Implication pour la pratique infirmière

The lived experience of persons with lower extremity amputation

L’étude de Liu, F., Williams, R. M., Liu, H.-E. et Chien, N.-H. (2010) est une recherche qualitative phénoménologique. Elle a pour but de décrire et comprendre l’expérience vécue de personnes taïwanaises amputées d’un membre inférieur, durant la phase préopératoire jusqu’à six mois postopératoire. Les auteurs cherchent également à développer des services adaptés et une compréhension holistique de l’expérience vécue.

Cette étude a été menée sous la forme d’interviews semi-structurés qui ont été enregistrés et retranscrits mot pour mot. L’échantillon comprenait 22 personnes. La méthode de Colaizzi a été utilisée afin d’analyser ces entretiens. Quatre thèmes principaux ressortent de l’analyse : « perdu dans les bois sombres » ; « écroulement émotionnel » ; « difficulté à passer à travers l’ombre » et « naissance d’une lueur d’espoir ». Le premier thème décrit la perte de contrôle, la crainte de l’avenir, le désespoir, l’impuissance et l’incertitude que ressentent les patients suite à leur amputation. Le second thème illustre la colère, l’anxiété, la dépression, la crainte, la tristesse et la peine expérimentées durant le processus d’ajustement. Les participants expriment une souffrance infinie et une solitude spirituelle. Leur douleur ne peut être comprise par les autres, ils se sentent ainsi isolés, exclus. Le troisième thème regroupe la difficulté d’adaptation aux changements du corps et de la vie quotidienne, illustrée par la perte d’indépendance qui entraine un lourd fardeau pour les pairs.

Le dernier thème présente la réussite de l’ajustement à l’amputation de certains patients. Ces derniers réévaluent la signification et la valeur de leur vie. Plusieurs personnes perçoivent même des avantages associés à leur amputation. Ils orientent leur futur vers l’indépendance, développent une pensée positive et se créent de nouvelles amitiés avec d’autres personnes amputées. La limite de cette étude est caractérisée par un échantillon numériquement trop faible et homogène, ainsi qu’une période d’observation relativement courte (6 mois).

Amputation in the perception of those who experience it: a study under the phenomenological view.

L’étude de De Oliveira Chini, G. C. et Roseira Boemer, M. (2007) est une recherche qualitative phénoménologique. L’objectif est de découvrir certaines facettes du phénomène d’amputation par des personnes l’ayant vécue. Les auteurs veulent comprendre les émotions, les sentiments, les perceptions et l’expérience des êtres humains soumis à l’amputation. Les données sont récoltées au travers d’interviews sous forme d’entretiens individuels entre janvier et mai 2005 avec 13 patients adultes hospitalisés en chirurgie à l’hôpital Ribeirao Preto au Brésil de la phase préopératoire à la sortie.

Les interviews sont enregistrés ou retranscrits. Les auteurs s’appuient sur la pensée philosophique de Merleau-Ponty qui étudie la perception, le corps et l’existence afin d’analyser les résultats. Six catégories émergent. La première « vivre la période préopératoire comme une tentative de garder les Amandine Cuerel, Gaëlle Dutoit, Magali Rochat / Soins infirmiers / 2015. apparences » décrit le désespoir relié à la perte, le fait de cacher la douleur à la famille pour les protéger de la souffrance, l’angoisse, la peur et la tristesse face à l’opération.

La perte d’un membre entraine une série de changements dans l’existence, comme assumer une nouvelle perspective du monde, s’adapter et se réadapter. La seconde catégorie « l’expérience se propage à travers un dualisme : la logique et l’expérience » explique les sentiments divergents que peuvent exprimer les patients face à leur amputation. La raison visualise l’opération comme nécessaire tandis que l’émotion n’accepte pas la perte. La raison considère l’opération comme une diminution de la douleur et le maintien de la vie alors que l’émotion la considère comme une mutilation et des changements importants de vie.

La troisième catégorie : « la dépendance comme existence marquée par la souffrance quotidienne » démontre que le fait de devenir dépendant entraine de la peur, du chagrin, de l’insécurité, un sentiment d’infériorité et une faible estime de soi. Ce phénomène peut également être une source de pitié, de compassion ou d’efforts pour les pairs. Il est important que les professionnels de la santé stimulent les patients dans leur autonomie. La quatrième catégorie : « la difficulté de vivre dans le monde hospitalier », explique que les patients voient leur hospitalisation comme effrayante et inhumaine. Le manque d’information, le sentiment de vulnérabilité face aux soignants et le manque de contact humain sont explicités par plusieurs patients.

La cinquième catégorie : « la douleur fantôme comme une extension de son propre corps », décrit la douleur comme une manière d’être, de rester complet, d’être ouvert aux actions du monde, de se sentir complet et d’avoir des projets. Des mécanismes physiologiques et psychologiques entrent en jeu dans la douleur fantôme et sont un moyen de refuser la mutilation. Enfin, la dernière catégorie : « la prothèse comme une manière de continuer à vivre pleinement dans le monde », décrit la prothèse comme un moyen d’améliorer l’estime de soi, de minimiser les aspects négatifs de l’amputation, de refaire des activités et d’avoir une vie normale.

Certains aspects négatifs sont aussiénoncés, par exemple, la souffrance physique qu’elle entraine et la difficulté à la maîtriser. La prothèse devient une part propre du corps et un rêve à atteindre. Les auteurs soulignent que l’équipe interdisciplinaire pourrait aider les patients à créer des projets de vie, à rester ouvert au monde et aux choses. Les limites de l’étude ne sont pas nommées.

La souffrance

La première catégorie, deuil du membre amputé, n’est pas citée telle quelle, mais ses différents éléments sont souvent explicités dans les études. Selon Kübler-Ross (1969), le deuil se divise en cinq étapes successives : le déni, qui essaie de compenser le choc de la perte (ici : du membre amputé), est un mécanisme de défense de la personne qui n’arrive pas à gérer cette situation ; ensuite, la colère entre en jeu. La personne ressent de l’injustice et peut dévier cette colère sur une personne désignée comme responsable de la perte ; puis le marchandage fait surface, sorte de négociation de la perte et de tentative pour trouver les moyens d’inverser cette situation, de la compenser et de reprendre le contrôle ; puis, arrive le stade de la dépression qui représente le désespoir et la tristesse. La personne accepte la perte mais n’est pas capable d’y faire face.

Certaines s’arrêtent à ce stade ; enfin, l’étape de l’acceptation, où la personne endeuillée accepte la réalité, commence à entrevoir et à croire en elle-même. C’est la dernière étape du deuil.La perte d’indépendance est incluse dans le processus de deuil. C’est un deuil, mais qui peut être réversible. Liu et al. (2010) décrivent la perte de contrôle que peut expérimenter le patient après son amputation, ainsi que le désespoir qu’il peut ressentir. Ils citent également la perte de fonction et d’intégrité qui seraient liés à la perte d’indépendance. La non-acceptation de la situation, la colère et la perte d’indépendance sont nommées par l’étude de Senra et al. (2011).

Le sentiment de résignation de la perte est abordé par les recherches de Sjödahl et al. (2004) ainsi que la dépendance aux autres. Seule l’étude de Ligthelm et Wright (2013) nomme clairement le déni, la dépression et l’acceptation comme réactions initiales post-amputation. Ils soulignent le fait que le processus d’acceptation est long et ne débute que lors de la prise de conscience de l’amputation.La seconde catégorie abordée est celle de la culpabilité que le patient amputé peut ressentir envers sa famille. Liu et al. (2010) explique que la situation d’amputation d’un individu est un lourd fardeau pour les proches aidants. Cette affirmation est soutenue par Rybarczyk et al. (2004) qui la relie à l’incapacité de s’occuper de ses proches et à la peur de devenir un fardeau. La culpabilité est aussi abordée sous l’angle du regret de ne pas avoir amélioré les habitudes de vie dans le passé (non compliance médicamenteuse par exemple) et de l’ambivalence entre le désir que la famille s’occupe de la personne et la peur de déranger.

La troisième catégorie, la baisse de l’estime de soi est citée avec la perte d’indépendance et les changements de vie post-amputation. D’après Liu et al. (2010), les demandes d’aide accrues mènent à une grande frustration et à la diminution de l’estime de soi. Ligthelm et Wright (2013) et Sjödahl et al.(2004) soutiennent également que la diminution de l’estime de soi est liée à la baisse d’autonomie et à la perte de fonction. Ce constat est décrit plutôt comme un sentiment d’infériorité selon Senra et al. (2011) et De Oliveira Chini et Roseira Boemer (2007). La quatrième catégorie, l’image corporelle, va généralement de pair avec le concept d’image de soi et celui du changement d’identité selon les textes étudiés. Rybarczyk et al. (2004) et Sjödahl et al. (2004) soutiennent que l’image corporelle est souvent perturbée et perçue négativement, engendrant le besoin de cacher le membre amputé, un évitement de la vision de la totalité du corps ou encore un retrait social.

Dans le même sens, El Sebaee et Mohamed (2011) décrivent les stresseurs reliés à l’image corporelle.Ces stresseurs sont la peur de perdre une partie de son corps, la peur d’être défiguré et le sentiment d’avoir un corps incomplet. Ils expliquent aussi que l’altération de l’image corporelle interfère avec l’intimité et peut créer une perturbation dans l’estime de soi. Une seule personne ne présente pas de perturbation de l’image corporelle Rybarczyk et al. (2004) . Senra et al. (2011) expliquent le changement d’identité qu’éprouve la personne au-delà de son image corporelle et la reconnaissance ou non de soimême comme personne amputée. Ligthelm et Wright (2013) soulignent la réponse extérieure du handicap visible, soit le regard appuyé des autres et la sensation d’être comparé à une personne déficiente mentale. En conclusion, Rybarczyk et al. (2004) suggèrent que les perceptions propres négatives face à l’image corporelle sont associées à une qualité de vie réduite chez les personnes amputées, selon des études faites ultérieurement.

Implication pour la pratique infirmière

Après analyse des huit études sélectionnées, plusieurs pistes d’interventions infirmière à mettre en place avec les patients ayant vécu une amputation apparaissent. Les éléments développés dans cette partie font uniquement référence aux études travaillées et n’englobent pas d’opinions et propositions personnelles. Celles-ci sont développées dans la rubrique «propositions personnelles».

Les interventions ne sont souvent pas directement liées à l’acceptation de l’image corporelle du patient, mais contribuent à l’améliorer en agissant sur les facteurs stressants de l’amputation, tels les facteurs environnementaux, psychologiques, physiques et sociaux (perte d’emploi, perte du rôle de chef de famille, etc.). En effet, selon Jacobsen (1998, cité dans El Sebaee & Mohamed, 2011), l’image corporelle est en étroite relation avec la vie sociale. Ainsi, perdre un membre change dramatiquement l’image corporelle de la personne, qui peut elle aussi engendrer une perte d’acceptation sociale.

D’après Wald (2004, cité dans El Sebaee & Mohamed, 2011), les patients amputés se considèrent alors comme inaptes pour la société et celle-ci les voit comme des individus stigmatisés. La raison est que l’image corporelle n’apporte pas seulement un sens de soi, mais affecte aussi la manière dont nous pensons, réagissons, entrons en relation avec les autres.Le manque d’information relatif au programme de réadaptation est relevé par Liu et al. (2010) ainsi que par De Oliveira Chini et Roseira Boemer (2007) comme un agent stressant du processus d’amputation, sur lequel le personnel soignant peut agir. Effectivement, les patients semblent parfois mal informés quand à la durée, aux objectifs et à l’organisation du programme de réadaptation, ce qui engendre un stress et une préoccupation supplémentaire pour le patient qui apprend à gérer sa nouvelle situation.Dans la même idée, Rybarczyk et al. (2004) ; Senra et al. (2011) soulignent l’importance de la mise en place d’un suivi psychothérapeutique pour le patient durant son séjour hospitalier, puis en réadaptation. Apparemment, ce suivi est loin d’être systématique et constitue une véritable lacune dans les programmes de réadaptation rencontrés au cours de leurs recherches. Un psychologue ou psychiatre pourrait suivre le patient dans le processus d’amputation, qui constitue une perte et un deuil pour tous les patients. En outre, Ligthelm et Wright (2013) ; Liu et al. (2010) insistent sur la nécessité pour le patient de la mise en place d’un soutien émotionnel par le personnel soignant. Liu et al. (2010) expliquent également que les professionnels doivent faire preuve d’empathie et d’écoute active auprès de ces patients. De Oliveira Chini et Roseira Boemer (2007) ; Senra et al. (2011) se penchent sur le manque de connaissances du personnel quant à l’expérience de l’amputation vécue par le patient.

Il est compréhensible que les infirmières ne soient pas toutes au courant des phases difficiles par lesquelles passent les patients amputés, car elles ne les suivent que sur une période courte. Ainsi, il serait judicieux d’informer le personnel sur les phases du deuil du membre amputé. La possibilité d’apparition de troubles psychologiques (baisse de l’estime de soi, repliement sur soi, apparition de douleur fantôme, de problèmes financiers et de perte du rôle, etc.) afin que le patient se sente soutenu et compris dans sa peine.

Dans un autre registre, plusieurs auteurs s’accordent et proposent de développer des interventions centrées sur le positif et non pas uniquement sur les agents stressants de l’amputation. Par exemple, El Sebaee et Mohamed (2011) ; Liu et al. (2010) conseillent le développement et/ou la création de groupes d’entraide pour les personnes amputées. Ces groupes constituent un lieu de réunion et de partage entre des pairs ayant tous vécu une amputation. Les individus anciennement amputés font part de leur expérience et dispensent du soutien et des conseils aux personnes amputées récemment.

D’autre part, l’importance de favoriser les mécanismes de coping positif et actif est relevée par les auteurs ci-dessous. Tout d’abord, il est indispensable d’aider le patient à identifier les agents stressants liés au processus d’amputation qu’il traverse, au moyen d’un protocole infirmier sur la gestion de ces stresseurs, pour permettre l’ajustement à la nouvelle situation (El Sebaee & Mohamed, 2011). Ensuite,les soignants et le patient tentent d’agir ensemble sur ces stresseurs (p.ex. la perte d’un emploi ou desproblèmes financiers).

De plus, les professionnels devraient aider les individus qui possèdent une personnalité adaptative (optimisme, efficacité personnelle) à se centrer sur ces caractéristiques lors de leur expérience d’amputation, afin de faciliter le processus de croissance et de développement psychologique. Les soignants devraient également être capables d’aider ceux qui ne possèdent pas une telle personnalité en les encourageant à interpréter la situation d’une manière qui n’exacerbe pas leurs problèmes. En résumé, il faudrait se centrer sur les forces psychologiques du patient.

L’acceptation apparaît lorsqu’une personne parvient à gérer une situation de vie difficile et en tire un constat positif. Par exemple d’après Dunn et Rybarczyk (1996, 2001 cité dans Oaksford et al., 2005), la personne a une attitude différente face à la vie, a amélioré ses capacités de coping, possède un faible niveau de dépression et a rencontré de nouvelles personnes. Des patients ont aussi reporté avoir moins de douleur, un meilleur fonctionnement social et moins de problèmes de santé suite à leur amputation (Senra & al., 2011).

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. PROBLEMATIQUE
Concept d’amputation
L’image corporelle
Cadre conceptuel de Callista Roy
3. METHODE
Base de données
Mots clés et descripteurs
Critères d’inclusions et d’exclusion
Autres approche utilisée
4. RESULTATS
Tableau des résultats
Résumé des articles scientifiques
Synthèse des résultats
5. DISCUSSION
Perspective entre les résultats et le cadre de référence
Perspective avec la recension des écrits de la problématique
Limites et caractère généralisable des résultats
Implication pour la pratique infirmière
Propositions personnelles
6. CONCLUSION
7. LISTE DE REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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