L’implication organisationnelle attire l’attention des chercheurs depuis plusieurs décennies. Cet engouement s’explique probablement par les bénéfices qu’elle apporte aux organisations. Son pouvoir prédictif sur des comportements recherchés chez les salariés est en effet élevé. L’implication organisationnelle décourage ainsi l’absentéisme (Burton et al., 2002), l’intention de quitter l’organisation (Clegg, 1983), et favorise les performances intra et extrarôle au travail (Jamarillon et al., 2005).
Bien que le concept de l’implication organisationnelle ait été longuement étudié, certains pans ont été délaissés, comme le contexte socio-économique qui entraîne des ruptures dans les carrières des salariés. Ce constat constitue le fondement de cette recherche doctorale. Dans un contexte à plus forte mobilité, il semble, en effet, difficile d’accepter, sans précaution, que les expériences professionnelles passées ne laissent aucun souvenir au point de ne pas affecter le niveau d’implication organisationnelle actuelle. Par conséquent, les gestionnaires comme les organisations doivent savoir qu’à moins de souffrir de maladie neurodégénérative ou d’amnésie, le cerveau enregistre une trace du passé qui produit des effets sur le présent et guide les actions (Conway 2001, Conway et al., 2004). L’absence de prise en compte dans les mesures de l’implication organisationnelle de ce fonctionnement interdit de ce fait de capter l’intégralité du processus en cours.
L’implication organisationnelle : Fondements conceptuels
De nombreux modèles ont été proposés pour décrire le lien qui unit un individu à son organisation. Toutefois, le modèle tri-dimensionnel proposé par Allen et Meyer (1990, 1996) reste dominant malgré les discussions dont il fait encore l’objet (Klein et al, 2012 ; Ko et al., 1997 ; Neveu, 1994 ; Stinglhamberger et al., 2002).
L’implication organisationnelle : une myriade de définitions
La multitude de définitions proposée dans la littérature a rendu difficile l’obtention d’un consensus (Mowday et al., 1982 ; Meyer et Herscovitch, 2001). Les premières recherches sur l’implication organisationnelle ont suggéré une approche unidimensionnelle qui au fil du temps s’est transformée en un construit multidimensionnel.
L’approche unidimensionnelle
L’approche unidimensionnelle est privilégiée jusqu’au milieu des années 80. Selon les auteurs, elle est alors caractérisée soit par une dimension instrumentale (cognitive) renvoyant à une implication comportementale, soit par une dimension affective à rapprocher d’une implication attitudinale (Porter et al., 1974 ; Staw et Salancik, 1977 ; Meyer et Allen, 1987). Dès lors, une première manière d’appréhender l’implication organisationnelle est de distinguer l’approche comportementale de l’approche attitudinale. La première, peu utilisée, se penche sur les conditions favorisant la répétition d’un comportement favorable à l’organisation et ses effets sur l’attitude (O’Reilly et Caldwell, 1981 ; Meyer et Allen, 1991 ; Vanderberghe, Landry et Pannaccio, 2009). Elle renvoie au processus qui lie les individus à l’organisation en se concentrant sur leurs actions (Iverson, Buttigieg, 1999). La seconde la définit quant à elle comme l’identification d’une personne à l’entreprise (Porter et al., 1974). Neveu (1993) précise à ce sujet que l’attitude comportementale est liée à un processus d’extériorisation alors que l’implication attitudinale est intériorisée par le sujet donc inobservable directement. Cette distinction s’opère également dans la langue anglaise avec l’utilisation de deux termes différents, « commitment » et « involvement ». Selon Meyer et Herscovitch (2001), le premier terme est à rapprocher de l’attitude alors que le second correspond à l’intention d’action.
L’implication comportementale
L’implication comportementale renvoie donc à l’approche cognitive. Selon elle, l’individu définit son lien à l’organisation en fonction des contributions qu’il lui apporte et des rétributions -financières ou symboliques- qu’il perçoit en réponse à sa participation. Cette approche s’appuie entre autres sur la théorie des avantages comparatifs – « side bet theory » – de Becker (1960). Selon cette théorie, le comportement d’un individu évolue en fonction des avantages et des investissements accumulés dans sa situation actuelle. Cette implication est alors le résultat de l’accumulation des investissements antérieurs (sacrifices, temps). La peur de perdre cet investissement constitue la raison pour laquelle il reste fidèle à son organisation (Hrebiniak et Alluto, 1972 ; Meyer et Allen, 1984). Aussi, avant de la quitter, il compare ce qu’il a acquis avec ce qu’il pourrait obtenir ailleurs (Becker, 1960). En ce sens, l’implication est d’abord un facteur déterminant dans l’explication du turnover. Plus tard, cette théorie inspirera le développement d’échelle de mesure (Alutto et al., 1973 ; Meyer et Allen,1991).
L’approche unidimensionnelle de l ‘implication organisationnelle a également été envisagée sous un angle attitudinal.
L’implication attitudinale
La vision attitudinale a d’abord été défendue par Porter et al., (1974). Selon elle, l’implication organisationnelle est un attachement affectif et émotionnel de l’individu envers son organisation. Pour Porter et al., (1974, p 604), une telle attitude est caractérisée par trois facteurs : « une forte identification à l’organisation et l’acceptation des objectifs et valeurs de l’entreprise » ; « la volonté d’exercer un effort considérable au nom de l’organisation » ; « un net désir de rester membre de l’organisation ». Autrement dit, un individu attaché à son organisation lui consacrera son énergie afin de la soutenir dans l’atteinte de ses objectifs. En ce sens, Mowday et al., (1979) conçoivent l’implication organisationnelle comme une relation dynamique entre l’individu et son organisation qui va au-delà de la simple loyauté. La volonté de contribuer à la réussite de celle-ci et le souhait d’y maintenir son appartenance sont les résultats à l’aspect affectif et émotionnel. Cette vision est également partagée par Buchanan (1974) qui conceptualise l’implication organisationnelle sous la forme d’un attachement affectif à ses buts et valeurs et à son succès. En revanche, Wiener (1982, p 421), tout en conservant une vision unidimensionnelle, définit l’implication comme « l’ensemble des pressions normatives internalisées poussant un individu à agir d’une manière congruente avec les objectifs et intérêts de l’organisation ». Cette définition stipule que l’implication émane en partie de facteurs antérieurs à la relation d’emploi puisqu’elle est envisagée sous la forme d’un impératif moral. Comme précédemment, les travaux de Porter et al., (1974) ont permis le développement d’une échelle de mesure OCQ, pour Organizational Commitment Questionnaire. Celle-ci a été critiquée par la suite. Ses qualités psychométriques ont par exemple été remises en cause (Bozeman et Perrewé, 2001). Il est dès lors conseillé de l’utiliser avec précaution et d’épurer certains items (Beck et Wilson, 2000). Ces remarques ont incité d’autres auteurs à proposer une alternative à l’échelle OCQ (Meyer et Allen, 1984 ; O’Reilly et Chatman, 1986). Ces auteurs proposent une approche multidimensionnelle où les visions attitudinale et comportementale de l’implication fonctionnent de façon complémentaire.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : L’IMPLICATION ORGANISATIONNELLE
1.1. L’implication organisationnelle : Fondements conceptuels
1.1.1. L’implication organisationnelle : une myriade de définitions
1.1.1.1. L’approche unidimensionnelle
1.1.1.2. L’implication comportementale
1.1.1.3. L’implication attitudinale
1.1.2. L’approche multidimensionnelle
1.1.2.1. Les premiers modèles multidimensionnels
1.1.2.2. Le modèle de Natalie Allen et John Meyer
1.1.2.3. Les critiques adressées au modèle tri-dimensionnel de Allen et Meyer
1.2. Les antécédents et les conséquences de l’implication organisationnelle
1.2.1. Les antécédents de l’implication organisationnelle
1.2.1.1. Les antécédents individuels
1.2.1.2. Les antécédents liés aux expériences de travail
1.2.2. Les corrélats de l’implication organisationnelle
1.2.2.1. L’engagement dans le poste
1.2.2.2. L’implication dans l’occupation
1.2.2.3. La satisfaction au travail
1.2.3. Les conséquences de l’implication organisationnelle
1.2.3.1. L’intention de quitter et le départ volontaire
1.2.3.2. La performance intra-rôle au travail
1.2.3.3. La performance extra-rôle au travail
1.2.3.4. La santé des salariés et le bien-être au travail
1.3. L’introduction de la dimension temporelle dans l’organisation
1.3.1. Le temps objectif et le temps psychologique
1.3.2. La concentration temporelle
1.3.3. Les profils de concentration temporelle
1.4. La dynamique de l’implication organisationnelle des nouveaux entrants
1.4.1. Le scénario d’intégration 1 : Apprendre à aimer
1.4.2. Le scénario d’intégration 2 : Lune de miel et gueule de bois
1.4.3. Le scénario d’intégration 3 : Forte, moyenne et faible correspondance
1.5. La prise en compte du passé des salariés dans l’implication organisationnelle
1.5.1. La Quondam commitment
1.5.2. L’implication résiduelle
1.5.3. L’implication organisationnelle rétrospective
CHAPITRE 2 : LA MEMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE
2.1. Le fonctionnement de la mémoire
2.1.1. L’encodage-la consolidation et la récupération
2.1.1.1. L’encodage
2.1.1.2. La consolidation
2.1.1.3. La récupération
2.1.2. Les événements émotionnels
2.1.2.1. Le lien entre la mémoire et l’émotion
2.1.2.2. Le Trouble Stress Post-traumatique (TSPT)
2.1.2.3. La régulation des émotions
2.2. Les systèmes de mémoire
2.2.1. La mémoire à court terme et la mémoire de travail
2.2.2. La mémoire à long terme
2.2.2.1. La mémoire déclarative et la mémoire procédurale
2.2.2.2. La mémoire implicite et la mémoire explicite
2.2.2.3. La mémoire perceptive
2.3. Voyage au cœur de la mémoire autobiographique : Les mémoires épisodique et sémantique
2.3.1. La mémoire autobiographique : L’héritage de Tulving
2.3.1.1. La mémoire épisodique
2.3.1.2. La mémoire sémantique
2.3.2. La mémoire autobiographique et le self
2.3.3. La mémoire autobiographique : la conception de Conway
2.3.4. Le modèle MNESIS d’Eustache et Desgranges
2.4. La récupération d’un souvenir autobiographique
2.4.1. La distribution temporelle de la mémoire autobiographique
2.4.2. Le paradigme « Je me souviens/ Je sais »
2.4.3. La perspective acteur/ la perspective d’observateur
2.4.4. Les méthodes d’évaluation de la mémoire autobiographique
2.4.4.1. La méthode des mots-indices
2.4.4.2. Les questionnaires semi-structurés
2.4.4.3. Les fluences verbales autobiographiques et autres méthodes
2.4.4.4. Le modèle MEQ (The Memory Experience Questionnaire)
2.5. La mémoire autobiographique et la mémoire du futur
2.5.1. La mémoire du futur : les contributions des mémoires épisodique et sémantique
2.5.2. La mémoire du futur et les émotions
2.5.3. La mémoire du futur et la motivation
2.5.4. La mémoire du futur et les décisions
2.6. La mémoire autobiographique : À la fois mémoire individuelle et mémoire collective
2.6.1. Les fondateurs de la mémoire collective
2.6.1.1. Les apports de Halbwachs
2.6.1.2. Les apports de Bartlett
2.6.2. Les interactions sociales
2.6.2.1. La cognition sociale
2.6.2.2. La théorie de l’esprit
2.6.3. La mémoire collective-La mémoire partagée
CHAPITRE 3 : LES HYPOTHESES ET LE MODELE DE RECHERCHE ISSUS DE LA REVUE DE LITTERATURE
3.1. L’hypothèse générale : La relation entre les implications organisationnelles rétrospective et actuelle
3.2. Les hypothèses en lien avec l’organisation
3.3. Les hypothèses en lien avec les caractéristiques de la transition d’emploi
3.4. Les hypothèses en lien avec les caractéristiques du souvenir
CONCLUSION