Implications pathologiques des céramides

Implications pathologiques des céramides

Les pathologies humaines pour lesquelles l’effet des céramides est le mieux documenté sont la résistance à l’insuline (Broskey et al., 2018; Kitessa and Abeywardena, 2016), l’inflammation (Ghidoni et al., 2015) et le cancer (Huang and Freter, 2015). Par exemple, on sait que l’obésité prédispose les individus au développement de la résistance à l’insuline, au niveau du foie et du muscle.

Divers mécanismes sont proposés pour expliquer comment l’excès . d’adiposité s’oppose à l’action de l’insuline. Premièrement, quand la capacité de stockage du tissu adipeux est dépassée, les graisses s’accumulent dans des tissus non adaptés, ce qui induit la formation de métabolites inhibiteurs de la signalisation de l’insuline.

Par ailleurs, l’obésité déclenche un état d’inflammation chronique, et les cytokines libérées par le tissu adipeux ou les macrophages qui y sont infiltrés inhibent l’action de l’insuline. Dans les deux cas, les céramides semblent impliqués (Summers, 2006) et l’ensemble des données obtenues sur le sujet tentent à indiquer que la piste des céramides doit être considérée pour la prise en charge des complications cardiovasculaires et métaboliques associées au développement de la résistance à l’insuline chez les sujets obèses (Abursayn et al., 2016; Laaksonen et al., 2016).

Par ailleurs, un des effets des céramides est d’activer le facteur de transcription NF-KB qui est impliqué dans la mise en oeuvre de la réponse inflammatoire en induisant, entre autres, l’expression d’enzymes pro-inflammatoires comme la cyclooxygénase2 (COX2) (Sarkar et al., 2004). Plus récemment, les céramides ont été identifiés comme acteurs centraux participant à la régulation des processus inflammatoires induits par l’interleukine-l (Shi et al., 2016) et la migration des macrophages (Ordonez et al., 2016; Ouro et al., 2014). En ce qui a trait au cancer, on suspecte que le développement de la résistance aux drogues de certaines tumeurs trouve son origine dans un défaut de l’accumulation des céramides, ce qui favoriserait la progression tumorale (Ogretmen, 2018; Zhang et al., 2018).

Par exemple, les lignées cellulaires résistantes à l’adriamycine et KB-V-l résistantes à la vinblastine, présentent la particularité d’avoir des taux de céramides endogènes très bas en raison d’une forte activité glucosylcéramide synthase (Lavie et al., 1996; Lucci et al., 1999). Les céramides seraient également au centre des mécanismes assurant la protection de l’organisme contre divers cancers, comme ceux du poumon, de par leurs effets régulateurs de l’apoptose et de l’autophagie (Morad et al., 2013). Toutefois, il a été récemment démontré que l’accumulation de céramides endogènes résultant de la perte d’activité en céramidase alcaline de type 3 serait à même d’accentuer le risque de développer une tumeur au colon (Wang et al., 2016).

Les enquêtes portant sur l’influence néfaste des céramides au niveau du tissu nerveux font l’objet de nombreuses investigations. Au cours des dix dernières années, les études ont notamment convergé vers l’implication des céramides dans le développement des maladies neurodégénératives chroniques. Chez la souris, par exemple, l’accumulation de céramides dans le cortex a été mise en cause lors du vieillissement du cerveau. L’augmentation la plus drastique s’observe pour la galactosylcéramide dont le niveau est environ 300 fois supérieur chez les animaux âgés de 25 mois comparés aux animaux de 3 mois (Cutler et al., 2004).

Fait intéressant, l’accumulation excessive de la galactosylcéramide semble être associée à l’apparition des dommages neuronaux typiques des cerveaux Alzheimer (Hejazi et al., 2011). Il s’agit, en réalité, de lésions histopathologiques caractérisées par des amas extracellulaires d’amyloïdes et d’une dégénérescence neurofibrillaire intracellulaire (Haughey et al., 2010; Jazvinscak et al., 2015; Kaya et al., 2017b).

Lorsque des neurones d’hippocampe mis en culture sont exposés à la protéine ~-amyloïde, les céramides s’accumulent dans les neurones, suggérant que ces médiateurs lipidiques exercent un rôle essentiel dans la toxicité exercée par le peptide ~-amyloïde dans les cerveaux Alzheimer (Miller et al., 2009).

L’étude de Michelle Mielke de la Clinique Mayo (Rochester) a donné un éclairage impressionnant sur la contribution des céramides dans la maladie d’Alzheimer (Mielke et al., 2012). En effet, cette étude tente de démontrer que les femmes possédant de hautes concentrations de céramides dans le sang présentent un risque dix fois plus important que la normale de développer une démence de type Alzheimer. Selon des travaux récents, les céramides pourraient être mis en cause dans l’apparition des troubles cognitifs chez les sujets Alzheimer, et ce, de par la capacité de ces médiateurs lipidiques à entretenir le déficit cholinergique (Dontigriy et al., 2012). L’observation que les céramides sont en mesure de perturber la formation de la plasticité électrophysiologique hippocampale (c.à.d. la PLT) est assurément un autre indice de la capacité de ces médiateurs lipidiques à perturber le fonctionnement du cerveau (Maalouf and Rho, 2008; Wang et al., 2017).

Outre l’Alzheimer, des perturbations pathologiques en céramides ont également été proposées pour expliquer les anomalies neuronales survenant dans d’autres affections neuropathologiques chroniques comme la maladie de Parkinson (Mielke et al., 2013) et la sclérose latérale amyotrophique (Vidaurre et al., 2014; Wrenger et al.,1982).

Les récepteurs NMDA, excitotoxicité et phosphorylation de Tau

Les travaux de ces 40 dernières années apportent de nombreux arguments pour un rôle important du glutamate dans les processus cognitifs, en particulier la mémoire, notamment par l’intermédiaire de la potentialisation à long terme (PL T).

Fait ironique, on attribue à ce neurotransmetteur excitateur des effets potentiellement toxiques mettant en oeuvre le processus d’excitotoxicité et, conséquemment, la mort neuronale. La mise en jeu préférentielle de certains récepteurs au glutamate, comme les récepteurs NMDA, apparaît déterminante dans le développement des processus de la mort cellulaire dans des conditions pathologiques variées allant de l’ischémie cérébrale (Dhawan et al., 2011) à l’épilepsie (Lopes et al., 2013; Punnakkal and Dominic, 2018) en passant par la maladie d’Alzheimer (Gonzalez et al., 2015; Ong et al., 2013; Rammes et al., 2017) et la sclérose latérale amyotrophique (Jiang et al., 2017; Madji Hounoum et al., 2016).

L’activation de ces récepteurs, au-delà des effets excitotoxiques qu’elle entraîne, serait également à même d’augmenter la phosphorylation de la protéine Tau; un phénomène caractéristique de plusieurs situations neuropathologiques (De Montigny et al., 2013; Li et al., 2014). Selon toute vraisemblance la phosphorylation précoce du résidu Ser262 dans le domaine de liaison aux microtubules (ou MBD) de la protéine Tau constituerait une étape clef de la pathologie Alzheimer (Figure 1.4). En résulteraient, du coup, un détachement de cette protéine du réseau microtubulaire et l’apparition subséquente de la neurodégénérescence dite fibrillaire (Fischer et al., 2009; Iijima et al., 2010; Ikura et al., 1998; Lauckner et al., 2003; Song and Yang, 1995). De nombreuses enzymes phosphorylantes, nommées kinases, sont soupçonnées d’accroître la phosphorylation de la protéine Tau via l’activation des récepteurs NMDA (Li et al., 2004; Tell and Hilgeroth, 2013). Sur ce plan, les travaux des chercheurs braquent résolument les projecteurs sur les kinases GSK3, Cdk5, PKC et CamKII.

Les récepteurs NMDA sont des canaux ioniques exprimés abondamment dans le système nerveux central avec une préférence pour la région hippocampale (Lee and Kesner, 2002). Ils sont sensibles aux acides aminés excitateurs comme le glutamate et, plus particulièrement, au dérivé pharmacologique qu’est le N-méthylD- aspartate (d’où NMDA). Ces récepteurs sont formés de quatre sous-unités, deux sous-unités GluN1 obligatoires s’associant à deux autres sous-unités complémentaires (GluN2A ou GluN2B). L’agoniste naturel des récepteurs NMDA est le glutamate endogène, lequel se fixe essentiellement avec les sous-unités GluN2 (A et B). Les études de la biophysique neuronale indiquent toutefois que l’activation des récepteurs NMDA requiert, en plus du glutamate, la liaison d’un co-agoniste, la glycine. Une fixation qui n’intéresse alors que les sous-unités GluN1. L’ouverture des canaux survient, suite à la liaison de ces deux ligands, en plus de la dépolarisation de la membrane du neurone (Blanke and Van Dongen; 2009; Newcomer et al., 2000; Vyklicky et al., 2014).

À ce jour, les observations fonctionnelles nous indiquent que c’est la quantité d’ions calcium qui assure le pouvoir excitotoxique du glutamate dans le cerveau.

Or, les études sur le sujet montrent que les sous-unités GluN2B constituent l’élément clef de la toxicité glutamatergique. De façon générale, les données expérimentales tentent de démontrer que les récepteurs GluN2A situés dans la densité postsynaptique génèrent les effets bénéfiques du glutamate sur le cerveau, alors que les effets néfastes eux sont le fruit d’une stimulation intempestive des mêmes récepteurs se trouvant dans les compartiments extrasynaptiques (Garcia-Munoz et al., 2015; Gardoni et al., 2009; Loftis and Janowsky, 2003; Petralia, 2012; Zhou et al., 2015a; Zhou et al., 2015b).

HYPOTHÈSES DE RECHERCHE

Depuis quelques années déjà, on suspecte que l’accumulation de céramides contribue à la mort neuronale dans diverses situations neuropathologiques. Or, les recherches portant sur les mécanismes d’action délétères des céramides font l’objet de nombreuses investigations. Dans le cadre du présent mémoire, on s’intéressera à élucider l’hypothèse voulant que les céramides endogènes générés à la suite de l’inhibition de la céramidase acide puissent contribuer à accroitre l’activité des récepteurs NMDA du glutamate et, conséquemment, à l’hyperphosphorylation de la protéine Tau. Rappelons-le, les récepteurs NMDA sont des acteurs indispensables contribuant à la formation des mécanismes d’excitotoxicité, notamment, dans la région dite hippocampale du cerveau (Girling et al., 2018; Huo et al., 2015; Serpa et al., 2015). Découlent de cette hypothèse générale trois objectifs de recherche qui tenteront de répondre aux questions suivantes:

Est-ce que l’inhibition de la céramidase acide par le D-NMAPPD a pour effet d’accentuer les réponses physiologiques des récepteurs NMDA dans l’hippocampe?

On sait que la région hippocampale est préférentiellement affectée dans plusieurs conditions neuropathologiques. Le premier volet expérimental de ce travail s’appliquera à estimer les effets apportés par l’inhibiteur de l’enzyme céramidase acide sur la modulation des réponses glutamatergiques de type NMDA sur des tranches isolées maintenues artificiellement en vie dans une chambre d’incubation. Cette question sera abordée en effectuant des enregistrements électrophysiologiques au niveau de la région CAl de l’hippocampe, plus spécifiquement dans la portion synaptique du stratum radiatum (Figure ci-dessous).

Les potentiels postsynaptiques excitateurs de champs (fEPSPs) de type NMDA seront isolés pharmacologiquement et comparés à ceux enregistrés suite à l’activation des récepteurs de type AMPA, une autre famille de récepteurs au glutamate assurant la transmission synaptique.

Est-ce que la phosphorylation des récepteurs GluN2B du glutamate est affectée par l’application du D-NMAPPD sur l’hippocampe?

La neurochimie a récemment braqué les projecteurs sur les récepteurs GluN2B du glutamate, lesquels se présentent comme des acteurs fondamentaux de la dégénérescence neuronale (Karthick et al., 2016; Leaver et al., 2008; Lu et al., 2018).

Or, qu’en est-il de l’influence des céramides sur les propriétés biochimiques de ces récepteurs glutamatergiques dans l’hippocampe? En utilisant la méthode d’immunobavardage de type Western et des anticorps spécifiques, le second volet de ma recherche tentera d’évaluer la possibilité que les céramides générés par l’action de l’inhibiteur D-NMAPPD soient en mesure d’induire un changement de l’état de phosphorylation des récepteurs GluN2B. La spécificité de l’effet potentiel de cet inhibiteur sur les récepteurs NMDA sera également étudiée en évaluant une autre sous-unité importante contribuant à la formation de récepteurs NMDA fonctionnels, la sous-unité GluN1.

Est-ce que la phosphorylation de la protéine Tau est également altérée par l’application du D-NMAPPD sur l’hippocampe?

Les études biochimiques conduisent à penser que l’activation intempestive des récepteurs NMDA peut contribuer à l’état d’hyperphosphorylation de la protéine Tau, laquelle devient alors toxique pour le cerveau (Allyson et al., 2010; Xu et al., 2015). Or, le troisième et dernier volet expérimental de ce projet consistera à déterminer la possibilité que l’inhibiteur de l’enzyme céramidase acide soit à même de modifier la phosphorylation de certains épitopes de la protéine Tau: Ser199/202, Ser262 et Ser396. Sur le plan expérimental, les niveaux de phosphorylation des épitopes en question seront estimés ici encore par la technique d’immunobavardage de type Western sur des échantillons de protéines d’hippocampes de rats, préalablement traitées avec le D-NMAPPD. Dans l’éventualité d’un effet observable, nous comptons évidemment déterminer les mécanismes en cause avec une emphase portée sur l’implication du calcium et de certaines protéines kinases activées par les récepteurs NMDA et connues pour cibler la protéine Tau.

ARTICLE SCIENTIFIQUE

Contribution des auteurs

Cet article scientifique a fait l’objet d’une publication dans la revue Neural Plasticity. Étant la première auteure du manuscrit, j’ai rédigé l’article avec l’aide précieuse de mon directeur de recherche, le professeur Guy Massicotte. De plus, le professeur Michel Cyr a contribué avec mon directeur de recherche à l’ébauche conceptuelle du projet. Enfin mes collègues Audrée De Montigny et Suzanne Attiori ont contribué à la mise au point de techniques requises pour la réalisation de la démarche expérimentale retenue.

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Table des matières

REMERCIEMENTS 
RÉSUMÉ
LISTE DES FIGURES 
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONyMES
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1 Métabolisme et grandes fonctions des céramides
1.1 Les enzymes céramidases
1.2 Implications pathologiques des céramides
1.3 Les récepteurs NMDA, excitotoxicité et phosphorylation de Tau
CHAPITRE II
HYPOTHÈSES DE RECHERCHE 
CHAPITRE III
ARTICLE SCIENTIFIQUE
3.1 Contribution des auteurs
3.2 Article scientifique
Abstract
Introduction
Results
ACI Increases NMDA Receptor-Mediated Synaptic Transmission
ACI Accentuates Tau Phosphorylation at the Ser262 Epitope
Tau Hyperphosphorylation is Mediated by Calcium and GluN2B
Receptor Activation.
Involvement of CaMKII
Discussion
Conclusion
Experimental procedures
Ethics approval
Pharmacological agents
Hippocampal slices
Electrophysiology
Western Blotting
Antibodies
Statistical analysis
Acknowledgments
Figure Legends and Figures
References
CHAPITRE IV
DISCUSSION 
4.1 Anomalies cellulaires et céramides
4.2 Céramides et récepteurs NMDA
4.3 Plasticité neuronale et céramides
CHAPITRE V
CONCLUSION 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUE

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