Importance de la prise en compte globale du patient

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Un aspect externe du développement du langage : l’importance de l’environnement

Les parents ont un rôle de régulateurs au sein des interactions enfant/environnement à travers leurs comportements et leur cognition. C’est pourquoi, l’approche socio-interactionniste, qui envisage l’acquisition du langage à travers des interactions sociales en contexte afin de s’approprier des conduites langagières (Coquet, 2017) sera couplée à l’approche psycholinguistique dans cette partie. Divisée en deux sous-parties, cette partie traite indépendamment des comportements parentaux et de la cognition parentale.

Influence des stratégies comportementales sur les interactions

Selon la théorie socio-interactionniste, l’acquisition du langage se fait notamment au sein de routines et d’épisodes d’attention conjointe, quand autrui met du sens sur les productions de l’enfant (Coquet, 2017). La qualité et la fréquence des interactions sociales, permettant la participation active de l’enfant, sont donc centrales dans son développement langagier et pour les processus d’apprentissage (Girolametto, 2000; Stiévenart & Perez, 2021). Au sein de ces interactions, les parents ont à la fois un rôle passif, en présentant des modèles adaptés et assimilables pour l’enfant, et actif, en mettant en œuvre des capacités d’écoute et de reformulations (Coquet, 2017).
Lors de situations ordinaires, les interactions se construisent spontanément de façon harmonieuse dans la plupart des cas : les adultes savent repérer, interpréter les besoins de leurs enfants et y répondre de façon adaptée en fonction des capacités, des acquisitions développementales et des centres d’intérêts de l’enfant. En situation de communication, l’adulte se place intuitivement face à l’enfant, à la hauteur de son regard et utilise un langage adressé à l’enfant en utilisant un rythme plus lent, des intonations accentuées ainsi qu’un vocabulaire et une syntaxe plus simples. Il utilise également des processus d’étayage tels que des reprises imitatives, des questionnements et reformulations. C’est ce qu’on appelle les stratégies de « parentese » qui sont très dépendantes du degré d’initiative de l’enfant et qui sont des facteurs déterminants pour le développement précoce du langage (Crunelle, 2010; Girolametto, 2000; Monfort & Sanchez, 2000). Plus précisément quatre aspects – la fréquence et la quantité des interactions, la réactivité des parents, l’exposition au langage et les stratégies d’étayage – favorisent l’organisation et l’assimilation du langage (Coquet, 2017; Roberts & Kaiser, 2011). L’enfant se trouve alors dans un cadre adapté et propice à son développement et est considéré comme un interlocuteur à part entière.
Cependant, lorsqu’un enfant présente un trouble du langage, ses réactions peuvent être différentes de celles attendues par les parents. On observe chez ces enfants des différences par rapport aux enfants typiques en ce qui concerne le rythme communicationnel, le développement de l’attention conjointe, de clarté de l’intention communicative et de l’informativité, d’intelligibilité et de réactivité au langage ainsi qu’une hypospontanéité (Monfort & Sanchez, 2000; Roberts & Kaiser, 2011). Ils sont de ce fait moins impliqués au sein des activités interactionnelles et le feedback renvoyé aux parents est perturbé (Girolametto, 2000).
Cela peut entraîner des difficultés d’interprétation des besoins des enfants, une certaine frustration chez les parents, et donc une réduction, voire un renoncement aux tentatives interactionnelles (Crunelle, 2010). Des techniques interactives créant des situations peu favorables à l’acquisition du langage en découlent (Girolametto, 2000).
En effet, chez les parents avec des enfants présentant un trouble sévère du développement du langage de 2 à 6 ans, certains comportements sont observés dans les dyades parents/enfants comme :
• La réduction quantitative du discours et des initiatives en corrélation avec la taille du vocabulaire de l’enfant en réception,
• La modification des réponses émotionnelles,
• Le manque de contingence des réponses,
• Du dirigisme et des interventions négatives,
• Une réduction fonctionnelle et un appauvrissement du discours, plutôt liée à la taille du vocabulaire en expression de l’enfant,
• Un ajustement inadéquat,
Le dialogue est moins engagé et maintenu et la fréquence des stratégies de soutien linguistique est moindre (Monfort & Sanchez, 2000; Roberts & Kaiser, 2011).
Néanmoins, cela est dépendant de la sévérité du trouble, des mécanismes de compensation mis en place par l’enfant et des facultés de la sphère familiale à comprendre, inciter à parler et imiter l’enfant (Monfort & Sanchez, 2000). De plus, de nombreux facteurs environnementaux sont en jeu dans l’acquisition du langage, et l’aspect bidirectionnel de l’influence du langage du parent sur celui de l’enfant n’est pas à négliger (Coquet, 2017) : certains auteurs rapportent que les difficultés d’ajustement parentales sont plus souvent la conséquence des troubles et non la cause.

Influence de la cognition parentale

Les comportements parentaux décrits peuvent également être influencés par la cognition parentale. Selon Bornstein et al. en 2018, il existe trois dimensions de la cognition parentale à même d’influencer les pratiques parentales :
• Les connaissances des parents sur le développement de l’enfant, influençant leurs attentes à l’égard de leur enfant.
• La satisfaction à l’égard de leur rôle parental, qui correspond à un sentiment de bien-être provenant du rôle parental et qui ouvre à une meilleure disponibilité, plus adaptée, lors des interactions parent/enfant. Cette dimension est donc plus affective.
• L’attribution interne du succès parental, c’est-à-dire, le sentiment du parent de contrôler ses pratiques parentales dans une situation à l’égard de l’enfant et d’être à l’origine du résultat qui en découle. A l’inverse, une attribution externe du succès parental correspond au sentiment par le parent que le résultat ne provient pas de ses pratiques mais du contexte, d’un élément extérieur à lui-même (Bornstein et al., 2018).
Une autre dimension de la cognition parentale est décrite pour la première fois par Bandura en 1997 : il s’agit du sentiment d’auto-efficacité parentale qui correspond à la croyance qu’à un parent en ses capacités pour endosser son rôle parental de façon optimale (Wittkowski et al., 2017), c’est-à-dire la perception qu’a un parent de posséder des ressources personnelles, de connaître les réponses adaptées aux besoins de leur enfant, dans le but d’éduquer ce dernier (Coquet, 2017; Mouton et al., 2018).
Ces facteurs cognitifs sont importants et sont évalués dans le cadre du développement global de l’enfant. En effet, comportements parentaux, cognition parentale et comportements de l’enfant sont liés et s’influencent mutuellement. La cognition parentale motive de nombreuses façons de se comporter, au niveau émotionnel et social, ce qui peut impacter le soutien des parents dans le développement de leur enfant (Stiévenart & Perez, 2021). Cependant, la cascade évoquée ne permet pas de donner un lien de causalité direct entre les trois notions évoquées, un comportement pouvant dépendre de nombreux autres facteurs tels que l’âge et/ou le niveau socio-culturel (Bornstein et al., 2018).
Peu d’études ont été réalisées à ce jour concernant plus précisément d’éventuels liens avec le développement du langage, et aucun lien direct entre auto-efficacité parentale et développement du langage n’a été établi (Stiévenart & Perez, 2021). Néanmoins, un sentiment d’auto-efficacité élevé permet aux parents de s’ajuster au mieux à l’enfant, au niveau de sa zone proximale de développement (Coquet, 2017). A l’inverse, lorsque l’enfant présente des difficultés, l’adulte peut perdre ses repères, ce qui entraîne des difficultés d’ajustement au niveau comportemental lors des interactions, une réduction du sentiment d’auto-efficacité et de la confiance en ses capacités à assumer son rôle (Coquet, 2017).
Le sentiment d’auto-efficacité parentale et plus largement la cognition parentale peuvent être influencés par l’environnement et par des facteurs individuels. Agir dessus, les soutenir et tenter de les modifier peut-être une solution à envisager pour modifier les comportements des parents et observer si cela a un impact sur le développement du langage de l’enfant (Bornstein et al., 2018; Stiévenart & Perez, 2021).

Intérêt d’une prise en charge de l’enfant jeune

L’enfant développe son langage fonctionnel lors de ses premières années de vie. C’est sur celui-ci que viennent se construire les apprentissages, la socialisation, le développement émotionnel, … Chez les enfants présentant des troubles du langage, il convient donc de stimuler le langage de façon adaptée au cours de son développement afin d’éviter l’installation de conséquences supplémentaires sur sa scolarité sa vie future, ses relations sociales et sur son autonomie (Law et al., 2012; Stiévenart & Perez, 2021).
Aussi, l’enfant détient une « architecture neurologique » décrite par Chomsky en 1968, consacrée à la communication. Durant la petite enfance, la neuroplasticité est accrue ce qui permet des apprentissages efficaces. Agir sur l’environnement de l’enfant et plus particulièrement sur la nature des interactions parents/enfants lors de cette période critique permet de jouer un rôle optimal sur la maturation neuronale. Cela déterminera la dynamique communicationnelle de l’enfant et le développement du langage (Coquet, 2017; Crunelle, 2010; Roberts et al., 2019).
Un autre intérêt est de rompre la spirale interactive négative décrite précédemment pouvant modifier les interactions familiales : en effet, celles-ci jouent un rôle primordial dans l’élaboration du langage (Crunelle, 2010; Monfort & Sanchez, 2000; Roberts & Kaiser, 2011).
De plus, une intervention fréquente et cohérente en situation de communication et d’acquisition naturelle du langage est indispensable pour favoriser le développement du langage chez l’enfant. Les séances d’orthophonie, ayant lieu dans un cadre spatio-temporel spécifique, ne le permettent pas. Les parents se trouvent donc au cœur de ce type de prise en charge : en utilisant des stratégies d’ajustement et grâce à l’échange de compétences et d’informations entre parents et professionnels de santé, l’acquisition du langage chez l’enfant se voit facilité (Crunelle, 2010; Monfort & Sanchez, 2000).

Importance de la prise en compte globale du patient

Depuis quelques temps, nous observons une évolution de la conception de la relation de soin par les patients et par les professionnels de santé : la relation professionnel-patient tend à s’équilibrer (Werba & Lamartiniere, 2021).
Selon F. Coquet, « pour être optimale, l’intervention doit s’adresser conjointement au patient, à sa famille et à son entourage social plus large » (Coquet, 2017, p.72). Nous expliquerons alors dans cette partie en quoi une prise en compte du patient dans sa globalité est nécessaire à la prise en charge du patient en détaillant les répercussions qu’une pathologie peut avoir sur la vie du patient, l’intérêt d’une approche centrée sur le patient et plus globalement sur son environnement.

Répercussions des difficultés sur la vie des patients

Le langage constitue la base d’un développement équilibré au sein de l’ensemble des écosystèmes dans lequel l’enfant évolue : la sphère familiale, l’environnement scolaire et l’environnement social. Le développement des apprentissages, des émotions, de la socialisation, sont autant de facteurs influençant et influencés par le développement du langage oral. Ce que nous pouvons observer chez ces enfants est le produit de l’interaction entre les capacités et les difficultés de l’enfant, et l’entourage de l’enfant. Le développement du langage et de la communication s’inscrit dans un modèle multifactoriel (Monfort & Sanchez, 2000; Picheron & Gonnot, 2021; Rousseau, 2000). Law et al. en 2012 ont montré que des enfants présentant des difficultés en langage oral étaient quatre fois plus susceptibles de déclarer des difficultés en lecture, trois fois plus susceptibles d’avoir des difficultés de santé mental ainsi que des difficultés dans l’insertion professionnelle (Law et al., 2012). D’autres études parlent même des troubles du langage oral comme un problème de santé publique étant donné leurs répercussions possibles sur la vie quotidienne, la distribution inégale de ces troubles selon le niveau socioculturel et les possibilités de remédiation (Roberts et al., 2019). Par ailleurs, les troubles du langage sont reconnus comme handicap cognitif depuis la loi Handicap de 2005.
L’environnement est donc influencé et perturbé par le développement des capacités langagières. Cependant, les conséquences des dysfonctionnements au niveau langagier ont des répercussions qui varient en fonction de facteurs inter et intra individuels, des difficultés rencontrées au quotidien et des stratégies de compensation mises en place. Au-delà des difficultés langagières en elles-mêmes, l’équilibre des écosystèmes dans lequel l’enfant vit est également perturbé et de ce fait, le bien être du patient et de son entourage peut l’être également (Picheron & Gonnot, 2021; Rousseau, 2000).

Une approche centrée sur le patient

Depuis plusieurs années, la prise en compte du patient dans la relation avec le thérapeute a une place importante au sein de la prise en charge des patients, du fait de sa dimension essentielle à l’optimisation des soins et face aux problématiques auxquelles est confronté le système de 11santé. Afin de solliciter l’engagement du patient dans sa prise en charge, l’inclure dans les décisions le concernant et lui donner la possibilité d’intervenir activement est primordial. Dans cette perspective, le faire valoir et la prise en compte du savoir expérientiel du patient défini par l’université de Montréal comme « savoirs du patient, issus du vécu de ses problèmes de santé ou psychosociaux, de son expérience et de sa connaissance de la trajectoire de soins et services, ainsi que des répercussions de ces problèmes sur sa vie personnelle et celle de ses proches » constituent une grande richesse pour identifier une amélioration des pratiques (Centre de pédagogie appliquée aux sciences de la santé (CPASS) de l’Université de Montréal , cité dans Pomey et al., 2015, p.42). De plus, la responsabilité du thérapeute est importante au développement de la relation patient/médecin : la création de l’alliance thérapeutique doit se faire de façon constructive, en priorisant une communication respectueuse. Cette relation repose sur les connaissances scientifiques du thérapeute, de son devoir d’information et d’apprentissage auprès du patient. Cela mène au partage du pouvoir et de la responsabilité afin de développer la compréhension de la maladie, d’encourager la participation du patient, de garantir son autonomisation dans la dynamique de soin (Langberg et al., 2019; Pomey et al., 2015; Werba & Lamartiniere, 2021).
Ces différents aspects sont applicables aux patients de façon assez globale. Concernant la prise en charge de jeunes enfants, les notions de possibilités d’engagement au sein de la prise en charge s’appliquent bien au patient mais également aux parents : la relation est triangulaire avec le thérapeute. De plus, la prise en compte du vécu concerne à la fois celui des parents et celui du patient. Néanmoins, ce dernier pourra être en difficulté pour en faire part. Ses parents, étant les premiers acteurs dans le développement de leur enfant, pourront s’exprimer pour lui. L’investissement des parents et la création d’une alliance thérapeutique bienveillante leur permettent de se sentir membre à part entière de l’équipe de soin, de créer un environnement sécurisant pour le patient, ce qui pourra permettre une optimisation des soins.

La thérapie écosystémique

Lors de la prise en charge d’un patient dans une situation de soin, l’approche centrée sur le patient est importante mais pas suffisante. La prise en compte de la personne de façon globale, au sein des systèmes où elle évolue est primordial. C’est ce qu’on appelle la thérapie écosystémique, complémentaire aux approches classiques. Les fonctions perturbées ont un retentissement sur l’équilibre écosystémique de la personne, des facteurs environnementaux sont touchés. La thérapie proposée doit s’accorder de façon écologique à la situation de la personne afin que son efficacité ne se limite pas au niveau lésionnel ou fonctionnel mais s’étende bien au niveau situationnel. Les facteurs environnementaux touchés par les difficultés de la personne doivent être repérés au préalable. Cela permet de les viser via une thérapie ciblée et un travail collaboratif entre le patient et le professionnel, le but étant de trouver les moyens de transférer ce qui a été travaillé dans un certain contexte à la vie quotidienne (Picheron & Gonnot, 2021; Rousseau, 2000).
C’est cette perspective écosystémique qui sert de socle à l’intervention orthophonique prenant en compte le jeune enfant et sa famille, dans une dynamique de collaboration avec l’entourage de l’enfant (Coquet, 2017).

Le système dynamique de collaboration parentale

La terminologie pour parler de la collaboration entre les parents et le thérapeute a évolué ces dernières années et réforme nos conceptions d’interventions directe ou indirecte en orthophonie. Formant un continuum pouvant être classé sous les termes de « guidance parentale », « accompagnement parental » et plus récemment de « partenariat parental », elle a aujourd’hui une place privilégiée dans le cadre de la prise en charge globale du patient en s’appuyant sur les modèles théoriques écosystémiques et d’éducation thérapeutique (Picheron & Gonnot, 2021). Dans cette partie, nous évoquerons l’évolution terminologique concernant la collaboration parentale et les différents niveaux d’engagement au sein de cette collaboration avec le thérapeute. Nous exposerons également les intérêts et les limites de la présence des parents lors des prises en charge orthophonique.

Evolution terminologique du continuum guidance – accompagnement – partenariat

L’article de S. Gonnot et J. Picheron de 2021 propose une classification actualisée des terminologies à partir d’une revue de littérature. Les auteurs distinguent :
• « La guidance parentale » : le professionnel est décisionnaire, prescripteur de soins et de conseils à la famille. La relation est verticale et asymétrique.
• « L’accompagnement parental » : l’orthophoniste initie les objectifs et est décisionnaire dans la prise en charge. Néanmoins, il prend en considération l’opinion de la famille et le contexte de vie du patient. La notion de compétence et d’efficacité parentale est prise en compte.
• « Le partenariat parental » : les parents sont élevés au rang de co-décisionnaires dans la prise en charge. Ils sont membres actifs à part entière dans le parcours de soin de l’enfant. Leur savoir expérientiel est écouté, leur permettant de s’engager, d’adhérer au traitement et de généraliser les buts thérapeutiques dans la vie quotidienne du patient, afin de viser à un équilibre écosystémique.
Ces pratiques, distinctes et complémentaires, constituent le continuum du système dynamique de collaboration parentale (Picheron & Gonnot, 2021; Pomey et al., 2015; Werba & Lamartiniere, 2021) . Pour autant, chaque collaboration est unique, individualisée et ne rentre pas forcément dans une case en particulier.

Les niveaux de collaboration

Le niveau d’engagement et de participation du patient est vu comme un continuum allant de l’échange mutuel d’informations au partenariat :
• L’échange mutuel d’informations entre le patient et le professionnel de santé de façon claire et juste.
• La consultation du patient sur sa perception et ses opinions par le professionnel afin de soutenir la prise de décision.
• La concertation entre les deux intéressés afin de prendre une décision de façon commune et d’arriver à un consensus.
• La collaboration entre le patient et le professionnel, co acteurs de la construction du projet dans le cadre d’une décision partagée.
• Le partenariat où le patient devient membre actif à part entière, décisionnaire de sa prise en charge et accompagné par le professionnel. (Picheron & Gonnot, 2021; Pomey et al., 2015)
De façon plus précise, le partenariat est défini par Boisclair en 2004 comme « une démarche d’association d’organismes/personnes, dans le cadre d’une relation sur mesure et évolutive et qui s’étend pour poursuivre un but commun, des objectifs communs ou compatibles et qui décident de mettre en commun leurs ressources humaines, informationnelles, […] matérielles résultats mutuellement avantageux, dans le respect de leur mission, et objectifs respectifs » (Boisclair, cité dans Picheron & Gonnot, 2021, p.18).

Les intérêts de la présence des parents aux séances

La présence des parents lors de la prise en charge orthophonique de leur enfant permet la mise en place d’un triangle rééducatif (Antheunis et al., 2007; Coquet, 2017).
Ce moment permet la mise en œuvre d’un partenariat, ainsi que la construction d’un savoir partagé. Il permet l’apport d’informations et de conseils par le parent à l’orthophoniste et inversement par l’intermédiaire d’expériences partagées pendant les séances (Coquet, 2017).

Limites des séances d’orthophonie

De nombreuses études ont démontré l’importance d’une intervention incluant les partenaires de communication des enfants. En effet, ils ont des contacts fréquents avec les enfants dans diverses situations de communication naturelles de la vie quotidienne et ce, sur la durée. Ces situations, favorables aux apprentissages, ne sont en effet pas reproductibles au sein des séances en orthophonie, limitées dans le temps, en nombre et en fréquence, dans l’espace et au niveau matériel. Les situations fonctionnelles proposées en orthophonie ne seront jamais aussi écologiques et diversifiées, en termes de complexité de situation, que les contextes de communication de la vie quotidienne auxquels l’enfant est confronté (Coquet, 2017; Girolametto, 2000; Monfort & Sanchez, 2000; Roberts & Kaiser, 2011).

Intérêts pour les patients

Lors des prises en charge, la présence d’un parent peut être sécurisante pour l’enfant et permettre de créer un lien avec l’orthophoniste, plus favorable au développement des compétences de l’enfant. La présence concomitante de l’orthophoniste et du ou des parents permet de synthétiser et d’homogénéiser les inductions des participants aux séances. De plus, l’investissement des parents en dehors de la séance permet de contourner les limites liées au cadre des séances : cela facilite la généralisation des apprentissages dans l’environnement (Coquet, 2017).
Une intervention prenant en compte le patient dans sa globalité vise à un rétablissement, non seulement au niveau du langage de l’enfant mais également au niveau de son équilibre écosystémique, c’est-à-dire au niveau de l’adaptation sociale et scolaire du patient. Elle vise aussi le bien-être de l’enfant – il se sent reconnu dans ses compétences et pris en compte en tant qu’interlocuteur à part entière – ainsi que le bien-être de ses proches. Le transfert des apprentissages aux situations de la vie quotidienne de l’enfant est facilité, ce qui impacte sa qualité de vie. (Girolametto, 2000; Picheron & Gonnot, 2021; Rousseau, 2000).

Intérêts pour les parents

Les parents ont un rôle important dans le développement du langage de leur enfant : leur inclusion au sein de la prise en charge est nécessaire et primordiale.
Sur le plan comportemental, des modèles peuvent être proposés par l’orthophoniste, concernant des stratégies, des comportements ou des idées de jeux. Ils permettent aux parents de s’en inspirer et de se les approprier afin de proposer des situations adaptées à l’enfant (Antheunis et al., 2007; Coquet, 2017).
De plus, sur le plan de la cognition, ne pas les mettre à l’écart et les écouter contribuent à les conforter dans leur rôle dans la construction du développement de leur enfant. Les parents sont les experts de leur enfant et eux seuls disposent de certaines connaissances et d’un savoir-faire le concernant. Leur présence permet également des discussions sur le fonctionnement de leur enfant, de ses forces, ses difficultés, et plus largement sur le développement du langage. Cela permet de renforcer leur confiance en les capacités de leur enfant mais également leur confiance en eux : le sentiment de compétence parentale est en effet une variable indispensable à la généralisation des compétences de l’enfant (Coquet, 2017; Crunelle, 2010; Mouton et al., 2018).
Intégrer les parents à l’intervention permet de modifier leur ressenti concernant le trouble du langage oral de leur enfant. En voyant l’évolution de celui-ci, le niveau de stress diminue et leur participation aux séances est perçue comme une opportunité pour eux de participer à l’amélioration des compétences de leur enfant (Coquet, 2017).
L’augmentation de la sensation d’auto-efficacité des parents, la compréhension et la perception des difficultés et potentialités de leur enfant ont un impact positif sur les situations interactionnelles au sein des dyades parents/enfants. Elles aident les parents à trouver les attitudes adaptées. L’enfant se sent de ce fait alors plus reconnu dans ses compétences, en tant qu’interlocuteur à part entière et cela aura un impact positif sur le développement de son langage (Crunelle, 2010; Monfort & Sanchez, 2000; Mouton et al., 2018).

Intérêts pour l’orthophoniste

Pour l’orthophoniste, la présence des parents lors des séances lui permet d’observer et d’analyser les modalités d’interactions parents/enfants. En effet, comme la dynamique d’interaction dépend de l’adaptation et des stratégies des partenaires, les comportements des parents influencent et sont influencés par le comportement de l’enfant (Antheunis et al., 2007; Coquet, 2017).
L’orthophoniste peut donc observer les différents éléments cités dans la partie II.B.1, tels que le langage adressé à l’enfant, les procédés d’étayages déjà mis en place, les difficultés d’ajustements. Si nécessaire, il peut induire des modifications, proposer des modèles que les parents pourront s’approprier et aider les parents à repérer les potentialités de leur enfant (Crunelle, 2010; Monfort & Sanchez, 2000).
Le but de cette démarche est d’aider à rétablir une spirale interactive parents/enfant propice à l’élaboration du langage de l’enfant, indispensable à son développement global. Le rôle de l’orthophoniste sera de faciliter l’interaction tout en veillant à s’ajuster aux besoins spécifiques de la famille et de l’enfant : il s’agit de maintenir une alliance thérapeutique dans le cadre d’une démarche écologique individualisée (Crunelle, 2010; Picheron & Gonnot, 2021).

Les limites

Nous venons de lisser un tableau des bienfaits de la présence des parents aux séances lors de la prise en charge de l’enfant jeune. Cependant, ce type de collaboration parentale ne convient pas à toutes les familles, tous les patients et tous les professionnels.
Il est primordial pour l’orthophoniste de proposer un accompagnement personnalisé et d’être à l’écoute de chaque famille afin que la collaboration soit la plus bénéfique pour révéler les potentialités de l’enfant.

Limites pour les parents

Chez certaines familles, une collaboration parentale, selon son mode, peut être perçue comme intrusive. Il s’agit alors pour l’orthophoniste de faire preuve de patience et d’ajustement : un climat de confiance est primordial à une collaboration et dynamique propice aux acquisitions de l’enfant (Crunelle, 2010). De plus, certains parents peuvent se sentir coupables des dysfonctionnements dans le développement du langage oral de leur enfant ou se sentir transformés en thérapeute : il faut veiller à établir une relation symétrique, c’est-à-dire une relation où le soin se co-construit avec les parents, et veiller à expliciter les objectifs de l’intervention (Monfort & Sanchez, 2000). Il s’agit de restaurer les parents dans leur rôle de premiers éducateurs de leur enfant (Crunelle, 2010).

Limites pour l’orthophoniste

Pour l’orthophoniste, travailler en présence de parents peut être compliqué car il s’expose au regard et aux remarques de ces derniers. En plus de s’occuper du patient, il peut également être difficile de contrôler la place que le parent peut prendre lors de la séance. Aussi, certains comportements peuvent être liés à une anxiété face aux difficultés de son enfant comme : des attitudes de surprotection, des exigences disproportionnées, des dévalorisations de l’enfant, un niveau de tolérance maximal … (Coquet, 2017).

Limites pour l’enfant

Pour l’enfant, les difficultés peuvent être amenées par une peur d’être jugé par le parent présent. Il peut également être en souffrance devant les réactions de ses parents face à ses erreurs en présence d’autrui (Coquet, 2017).

Intervention collaborative auprès du jeune enfant

L’intervention auprès du jeune enfant, c’est-à-dire auprès de l’enfant âgé de 3 à 6 ans, et de sa sphère familiale a pour cadre de référence l’approche socio-interactionniste, comme décrit précédemment. Le modèle de Bloom et Lahey (1978) définit la compétence langagière au carrefour de la forme du langage (dimension linguistique), le contenu du langage (dimension sémantique) et l’utilisation du langage (dimension pragmatique), en plus d’envisager l’acquisition du langage à travers des interactions sociales en contexte afin de s’approprier des conduites langagières (Coquet, 2017).
A long terme, les objectifs de cette intervention sont de recréer une dynamique d’acquisition du langage en ajustant les facteurs environnementaux à la zone proximale de développement de l’enfant (Parbeau-Guéno et al., 2009). Ainsi, cela a pour but de rendre la communication fonctionnelle et efficace dans tous les aspects de la vie quotidienne (Coquet, 2017).
Dans cette partie, nous décrirons les principes d’intervention généraux et auprès des parents lors d’une prise en soin orthophonique, ainsi que les facteurs d’efficacité ayant pour but de rendre l’intervention la plus optimale possible.

Les principes d’intervention

Selon Dominique Crunelle en 2010, la démarche d’accompagnement consiste « à aider l’enfant à révéler ses potentialités et ses parents à les percevoir » (Crunelle, 2010, p.18). Au sein du triangle rééducatif, l’orthophoniste a un rôle de « facilitateur d’interactions » (Crunelle, 2010, p.18).

Les principes généraux d’intervention

Une intervention optimale et bénéfique est un but recherché dans la prise en soin des patients. Aussi, Montfort et Sanchez en 2001 décrivent certains principes généraux nécessaires à la mise en place d’une intervention orthophonique dont entre autres, l’intensité, la durée de l’intervention et le caractère éthologique, c’est-à-dire la prise en compte globale du patient dans son environnement, dans une démarche systémique et l’inclusion de son entourage dans la prise en charge (Coquet, 2017).
L’importance de prendre en compte le patient de façon globale, c’est-à-dire en considérant et en impliquant son entourage au soin, est décrite par les auteurs. Cela confirme l’intérêt d’analyser ce facteur de façon plus isolée et de se pencher sur la présence des parents lors des séances afin de comprendre l’impact et l’importance que celle-ci peut avoir sur la prise en charge orthophonique.

Les principes d’intervention auprès des parents

Selon Werba en 2020, « 23,3% des orthophonistes n’intègrent jamais les proches aidants au soin tandis que 12% les intègrent toujours, avec des variabilités selon les pathologies rencontrées dans notre exercice clinique » (Werba, cité dans Picheron & Gonnot, 2021, p.19).
Lors de la présence des parents aux séances, l’institution d’un triangle rééducatif orthophoniste/parent/enfant est nécessaire. Elle permettra de mettre en place une routine permettant partage et apprentissage afin d’établir un partenariat et un partage des responsabilités. Le rôle du parent peut aller de l’observation à la participation selon les objectifs établis préalablement (Coquet, 2017).
L’intervention orthophonique vise à induire :
• Des stratégies comportementales, telles que la fréquence et la quantité des interactions, la réactivité et la contingence des réponses, l’exposition au langage et l’utilisation de stratégies d’étayages (Coquet, 2017) ;
• Des attitudes facilitatrices chez les parents, telles que l’imitation de l’enfant, l’aider à découvrir et explorer le monde environnement via l’attention conjointe, développer le jeu, faire prendre conscience du tour de rôle, utiliser un langage adapté à l’enfant (Coquet, 2017).
La consolidation de ces interactions sociales est un point d’appui à la compréhension et à l’élaboration du langage (Coquet, 2017).
L’intervention auprès des parents vise également la cognition parentale : plus le sentiment d’auto-efficacité est élevé, plus cela conduit les parents à avoir des comportements et des réponses ajustés aux besoins de leur enfant : cela les renforce dans leur compétence et leur rôle de parent (Coquet, 2017; Mouton et al., 2018). Restaurer les compétences naturelles des parents passe par un processus collaboratif entre le thérapeute et le parent. Cela a pour but de créer une relation thérapeutique de confiance grâce à un échange d’informations, de regards et de compétences entre parents et professionnels, tout en veillant, pour le thérapeute, à ne pas être trop intrusif et respecter le cheminement de la famille et sa dynamique : l’accompagnement doit être le plus écologique possible (Coquet, 2017; Crunelle, 2010; Mouton et al., 2018).

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Table des matières

Introduction
I. Partie théorique
I. A. Le développement du langage de l’enfant de 3 à 5 ans : un fonctionnement multifactoriel en interaction
I. A. 1. Les aspects internes du développement du langage : composantes du langage, signes d’alerte et troubles
I. A. 2. Un aspect externe du développement du langage : l’importance de l’environnement
I. A. 3. Intérêt d’une prise en charge de l’enfant jeune
I. B. Importance de la prise en compte globale du patient
I. B. 1. Répercussions des difficultés sur la vie des patients
I. B. 2. Une approche centrée sur le patient
I. B. 3. La thérapie écosystémique
I. C. Le système dynamique de collaboration parentale
I. C. 1. Evolution terminologique du continuum guidance – accompagnement – partenariat
I. C. 2. Les niveaux de collaboration
I. C. 3. Les intérêts de la présence des parents aux séances
I. C. 4. Les limites
I. D. Intervention collaborative auprès du jeune enfant
I. D. 1. Les principes d’intervention
I. D. 2. Une intervention optimale : les facteurs d’efficacité
II. Partie méthodologique
II. A. Problématique
II. B. Méthodologie
II. B. 1. Objectifs
II. B. 3. Matériel
II. B. 4. Procédure
II. B. 5. Méthodes de mesures statistiques employées
II. C. Hypothèses
II. C. 1. Hypothèses principales de recherche
II. C. 2. Hypothèses générales et opérationnelles
III. Résultats
III. A. Caractéristiques générales des groupes
III. A. 1. Justification de la taille de l’échantillon et du nombre de participants à inclure
III. A. 2. Participation
III. A. 3. Comparaison des groupes au bilan initial B1
III. B. Hypothèses 1 et 2 : effets sur la progression linguistique des patients
III. C. Hypothèses 3 et 4 : effets sur la cognition parentale
IV. Discussion
IV. A. Résumé des résultats importants : validations et infirmations des hypothèses
IV. B. Interprétation des résultats au regard de la théorie
IV. B. 1. Effets de l’expérimentation sur les progrès en langage oral des patients
IV. B. 2. Effets de l’expérimentation sur la cognition parentale
IV. C. Limites et forces de l’étude
IV. C. 1. Limites
IV. C. 2. Forces
IV. D. Intérêts des résultats dans la pratique
IV. E. Perspectives de recherche
Conclusion
Bibliographie

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