Capture des poissons
Dans le fleuve Saint-Laurent, des observateurs ont suivi les activités de pêche commerciale pratiquées au printemps (du 1er avril au 14 juin) dans le secteur de Lavaltrie et Contrecoeur (Figure 1.1 a). Afin de conserver les captures accidentelles de chevaliers cuivrés adultes, les levées quotidiennes des verveux (5 cerceaux de 0,76 m de diamètre espacés de 0,64 m ; guideau: 9,8 m; ailes: 3,7 m; mailles étirées: 50 mm ; longueur de la tuque: 0,66 m) étaient examinées. Un maximum de 44 verveux ont été tendus simultanément à moins de deux mètres de profondeur au pourtour des îles et sur les hauts-fonds. Au cours de cette période de pêche commerciale autorisée, cinq chevaliers cuivrés adultes ont été capturés à deux stations différentes (Figure l.la). Ces captures étant insuffisantes, 15 chevaliers cuivrés ont également été capturés lors de pêches scientifiques réalisées dans le cadre d ‘ un programme de reproduction artificielle dans la ri vière Richelieu à Saint-Ours. Une courte section de filet maillant flottant (longueur: 10 m ; hauteur: 2 m ; mailles étirées: 130 mm) a été tendue dans le bassin aval de la passe migratoire Vianney-Legendre entre le 28 mai et le 17 juin 2004 (Figure l.1 b). Au cours de l’ étude, la longueur totale (LT, mm), le poids (g), le sexe et le stade de maturité sexuelle (Nikolsky 1963) ont été notés pour tous les chevaliers cuivrés capturés. Le sexe et le stade de maturité sexuelle ont été déterminés par l’expulsion des produits sexuels et par la présence chez le mâle ou l’ absence chez la femelle de tubercules nuptiaux sur le museau et sur les nageoires anale et caudale.
Marquage et suivi télémétrique
Les chevaliers cuivrés capturés ont d’ abord été transférés dans un bassin de rétention oxygéné. Deux techniques ont été utilisées pour les munir d ‘ un émetteur: l’ insertion interne dans la cavité abdominale et la fixation externe operculaire. L ‘ insertion interne a été pratiquée en utilisant la méthode de Ross et Kleiner (1982) : l’ émetteur était positionné au-dessus de la ceinture pelvienne et l’antenne ressortait par un orifice différent de celui de l’ incision situé entre la ceinture pelvienne et l’ anus. L ‘ insertion interne a été réalisée selon des techniques de chirurgie connues (Summerfelt et Smith 1990): 1- anesthésie par balnéation (5-7 min., solution d ‘ huile de clou de girofle de 100 mg-r’; Peake 1998), 2- retrait des écailles (environ huit) au site d’incision, 3- désinfection des instruments, du site d’incision et de l’ émetteur (chlorexidine 0,5 %), 4- perforation d’un orifice (aiguille de 2 mm de diamètre) pour le passage d’ un cathéter (Sovereign en plastique 56 cm) et de l’ antenne, 5- incision sur la ligne médio-ventrale (3 cm), 6- fermeture de l’ incision (3-4 points de suture interrompus simples, Ethicon, monofilament non résorbables 2-0, aiguille tranchante CP-l, 1/2), 7- application de colle chirurgicale (3M Vetbond) et 8- injection d’ antibiotique (oxytétracycline, 55 mg·kg-I ) pour prévenir les risques d’ infection.
La fixation externe consistait à attacher l’ émetteur sur l’ opercule du poisson à l’ aide d ‘ un fil en acier inoxydable de 1 mm de diamètre en forme de «U». Les trous dans l’émetteur nécessaires à la fixation externe ont été modifiés par le fournisseur (Lotek Wireless Inc.) : le premier était situé à proximité de l’ antenne radio et le second au centre de l’ émetteur. Deux trous de 1,5 mm de diamètre distants de 25 mm ont été perforés sur l’opercule à l’aide d’une perceuse équipée d’une mèche en acier inoxydable et d’un guide en plastique couvrant les deux côtés de l’ opercule. La mèche était munie d’un bloqueur afin d’éviter des dommages aux branchies. Après la pose de l’ émetteur, les poissons ont été placés en observation dans le bassin d’ eau oxygénée. Ils ont récupéré de l’ anesthésie à l’ intérieur d’ une période de 3 à 12 minutes. Le temps moyen des manipulations a été de 2,5 ± 1,0 minutes (étendue: 1-5 minutes, n = 16) pour la fixation externe et de 9 ± 2,7 minutes (étendue: 7-13 minutes, n = 4) pour l’ insertion interne. Le ratio poids de l ‘émetteur : poids du poisson variait entre 0,37 et 0,62. Après le marquage, tous les poissons ont récupéré rapidement (externe 8,4 ± 1,8 minutes, étendue: 5-11 minutes; interne 7,8 ± 1,5 minutes, étendue: 7-10 minutes) : ils ont parfaitement maintenu leur équilibre et ont nagé activement dans le bassin de rétention avant leur remise à l’eau. Les poissons marqués ont été remis à l’ eau après une période d’observation de 12 à 101 minutes. Les spécimens capturés dans le fleuve Saint-Laurent ont été remis à l’ eau au site de capture et ceux capturés dans la passe migratoire ont été relâchés en amont du barrage de Saint-Ours afin qu ‘ ils puissent poursuivre leur migration vers la frayère de Chambly. Les opérations de marquage ont été réalisées à des températures de l’eau inférieures à 20 Oc.
Les 20 chevaliers cuivrés adultes ont été munis d’ émetteurs codés de type combiné statique radio-acoustique (Lotek Wireless Inc. ; modèle CART 14-1 ; 55 x 14 mm ; 22 g dans l’ air ; cycle de programmation 16 heures activé Gour) / huit heures interrompu (nuit) ; intervalle d’ émission de 2,5 secondes; 181 jours de longévité; cinq fréquences radio : 150,240 à 150,320 MHZ; deux fréquences acoustiques: 66 et 77 kHz). Les ondes radio et ultrasoniques étaient émises en alternance. L’ interruption d’émission de signaux pendant la nuit, pendant qu’ aucun suivi n’ était effectué, a servi à prolonger la durée des piles. Le modèle d’émetteurs de type radio-acoustique sélectionné est généralement utilisé dans des milieux caractérisés par une grande variabilité des conditions physico-chimiques qui risquent de nuire à la transmission des signaux lorsque le poisson se déplace dans un type d’habitat défavorable aux ondes radio ou ultrasoniques (Winter 1996). Ce type d’émetteur a été retenu en raison de la présence des deux masses d’eau distinctes et de la grande variété d’ habitats rencontrés à l’ intérieur de la zone d’ étude (e.g., rapides à courant fort et turbulent, habitat \entique peu profond à forte densité de végétation, habitat lotique profond, lac fluviaux, archipels).
Le suivi télémétrique a été réalisé dans l’ aire d’ étude en embarcation et en aéronef. Le repérage en embarcation a été effectué de jour par deux équipes de suivi, de cinq à sept fois par semaine, du 27 avril au 26 novembre 2004. Dans les tributaires, le repérage a été effectué en suivant un transect parallèle à la rive, au centre du cours d’ eau. Dans le fleuve, les transects parallèles à la rive étaient espacés de 1,2 km. Le repérage a été effectué en mode radio dans les secteurs peu profonds et en mode sonique dans les fosses et les chenaux plus profonds. Les poissons ont été localisés en utilisant la méthode du homing (White et Garrot 1990, Samuel et Fueller 1994) à l’ aide d’un récepteur SRX-400 (Lotek Wireless, Inc.). En mode radio, le récepteur était relié à une antenne Yagi 4 éléments fixée sur un mat de 3,7 m. En mode sonique, il était relié à un hydrophone directionnel (Lotek Wireless lnc., modèle HPA-D-2) fixé sur un tube d’ acier de 3, 1 m. Afin de retrouver les spécimens dont le signal était perdu, cinq sessions de repérage en aéronef ont été effectuées entre le 6 juillet et le 16 novembre à l’ aide de deux antennes H fixées sur l’aéronef. À chacune des localisations, les coordonnées géographiques ont été déterminées à l’ aide d’un appareil GPS. En moyenne, chaque spécimen a été localisé 2,3 fois par semaine au cours de l’ étude.
Analyse des données de télémétrie
Toutes les localisations télémétriques ont été consignées sur une carte en format numérique (échelle 1 : 20 000). Puisque la majorité (14 sur 16) des émetteurs externes operculaires sont tombés avant la fin du suivi télémétrique, les localisations de chaque poisson ont été examinées individuellement afin de ne retenir que celles valides. Les localisations invalides étaient déterminées lorsque le mouvement du poisson ne pouvait plus être détecté, c’est-à-dire que la distance entre les localisations consécutives était inférieure à l’erreur moyenne des observateurs. Au total, 132 localisations ont été retranchées de l’ analyse. Pour l’analyse des déplacements, nous avons considéré cinq périodes de temps qui correspondent à la biologie du chevalier cuivré (Mongeau et al. 1986, 1992) et à des changements de comportements induits par les changements saisonniers dans l’ habitat (Harris et al. 1990): 1- la période printanière pré-fraye (du début du suivi télémétrique le 27 avril 2004 jusqu’ au début de la migration de fraye), 2- les migrations pré-fraye et post-fraye (variables selon les individus), 3- la fraye (du 14 juin au 2 juillet 2004, soit l’ intervalle de temps entre la présence du premier et du dernier individu sur les frayères de Saint-Ours et de Chambly) (Tyus et Karp 1990),4- la période estivale (de la fin de la migration post-fraye jusqu’ au 30 septembre 2004) et 5- la période automnale (du 1er octobre jusqu’ à la fin du suivi télémétrique le 26 novembre 2004).
Au cours de l’étude, un déplacement a été simplement définit comme étant le mouvement d’ un poisson, de petite ou de grande ampleur, d’ un lieu à un autre. Les migrations ont été considérées comme des déplacements de grande ampleur effectués sur de courtes périodes de temps entre deux habitats essentiels pour compéter le cycle vital. Pour chaque poisson, les distances minimales parcourues entre deux localisations ont été calculées à l’ aide des logiciels Arc View 3.2 et Arc GIS 9, ainsi que des extensions Animal Movement Analysis (AMAE, version 2.0, Hooge et Eichenlaub 2000) et Spatial Analyst (Environmental Systems Research lnstitute Inc. 2004). Les taux de déplacement (distance entre deux localisations consécutives divisée par l’ intervalle de temps) ont été compilés par période du cycle vital, ce qui permettait de standardiser les données de déplacement. En raison des importantes variations interindividuelles, la période de temps utilisée pour calculer les taux de déplacement correspondait aux cinq périodes du cycle vital telles que définit précédemment plutôt qu ‘ en fonction d’une échelle temporelle absolue (e.g. semaine, mois). Les enregistrements de la station fixe à Saint-Ours ont été utilisés pour calculer les temps de résidence des chevaliers cuivrés présents sur la frayère située en aval du barrage pendant la période de reproduction.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE PREMIER DÉPLACEMENTS ET DOMAINES VITAUX DES CHEVALIERS CUIVRÉS ADULTES DANS LE SYSTÈME DU FLEUVE SAINT-LAURENT
RÉSUMÉ
1.1 Introduction
1.2 Aire d’étude
1.3 Matériel et méthodes
1.3.1 Capture des poissons
1.3.2 Marquage et suivi télémétrique
1.3.3 Analyse des données de télémétrie
1.3.4 Analyses statistiques
1.4 Résultats
1.4.1 Capture, marquage et suivi télémétrique
1.4.2 Déplacements
1.4.3 Domaines vitaux
1.5 Discussion
1.5.1 Stress de marquage et considérations méthodologiques sur le choix de la méthode de marquage
1.5.2 Aire de répartition
1.5.3 Déplacements
1.5.4 Implication pour la conservation du chevalier cuivré
1.6 Conclusion
CHAPITRE 2 SÉLECTION ET CARACTÉRISATION DES HABITATS ESTIVAUX DES CHEV ALlERS CUIVRÉS ADULTES DANS LE SYSTÈME DU FLEUVE SAINTLAURENT
RÉSUMÉ
2.1 Introduction
2.2 Aire d’étude
2.3 Matériel et méthodes
2.3 .1 Marquage et suivi télémétrique
2.3.2 Disponibilité et utilisation de l’ habitat.
2.3.3 Analyses statistiques et modèle de régression logistique
2.4 Résultats
2.5 Discussion
2.5.1 Implications d’ aménagement
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES
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