Importance de la lutte contre les rongeurs
Risque écologique
Le risque écologique est surtout présent dans les territoires vierges, où les rongeurs ont été introduits via les activités humaines (transports maritimes essentiellement). Ils bousculent les niches écologiques, entrant en compétition alimentaire avec la faune indigène ou la mettant en péril par un comportement prédateur. Les rats sont une menace pour les espèces endémiques protégées. Les rongeurs ont été identifiés comme la première cause de mise en danger de ces espèces par consommation des œufs et des jeunes poussins en période de nidification durant l’été austral (Bridier et al., 2006).
Dégâts économiques
Les dégâts les plus importants sont causés sur les cultures et les stocks céréaliers. On estime qu’un cinquième à un tiers des cultures mondiales est consommé ou contaminé par les rats chaque année, d’où des répercussions économiques et sanitaires considérables pour la population humaine. Les dégâts sont majeurs en ce qui concerne les plantes à graines (maïs) et tubercules (patates douces), ainsi que les cultures fruitières (ananas) et les champs de canne à sucre. Le pillage par les rats des réserves céréalières au sein des élevages est également endémique (Bridier et al., 2006).
Outre la consommation des denrées alimentaires, les rats sont également responsables de dégâts matériaux dans les usines ou les maisons. Des incendies peuvent même être provoqués par dégradation des conduites de gaz ou encore des gaines d’isolation des fils électriques (Leman, 1983).
Risque sanitaire
Le risque majeur entraîné par la pullulation des rats à proximité des activités humaines est un risque sanitaire pour la santé publique (Maros, 2000). En effet, ces mammifères sont potentiellement vecteurs de nombreuses maladies transmissibles à l’homme, mais également aux animaux domestiques (Goncalves Da Cruz, 2007). La présence des animaux dans nos maisons implique un programme de lutte sérieux contre les rongeurs vivants afin de protéger les animaux familiers et par là, leurs propriétaires avec qui ils ont souvent de nombreux rapports affectifs (Gallen, 2000 ; Boussarie, 2005). Les sources d’infection ou d’infestation sont soit les rongeurs eux mêmes, malades ou porteurs sains, soit le milieu extérieur. Ce dernier constitue la principale source de maladies dans le cas des rongeurs sauvages. Tout l’environnement des animaux peut être contaminé : le sol, l’air, l’eau ou les objets faisant partie de leur habitat. En matière de réceptivité, le risque est plus important chez les enfants et les personnes âgés car leur système immunitaire est moins compétent (Dagnac, 2004). Les enfants sont également plus sujets à contracter une zoonose par leur manque d’hygiène. Ils touchent les animaux ou la terre, puis ont tendance à porter leurs doigts à la bouche sans se laver les mains.
Historique
C’est en 1921 qu’un canadien Schofield décrivit sous le nom de « sweet clover disease» une maladie hémorragique du bétail consécutive à l’ingestion de mélilot moisi. Il ouvrait ainsi la porte à des travaux qui menèrent, en 1941 à l’isolement de la substance responsable de ces accidents, une molécule naturelle 3,3’-methylene-bis (4-hydroxycoumarin), appelée par la suite Dicoumarol (Moreau et al., 2012). L’intérêt pratique de cette découverte fut mis en évidence en 1948 par O’Connor (1948) qui proposa l’utilisation du Dicoumarol comme raticide. Plusieurs travaux ont étudié de nombreuses molécules analogues et notamment la Warfarine (ou Coumafène) dans la même année (Pelfrene, 1991), introduite à la fois comme antithrombotique et à l’origine d’un médicament efficace pour le traitement des thromboembolies chez l’homme, mais aussi en tant que raticide (Berry et al., 2000 ; Crowther et al., 2000 ; Price et al., 2000). Depuis cette époque les raticides anticoagulants (antivitamine K) sont très largement utilisés dans le monde pour contrôler les populations de petits mammifères et occupent la première place dans la lutte contre différents rongeurs anthropophiles commensaux (rat noirs, surmulot, souris) ou ravageurs des cultures (mulots, campagnols, ragondins) (Erickson et Urban, 2002) .
En fonction de la substance active, ils peuvent être ainsi utilisés soit dans ou autour des bâtiments ou alors en nature pour contrôler les rongeurs champêtres et certains autres mammifères « nuisibles ». Les anticoagulants présentent de nombreux avantages, notamment celui d’avoir une action différée par rapport à l’ingestion de l’appât permettant ainsi d’éviter leur refus observé avec des toxiques plus foudroyants mais aussi celui de posséder un antidote (la vitamine K1) qui permet de réduire considérablement les accidents chez l’homme et les animaux domestiques (Kolf-Clauw et al., 1995). Ces caractéristiques sont expliquées par le mécanisme d’action de ces substances qui interviennent en bloquant le cycle de la vitamine K (Le Bonniec, 2004).
Classification des raticides anticoagulants
Il existe une dizaine de principes actifs dont le mécanisme d’action est semblable. Les raticides anticoagulants peuvent être classés sur des critères chimiques ou toxicologiques.
Classification chimique
Les raticides anticoagulants dérivent de trois grandes familles chimiques :
❖ les dérivés de l’hydroxy-4-coumarine,
❖ ceux de l’indane-1,3-dione,
❖ et ceux de l’hydroxy-4-benzothiopyranone.
Toutes les molécules présentent une analogie structurale avec les vitamines K, surtout la vitamine K1 naturelle ou Phytoménadione, et la vitamine K3 synthétique ou Ménadione (Rochette, 1985 ; Kolf-Clauw et al., 1995 ; Huguet, 1998 ; Petterino et Biancardi, 2001).
Classification toxicologique
En fonction de leur toxicité, on décrit habituellement plusieurs générations d’anticoagulants . La classification en générations tient compte de deux critères :
➤ La classification anglo-saxonne les divise en dérivés de première et de seconde génération (importance de la toxicité). Les premiers sont toxiques par ingestion répétée (accumulation), ils comprennent le Dicoumarol, le Coumafène, le Coumatétralyl et la Chlorophacinone. Les seconds le sont par ingestion unique : ce sont le Brodifacoum, la Bromadiolone, le Difénacoum, la Diféthialone et le Flocoumafène (Petterino et Biancardi, 2001).
➤ La classification française se base sur la durée de persistance dans l’organisme. La première génération (Coumafène, Coumatétralyl et Chlorophacinone) persiste de 7 à 15 jours ; la seconde (Bromadiolone, Difénacoum) de 15 à 21 jours et enfin la troisième (Brodifacoum, Diféthialone) plus de 3 semaines (Buronfosse, 1995).
Les composés dits de première génération sont les moins toxiques et nécessitent le plus souvent des ingestions répétées ou de très fortes doses pour intoxiquer les rongeurs. Les dérivés coumariniques (ceux de l’hydroxy-4-coumarine) en font partiellement partie. Il s’agit des composés les plus anciens. Leur chef de file est le Coumafène (ou Warfarine), dont les applications raticides sont apparues dans les années 1950 (Berny, 2006). En réponse au développement de souches de rat résistantes aux composés de la première génération, des dérivés plus récents et plus efficaces sont apparus sur le marché. Les deuxième et troisième générations comportent des molécules beaucoup plus toxiques,mortelles dès la première ingestion chez le rat pour les dérivés de troisième génération, elles présentent une DL50 jusqu’à 50 fois plus faible que celle du Coumafène (Petterino et Biancardi, 2001). La DL50 correspond à la dose ingérée de toxique qui provoque la mort de 50 % des animaux dans un lot expérimental. Cette valeur apporte des renseignements importants sur la toxicité aiguë d’une molécule. Pour les PCO (Pest Control Operators ou entreprise de destruction des nuisibles) (Buronfosse, 1995), la DL50 des raticides anticoagulants apparaît souvent comme un critère de choix des matières actives contenues dans les appâts car cette valeur permet de comparer plusieurs molécules sur leur efficacité potentielle. Cependant, l’efficacité des anticoagulants dépend également d’autres facteurs : d’une part du temps de stockage de ces molécules dans le foie des rongeurs, et d’autre part de la quantité libre et active d’anticoagulants, c’est-à-dire non fixée aux protéines du sang (Berny et Lasseur, 2006). D’une manière générale, les PCO privilégient de plus en plus les composés de la dernière génération, les plus puissants et les plus efficaces.
La classification toxicologique des anticoagulants donne de précieux renseignements sur l’efficacité du produit dans la lutte contre les rongeurs, mais également sur sa toxicité lors d’ingestion accidentelle. En pratique, cette classification est la plus utilisée par les PCO et les vétérinaires (Viallet, 1998). La dose toxique d’un raticide anticoagulant varie en fonction de sa génération et de type de consommation, unique ou répétée.
Propriétés physico-chimiques des raticides anticoagulants
Les propriétés physico-chimiques des raticides anticoagulants conditionnent leur conservation et leur utilisation dans les appâts. Tous ces dérivés sont des composés de synthèse. Caractères importants pour leur utilisation lors des campagnes de dératisation, ils sont pour la plupart :
➤ Stables aux agressions extérieures : lumière, humidité (sauf la Bromadiolone), variation de température.
➤ Inodores et insipides.
Les propriétés physico-chimiques diffèrent légèrement d’un composé à l’autre et sont utilisées pour leur identification en toxicologie analytique, rendant possible leur dosage dans les produits biologiques.
|
Table des matières
Introduction
Partie I : Etude bibliographque
I.1. Importance de la lutte contre les rongeurs
I.1.1. Risque écologique
I.1.2. Dégâts économiques
I.1.3. Risque sanitaire
I.2. Historique
I.3. Classification des raticides anticoagulants
I.3.1. Classification chimique
a. Dérivés de l’hydroxy-4-coumarine
b. Dérivés de l’indane-1,3-dione
c. Dérivés de l’hydroxy-4-benzothiopyranone
I.3.2. Classification toxicologique
I.4. Propriétés physico-chimiques des raticides anticoagulants
I.5. Pharmacocinétique des raticides anticoagulants
I.5.1. Absorption et distribution
I.5.2. Biotransformations
I.5.3. Elimination
I.5.4. Persistance
I.6. Mécanisme d’action des raticides anticoagulants
I.6.1. Coagulation plasmatique
a. L’hémostase primaire
b. L’hémostase secondaire
c. La fibrinolyse
I.6.2. Vitamine K
a. La famille des vitamines K
b. Caractéristiques physico-chimiques de la vitamine K1
c. Pharmacocinétique
d. Cycle de la vitamine K1
I.6.3. Action toxique des anticoagulants
I.7. Produit utilisé
I.7.1. Propriétés physico-chimiques
I.7.2. Historique et utilisation
I.7.3. Devenir dans l’environnement
I.7.4. Toxicologie et pathologie
I.7.5. Diagnostic et traitement de l’empoisonnement par un anticoagulant
I.7.6. Les effets sur les animaux non-cibles
Partie II : Etude expérimentale
II.1. Matériel et méthodes
II.1.1. Matériel
a. Matériel biologique et entretien
b. Traitement des lapins
c. Sacrifice et prélèvements des échantillons
II.1.2. Méthodes de dosage
II.1.2.1. Dosage des paramètres hématologiques
II.1.2.2. Dosage des paramètres biochimiques
II.1.2.2.1. Dosage du glucose
II.1.2.2.2. Dosage de l’urée
II.1.2.2.3. Dosage de la créatinine
II.1.2.2.4. Dosage de l’acide urique
II.1.2.2.5. Dosage du cholestérol
II.1.2.2.6. Dosage des triglycérides
II.1.2.2.7. Dosage du calcium
II.1.2.2.8. Dosage du phosphore
II.1.2.3. Etude de la biologie des spermatozoïdes
II.1.2.3.1. La vitesse des spermatozoïdes
II.1.2.3.2. Concentration des spermatozoïdes
II.1.2.3.3. La mobilité des spermatozoïdes
II.1.2.3.4. La vitalité des spermatozoïdes
II.1.2.4. Etude histologique
a. Fixation des échantillons
b. Déshydratation des échantillons
c. Inclusion des échantillons
d. Confection des coupes histologiques
e. Coloration
II.1.2.5. Analyse statistique des résultats
II.2. Résultats
II.2.1. Influence du traitement sur le poids corporel
II.2.2. Influence du traitement sur le rapport organo-corporel
II.2.3. Influences du traitement sur les paramètres hématologiques
II.2.4. Influences du traitement sur les paramètres biochimiques
II.2.5. Influences du traitement sur la biologie des spermatozoïdes
II.2.5.1. Influences du traitement sur la vitesse des spermatozoïdes
II.2.5.2. Influences du traitement sur la mobilité des spermatozoïdes
II.2.5.3. Influences du traitement sur la concentration des spermatozoïdes
II.2.5.4. Influences du traitement sur la vitalité des spermatozoïdes
II.2.5.5. Influences du traitement sur l’histologie
II.3. Discussion
Conclusion
Perspectives
Références bibliographiques