globale
II-2-2- Méthodologie par OS
II-3- Déroulement de l‟étude
II-4- Choix du Lieu de l‟étude
II-5- Matériel et Méthodes
II-6- Biais de l‟échantillonnage
II-7- Bases de calculs statistiques
II-8- Considérations éthiques
II-9-Etude épidémiologique
A-Détermination de la séroprévalence chez la femme et chez les animaux (chien et chat)
Objectif du travail
A-1-Population d‟étude
A- 2-Matériel et méthode de dosage
A-2-1-Matériel
a)Matériel technique
b)Matériel biologique
A-2-2-Méthode de dosage
A-2.2.1 : Chez la femme
A-2.2.2 : Chez les animaux (Chien et chat)
A-3-Résultats et Discussion
A-3-1-Résultats
a)Chez la Femme
b)Chez le chien et le chat
A-3-2-Discussion
Conclusion pour cette partie
B -Evaluation de l‟efficacité ou non du traitement de la toxoplasmose par la Spiramycine
Objectif du travail
B-1-Population d‟étude
B- 2-Matériel et méthode de dosage : Identique au (A)
B-3-Résultats et Discussion
B-3-1-Résultats et interprétation
a)Données sérologiques
a1) A la première sérologie (S1)
a-1-1-Selon les anticorps de type IgM
a-1-2- Selon les anticorps de type IgG
a2) A la deuxième sérologie (S2) : (à un mois d‟intervalle sous traitement)
a3) A la troisième sérologie (S3) : (à un mois d‟intervalle sous traitement)
b)Données échographiques
B-3-2-Discussion
Conclusion pour cette partie
II-10- Identification des souches de Toxoplasma gondii isolées à Dakar
Objectif du travail
1-Population d‟étude
2-Méthodologie
3- Typage génétique des toxoplasmes isolés
4-Résultats
4-1-Selon le nombre de Génotype trouvé
4-2-Selon la nature des Génotypes
5-Discussion
Conclusion pour cette partie
CONCLUSION GENERALE