La constante de Rydberg est l’unité naturelle d’énergie des systèmes atomiques. Elle s’exprime simplement en fonction de la masse et de la charge de l’électron et, bien qu’à l’heure actuelle elle soit l’une des constantes fondamentales les mieux connues, les raisons de vouloir améliorer sa précision sont nombreuses. L’une d’elles est que la constante de Rydberg établit une relation entre les transitions de l’atome d’hydrogène appartenant à des domaines spectraux très différents (de l’ultra-violet aux microondes) et peut permettre de tester les chaînes de fréquence entre ces domaines. Etant donné les progrès rapides obtenus ces dernières années dans la spectroscopie à très haute résolution de l’atome d’hydrogène, on peut même envisager d’utiliser à l’avenir l’atome d’hydrogène lui-même comme intermédiaire dans les mesures de fréquences optiques. Depuis 20 ans, sous l’impulsion de B.Cagnac, un groupe s’est constitué au laboratoire de spectroscopie hertzienne de l’ENS, autour de la méthode de spectroscopie à deux photons sans effet Doppler. En 1983, F.Biraben et L.Julien ont commencé à étudier les transitions à deux photons 2S – nS/nD (avec n = 8, 10, 12) dans l’atome d’hydrogène dans le but de mesurer la constante de Rydberg. Jusqu’à ce travail, celle-ci était déduite des longueurs d’onde des transitions étudiées. La mesure était faite par comparaison interférométrique avec celle d’un laser He-Ne étalon stabilisé sur l’iode. Dans le cadre de la thèse de J.C.Garreau, deux mesures ont été réalisées par cette méthode : une mesure préliminaire en 1986 avec une précision de 5.10 -10 , l’autre en 1988. Pour cette dernière, les raffinements de l’interférométrie étaient poussés à leur limite ultime. L’incertitude de 1,7.10 -10 provenait essentiellement du laser He-Ne/I 2 étalon et dans une moindre mesure de la méthode interférométrique elle-même. Sachant qu’une nouvelle mesure de la fréquence de ce laser étalon était en préparation au Laboratoire Primaire du Temps et des Fréquences, F.Biraben et L.Julien envisagèrent la construction d’une chaîne de fréquence pour mesurer la constante de Rydberg en unité de fréquence. La réalisation de cette chaîne de fréquence, selon un schéma proposé par A.Clairon, et la nouvelle mesure de la constante de Rydberg font l’objet de ce travail de thèse.
Importance de la constante de Rydberg dans la physique actuelle
L’atome d’hydrogène, constitué uniquement d’un proton et d’un électron, est le plus simple des atomes, ce qui en fait un outil privilégié pour confronter théorie et expérience. Depuis le début du siècle, la spectroscopie de l’atome d’hydrogène a ainsi conduit à des avancées spectaculaires, de la physique de l’atome de Bohr jusqu’à l’électrodynamique quantique. C’est pourquoi, l’atome d’hydrogène fut qualifié par certains de « pierre de Rosette de la physique moderne » [I.1]. Jusque dans les années 1970, l’élargissement dû à l’effet Doppler du premier ordre limitait à environ 10-7 la résolution des spectres obtenus dans le domaine optique. L’avènement des sources laser et l’apparition de techniques spectroscopiques sans effet Doppler [I.2, I.3, I.4] ont permis une amélioration très rapide de cette résolution; dans le cas de l’atome d’hydrogène, le progrès est presque de quatre ordres de grandeur en trente ans [I.5, 1.6, 1.7]. Ainsi, grâce à la spectroscopie de très haute résolution de l’atome d’hydrogène, la constante de Rydberg est l’une des constantes les mieux connues à l’heure actuelle. La constante de Rydberg est l’unité naturelle d’énergie des systèmes atomiques. L’expression de l’énergie des niveaux de l’atome d’hydrogène est donnée dans l’annexe 1. Cette énergie est la somme de nombreux termes.
Ajustement des constantes fondamentales
La constante de Rydberg relie entre elles différentes constantes fondamentales telles que la masse et la charge de l’électron (via la constante de structure fine) et la constante de Planck (depuis 1983, la vitesse de la lumière est fixée par la définition du mètre). Comme sa précision est bien meilleure que celle de ces constantes (par exemple 4,5 10⁻⁸ pour la constante de structure fine et 6 10⁻⁷ pour la constante de Planck), sa valeur expérimentale peut être utilisée pour les déterminer. D.N.Taylor et E.R.Cohen établissent ainsi régulièrement un ajustement de l’ensemble des valeurs des constantes fondamentales prenant en compte les résultats de différentes mesures [1.8]. Un certain nombre de constantes, appelées constantes stochastiques sont ajustées par la méthode des moindres carrés. Les constantes les mieux connues ne subissent pas cet ajustement; ce sont les constantes auxiliaires. La constante de Rydberg en est une et joue donc un rôle clé dans l’ajustement des autres constantes fondamentales.
Test de l’électrodynamique quantique
L’interaction entre l’électron atomique et le champ électromagnétique quantifié provoque un petit déplacement des niveaux d’énergie donnés par la théorie de Dirac: la dégénérescence entre niveaux de mêmes nombres quantiques n et j se trouve levée. L’écart correspondant, appelé Lamb shift, est d’un grand intérêt expérimental. Ces corrections radiatives sont calculées par la théorie de l’électrodynamique quantique (QED). Leur expression dans le cas de l’atome d’hydrogène, proportionnelle à la constante de Rydberg, est détaillée dans l’annexe 1. Ainsi grâce à une valeur très précise de la constante de Rydberg, la comparaison entre les valeurs expérimentale et théorique du Lamb shift dans les sytèmes simples (atome d’hydrogène, positronium, ….) est un test de base pour les prédictions de l’électrodynamique quantique.
Lien entre les fréquences microndes et optiques
Le spectre de raies de l’atome d’hydrogène couvre un large domaine de fréquences de l’ultraviolet jusqu’aux microondes. La mesure de la fréquence de n’importe laquelle de ces raies donne accès à la constante de Rydberg. La cohérence des résultats obtenus sur des transitions différentes est un test de la dépendance en 1/r du potentiel coulombien [1.9]. D’un autre point de vue, si l’on suppose exacte la dépendance en 1/r du potentiel coulombien, la constante de Rydberg établit une relation entre des transitions de l’atome d’hydrogène appartenant à des domaines spectraux très différents. Elle permet donc de tester les chaînes de multiplication de fréquences utilisées pour la mesure des fréquences visibles [I.10] [I.11]. On peut même imaginer que l’atome d’hydrogène lui-même pourrait être utilisé dans le futur comme multiplicateur de fréquence reliant le domaine optique à l’horloge à césium.
Les différentes méthodes de mesure de la constante de Rydberg
Pour réaliser une expérience de spectroscopie de très haute résolution, il est nécessaire d’utiliser une méthode d’excitation sans effet Doppler. Par ailleurs, il convient de choisir une transition appropriée en tenant compte d’une part des contraintes expérimentales (longueur d’onde de la transition, puissance nécessaire à l’excitation) et du facteur de qualité de cette transition directement relié aux durées de vie des niveaux concernés. Ainsi, on peut obtenir des raies très fines.
La spectroscopie sans effet Doppler
Jusqu’aux années 1970, la cause principale d’élargissement des raies dans le domaine optique était l’effet Doppler. Le développement de sources lasers puissantes et accordables a été à l’origine de plusieurs méthodes permettant de s’affranchir de cet effet.
Jet atomique et faisceau laser perpendiculaires
Si l’on envoie sur un jet atomique un faisceau laser perpendiculaire à celui-ci, les atomes n’ayant pas de composante de leur vitesse le long du faisceau laser, il n’y a pas d’effet Doppler du premier ordre. Cette méthode, simple dans son principe, est en fait délicate à mettre en oeuvre : elle nécessite un jet et un faisceau laser bien collimatés. En pratique, la dispersion des vitesses atomiques dans le jet et la nature gaussienne des faisceaux lasers font que la condition de perpendicularité n’est jamais totalement respectée ce qui conduit à un élargissement résiduel de la raie observée.
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I – PRESENTATION DE L’EXPERIENCE
I – 1 – Importance de la constante de Rydberg dans la physique actuelle
Ajustement des constantes fondamentales
Test de l’électrodynamique quantique
Lien entre les fréquences microndes et optiques
I – 2 – Les différentes méthodes de mesure de la constante de Rydberg
I – 2 – a – La spectroscopie sans effet Doppler
Jet atomique et faisceau laser perpendiculaires
L’absorption saturée
La spectroscopie à deux photons
I – 2 – b – Les différentes transitions de l’atome d’hydrogène étudiées jusqu’ici
I – 3 – Les mesures réalisées dans notre groupe
I – 3 – a – Principe de l’expérience
I – 3 – b – La première mesure en 1986
I – 3 – c – La mesure interférométrique de 1989
– Balayage de la fréquence du laser et acquisition du signal
– Etude des formes de raies
– La méthode interférométrique
I – 4 – La mesure de la constante de Rydberg en unité de fréquence
Références bibliographiques du chapitre I
CHAPITRE II – LES SIGNAUX ATOMIQUES
II – 1 – L’excitation des atomes métastables
II – 1 – a – Principe d’excitation
II – 1 – b – Le jet atomique
II – 2 – Les formes de raies théoriques
II – 2 – a – Le calcul des formes de raies
– Structure hyperfine du niveau 2S
– Structure fine des niveaux excités
– Repopulation de l’état 2S à partir des niveaux excités
II – 2 – b – Les ajustements sur les courbes expérimentales
II – 2 – c – Extrapolation à puissance nulle
II – 3 – Les autres causes d’élargissements
II – 3 – a – La largeur de raie du laser titane-saphir
II – 3 – b – L’élargissement dû au temps de transit transversal
II – 3 – c – L’effet Doppler du second ordre
II – 3 – d – L’élargissement Zeeman
II – 3 – e – L’élargissement Stark
II – 3 – f – L’élargissement par collisions
II – 3 – g – L’élargissement lié aux fluctuations d’intensité laser vues par les atomes
II – 4 – Mesure de la distribution de vitesse du jet atomique – effet Doppler du deuxième ordre
II – 5 – Mesure du champ électrique résiduel
Références bibliographiques du chapitre II
CHAPITRE III – DESCRIPTION DES DIFFERENTS ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA CHAÎNE DE FREQUENCE
III – 1 – Les lasers étalons de fréquence
III – 1 – a – Le laser He-Ne stabilisé sur l’iode
III – 1 – b – Le laser He-Ne stabilisé sur le méthane
III – 2 – Le laser He-Ne auxiliaire à 3,39 03BCm
III – 2 – a – La raie à 3,39 03BCm du laser He-Ne
III – 2 – b – Description du laser
III – 2 – c – Optimisation
III – 2 – d – Stabilisation en fréquence du laser
III – 3 – Les lasers titane-saphir
III – 3 – a – Présentation du laser
III – 3 – c – Asservissement des lasers en fréquence
III – 4 – Le mélange infra-rouge – proche infra-rouge
III – 4 – a – Description du cristal
III – 4 – b – Estimation de la puissance attendue pour le faisceau à 633 nm
III – 4 – c – La réalisation expérimentale
Les éléments du montage
L’adaptation des deux faisceaux
L’optimisation
III – 4 – d – Nouveau calcul de la puissance du faisceau synthétisé
Références bibliographiques du chapitre III
CHAPITRE IV – LA MESURE INTERFÉROMÉTRIQUE
IV – 1 – Introduction
IV – 2 – Les comparaisons entre lasers
IV – 2 – a – Les lasers titane-saphir
Stabilisation à court terme des lasers titane-saphir
Stabilisation à long terme du laser TS 1
Balayage en fréquence du laser TS1
Stabilisation à long terme du laser TS2
IV – 2 – c – Les lasers He-Ne à 3,39 03BCm
IV – 2 – d – Détermination de la fréquence du faisceau synthétisé
IV – 3 Résultats expérimentaux
IV – 3 – a – Procédure expérimentale
IV – 3 – b – Analyse des résultats
Mesure interférométrique des 295 intervalles entre ordres du FPR
Mesure des fréquences de nos lasers He-Ne/I 2
Fréquence des transitions étudiées
Déplacement des fréquences de transition dû aux effets parasites
– Effet Stark
– Effet Doppler du second ordre
Correction de structure hyperfine
Fréquences des transitions 2S~8S/8D
IV – 4 – Détermination de la constante de Rydberg
IV – 4 – a – Corrections radiatives
IV – 4 – b – Valeur de la constante de Rydberg
Incertitude sur la mesure du Lamb shift de l’état 2S1/2
Incertitude sur le calcul théorique des fréquences des transitions
2P1/2 ~8S/D
Incertitude sur la valeur expérimentale de 03B1
Incertitude sur le rapport m/M
Références bibliographiques du chapitre IV
CHAPITRE V – LA MESURE EN FREQUENCE
V – 1 – Introduction
V – 2 – Amélioration de la largeur de raie des lasers titane saphir
V – 2 – a – Principe des bandes latérales
V – 2 – b – Stabilisation du laser TS2 par la méthode des bandes latérales
V – 2 – c – Les nouveaux asservissements du laser TS1
03B1 – Stabilisation du laser TS1 par la méthode des bandes latérales
03B2 – Asservissement sur le Fabry-Perot FPE
03B3 – Différentes manières d’asservir le laser TS1 avec la méthode des bandes latérales
V – 3 – La diode Gunn
V – 4 – La diode MIM
V – 4 – a – Mise en oeuvre d’une diode MIM
Fabrication et montage
Recherche d’un battement
V – 4 – b – Optimisation du signal avec deux lasers
V – 4 – c – Essai de mélange à 3 ondes
Mélange de deux lasers à 778 nm et d’une micro-onde à 9 GHz
Mélange entre deux lasers à 778 nm et une source à 89 GHz
V – 4 – d – Un modèle de diode MIM dans le domaine visible
V – 5 – La diode Schottky
– Présentation du dispositif
– Utilisation du dispositif
– Battement entre deux lasers
– Mélange des lasers titane-saphir et de la diode Gunn
– Amélioration des signaux
– Autres résultats obtenus avec la diode Schottky
V – 6 – Résultats
V – 6 – a – Les signaux enregistrés pendant la mesure
V – 6 – b – Résultats
Contrôle des fréquencemètres
Incertitudes liées aux boucles d’asservissement en phase
Fréquences des lasers HeNe/I 2
Fréquence des transitions étudiées
Déplacements parasites des raies
– Effet Stark
– Effet Doppler du deuxième ordre
Correction de structure hyperfine
Fréquences des transitions 2S~8S/8D
V – 7 – Détermination de la constante de Rydberg
V – 7 – a – Valeur de la constante de Rydberg en unité de fréquence
V – 7 – b – Comparaison avec d’autres mesures
V – 8 – Perspectives
Références bibliographiques du chapitre V
CONCLUSION