Les difficultés rencontrées sur le terrain
La première difficulté que nous avons rencontrée sur place est la non compréhension de la langue. La population est majoritairement malinké et ne parle que cette langue, donc nous étions obligés de rémunérer quelques jeunes du terroir qui sont élèves au CEM pour qu’ils nous servent de traducteurs. Nous devions également faire face à la méfiance de certains habitants du terroir qui s’opposaient aux entretiens. Il y a aussi la mobilité des femmes qui vont tous les jours aux champs du matin au soir. Ceci nous a emmené à faire les enquêtes la nuit puisqu’après la descente des champs, elles prennent leur temps pour se reposer et prendre le dîner. Nous tenons aussi à signaler que le nombre restreint de placettes posées dans différents endroits de la brousse est dû au manque de temps de l’agent des Eaux et Forêt qui était chargé d’identifier les espèces pour nous, de l’accès difficile à la brousse, touffue en saison pluviale, avec les dangers que cela comporte (animaux sauvages).
DISCUSSION DES CONCEPTS
Tout au long de cette étude, nous serons emmenés à employer des termes. Donc nous avons jugé nécessaire de les expliquer afin de faciliter la compréhension du contexte dans lequel ils sont utilisés dans ce mémoire.
Terroir / Zone rurale : Le terroir est comme le dit Yves LACOSTE (2003), « le finage d’une commune ou l’étendue de terre dont dispose une communauté villageoise ». Le terme est surtout utilisé pour désigner la campagne où les résidents vivent des produits de la terre à savoir l’agriculture, les ressources végétales, l’élevage.
Transformation : La transformation est un processus qui comporte plusieurs étapes d’où résulte un produit final prêt à être consommé. C’est un mécanisme qui sert à conserver certains aliments périssables ou bien dans d’autres cas comme le karité, la transformation est le seul moyen qui permette d’extraire le beurre tant convoité par la population.
Cueillette/Collecte : La cueillette ou la collecte est le fait de cueillir de prélever quelque chose. Le terme collecte ou ramassage est couramment utilisé dans ce mémoire pour désigner en quelque sorte la tâche que font les femmes pour avoir les noix de karité. La cueillette a été longtemps exercée par l’humanité et constitue une activité de survie. Ce sont surtout les populations rurales qui s’y adonnent afin d’assurer une certaine complémentarité vis-à-vis de la production agricole.
Commercialisation
C’est le fait de soumettre un produit à la vente afin d’en tirer des revenus. Elle se fait dans les lieux de production à Saraya ou bien dans des localités riveraines comme Kédougou, Tambacounda. La commercialisation du beurre de karité génère des revenus additifs aux ménages ruraux.
Revenu : Le gain perçu lors de la commercialisation d’un produit peut être défini comme le revenu d’une activité. La vente peut générer des revenus que les populations utilisent pour régler certains besoins afin de sortir de la précarité.
Valorisation : La valorisation est le fait de donner à un produit plus de valeur, plus d’importance. Lorsqu’un produit est valorisé, il acquiert plus de valeur, donc il est susceptible de générer beaucoup plus de revenus, ce qui nous emmène dans ce mémoire à étudier des perspectives de valorisation de la ressource à travers l’amélioration de la qualité du produit, la multiplication de l’espèce afin d’assurer un accroissement du potentiel de production disponible. Il y a également l’organisation de la filière qui se révèle nécessaire.
Filière : Ce terme désigne « un ensemble de stades successifs de production et d’élaboration d’un produit industriel ou d’origine agricole » (Yves LACOSTE, 2003). La filière d’un produit comme le karité comporte tout un processus allant de la production, à la transformation, passant par la commercialisation jusqu’à la consommation. Elle met en relation plusieurs acteurs à savoir les producteurs, les commerçants et les consommateurs.
Les difficultés liées à la collecte des noix
Pour effectuer le ramassage des noix dans la brousse, les femmes sont obligées d’emprunter des pistes parfois impraticables à cause des eaux pluviales, de parcourir des kilomètres à pied, à l’aller comme au retour. Des distances assez importantes qui sont pénibles pour les femmes surtout au moment du retour avec la bassine pleine de noix fraîches sur la tête. Selon une étude de l’UICN en 2005, 72% des exploitants déclarent n’utiliser aucun moyen de transport pour se rendre dans les lieux de cueillette, cet état se reflète à Saraya où toutes les transformatrices interrogées se rendent en brousse à pied. En brousse elles sont contraintes de faire très attention en cherchant les noix sous les feuilles parce qu’elles pourraient courir le risque d’être mordues par les serpents ou les scorpions. En fait les serpents sont attirés par l’odeur caractéristique du fruit du Vitellaria paradoxa. Parmi les contraintes on peut également signaler les piqûres d’insectes qui sont dangereuses surtout la mouche tsé tsé qui est le vecteur de la maladie du sommeil, les animaux sauvages qui entravent la route (par exemple le phacochère, les porcs-épics), les épines crochues qui peuvent faire très mal et les hautes herbes qui ralentissent la marche. Mues par le besoin de chercher le maximum de noix possible, les femmes s’enfoncent de plus en plus dans la brousse et sont confrontées à la soif. Ces femmes courent également le risque de voir leur production en baisse, car selon elles les éleveurs coupent les branches des arbres à karité pour le fourrage du bétail. L’ébranchage est nuisible pour l’arbre parce que les fruits sont sur les branches et une telle action signifie la perte de noix destinées au beurre de karité.
Solutions envisageables pour l’amélioration des conditions de travail
Pour que l’activité de transformation du karité puisse se dérouler dans de bonnes conditions, il est nécessaire de préconiser des solutions. Car sans ces dernières, les difficultés seront des freins au développement de cette activité qui mérite d’être valorisée. Par rapport aux difficultés liées au ramassage des noix, d’abord les femmes doivent avoir un équipement. Cet équipement serait capable de les protéger contre les blessures dues aux épines, les morsures de serpents et de scorpions, les piqûres de la mouche tsétsé. Il devrait être constitué de bottes, de gants, de toiles pour se protéger de la pluie. Les hommes pourraient les aider en désherbant là où règnent les hautes herbes. Ils peuvent également transporter les noix à la place des femmes avec un vélo. Les femmes ont exprimé le besoin d’avoir des charrettes et des voitures afin de transporter le produit ramassé de la brousse au village. Cependant il se pose un problème car plus on s’enfonce dans la brousse, plus le chemin est tortueux avec les ravins qui seront impraticables avec des moyens de transport pareils à ceux cités plus haut. L’idéal serait que les femmes ramassent les noix, les mettent dans des sacs et les déposent en bordure des pistes, ainsi les hommes pourraient les récupérer plus tard avec des vélos. L’autre solution concerne l’étape de l’ébouillantage et le séchage. Les grandes marmites leur permettraient d’économiser du temps. Avec les petites marmites (celles qui servent généralement d’ustensiles de cuisine) elles sont obligées de bouillir les noix par petites quantités alors qu’avec les grandes marmites elles n’auront pas à faire tout ce manège. Après l’ébouillantage, les noix doivent être étendues sur des bâches ainsi elles éviteraient le contact avec le sol. Enfin la construction d’un grand hangar est envisageable pour stocker les noix. Les noix bien stockées seront à l’abri de l’humidité, des insectes et rongeurs. Les autres étapes nécessitent une mécanisation à cause de leur pénibilité. Des machines comme les concasseurs, les torréfacteurs, les presses à huile devraient être mises à la disposition des femmes pour faciliter leur travail et accroître les rendements. La modernisation des outils de travail des femmes est primordiale afin de réduire la pénibilité du processus de transformation traditionnel. Cette modernisation ne pourrait se faire qu’avec l’aide du gouvernement sénégalais car les machines coûtent chers et nécessitent un réel entretien. Un torréfacteur coûte en moyenne 200.000 Fcfa et une presse à huile 1.000.000 Fcfa, les femmes sont incapables de s’en procurer sans apport extérieur. Les femmes sont les seules actrices, les hommes sont absents de toutes les étapes de l’activité. Sur les 60 femmes interrogées, 70% désirent voir les hommes s’activer dans l’activité. Cependant le reste s’y oppose puisque la tradition le veut ainsi : les hommes n’ont pas le droit de transformer le karité, c’est une tâche réservée uniquement aux femmes et il doit en être ainsi. Cependant une sensibilisation pourrait inciter les hommes à s’y impliquer en assurant par exemple le transport du produit ramassé et la commercialisation du beurre à Saraya ou vers d’autres localités du pays. Il est vrai que les femmes ont besoin de soutien mais elles doivent également réévaluer la signification du mot ’’GROUPEMENT’’. L’institution des femmes en GPK avait pour but essentiel de regrouper les transformatrices de karité au sein d’une entité afin de réduire le caractère individuel de l’activité. Un travail de groupe serait bénéfique avec l’accroissement des rendements et la réduction du temps de travail. Au sein de chaque GPK, il devrait y avoir une répartition des femmes en trois sous-groupes : le premier groupe se charge de la collecte des noix, le second de l’ébouillantage, du séchage et du concassage ensuite le troisième groupe s’attèle à l’extraction du beurre. Étant donné que la production du karité se fait sur une durée de 4 mois maximum, les trois groupes pourraient se relayer les différentes tâches chacun assumant la sienne en un mois. Elles pourraient également ramasser les noix ensemble, les faire bouillir et les sécher ensemble, les stocker et attendre la saison sèche pour tout transformer. Le report de la transformation des amandes en beurre de karité à la saison sèche leur laisserait beaucoup plus de temps, vu que les travaux champêtres leur prennent du temps en hivernage. Après l’extraction du beurre, un groupe pourrait se charger de la vente, en se déplaçant vers l’intérieur du pays pour écouler le produit. Ainsi les revenus seraient plus consistants.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1. Problématique
2. Méthodologie
2.1. La revue documentaire
2.2. Le travail de terrain
2.2.1. Les enquêtes socio-économiques
2.2.1.1 Enquêtes ménages
2.2.1.2. Enquêtes transformatrices
2.2.2. Entretiens
2.2.3. Réalisation et choix des placettes
2.2.4. Les difficultés rencontrées sur le terrain
2.2.5. Le calendrier de travail de terrain
2.3. Le traitement des données
3. Discussion des concepts
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION GENERALE DE LA ZONE D’ETUDE
CHAPITRE I : LE MILIEU PHYSIQUE DU VITELLARIA PARADOXA
1. Le climat
1.1. Les vents
1.2. . Les températures
1.3 La variation inter annuelle des précipitations
2. La géomorphologie
3. Sols et Végétation
3.1. Les types de sols
3.2. La végétation
3.2.1. La présentation de l’arbre à karité Vitellaria paradoxa
3.2.1.1. Situation du Vitellaria paradoxa
3.2.1.2. Description du Vitellaria paradoxa
3.2.1.3. Utilisation du Vitellaria paradoxa
3.2.2. Le foncier de l’arbre : l’accès au Vitellaria paradoxa à Saraya
3.2.3. Estimation du potentiel d’arbres à l’hectare exploité par les femmes transformatrices du beurre de karité à Saraya
4. La faune
Conclusion partielle
CHAPITRE II : LE MILIEU HUMAIN
1. Historique du peuplement
2. Situation démographique de la population de Saraya
3. Éducation/Santé
3.1. Éducation
3.2. Santé
4. Les activités socio-économiques
4.1. L’agriculture
4.2. L’élevage
4.3. Le petit commerce
4.4. L’exploitation des ressources forestières
Conclusion partielle
DEUXIEME PARTIE : L’ACTIVITE DE TRANSFORMATION DU KARITE
CHAPITRE III : IMPLICATION DES ACTEURS INTERVENANT DANS LA TRANSFORMATION DU KARITE
1. L’intervention du PROMER dans la filière karité
1.1 Présentation du PROMER
1.2. L’intervention du projet dans la filière karité
1.2.1. Les appuis techniques
1.2.2. Les appuis commerciaux
2. Les groupements des femmes productrices de karité à Saraya appuyés par le PROMER
2.1. Genèse des GPK
2.2. Implication dans la transformation du karité et dans les autres activités
2.2.1. Répartition des transformatrices selon l’âge
2.2.2. Niveau de scolarisation des femmes
2.2.3 Répartition selon la durée dans la transformation du karité
2.3. Les autres activités des femmes dans le terroir
2.3.1. L’exploitation de quelques ressources végétales
2.3.2. Le commerce de quelques produits
2.3.3. La riziculture et la culture du fonio
2.3.4. Les séances de plantation
3. Le processus de transformation du karité
3.1. Les étapes de la transformation du karité
3.1.1. Le ramassage ou la collecte des noix
3.1.2. L’ébouillantage et le séchage
3.1.3. Le concassage
3.1.4. La torréfaction
3.1.5. Le pilage
3.1.6. Le barattage/lavage
3.1.7. La purification
3.1.8. La décantation
3.1.9. La solidification
3.1.10. Le conditionnement
3.2. Les produits dérivés de la transformation
4. La commercialisation du beurre
Conclusion partielle
CHAPITRE V : LES GOULOTS D’ETRANGLEMENT DE LA TRANSFORMATION DU KARITE
1. Processus de transformation pénible
1.1. Les difficultés liées à la collecte des noix
1.2. Les difficultés liées à l’ébouillantage, au séchage et au stockage des noix
1.3. Les difficultés liées au pilage des noix
1.4. Les difficultés liées à la commercialisation
2. Zone de production enclavée / coûts logistiques élevés
3. Solutions envisageables pour l’amélioration des conditions de travail
Conclusion partielle
TROISIEME PARTIE : ÉVALUATION DES REVENUS GENERES PAR LA COMMERCIALISATION DU BEURRE DE KARITE ET PERSPECTIVES DE VALORISATION
CHAPITRE VI : LES ACQUEREURS DU BEURRE DE KARITE ET EVALUATION DES REVENUS
1. Les acquéreurs du beurre de karité
1.1. La population locale
1.2. Les bana bana
1.3. La Maison du karité
2. L’évaluation des revenus issus de la vente du beurre de karité
2.1. Estimation de la quantité de beurre produite
2.1.1. Estimation de la quantité de noix ramassées
2.1.2. Estimation de la quantité de beurre produite
2.2. Évaluation de la quantité vendue
2.3. Évaluation des revenus
2.3.1 Comparaison entre les revenus du karité et les autres activités de cueillette
3. Formes d’utilisation des revenus
3.1. La dépense quotidienne
3.2. L’éducation et la santé des enfants
3.3. L’habillement et autres
Conclusion partielle
CHAPITRE VII : PERSPECTIVES DE VALORISATION POUR UN AVENIR DE LA FILIERE KARITE AU SENEGAL
1. La dimension internationale du Vitellaria paradoxa
1.1. Le segment de la chocolaterie/confiserie
1.2. Le segment cosmétique et pharmaceutique
2. La valeur marchande du karité
3. Une valorisation du Vitellaria paradoxa
3.1. Valorisation du Vitellaria paradoxa à travers la multiplication végétative par le semis, le greffage et le bouturage
3.1.1. Le semis
3.1.2. Le greffage
3.1.3. Le bouturage
3.2. Une organisation de la filière karité
3.3. La mise en place d’usines de transformation dans les zones de production
Conclusion partielle
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
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