Importance des « micro-collectifs » de travail

Importance des « micro-collectifs » de travail

Le travail en équipe

« Pour réaliser la construction biographique d’une identité professionnelle et sociale, les individus doivent entrer dans des relations de travail, participer sous une forme ou sous une autre à des activités collectives dans des organisations, intervenir d’une manière ou d’une autre dans des jeux d’acteurs » (Dubar, 1999). L’identité professionnelle se construit et se définit dans un système d’interactions entre plusieurs acteurs sociaux. Autrement dit, le collectif de travail est essentiel à la conception d’une identité « pour soi » et « pour autrui » .

Selon Everett Hughes, le travail collectif et l’appartenance à un groupe sont des moyens mis en place par les individus afin de rendre leur travail tolérable et valorisant. C’est effectivement le cas pour les agents de service hospitalier. Dans les différents services de l’hôpital, les individus travaillent tous ensemble et il existe un véritable esprit d’équipe.

« C’est sûr qu’on travaille en équipe. Euh on peut pas travailler dans notre coin et faire notre truc, non. En tant qu’ASH on peut pas travailler seul, on a besoin de l‘infirmière, de l’aide-soignant, du médecin, de l’anesthésiste, tout ça donc non on peut pas travailler dans notre coin, donc c’est une communication entre nous, avec tout le corps médical en fait. […] Ça fonctionne très bien, en fait c’est plus euh… après on sait ce qu’on a à faire dans la journée, nous euh… bon moi ça fait 20 ans que j’suis là donc je sais ce que j’ai à faire mais les nouveaux faut bien les former, tout ça et puis on essaye de créer une vraie équipe. ».

Redha, 40ans, ASH polyvalent au bloc opératoire.

Au cours de nos observations, nous avons remarqué que les ASH prennent place dans des « micro-collectifs de travail » (binômes ou trinômes le plus régulièrement). Généralement, dans les divers services de l’hôpital les ASH bionettoyage sont trois ou quatre, les brancardiers sont parfois un peu plus. Ces petits groupes de collègues qui travaillent ensemble au quotidien se soudent rapidement afin de rendre le travail plus efficace mais aussi plus agréable. Leur efficacité est principalement basée sur la coopération et la coordination (Grosjean, Lacoste, 1999) qui devront être optimales afin de faciliter le travail de tous. Pour atteindre ce niveau d’entente, mais également afin de créer des liens plus que professionnels, les individus essayent d’avoir des échanges ou activités communes hors travail.

« En fait on essaye un peu aussi de créer une certaine cohésion de groupe ! C’està dire que ça soit ici, même des fois à l’extérieur… on fait aussi un peu de sport à l’extérieur. Euh voilà, on rigole beaucoup, euh… voilà, on fait à manger… On essaye vraiment de créer un groupe soudé… moi j’dis toujours que à l’hôpital on est une famille, mais sans se connaître ! C’est-à-dire que tout le monde peut s’connaître, mais euh… après, nous, ici on a certains groupes ou même des fois on peut créer, voilà, un groupe sur téléphone : on échange, on discute et on s’vanne un peu ! On essaye un peu, un peu de… de s’échapper un peu de notre quotidien et… et ça fait du bien, ouais, ça fait du bien ! On est content de venir au travail ! On a une très bonne ambiance. » .

Issa, 35 ans, ASH brancardier en imagerie médicale.

Ce fonctionnement sous forme de « micro-collectifs » permet de rendre le travail plus efficace car mieux coordonné, tolérable, car plus agréable mais également plus valorisant du fait d’une reconnaissance entre pairs. En effet, au sein de ces « micro-collectifs », il existe, comme dans tout système d’interactions, un certain jugement de la valeur du travail effectué par les différents acteurs. Au sein d’un petit groupe fermé et soudé, ce jugement est le plus souvent positif et donc valorisant.

« Pendant une grande partie de la journée, les brancardiers extérieurs au bloc opératoire sont deux. L’un est là de 7h à 17h et l’autre de 10h à 20h. Ce fonctionnement permet de recouvrir à deux la plage horaire durant laquelle l’affluence est la plus importante. Durant mon contrat, j’étais pratiquement tous les jours avec le même collègue, M. C’est lui qui m’a formé à mon arrivée et qui m’a accompagné durant tout mon passage comme brancardier. Nous travaillions vraiment en binôme et communiquions beaucoup afin de nous organiser et de nous répartir le travail du mieux possible. Nous avons dû sympathiser très vite afin de rendre notre travail plus facile et agréable. Il était également pour moi le premier niveau d’appréciation de mon travail. Il m’avait formé et beaucoup aidé donc c’est à lui que je me référais directement pour savoir si mon travail était bien fait. » .

Journal de bord d’observation participante.

Cet extrait résume les différents aspects de l’importance du travail en binôme ou « microcollectif ». Il est essentiel pour les individus, et notamment pour ceux qui sont souvent invisibles, de construire des liens forts et d’entretenir des interactions sociales avec les différents acteurs rencontrés au travail. Cet ensemble d’éléments permet de comprendre son rôle au sein de l’organisation et a un impact majeur dans la construction des identités professionnelles en permettant à l’individu de se définir soi-même et à travers le regard d’autrui.

Le bloc opératoire et ses spécificités

Le bloc opératoire est un « monde à part ». L’ensemble des personnes interrogées est unanime sur ce point. Ce service, souvent considéré comme le plus important ou le plus noble de l’hôpital, à un fonctionnement tout à fait particulier et de nombreuses spécificités. Lorsque nous pensons au bloc opératoire, nous pensons tout d’abord à un environnement absolument singulier. Le grand nombre de professionnels y travaillant, l’importante activité, le bruit constant ou encore le climat stressant et l’urgence peuvent être très impressionnants, notamment pour le patient et profane. Le service du bloc opératoire est principalement composé de la salle de transfert (salle dans laquelle les patients arrivent et rencontrent les médecins et anesthésistes avant leur opération), de la salle de réveil, de plusieurs salles d’intervention, du couloir extérieur (couloir à l’arrière des salles d’opération dans lequel ressort le matériel à désinfecter) ainsi que de plusieurs bureaux . Ce service compte un très grand nombre d’employés qu’ils soient médecins, infirmiers, aides-soignants, ASH ou cadres. L’activité est quasiment continue le jour (uniquement des opérations en urgence ont lieu la nuit) et le rythme y est soutenu. Pour les agents de service hospitalier, le bloc opératoire est également un service particulier. S’il peut être très stressant de par son ambiance atypique, les missions y sont assez différentes et c’est notamment le cas pour les ASH affectés à l’intérieur du bloc (en opposition aux brancardiers extérieurs au bloc opératoire ne rentrant uniquement dans les salles de transfert et de réveil).

« 1-Salle de transfert :
– Transférer le patient de son lit sur la table d’intervention selon la pathologie, sauf les enfants en bas âge,
– Sécuriser le patient sur le brancard pour le transfert en salle d’intervention,

2-Salle d’intervention :
– Positionner les appuis bras,
– Participer à l’installation provisoire et définitive du patient suivant l’intervention chirurgicale,

– A la fin de l’intervention participer à l’installation du patient en décubitus dorsal pour permettre son réveil et le sécuriser,
– Transférer le patient en SCPI,
– Participer à l’installation du patient dans son lit.

3-Entretien et bionettoyage :
– Evacuer le linge sale de la table d’intervention en SCPI,
– Ramener la table d’intervention en salle de transfert et procéder à son bionettoyage,
– De retour dans la salle d’intervention, procéder à l’évacuation des déchets, (DASRI, DAOM) et identifier les sacs DASRI (date, numéro de salle d’intervention et service),
– Procéder au bionettoyage de la salle d’intervention, des plateaux opératoires et des accessoires (y compris les tabliers de plomb),
– Effectuer le bionettoyage des équipements médicaux dans la salle d’intervention (y compris d’anesthésie),
– Assurer la remise en état de fonctionnement des équipements médicaux.
– Procéder au bionettoyage du chariot de plâtre si nécessaire,
– Utiliser l’auto laveuse si besoin, la nettoyer et la mettre en charge,
– Assurer la traçabilité du bio nettoyage effectué,
– Nettoyer et ranger les sabots du personnel (le week-end). » .

Listing de tâche de l’ASH brancardier polyvalent au bloc opératoire.

Ce document nous montre la particularité de certaines tâches qu’effectuent les ASH au bloc opératoire. Les concernés participent réellement à la prise en charge du patient avant et après son opération en soutien à l’équipe soignante.

« J’dirais que travailler au bloc opératoire, c’est savoir euh être dans un collectif, et euh c’est savoir mouiller le t-shirt pour les collègues ! Et euh les collègues mouillent le t-shirt pour nous et du coup… ça je trouve ça euh très porteur comme travail ! En tout cas dans la dynamique d’équipe et entre nous, je trouve ça très porteur, je trouve ça très euh très dynamique. Voilà, c’est ça que je voulais dire ! C’est… c’est vraiment quelque chose de très, euh très prenant ! Comme j’te disais, euh on vient le matin, on est content, on sait qu’on va travailler tous ensemble, faire quelque chose ensemble et… finalement construire ensemble euh j’trouve que c’est c’qui est le plus riche ! Voilà ! […] Le collectif, c’est ce qui est primordial ! C’est ça, et puis c’est le fait de m’dire que on va tous euh parvenir à réaliser nos objectifs qu’on a en commun. Voilà, c’est ça, c’est cette chaîne collective. Moi c’est ce qui m’anime, j’aime bien ! » .

Vincent, 37 ans, ASH polyvalent au bloc opératoire.

Il y a en effet au bloc opératoire une cohésion d’équipe qui dépasse le stade des « microcollectifs » de travail que nous retrouvons dans les autres services de l’hôpital. En cas d’urgence chaque individu doit pouvoir compter sur les autres, ce qui oblige ces derniers à entretenir un esprit collectif important en continu. Cette dynamique représente un aspect fortement valorisant pour les agents de service hospitalier. Ces derniers ne sont pas considérés comme des « simples » brancardiers ou agents d’entretien mais comme des membres à part entière de l’équipe du bloc opératoire.

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Table des matières

INTRODUCTION
METHODOLOGIE
Chapitre 1 : Présentation des agents de service hospitalier
1.1 Des parcours atypiques mais comparables
1.1.1 Des parcours scolaires et professionnels variés
1.1.2 Des portes d’entrée diverses
1.2 Des sous-catégories distinctes et genrées
1.2.1 Des tâches différentes
1.2.2 La dimension genrée
1.3 Des individus « invisibles » en quête de reconnaissance
1.3.1 Une invisibilité à grande échelle
1.3.2 Le manque de reconnaissance à l’hôpital
Chapitre 2 : Problématiques d’une profession « au bas de l’échelle »
2.1 Division morale du travail et crainte de l’erreur
2.1.1 Le « sale boulot » à l’hôpital
2.1.2 Des responsabilités importantes
2.2 Entre usure physique et fatigue morale
2.2.1 Des efforts physiques et gestes répétés
2.2.2 Une fatigue morale refoulée
2.3 Multi-activité et perte de sens au travail
2.3.1 Une multitude de tâches
2.3.2 …rendant les missions peu lisibles
Chapitre 3 : Stratégies individuelles et collectives face aux difficultés
3.1 Importance des « micro-collectifs » de travail
3.1.1 Le travail en équipe
3.1.2 Le bloc opératoire et ses spécificités
3.2 Création de noblesse et glissement de tâches
3.2.1 Le contact avec les patients
3.2.2 Des glissements de tâches valorisants
3.3 Attachement au métier et investissement au travail
3.3.1 Le travail en hôpital comme une révélation
3.3.2 L’importance d’une implication au quotidien
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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