Importance de l’azote et sources d’azote pour les végétaux
L’azote est l’un des éléments nutritifs majeurs pour les organismes végétaux et animaux. Il intervient principalement dans l’élaboration des biomolécules comme les protéines, les acides nucléiques et la chlorophylle (Epstein, 1972) qui sont très importantes pour la vie. Hageman (1984) et Layzell (1990) ont montré que l’azote est essentiel à la synthèse des enzymes de la photosynthèse et favorise l’utilisation des hydrates de carbone. Chez les végétaux, l’azote stimule le développement et l’activité des racines, favorisant ainsi l’absorption des autres éléments minéraux et la croissance des plantes (Stenvenson, 1986). Trois sources d’azote peuvent être utilisées par les végétaux : l’azote du sol, l’azote apporté sous forme d’engrais et l’azote atmosphérique (N2). L’azote du sol de même que l’azote issu des engrais, peut être directement utilisé par la plante. En revanche, l’azote atmosphérique nécessite d’être transformé sous une forme assimilable. La fixation de l’azote atmosphérique se fait par plusieurs mécanismes. Le mécanisme le plus important et le plus connu est la fixation biologique par des micro-organismes libres ou vivant en symbiose avec certaines plantes comme les légumineuses (Heynes, 1986).
La symbiose fixatrice d’azote atmosphérique
Les bactéries fixatrices d’azote vivent en symbiose avec des plantes. Les symbioses rhizobium-légumineuses ont été les mieux étudiées. Il est connu que dans ces symbioses, la plante hôte appartient à la famille des Leguminosae, à l’exception du genre Parasponia appartenant à la famille des Ulmaceae (Allen et Allen, 1981) et les bactéries, à l’état de bactéroïdes, fixent l’azote dans un organe différencié de la plante appelé nodosité. Les nodosités formées au niveau des racines ou parfois au niveau des tiges (Dreyfus et al., 1988) sont le siège des échanges entre les deux partenaires symbiotiques. La bactérie y réalise la réduction de l’azote moléculaire atmosphérique (N2) en ammoniac (NH3). L’énergie nécessaire à cette réaction est fournie sous forme de composés carbonés par la plante.
Les partenaires symbiotiques
Les légumineuses
Les légumineuses sont constituées par des plantes herbacées et des plantes ligneuses. Elles comprennent trois sous familles : les Papilionacées (Fabacées), les Mimosacées et les Caesalpiniacées. À peu près 20 % d’entre elles ont été testées pour évaluer leur aptitude à former des nodosités. Le pourcentage des espèces capables d’entrer en symbiose et de former des nodosités est élevé chez les Papilionacées (97%) et beaucoup plus faible chez les Caesalpiniacées (23%), les Mimosacées occupant une position intermédiaire (90%) (Sutherland et Sprent, 1993).
Les rhizobiums
Plusieurs études de caractérisation taxonomique, basées sur des approches phénotypiques et génotypiques, ont révélé une extrême diversité des rhizobiums (Prin et al., 1993). Ces études ont conduit à la définition de plusieurs taxa. Les rhizobiums sont ainsi classés en 49 espèces appartenant principalement à 12 genres. La subdivision des alpha proteobacteria regroupe à elle seule 8 genres : Rhizobium, Sinorhizobium, Bradyrhizobium, Azorhizobium, Mesorhizobium, Methylobacterium, Blastobacter et Devosia (Willems, 2003). Deux genres, Burkholderia et Ralstonia sont décrits comme appartenant à la sous-classe des beta proteobacteria (Willems, 2003). Récemment, des bactéries appartenant à la subdivision des gamma proteobacteria ont été isolées et classées en genre Hedysarum (Benhizia et al., 2004). D’autres bactéries apparentées aux alpha proteobacteria ont également été décrites et classées en genre Ochrobactrum (Ngom et al., 2004 ;Trujillo et al., 2005).
Le dialogue moléculaire
L’étape précoce de l’association symbiotique est contrôlée par des échanges de signaux entre les deux partenaires. Des degrés variables de spécificités d’hôte sont souvent observés dans cette relation entre légumineuse et rhizobium (de Lajudie, 2004). En effet, en présence de rhizobia dans la rhizosphère, les racines de la plante hôte excrètent des composés phénoliques généralement de type flavonoïdes. Ces composés agissent comme inducteur des gènes nod bactériens impliqués dans la nodulation. L’induction a lieu par l’intermédiaire de protéines régulatrices Nod D qui sont des activateurs transcriptionnels des gènes nod (Peters et Verma, 1990 ; Fischer et al., 1992). En réponse, la bactérie synthétise et sécrète, sous le contrôle des gènes nod, des molécules lipochitooligosaccharidiques. Ces molécules appelées facteurs Nod, déclenchent le programme de nodulation de la plante hôte et permettent l’infection bactérienne (cf. figure 1). Celle-ci a lieu le plus souvent par l’intermédiaire d’un cordon d’infection qui progresse vers la base du poil absorbant pour atteindre les cellules du cortex racinaire, où il se ramifie (Turgeon et Bauer, 1985 ; Truchet et al., 1985). Parallèlement à cette infection bactérienne, des cellules corticales se dédifférencient et se divisent activement pour former le primordium nodulaire qui va accueillir les bactéries ayant progressé jusqu’au cortex racinaire. A ce stade, les bactéries différenciées en bactériodes, sont libérées dans les cellules. Elles sont alors capables de réduire l’azote atmosphérique en ammoniac directement assimilable par la plante (Denarie, et al., 1992 ; Smits et al., 1992).Lorsque l’azote n’est pas un facteur limitant, chacun des deux partenaires peut se développer indépendamment de l’autre (Jordan, 1984). Le schéma ci-après décrit les interactions précoces de cette relation conduisant à la formation de nodosités capables de fixer l’azote N2.
Dans certains cas, l’infection ne fait pas intervenir les poils absorbants et la pénétration des bactéries se fait par crack entry, soit au niveau d’une zone de faiblesse de l’épiderme des racines latérales (Ndoye et al., 1994 ; Boogerd et van Rossum, 1997) ; soit à la jonction de deux cellules épidermiques latérales (infection intercellulaire) (Boogerd et van Rossum, 1997).
L’inoculation
On désigne par inoculum, une préparation sous forme liquide, semi liquide ou solide contenant la bactérie ou le champignon sélectionné et destinée à être introduite dans la rhizosphère. L’inoculation qui consiste à apporter un inoculum à la plante, est pratiquée en agriculture depuis de nombreuses années (Samba et al., 2004).
L’inoculation avec des rhizobiums
L’inoculation permet de fournir un nombre suffisant de rhizobiums efficaces pour induire rapidement la colonisation de la rhizosphère par laquelle, la nodulation s’effectue après la germination (Bogino et al., 2006). La nécessité d’apporter un inoculum n’est cependant pas généralisée à tous les types de sols. Elle devient inutile quand le sol est très pourvu en azote ou lorsque des rhizobiums spécifiques à la légumineuse et efficaces dans la fixation de N2 sont déjà présents (Hegde, 1982).
La nécessité à apporter un inoculum
L’efficacité de l’activité des rhizobiums dans les nodosités formées varie considérablement avec la souche utilisée (Dommergue et al., 1999 ; de Lajudie, 2004). Dans beaucoup de sols pauvres en azote, les nodosités formées ne sont pas adéquates soit par le nombre, soit par la qualité. Dans ces sols, il est possible d’améliorer la fixation biologique de l’azote en apportant à la plante une culture de rhizobiums sélectionnés. Cette technique est presque toujours nécessaire lorsque des cultivars ou variétés de légumineuses sont nouvellement introduits dans une région (khurana et al., 1998). L’inoculation peut s’avérer aussi efficace, dans les sols infectés par des souches de rhizobiums inefficaces dans la fixation de N2 (Castro et al., 1999). Un inoculum de rhizobium à très large compétitivité et à très grande efficacité pourrait aider à remplacer ces souches indigènes. Leur sélection nécessite cependant le respect d’un certain nombre de critères (Montañez, 2000).
Critères de sélection des rhizobiums symbiotiques
Pour infecter la plante hôte et pour fixer N2 in planta, la bactérie symbiotique doit entretenir avec son partenaire végétal des relations de compatibilité satisfaisantes et, pour subsister dans le sol, elle doit présenter une grande capacité d’adaptation à certaines contraintes liées à cet environnement. La recherche de cette double propriété est l’objectif des travaux de sélection des souches performantes destinées à l’inoculation (Dommergues et al., 1999). La bactérie à introduire doit non seulement avoir l’aptitude à survivre et à coloniser la rhizosphère mais gagnerait aussi beaucoup dans sa capacité à migrer dans le sol (khurana et al., 1998) pour pouvoir atteindre les sites de fixation les plus reculés sur la racine. La réponse à l’inoculation des légumineuses dépend aussi largement du nombre de rhizobiums déjà établis dans le sol, de la disponibilité en azote du sol mais aussi de la quantité d’azote nécessaire à la culture (Singleton et al., 1992). Pour être couronnée de succès, la souche destinée à l’inoculation doit être capable de supplanter les rhizobiums natifs du sol en ce qui concerne la formation de nodosités et doit surtout fixer l’azote efficacement pour satisfaire les besoins de la plante. La capacité de persistance d’une souche d’une saison à l’autre, rendant inutile la répétition saisonnière de l’inoculation, est un avantage supplémentaire (Nambiar, 1985). De ce fait, une bonne maîtrise des variations d’ordres génétiques et structurels affectant les populations de rhizobiums dans le sol et des facteurs influençant ces variations pourrait amener à mieux sélectionner les souches destinées à l’inoculation (Sanginga, 1994).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Importance de l’azote et sources d’azote pour les végétaux
2. La symbiose fixatrice d’azote atmosphérique
2.1. Les partenaires symbiotiques
2.1.1. Les légumineuses
2.1.2. Les rhizobiums
2.2. Le dialogue moléculaire
3. L’inoculation
3.1. L’inoculation avec des rhizobiums
3.1. 1. La nécessité à apporter un inoculum
3.1. 2. Critères de sélection des rhizobiums symbiotiques
3.1. 3. Exemples d’essais d’inoculation au Sénégal
3.2. La double inoculation rhizobiums-champignons mycorhiziens
3.3. Facteurs majeurs pouvant affecter le succès de l’inoculation
3.3.1. Le manque de compétitivité des souches introduites
3.3.2. L’influence des facteurs environnementaux
4. Arachis hypogaea L. : une légumineuse fixatrice d’azote moléculaire
4.1. Description
4.2. Ecologie
4.3. Arachis hypogaea L. en symbiose avec les rhizobiums
4.3.1. Les rhizobiums nodulant A. hypogaea L. et leur mode d’infection
4.3.2. Inoculation de A. hypogaea L
CHAPITRE II MATERIEL ET METHODES
1. Les variétés d’arachide utilisées
2. Les souches de bactéries inoculées
3. Le champignon mycorhizien
4. Dispositif expérimental
5. Mise en place et suivi de l’expérimentation
5.1. Semis des graines
5.2. Préparation et inoculation avec des rhizobiums
5.3. Préparation et inoculation avec des mycorhizes
5.4. Epandage de l’engrais chimique
5.5. Suivi de l’expérimentation
6. Echantillonnage
7. Caractérisation génétique des rhizobiums contenus dans les nodosités
7.1. Traitement des nodosités
7.2. Extraction de l’ADN
7.3. Amplification de l’IGS par PCR
7.4. Contrôle du succès de l’amplification
7.5. Digestion des produits de l’amplification par RFLP
8. Isolement des souches de rhizobiums
9. Test de nodulation des souches isolées
CHAPITRE III RESULTATS
1. Caractérisation génétique des rhizobiums
1.1. Caractérisation des souches USDA 3187 et LMG 9283
1.2. Caractérisation des rhizobiums contenus dans les nodosités
1.2.1. Variété 55-437
1.2.2. Variété 69-101
1.2.3. Variété fleur 11
1.2.4. Suivi de la persistance des souches inoculées
2. Tests de nodulation des souches de rhizobiums
3. Effet de l’inoculation avec des rhizobiums et des mycorhizes sur la nodulation, la croissance et le rendement des variétés d’arachide 55-437, 69-101 et Fleur 11
3.1. Effet de l’inoculation sur la nodulation
3.2. Effet de l’inoculation sur la croissance
3.2.1. Effet de l’inoculation sur biomasse aérienne
3.2.2. Effet de l’inoculation sur la biomasse racinaire
3.3. Effet de l’inoculation sur le rendement en gousses
3.3.1. Effet de l’inoculation sur le nombre de gousses
3.3.2. Effet de l’inoculation sur les poids sec des gousses
CHAPITRE IV DISCUSSION
Conclusion et perspectives
Références bibliographiques
Annexes