L’agriculture des pays d’Afrique subsaharienne est caractérisée par sa faible productivité. Les rendements céréaliers ne sont que 1 101 kg ha-1 contre 3 467 kg ha-1en Asie et 3 314 kg ha-1 en Amérique du Sud (CNUCED, 2010). En conséquence, la plupart des pays souffrent d’une insuffisance chronique de la production vivrière totale, de difficulté d’accès à l’alimentation ou d’insécurité alimentaire localisée. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) indique que depuis la fin des années 70, la production céréalière n’a jamais pu croître au même rythme que la population en Afrique subsaharienne. Au cours des deux prochaines décennies, elle ne devrait couvrir que 86 pc de la demande. Bationo et al. (2004) mentionnent que la dégradation des sols en Afrique sub-saharienne a entraîné une baisse de production céréalière au cours des 35 dernières années exposant ainsi 200 millions de personnes dans une situation d’insécurité alimentaire chronique.
Sanchez et al. (1997) et Bationo et al. (2004) expliquent la faible productivité des cultures par les effets conjuguées de la mauvaise gestion des terres agricoles, les variations temporelles et spatiales des conditions climatiques et la croissance démographique, entraînant un appauvrissement rapide des sols en élément nutritifs. Jones (2009) indique que les pertes d’éléments nutritifs de sols entraînent des pertes économiques directes d’environ 3 pc du PIB agricole. Ces contraintes sont parfois exacerbées par la pratique de l’agriculture minière (culture continue, faibles applications des engrais minéraux) et l’état de pauvreté des producteurs (Vander der Pol, 1992 ; Mokwunye et al., 1996 ; Gray, 2005). Selon IFDC (2008), les producteurs africains n’ont utilisé que 25,4 kg ha-1 d’engrais durant la campagne agricole 2005/2006. A titre de comparaison, les doses moyennes d’application des engrais dans le monde à la même période étaient de 118,8 kg ha-1. Les producteurs d’Asie et d’Amérique Latine utilisaient 202,3 et 100,7 kg ha-1 respectivement. La même source indique que l’agriculture des pays d’Afrique Subsaharienne n’a utilisé qu’à peine en moyenne 7,1 kg d’engrais par hectare sur l’ensemble des terres agricoles.
Au Tchad, les activités agricoles occupent plus de 80 pc de la population active, pour une contribution de 22,6 pc au PIB avant l’exploitation du pétrole en 2003. En 2009, elles représentent 22,3 pc du PIB. Le seul secteur pétrolier a représenté 34,3 pc du PIB (Cellule Economique de la République du Tchad, http://www.cellule-economique-tchad.org/, consulté le 12/02/12). Les systèmes de production se caractérisent par un faible niveau d’équipement des exploitations (Djondang et Havard 2010, et Naitormbaide et al., 2010) et la pratique de cultures continues. Les faibles rendements des cultures observés s’expliquent par les conditions pluviométriques défavorables, la pauvreté naturelle des sols en éléments nutritifs et la faible utilisation des fumures organiques et minérales. Les engrais minéraux sont très peu utilisés surtout à cause de leurs coûts relativement élevés aux faibles revenus des producteurs. Même lorsque les engrais sont utilisés, ils sont surtout réservés à la culture du coton (Naitormbaide, 2007). En 2000, la consommation des engrais minéraux (N, K2O et P2O5) au Tchad n’était que de 17 500 t soit 1,4 pc de la consommation de l’Afrique Sub-saharienne (IFDC, 2008). En rapport avec la superficie des terres cultivables, la dose moyenne d’engrais estimée n’est que de 5 kg ha-1(IFDC, 2008). Les cultures, telles que le maïs, le sorgho, et le riz ne reçoivent qu’entre 35 à 75 kg ha-1 de NPK et 42 kg ha-1 d’urée (Mbétid-Bessane et al., 2006 ; Naitormbaide, 2007). L’utilisation de la fumure organique est aussi peu répandue chez les producteurs. Pourtant, plusieurs travaux ont montré l’importance de l’apport de l’amendement organique dans le maintien de la qualité agronomique des sols (INERA, 2000 ; Hibra-Samgue, 2004 ; FAO, 2007 ; Masto et al, 2008). L’agriculture n’étant pas systématiquement intégrée à l’élevage, après les récoltes, les résidus sont généralement prélevés par les exploitants pour des usages domestiques ou consommés par les animaux d’élevage durant la saison sèche. Ce qui correspond à une exportation d’éléments nutritifs des champs, mais aussi à une baisse généralisée de la matière organique du sol. Lompo (2009) indique que la faible restitution des résidus des cultures dans les champs entraînne une baisse de la matière organique du sol, et en conséquence la baisse des teneurs en phosphore du sol. Plusieurs auteurs (Stoorvogel, 1990 ; Van der Pol, 1992 ; Sedogo, 1993 ; Bado et al., 1997; Bationo et al., 1998; Mando et al., 2005; Ouattara, 2009) ont par ailleurs montré que l’absence ou la faible utilisation des engrais minéraux et des substrats organiques (fumier, compost) conduit de nos jours, à une baisse importante de la fertilité originelle des sols et des rendements agricoles. De plus, Abdoulaye et al. (2006) ont aussi montré que les itinéraires techniques pratiqués dans la zone cotonnière sont à l’origine de la dégradation de la fertilité des sols à travers leur érosion et la minéralisation accélérée de leur matière organique.
PRESENTATION GENERALE DU TCHAD ET DE LA ZONE D’ETUDE
Présentation du Tchad
D’une superficie de 1 284 000 km², le Tchad est situé entre le 7 ° et 24° de latitude nord, le 13° et le 24° de longitude. C’est un pays enclavé situé à 2 000 km du port le plus proche (Douala/Cameroun). Constitué de paysages variés, le Tchad s’étale sur une longueur de 1 700 km du Nord au Sud et sur 1 000 km d’Est à l’Ouest. Il est une cuvette au relief accidenté (succession de plaines et de montagnes). Le Nord est dominé par le massif du Tibesti dont le point le plus culminant, l’Emi Koussi, est à 3 414 m. Vers l’Ouest, la dépression abrite le point le plus bas du Tchad à 175 m.
Le climat tchadien varie d’une zone à climat tropical semi-humide à l’extrême Sud à un climat désertique au nord du pays (Figure 1). On distingue 3 zones agro climatiques dont :
– la zone saharienne qui occupe 63 pc du pays dans le nord désertique, avec moins de 200 mm de pluies ;
– la zone sahélienne occupe 27 pc du territoire. Elle située entre les isohyètes 200 et 800 mm ;
– et la zone soudanienne (10 pc du pays) comprise entre l’isohyète 800 mm à plus de 1200 mm. C’est la zone assimilée à la zone des savanes où l’étude a été effectuée.
Le régime thermique est marqué de variations importantes de températures dans l’année. Le maximum des températures est atteint en mars (35°-38 ºC) au sud, en avril (40°- 41ºC) au centre et au Nord (42°- 43º C) au mois de mai et juin. Le minimum des températures varie selon de 24° à 35º C du sud au Nord. En dehors des espaces cultivés, la végétation se compose de pâturages naturels (84 millions ha), de forêts et de terres boisées (32,4 millions d’ha). Dans la zone soudanienne prédominent les combrétacées densément garnies de hautes Andropogon. Cette savane arborée se développe sur des sols très évolués (beiges ferrugineux lessivés) de couleur rouge (7,5 R-10 R), de texture uniformément argilo-sableuse à argileuse sur de grande profondeur (5 à 10 m). Le pH de ces sols est légèrement acide en surface (pH=6 – 6,5), très acide en profondeur (pH= 4- 5). Le complexe fortement désaturé (V souvent inferieur à 40 pc), à fraction colloïdale riche en kaolinite et hydroxydes de fer (10 à 12 pc) parfois avec de légères quantités d’illite.
La zone sahélienne est le domaine de la savane arbustive formée d’une végétation basse de petits arbres ou arbustes dominés par les Acacia et d’un tapis graminéen d’andropogon. Cette végétation se développe sur des sols hydromorphes, ferrugineux tropicaux peu lessivés, des sols bruns ou brun rouges subarides.
Présentation de la zone des savanes
Situation géographique et physique
La zone des savanes du Tchad est comprise entre le 8e et le 15e parallèle. L’étude a été concentrée précisément dans la zone soudanienne qui se situe entre 8e et 10e parallèle. La zone couvre 130 060 km2 soit 10 pc du territoire national. Les terres cultivables sont estimées à 200 000 ha. La pluviosité varie entre 800 et 1200 mm. Quatre critères ont été utilisés pour caractériser la zone en 10 unités agro écologiques (Annexe 1) :
– la pression démographique ;
– les dynamiques de peuplement (mouvements migratoires) ;
– le niveau d’association agriculture-élevage et les relations entre agriculteurs et éleveurs ;
– l’influence historique du coton dans les transformations des systèmes agraires. Chaque unité est considérée comme ayant la même problématique de recherche et de développement. L’étude a été effectuée dans les unités 2, 3 et 5.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I. PRESENTATION GENERALE DU TCHAD et de la zone d’etude
1.1. Présentation du Tchad
1.2. Présentation de la zone des savanes
1.2.1. Situation géographique et physique
1.2.1.1. Climat
1.2.1.2. Contexte morpho pédologique
1.2.1.3. Végétation
1.2.2. Contexte humain et systèmes de culture dans les savanes
1.2.2.1. Diversité du peuplement et des conditions socio-économiques
1.2.2.2. Systèmes de culture
1.2.3. Sites d’étude
1.2.3.1. Station agronomique de Bébédjia
1.2.3.2. Site de Ndaba
1.2.3.3. Site de Nguetté1
1.2.3.4. Site de Tala1
CHAPITRE II. ETAT DE L’ART SUR LES PRATIQUES DE GESTION DE LA FERTILITÉ DES SOLS
2.1. Evolution de la définition de la notion de la fertilité
2.1.1. Fertilité physique des sols
2.1.2. Fertilité chimique des sols
2.1.3. Fertilité biologique
2.2. Pratiques de gestion de la fertilité des sols
2.2.1. Importance des apports organiques dans l’amélioration de la fertilité des sols
2.2.2. Principales causes de baisse des teneurs en matière organique et éléments minéraux des sols
2.2.2.1. Pratique de culture sur brûlis.
2.2.2.2. Pratique de culture continue
2.2.2.3. Exportations des résidus des récoltes
2.2.3. Pratique d’amélioration de la fertilité des sols à partir du fumier
2.2.4. Pratique d’amélioration de la fertilité des sols à partir des résidus des récoltes
2.2.5. Pratique d’amélioration de la fertilité des sols à partir du compost
2.2.6. Pratique d’amélioration de la fertilité des sols à partir des engrais minéraux
2.3. Effets des pratiques de gestion de la fertilité des sols sur les rendements des cultures
CHAPITRE III. MATERIEL ET METHODES D’ETUDE
3.1. Matériels
3.1.1. Matériel végétal
3.1.1.1. Arachide
3.1.1.2. Mil
3.1.1.3. Sorgho
3.1.2. Engrais minéraux
3.1.3. Amendement organique
3.1.4. Autres matériels scientifiques et techniques
3.2. Méthodes
3.2.1. Méthodologie d’élaboration des cartes d’occupation des sols
3.2.2. Enquête exploitation et expérimentation en milieu paysan
3.2.2.1. Enquête à l’échelle exploitation
3.2.2.2. Expérimentation en milieu paysan
3.2.3. Expérimentation sur la station de recherches agronomiques
3.2.4. Conduite des cultures
3.2.5. Méthodologie d’évaluation et d’échantillonnage des végétaux
3.2.6. Méthodologie d’échantillonnage des sols
3.3. Méthodes d’analyse des sols au laboratoire
3.3.1. Analyses physico-chimiques des sols
3.3.1.1. Granulométrie
3.3.1.2. Fractionnement granulométrique
3.3.1.3. Carbone organique
3.3.1.4. pH du sol
3.3.1.5. Azote (N) total
3.3.1.6. Dosage du phosphore (P) total et assimilable
3.3.1.7. Dosage du potassium (K)
3.3.1.8. Bases échangeables
3.3.1.9. Capacité d’Echange Cationique (CEC)
3.3.1.10. Analyses biologiques des sols
3.4. Traitements statistiques des données
CONCLUSION
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