Importance des assemblages interspécifiques face aux variations environnementales

L’écosystème corallien

Les récifs coralliens

Les récifs coralliens couvrent 284 000 km2 des eaux tropicales et subtropicales, soit moins de 1 % de la planète (Van Oppen & Gates, 2006). Malgré leur faible représentation, les récifs coralliens sont parmi les plus productifs et diverses du monde (Hughes et al., 2003). Ces écosystèmes fournissent d’importants biens et services tels que la pêche, la protection des côtes ou encore le tourisme. Ils contribuent largement à l’économie de certains pays côtiers et représentent des bénéfices mondiaux annuels atteignant 29 milliards d’euro en 2010 (Burke et al., 2011). Ainsi, des millions de personnes dépendent de ces écosystèmes. Les récifs coralliens font actuellement partie des habitats les plus diverses par unité de surface (Knowlton et al., 2010) et sont ainsi souvent cités comme des points chauds de biodiversité. Bien que la biodiversité récifale reste, à ce jour, difficile à mesurer ; on estime qu’au moins 25 % des espèces marines peuplent les récifs coralliens (HoeghGuldberg et al., 2007 ; Knowlton et al., 2010), soit de 25 000 à 60 000 espèces (Payri, 2018).

Les écosystèmes coralliens, formés principalement par les coraux scléractiniaires, sont en général retrouvés dans des environnements oligotrophes (pauvres en sels nutritifs), peu profonds, salins (33 à 36 psu), à faible sédimentation et où la température moyenne de l’eau est d’environ 28 °C (D’Elia & Wiebe, 1990 ; Kleypas, Mcmanus & Menez, 1999). Cependant, ces caractéristiques peuvent varier et certains récifs coralliens « marginaux » sont retrouvés dans des milieux « extrêmes». Une étude réalisée à Moorea, en Polynésie Française a notamment démontré la présence de coraux dans un environnement à fort taux de sédiments (Rouzé et al., 2015). La comparaison de la couverture corallienne soumise à une sédimentation importante à celle soumise à des taux de sédimentation moyen a permis de mettre en évidence que les coraux de cet environnement extrême étaient plus abondants. D’autres études ont mis en évidence la présence de récifs coralliens faisant face à des pH faibles, notamment en Papouasie Nouvelle-Guinée (Fabricius et al., 2011) ou à de forts taux de salinité excédant 45 psu, comme en Mer d’Arabie (Rezai et al., 2004).

Toutes ces caractéristiques environnementales influent sur la structuration des communautés récifales. Parmi les macro-organismes, divers groupes taxonomiques sont représentés au sein des récifs tel que : les poissons, les mollusques, les cnidaires, les crustacés, les échinodermes, les algues, les éponges et les ascidies. Ces groupes sont largement représentés dans la région Indo-Pacifique qui est considérée comme le premier point chaud de la biodiversité marine. En effet, parmi les 1400 espèces de coraux durs recensés, 500 ont été trouvées dans la région IndoPacifique (Payri, 2018). De plus, les coraux abritent une grande partie de la faune cryptique (e.g. mollusques, crustacés) qui constitue une part importante de la biomasse des récifs coralliens (Reaka-Kudla, 1997). Le corail Pocillopora damicornis loge ainsi de nombreuses espèces cryptiques et plus de 35 espèces ont été collectées chez un même individu (Austin, Austin & Sale, 1980). En plus de ces associations avec des macro-organismes, les coraux vivent en interaction avec de nombreux micro-organismes, constituant alors un holobionte, tels que des algues microscopiques de la famille des Symbiodiniaceae, des bactéries, des virus ou encore des champignons (van Oppen et al., 2017). L’association avec les coraux n’est pas nécessaire à la survie de ces organismes et ils peuvent être retrouvés libres dans la colonne d’eau (Hofer, 2016).

Morphologie des holobiontes

Les holobiontes sont des méta-organismes qui comprennent non seulement l’organisme hôte, corail ou bénitier par exemple, mais aussi des microorganismes, symbiontes ou non, tels que des bactéries, des archaea, des algues endolithiques ou encore des virus (Hester et al., 2016). Le concept d’holobionte, utilisé pour la première fois par Margulis et Chapman (1998), repose donc sur l’existence d’interactions entre l’hôte et ses organismes associés (Egan et al., 2013). Indépendamment du patrimoine génétique de l’hôte, la composition des communautés symbiotiques peut donc influencer sa physiologie et son état de santé (Kimes et al., 2010 ; Thurber et al., 2009). Certaines études réalisées sur des algues ont démontré que les symbiontes pouvaient fournir des services écologiques aux holobiontes (Egan et al., 2013 ; Lachnit, Wahl & Harder, 2010). Tout comme les Symbiodiniaceae, les bactéries et virus peuvent contribuer aux besoins énergétiques des hôtes, via la fixation d’azote ou l’approvisionnement et le recyclage des nutriments (Barott et al., 2011 ; Beman et al., 2007 ; Lesser, 2004 ; Olson et al., 2009). Néanmoins, les symbiontes peuvent aussi être délétères pour l’hôte en contribuant négativement à sa survie et à son état de santé (Rosenberg et al., 2007).

Holobionte corail 

Les coraux durs, ou scléractiniaires, font partie des holobiontes les plus étudiés car, tout comme les bénitiers, ils possèdent la particularité de vivre en association symbiotique avec des algues photosynthétiques de la famille des Symbiodiniaceae (Baker, 2003 ; Fitt, Fisher & Trench, 1986 ; LaJeunesse et al., 2018). Les coraux sont composés de deux feuillets cellulaires et les Symbiodiniaceae se retrouvent au niveau du feuillet externe (ectoderme) du polype (Figure 1.1). Le feuillet interne, l’endoderme, délimite une cavité digestive (bouche) qui communique avec l’extérieur. Les tentacules qui entourent la bouche possèdent des cnidocystes. Ces dernières sont des cellules urticantes, caractéristiques de l’embranchement des cnidaires, qui permettent au corail de se défendre et de capturer des proies.

Bien que tous les coraux soient capables de produire un squelette en carbonate de calcium (CaCO3), ils possèdent des morphologies différentes. La forme des coraux dépend principalement de l’espèce. On retrouve par exemple des coraux branchus (e.g. Acropora spp., Pocillopora spp.), foliacés (e.g. Pavona spp.), encroutants (e.g. Montipora spp.) ou encore massifs (e.g. Porites spp.). Du fait de leur physiologie, les scléractiniaires peuvent utiliser l’autotrophie et/ou l’hétérotrophie pour se nourrir. L’hétérotrophie se caractérise par la capture de plancton (pico- à méso-) grâce aux tentacules ou au mucus recouvrant l’épiderme (Houlbrèque & Ferrier-Pagès, 2009). De plus, le mucus peut permettre l’adsorption de bactéries. Les coraux peuvent également se nourrir de matière organique en suspension (e.g. fragments d’animaux, excréments), dissoute (e.g. glucose, acides aminés) ou inorganique (i.e carbone inorganique exogène ; Allemand et al., 1998). Le caractère mixotrophe des coraux vient de leur association avec les Symbiodiniaceae. Ces derniers permettent l’autotrophie en fournissant à l’hôte jusqu’à 95 % de leur production en sucres, acides aminés et peptides (Muscatine & Porter, 1977). Une des caractéristiques des coraux scléractiniaires, est la mise en place de stratégies de reproduction variées incluant la reproduction asexuée et sexuée. Les coraux peuvent se reproduire de manière asexuée par expulsion ou bourgeonnement de l’unité de base du corail, le polype (Sammarco, 1982 ; Wecker et al., 2018). Les espèces branchues, tels que les Acropora, peuvent utiliser la fragmentation comme moyen de dispersion (Highsmith, 1982). Enfin, certains coraux, dont des Pocilloporidae, utilisent une reproduction alternative via l’émission de larves produites de façon asexuée (Miller & Ayre, 2004). Ainsi, la reproduction asexuée entraine la présence d’individus génétiquement identiques (clones). Deux modes de reproduction sexuée existent chez les coraux : les broadcast-spawners et les brooders. Les braodscast-spawners émettent les gamètes mâles et femelles dans la colonne d’eau tandis que chez les brooders seuls les gamètes mâles sont émis et dérivent dans la colonne d’eau afin de rencontrer un ovule à l’intérieur d’un polype (Baird, Guest & Willis, 2009). Ces deux types de fécondation entrainent la formation d’une larve, planula, qui va ensuite aller se fixer sur un substrat : c’est le recrutement. La fixation de la larve sur le substrat induit sa métamorphose en polype puis le développement d’une colonie corallienne (Harrison, 2011). Bien qu’une transmission maternelle existe, la plupart des holobiontes coralliens vont acquérir des Symbiodiniaceae de la colonne d’eau au stade larvaire ou après la métamorphose en polype (Hirose, Yamamoto & Nonaka, 2008 ; van Oppen, 2001).

Holobionte bénitier

À la différence des coraux qui peuvent acquérir des Symbiodiniaceae par transmission maternelle (transfert vertical), l’holobionte bénitier établit une symbiose avec les Symbiodiniaceae qu’une fois sa métamorphose terminée via le milieu environnemental (transfert horizontal). Les bénitiers sont des hermaphrodites protandres, c’est à dire que la reproduction est effectuée par émission de gamètes mâles puis après un temps de latence d’environ 30 minutes par l’émission d’ovocytes dans la colonne d’eau (Figure 1.2 ; Dubousquet, 2014 ; Kurihara et al., 2010). Les premiers stades de vie des bénitiers comprenant, la phase larvaire, le stade trochophore et le stade veliger, permettent leur dispersion. Par la suite la larve se transforme pour atteindre le stade pédivéligère qui va pouvoir se fixer sur un substrat favorable (Dumas et al., 2014). C’est au stade véligère que la larve va acquérir des Symbiodiniaceae de la colonne d’eau et les maintenir dans son estomac. Après la métamorphose avec son développement d’invaginations stomacales, les Symbiodiniaceae se retrouvent au niveau du manteau (Norton & Jones, 1992). Ainsi, l’holobionte forme une exosymbiose avec les Symbiodiniaceae qui ne sont pas intracellulaires mais extracellulaires. Bien qu’il ait longtemps été considéré que la symbiose se mettait en place après la métamorphose, une étude récente de Mies et ses collaborateurs (2016) a démontré qu’elle s’installe quatre jours après la fertilisation, au stade véligère. La survie des Symbiodiniaceae dans l’estomac des bénitiers entraine aussi leur relargage via les fèces, en condition normale ou face à des stress thermiques, permettant aux bénitiers d’agir comme des « réservoirs » (Neo et al., 2015).

Les Symbiodiniaceae jouent un rôle important dans l’alimentation des bénitiers et semblent être à l’origine de leur croissance rapide comparativement aux autres bivalves. La fixation du carbone, par photosynthèse, permet de générer des composés énergétiques qui peuvent être excrétés par les Symbiodiniaceae ou ingérés par digestion des symbiontes (Dubinsky et al., 1990). Les bénitiers peuvent donc vivre exclusivement des produits de la photosynthèse si les conditions lumineuses sont optimales. L’autotrophie apporte un avantage aux bénitiers, leur permettant de mieux assimiler et conserver l’azote qui représente une ressource limitée dans les récifs coralliens (Hoegh-Guldberg, 1996 ; Muller-Parker & D’Elia, 2015). L’hétérotrophie peut aussi occuper une part importante de la nutrition des bénitiers, surtout au stade juvénile (Klumpp & Griffith, 1994). Les bénitiers peuvent filtrer de grandes quantités d’eau afin d’ingérer du plancton et sont capables de retenir la plupart des particules allant de 2 à 50 µm (Fitt, Fisher & Trench, 1986 ; Klumpp, Bayne & Hawkins, 1992).

Organismes associés : Symbiodiniaceae

Les Dinoflagellés de la famille des Symbiodiniaceae, autrefois appelés zooxanthelles, font partie des symbiontes les plus étudiés en raison de leur rôle majeur dans la production primaire des récifs coralliens (Cesar et al., 2000). Les différents genres de Symbiodiniaceae sont morphologiquement similaires, de forme coccoïde et de taille allant de 5 µm à 15 µm à l’état de cyste végétatif, c’est-à-dire au sein de l’hôte. Ils sont capables de vivre en association avec au moins 5 phyla différents comprenant les cnidaires, les mollusques, les plathelminthes, les porifères et les protistes (Stat, Carter & Hoeghguldberg, 2006). En échange des produits de la photosynthèse, les hôtes protègent les Symbiodiniaceae des prédateurs, délivrent des nutriments inorganiques (e.g. ammonium et phosphate) ou encore approvisionnent les symbiontes en carbone (Gattuso, Allemand & Frankinoulle, 1999; Stat, Carter & Hoeghguldberg, 2006).

Des études basées sur la phylogénie ribosomale, plastidique et mitochondriale ont permis de mettre en évidence différents clades de Symbiodiniaceae. Pour cela, le séquençage de différentes régions de l’ADN ribosomique nucléaire a été utilisé, tel que la petite sous-unité 18S (Rowan & Powers, 1992), la grande sous-unité 28S (Coffroth & Santos, 2005 ; Pochon et al., 2001), les séquences inter-géniques transcrites ITS1 et ITS2 (Pochon et al., 2001) ou encore le gène du grand ARN ribosomique chloroplastique 23S (Pochon et al., 2001 ; Pochon & Gates, 2010). Ainsi, neuf clades notés de A à I (Baker, 2003 ; Pochon & Gates, 2010 ; Rowan & Powers, 1991 ; Stat, Carter & Hoeghguldberg, 2006 ; Stat, Morris & Gates, 2008), subdivisés en différents sous-clades, ont été identifiés.

Les clades A, B, C et D sont généralement retrouvés chez les scléractiniaires. Les clades A et C sont aussi souvent retrouvés chez les bénitiers. Les clades F, G et H ont été identifiés de manière beaucoup plus rare chez les coraux durs (Baker, 2003 ; LaJeunesse, 2001 ; Pochon et al., 2006 ; Schmidt-Roach et al., 2013). Le clade E n’a jusqu’à présent jamais été identifié chez les coraux et les bénitiers et se retrouve généralement à l’état libre et rarement chez les anémones du genre Anthopleura (LaJeunesse, 2001 ; Pochon et al., 2006). De même, le clade I a été identifié exclusivement chez les foraminifères (Pochon et al., 2006). Ainsi, les clades de Symbiodiniaceae ne se retrouvent pas chez les mêmes espèces et sont décrits comme « spécialistes » lorsqu’ils sont restreints à un taxon particulier d’hôtes ou comme « généralistes » lorsqu’ils s’associent à plusieurs hôtes. Ces termes sont aussi utilisés pour les hôtes qui peuvent arborer un seul ou plusieurs clades de Symbiodiniaceae (Fabina et al., 2012 ; Rowan, 1998 ; Rowan & Knowlton, 1995).

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Table des matières

Chapitre 1 : Introduction
1. L’écosystème corallien
1.1 Les récifs coralliens
1.2 Morphologie des holobiontes
1.3 Organismes associés : Symbiodiniaceae
1.4 Organismes associés : bactéries
2. Interaction entre espèces
2.1 Interactions intra-holobiontes
2.2 Interaction Inter-holobiontes
2.3 Réponses aux variations environnementales
3. Assemblages et environnement
3.1 Assemblages
3.2 Variation de la biodiversité et conséquences
4. Objectifs et présentation de la thèse
Chapitre 2 : Differential effect of coral-giant clam assemblages on biofouling formation
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1 Sample collection and preparation
2.2 Data analysis
3. Results
3.1 Significant change of seawater composition between experiments but only slightly between assemblages
3.2 Difference of biofouling appearance according to the type of assemblages
3.3 Distinct taxonomic groups according to the assemblages
3.4 Different family and genus composition of the three main taxonomic groups according to the assemblages
3.5 Characterization of biofouling from each assemblage by specific species abundance and metabolic function of bacteria
3.6 Secondary metabolites released in seawater are related to each assemblage
4. Discussion
Chapitre 3 : Dimethylsulfoniopropionate concentration in coral reef invertebrates varies according to species assemblages
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1 Corals and giant clam collection and experimental design
2.2 Metabolite extraction for dimethylsulfoniopropionate quantification
2.3 Nuclear magnetic resonance data acquisition and dimethylsulfoniopropionate quantification
2.4 DNA extraction, PCR amplification and sequencing for Symbiodiniaceae composition determination
2.5 Identification of candidate genes
3. Results
3.1 Analyses of dimethylsulfoniopropionate concentrations according to thermal stress, species and assemblages
3.2 Symbiodiniaceae composition by assemblage
3.3 Identification of candidate genes for dimethylsulfoniopropionate biosynthesis in Tridacna maxima
4. Discussion
4.1 Dimethylsulfoniopropionate concentrations differ according to species and assemblages
4.2 Dimethylsulfoniopropionate production
Chapitre 4 : Metagenomics reveals distinct microbiotypes in the giant clams Tridacna maxima
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1 Sample collection
2.2 DNA extraction, PCR amplification and sequencing
2.3 Microbial community analysis
2.4 Statistical analysis
3. Results
3.1 Mortality of giant clams
3.2 The prokaryotic microbiome of giant clams
3.3 Bacterial functional roles
3.4 The Symbiodiniaceae composition of giant clams
4. Discussion
4.1 The composition of the benthic species assemblage influences the health of giant clams
4.2 Microbiotypes in giant clams
Chapitre 5 : Conclusion

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