Importance de la composition du lait en production laitière

Relationship between milk urea nitrogen or urea nitrogen to protein ratio and dietary crude protein in commercial dairy herds

Une optimisation de la composition du lait est très importante sous les conditions du marché canadien puisque le paiement du lait se fait en fonction de ses composantes. En effet, les producteurs sont payés selon les quantités de gras, de protéines, et de lactose et autres solides du lait. Il y a donc un intérêt à pouvoir faire varier ces derniers pour améliorer le profit des fermes. La modulation de la composition du lait des vaches peut être effectuée par des modifications aux rations et par l’amélioration génétique. Les changements dans la ration sont souvent privilégiés, puisque la réponse est plus rapide.

L’ampleur des variations est plus grande pour la teneur en matières grasses (TMG) du lait que pour les autres composantes. Dans la littérature, des changements jusqu’à trois unités de pourcentage sont rapportés pour cette composante (Jenkins et McGuire, 2006). Pour moduler la TMG du lait, il est connu que des rations pauvres en fibre, riches en concentrés et avec des teneurs élevées en acides gras polyinsaturés diminuent la TMG. En contrepartie, des substances tampons sont normalement utilisées pour atténuer cette chute. Des études plus récentes suggèrent que les minéraux et la différence alimentaire cations-anions de la ration peuvent aussi avoir un effet sur les composantes du lait (Hu et al., 2007b; Iwaniuk et al., 2015), et plus spécialement sur sa TMG. Malgré l’importance de l’alimentation des vaches sur la TMG, cet effet peut aussi varier en fonction d’autres facteurs comme le nombre de lactations, les jours en lactation (JEL), la durée du tarissement, le génotype et le niveau de production (Hansen et al., 2006; Brun-Lafleur et al., 2010). Par exemple, la TMG chez les vaches en milieu et en fin de la lactation est plus sensible aux changements de la ration que celle chez les vaches au début de la lactation (Allen, 1997; NRC, 2001).

Les modifications de la teneur en protéines (TP) du lait par des changements dans l’alimentation des vaches sont de plus faible ampleur que pour la TMG, soit approximativement de 0,6 unité de pourcentage (Varga et Ishler, 2007). De plus, la réponse à des modifications dans la ration se traduit par de plus fortes variations pour la production et la concentration en protéines du lait chez les vaches multipares que chez les vaches primipares (Radcliff et al., 2000; Brun-Lafleur et al., 2010). Ces dernières pourraient couvrir préférentiellement leurs besoins de croissance au détriment de la production de protéines du lait.

Outre son importance économique, la composition du lait peut être utilisée comme un outil de gestion de l’alimentation ou d’évaluation environnementale. En effet, l’information de la littérature démontre que l’urée du lait est un indicateur de l’efficience de l’utilisation de la protéine de la ration et des rejets d’azote dans l’environnement (Nousiainen et al., 2004). Aussi, l’efficience d’utilisation de l’azote, qui est calculée en partie à partir de la production en protéines du lait, est un indicateur environnemental qui permet une première évaluation des performances de l’entreprise par rapport à sa gestion de l’azote.

Considérant l’importance que la composition du lait peut avoir sur une ferme laitière, une étude plus approfondie des principaux facteurs qui en sont des sources de variation dans le contexte canadien de production était nécessaire. Ainsi, en plus d’une revue de la littérature sur le sujet, cette thèse contient les résultats de trois études. La première avait comme objectif d’évaluer l’effet de la différence alimentaire cations-anions sur la TMG du lait. La deuxième portait sur une meilleure compréhension des facteurs de variation de la teneur en urée du lait comme outil de gestion de l’alimentation pour les fermes laitières. Pour la réalisation de ces études, la base de données de Valacta, Centre d’expertise en production laitière QuébecAtlantique, a été utilisée. Cette base de données contient des informations sur la ration des vaches et la composition du lait de fermes commerciales du Québec. Finalement, la troisième étude visait à identifier les différences dans l’alimentation du troupeau et dans la gestion des fermes selon leur efficience d’utilisation de l’azote.

Revue des travaux antérieurs

Le suivi de la composition du lait peut servir à des fins diverses, par exemple, répondre aux besoins du marché, surveiller la santé des animaux, réduire l’impact environnemental et valoriser les acides gras (AG) bénéfiques pour la santé humaine. La composante la plus variable est le gras suivi de la protéine. Cette revue de littérature se concentrera sur ces deux composantes.

Importance de la composition du lait en production laitière

Au Canada, le marché du lait est soumis à la gestion de l’offre, ce qui signifie qu’il y a un équilibre entre la demande et la production (Bourbeau, 2010). Le quota de production est calculé par kilogramme des matières grasses (MG) du lait par jour (CCL, 2011). Le système de paiement du lait est basé sur la rémunération des composants et permet aux fermes de recevoir un prix par composant basé sur ses quantités produites (CCL, 2013; FPLQ, 2014a). Le prix de chacun des composants varie selon les besoins du marché. Par exemple, pour les années 2014 et 2015, les prix moyens étaient respectivement de 9,85 et 9,86 $/kg pour les MG, 9,48 et 8,26 $/kg pour les protéines et de 1,84 et 1,67 $/kg pour le lactose et autres solides (Les producteurs de lait du Québec, 2016). Ainsi, le prix moyen du lait payé aux producteurs laitiers du Québec était de 76,23 et 71,46 $/hl en 2014 et 2015 respectivement (Les producteurs de lait du Québec, 2016). Comme mentionné précédemment, ce sont les composants du lait qui sont pris en compte pour le paiement. Cependant, la production est limitée par le quota de production qui est exprimé en kilogrammes de MG par jour qu’une ferme peut produire (FPLQ, 2014b). Lorsque le niveau de production pour combler 100 % des besoins canadiens en MG sont calculés, 110 % des besoins en solides non gras (SNG) sont comblés du même coup. Ce surplus de SNG est qualifié de structurel puisqu’il est associé à la production nécessaire aux besoins canadiens sur une base de MG, et ils doivent être éliminés sous forme de poudre de lait écrémé (FPLQ, 2004; Bourbeau, 2010). Donc, afin d’améliorer le contrôle de la production de surplus structuraux, les producteurs se sont imposé des contraintes pour encourager la production de lait contenant un rapport de SNG sur la MG (SNG/MG) qui permet de diminuer le surplus structurel de poudre de lait écrémé (MAPAQ, 2009). Le surplus de SNG est vendu pour l’alimentation animale et l’exportation. Comme les ventes dans ces marchés ont pour effet de réduire le prix moyen aux producteurs (Lamoureux, 2003), les variations de composantes ont un impact majeur sur les revenus des producteurs de lait au Canada (Figure 2.1).

Synthèse des matières grasses du le lait

Avant de connaître les facteurs affectant la teneur en matières grasses (TMG) du lait, il est important de comprendre comment elles sont synthétisées. Les lipides du lait sont synthétisés dans la glande mammaire (Chatterjee et al., 1979) dont plus des 95 % sont des triglycérides (TG) constitués d’AG et de glycérol. Les triglycérides sont secrétés sous forme de gouttelettes de différentes tailles dans le lait (Barber et al., 1997; Heid et Keenan, 2005; Rulquin et al., 2007). La MG du lait des ruminants est unique parmi les mammifères parce qu’elle contient une haute proportion d’AG à chaîne courte (Bauman et al., 2011c). Ces AG ne sont pas présents dans la majorité des aliments et ne sont pas trouvés dans la MG du lait d’espèces non ruminantes (sauf pour le lapin) ou dans les graisses corporelles animales (Bauman et al., 2011c).

Chez les ruminants, les AG du lait proviennent de deux sources : 1) des AG à longue chaîne préformés prélevés du plasma (60 % des AG sécrétés dans le lait) et 2) les AG qui sont synthétisés de novo dans la glande mammaire (40 %) (Chilliard et al., 2001; Bauman et al., 2011b). Les AG de courte (4 à 8 atomes de carbone) et moyenne chaînes (10 à 14 atomes de carbone) sont dérivés principalement de la synthèse de novo, tandis que les AG à longue chaîne (> 16 atomes de carbone) sont dérivés de l’absorption de lipides du plasma sanguin. Finalement, les AG de 16 atomes de carbone sont dérivés des deux sources (Bauman et Griinari, 2003) .

Les ruminants utilisent principalement l’acétate et le β-hydroxybutyrate comme source de carbone pour la synthèse de MG, contrairement aux monogastriques qui utilisent le glucose (Neville et Picciano, 1997; Bauman et al., 2011b). L’acétate et le butyrate proviennent de la fermentation ruminale des glucides. Le butyrate est principalement converti en β-hydroxybutyrate par la paroi du rumen et le foie (Bauman et Griinari, 2003; Bauman et al., 2011b). L’acétate et le β-hydroxybutyrate sont ensuite extraits du sang par la glande mammaire (Bauman et al., 2011b). La synthèse des AG à courte et moyenne chaînes est principalement effectuée dans les cellules alvéolaires de la glande mammaire (Neville et Picciano, 1997).

Facteurs influençant la teneur en matières grasses du lait

Différents facteurs peuvent influencer la TMG du lait. Il est bien connu que la race a un impact sur la concentration des composants (Cerbulis et Farrell, 1975; Ahlborn-Breier et Hohenboken, 1991). En Amérique du Nord, les races avec les teneurs en protéines et en MG les plus élevées sont la Jersey, la Guernsey et la Suisse Brune et celles avec les plus basses sont la Holstein, l’Ayrshire et la Shorton laitière (Cerbulis et Farrell, 1975; Ahlborn Breier et Hohenboken, 1991). Il y a aussi des variations journalières importantes dans la teneur des composants du lait. Celui qui varie le moins est le lactose (∆ 0,9 %), suivi de la protéine totale (∆ 1,4 %) et de la caséine (∆ 1,8 %) et finalement de la MG du lait (∆ 7,7 %) qui obtient la plus grande variation (Syrstad, 1977; Forsbäck et al., 2010). Le cycle nycthéméral ainsi que la fréquence de la traite ont également un effet sur les composants du lait. En effet, le lait a une TMG moins élevée le matin par rapport au soir lorsque la traite est effectuée deux fois par jour (Quist et al., 2008). Lorsque trois traites sont effectuées par jour, la TMG augmente pendant la journée pour attendre son maximum dans la traite de la nuit (Quist et al., 2008). Cependant, il faut noter que les variations pour les composants ne sont pas toujours constantes. D’autres facteurs liés à l’alimentation et à l’animal, comme la génétique, le stade de lactation et l’état physiologique, influencent les teneurs en composantes du lait (Gaunt, 1973; Cerbulis et Farrell, 1975; Walker et al., 2004; Jenkins et McGuire, 2006).

Facteurs liés à l’animal

Impact de la génétique

La sélection génétique offre la seule alternative réelle à la nutrition comme moyen pour modifier la composition du lait (Rode, 2006). Contrairement à l’alimentation qui agit plus rapidement, la génétique a un effet à moyen ou long terme (Hoden et Coulon, 1991). De plus, elle peut altérer la composition du lait dans presque toutes les directions convoitées (Gibson, 1989). Cependant, la rapidité de la réponse peut varier. Par exemple, en raison de son faible coefficient d’héritabilité, un changement dans la teneur en lactose sera plus lent à observer qu’un changement dans la TMG (Gibson, 1989). Par contre, la sélection pour des teneurs plus élevées en MG aura un effet négatif sur les productions totales de lait et de protéines (Gibson, 1989). En conséquence, il est très difficile d’améliorer la production de lait et la TMG de façon simultanée. Il reste que la production laitière ou la TMG ont une héritabilité élevée, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles sont incluses dans de nombreux programmes de sélection (Schutz et al., 1990). Par exemple, Gaunt (1973) avait signalé une héritabilité de 0,57 et 0,71 pour la TMG des races Holstein et Jersey, respectivement.

Au Canada, les indices utilisés pour évaluer le potentiel génétique des animaux sont les valeurs d’élevage estimé (VEE) pour chaque trait. Le VEE est défini comme une estimation de la valeur génétique additive pour un trait en particulier qu’une vache transmet à ses descendants (Goddard et Hayes, 2009). La production laitière, la production de protéines et de gras, ainsi que les pourcentages de gras et de protéines sont les traits les plus importants sur le plan économique pour la sélection des bovins laitiers (Chauhan et Hayes, 1991).

De plus, il semble y avoir un impact de la génétique sur la susceptibilité au développent du syndrome de la chute de TMG du lait (Calus et al., 2005). Une autre étude a aussi montré des différences dans le métabolisme des vaches et dans la répartition des nutriments dans l’animal lors de la comparaison entre deux groupes au potentiel génétique supérieur et inférieur pour la TMG du lait (Åkerlind et al., 1999). Bien que, la génétique détermine le potentiel de production de la vache, celui-ci est influencé par différents facteurs tel l’environnement, l’alimentation et la santé.

Impact du stade de lactation

Le stade de lactation a un effet sur tous les composants du lait observable à travers des changements significatifs dans l’état physiologique de la vache (Gaunt, 1973; Walker et al., 2004). La TMG décline après le vêlage et atteint son nadir lorsque les vaches sont entre 40 à 60 jours post-partum, avec une légère augmentation journalière par la suite (Figure 2.3) (Schutz et al., 1990; Barber et al., 1997; Walker et al., 2004). Cette baisse peut être expliquée principalement par un effet de dilution puisque la TMG évolue de façon inverse à la production de lait (Coulon et al., 1991; Varga et Ishler, 2007). Les teneurs plus élevées en MG et en protéines sont dans le colostrum et à environ au 250 JEL, une fois que la production de lait commence à diminuer (Heinrichs et al., 1997). Des variations allant jusqu’à 0,75 unité de pourcentage dans la TMG peuvent être expliquées par les différences de JEL (Oetzel, 2007).

Impact des hormones

Le statut hormonal de la vache peut modifier la répartition de nutriments dans ses tissus spécifiques et résulter en une altération de la production laitière et de certains composants du lait (Griinari et al., 1997). En effet, la lactation est caractérisée par un contrôle hormonal strict (Svennersten-Sjaunja et Olsson, 2005). Trois types d’hormones ont un effet sur la grande mammaire : 1) les hormones reproductives : la progestérone, l’œstrogène, le lactogène placentaire, la prolactine et l’ocytocine; 2) les hormones métaboliques : l’hormone de croissance, les corticostéroïdes, l’hormone thyroïdienne, l’insuline et les hormones du tractus gastro-intestinal; et 3) les hormones qui sont produites dans la glande mammaire : l’hormone de croissance, la prolactine, et la leptine (Svennersten-Sjaunja et Olsson, 2005). Ces hormones sont importantes dans la régulation des nutriments pour la glande mammaire (Svennersten-Sjaunja et Olsson, 2005). Suite au début de la lactation, les besoins pour la synthèse du lait augmentent. Par conséquent, la priorité devient la satisfaction des besoins en nutriments adéquats de la glande mammaire. Le métabolisme de l’animal change alors d’anabolique à catabolique : la lipolyse dans les tissus adipeux augmente, tandis que la lipogenèse diminue. De plus, les changements métaboliques présentent une production de glucose et une absorption des minéraux de l’intestin accrue. Les AG peuvent être utilisées comme source d’énergie à la place du glucose, et l’entrée en lactation cause aussi une réorientation de plusieurs nutriments des tissus non mammaires vers la mamelle (Svennersten-Sjaunja et Olsson, 2005).

Conclusion

Plusieurs facteurs ont un effet sur la synthèse des composantes du lait et doivent être considérés lors de l’évaluation de la relation entre l’alimentation et la composition du lait. Parmi ces facteurs, une relation positive entre la TMG du lait et la DACA a été observée lors de la première étude de cette thèse. Il n’en demeure pas moins que lors de l’utilisation de ce concept pour la formulation de rations, il serait important de considérer les différentes interactions observées dans cette étude pour maximiser son effet.

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Table des matières

CHAPITRE I Introduction
CHAPITRE II Revue des travaux antérieurs
2.1 Importance de la composition du lait en production laitière
2.2 Synthèse des matières grasses du le lait
2.3 Facteurs influençant la teneur en matières grasses du lait
2.3.1 Facteurs liés à l’animal
2.3.1.4.1 Mammite
2.3.1.4.2 Acidose ruminale
2.3.2 Facteurs liés à la gestion et à l’environnement
2.3.3 Facteurs alimentaires
2.3.3.3.1 Utilisation de l’amidon
2.3.3.3.2 Utilisation des sucres
2.3.3.3.3 Utilisation des lipides
2.3.3.3.3.1 Effets de l’acide palmitique
2.4 Fractions de la protéine du lait
2.5 Facteurs influençant la teneur en protéines et en urée du lait
2.5.1 Facteurs liés à l’animal
2.5.2 Facteurs de régie et environnementaux
2.5.3 Facteurs liés à l’alimentation
2.6 Hypothèses et objectif
2.6.1 Premier projet
2.6.2 Deuxième projet
2.6.3 Troisième projet
2.7 Bibliographie
CHAPITRE III Relationship between milk fat concentration and diet composition with a special emphasis on dietary cation-anion difference in commercial dairy herds
3.1 Résumé
3.2 Abstract
3.3 Introduction
3.4 Materials and methods
3.4.1 Data
3.4.2 Statistical analysis
3.5 Results and discussion
3.5.1 Descriptive statistics
3.5.2 Prediction models
General description
Effect of EBV MFC
Effect of DCAD
Effect of
Effect of TMR
Effect of PALM80
Effect of grazing in summer models
3.6 Conclusion
3.7 Acknowledgements
3.8 References
CHAPITRE IV Relationship between milk urea nitrogen or urea nitrogen to protein ratio and dietary crude protein in commercial dairy herds
4.1 Résumé
4.2 Abstract
4.3 Short Communication
4.4 Acknowledgments
4.5 References
CHAPITRE V Nitrogen efficiency of commercial dairy herds: impact on production performance and farm profitability
5.1 Résumé
5.2 Abstract
5.3 Introduction
5.4 Materials and methods
5.4.1 Data collection
5.4.2 Calculations
5.4.3 Data Analysis
5.5 Results and discussion
5.6 Conclusions
5.7 Acknowledgments
5.8 References
CHAPITRE VI Discussion et conclusion

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