Implication de l’interleukine-18 dans la cytotoxicité anti-tumorale des polynucléaires éosinophiles

Les polynucléaires éosinophiles

Les polynucléaires éosinophiles furent identifiés pour la première fois en 1879 par Paul Ehrlich qui développa une technique de coloration des cellules sanguines par l’éosine. Ce colorant, capable de se lier aux granules des éosinophiles, permet leur identification par une coloration rose-orangé. Dans cette partie, nous aborderons, dans un premier temps, le développement de ces cellules. Nous nous intéresserons ensuite à leur morphologie particulière, ainsi qu’à leur distribution.

Ontogénie 

Comme toutes les cellules sanguines, les éosinophiles sont produits dans la moelle osseuse et proviennent de cellules souches hématopoïétiques (CSH), pluripotentes, exprimant le CD34, et communes à toutes les lignées. Sous l’action de plusieurs facteurs de transcription et de cytokines, les CSH vont se différencier en progéniteurs myéloïdes communs (PMC) pluripotents, puis en précurseurs éosinophiles qui poursuivent leur maturation via le GMCSF, l’IL-3 et l’IL-5 (1,2). Au niveau phénotypique, ce précurseur éosinophile se caractérise donc par l’expression de la chaine alpha du récepteur à l’IL-5 (IL-5Rα), de l’IL-3Rα et du GM-CSF-Rα. Plusieurs facteurs de transcription, faisant partie de trois familles différentes, jouent un rôle majeur dans le développement de la lignée éosinophile : C/EBPα et ε (CCAAT/enhancerbinding protein family), PU.1 (E-Twenty-Six (ETS) family) et GATA 1 (famille des facteurs à doigt de zinc). Ces facteurs de transcription régulent également les autres lignées hématopoïétiques (3). En effet, la différenciation des macrophages et des polynucléaires neutrophiles est régulée précocement par les facteurs de transcription de la famille des C/EBP et de PU.1. Au contraire, la différenciation des érythrocytes et des mégacaryocytes est régulée par les facteurs GATA et FOG-1 (friend of GATA protein 1) (1). Habituellement, ces facteurs s’antagonisent mutuellement, cependant, les éosinophiles brisent ces règles puisque ces cellules co-expriment ces différents facteurs de transcription (Fig. 1.). L’étude de gènes a permis de montrer que l’engagement dans la lignée éosinophile représente une délicate balance dans le seuil d’expression de ces facteurs, et qu’une perturbation minime de cet équilibre peut faire basculer les cellules vers la lignée érythroïde ou myéloïde (4).

Une autre variable à prendre en compte est la cinétique d’expression de ces facteurs de transcription. En effet, l’engagement vers les précurseurs éosinophiles nécessite l’expression coordonnée de C/EBPα et de PU-1, un taux modéré de GATA-1 et l’absence de FOG (4). Aux stades plus matures, c’est-à-dire à la transition entre promyélocytes et myélocytes, à la différentiation terminale et à la maturation fonctionnelle, la régulation se fait par les isoformes activateurs et inhibiteurs de C/EBPε, également de façon temps-dépendante (5,6) (Fig. 2). Concernant les cytokines, l’IL-5, relativement spécifique des éosinophiles par l’expression sélective de la chaine α de son récepteur, est une cytokine clé dans l’expansion de ces cellules et dans leur survie tissulaire. Des souris transgéniques sur-exprimant l’IL-5 présentent une éosinophilie massive (7). Cependant, un taux normal d’éosinophiles sanguins est retrouvé chez les souris déficientes pour l’IL-5 bien qu’elles ne développent pas d’éosinophilie après infection par des helminthes ou après stimulation allergénique, leur recrutement tissulaire étant aboli (8). De plus, Mori et al. ont différencié in vitro des éosinophiles matures à partir de progéniteurs de la moelle osseuse en absence d’IL-5 (9). Ces observations suggèrent que la signalisation IL-5/IL-5Rα ne jouerait pas un rôle essentiel dans l’engagement dans la lignée éosinophile mais donnerait plutôt un signal permissif pour leur différenciation.

Morphologie

Les polynucléaires éosinophiles sont facilement différenciables des autres leucocytes. Ils mesurent 8 à 12 µm de diamètre et ont, chez l’Homme, un noyau bilobé et de nombreuses granulations rose-orangé volumineuses et homogènes, observables après coloration classique au May Grünwald Giemsa (MGG) (Fig. 3A.). Toutefois, dans certaines conditions et selon leurs états de maturation et d’activation, des éosinophiles « hypodenses », très peu granuleux et vacuolés peuvent être observés, leur identification est alors moins aisée. Une réaction enzymatique spécifique à la peroxydase (résistante au cyanure), conduisant à un précipité foncé, est alors utilisée pour identifier et déterminer l’état de maturation des éosinophiles. La microscopie électronique a, quant à elle, permis de visualiser leurs granules spécifiques. Ces granules, dits secondaires, sont bi-compartimentés. Ils comportent un noyau cristalloïde, aussi appelé « core », et une matrice qui apparait moins dense aux électrons (Fig. 3B.). Ces éléments ultrastucturaux sont une véritable signature des éosinophiles, et sont peutêtre encore plus spécifiques que le marquage à l’éosine (10).

Les éosinophiles humains matures possèdent quatre types distincts de granules:
– Les granules primaires, ronds et denses en microscopie électronique, sont formés à un stade précoce de la différenciation dans la moelle osseuse. Ces granules, contenant la lysophospholipase, ne comportent pas de noyau cristalloïde mais peuvent se condenser pour former des cristaux de Charcot-Leyden.
– Les granules secondaires spécifiques, ou granules sécréteurs, permettent le stockage et la sécrétion d’un grand nombre de protéines préformées dont les protéines cationiques des éosinophiles, la MBP (Major Basic Protein), contenue dans le « core » de ces granules, l’EPO (Eosinophil Peroxydase), l’ECP (Eosinophil Cationic Protein) et l’EDN (Eosinophil Derived Neurotoxin), contenues dans la matrice.
– Les petits granules sont invisibles en microscopie optique, ils dérivent de l’appareil de Golgi et contiennent des complexes enzymatiques incluant l’aryl sulfatase et la phosphatase acide.
– Les corps lipidiques, petites vésicules, sont le site de biosynthèse des médiateurs lipidiques inflammatoires comme les prostaglandines et les leucotriènes.

Recrutement des éosinophiles

Localisation

Chez un individu sain, les éosinophiles ne représentent qu’entre 1 et 3% des leucocytes circulants (valeur usuelle : 40-500/mm3 ). Après leur maturation dans la moelle osseuse, ils atteignent la circulation sanguine où ils ne restent qu’entre 13 et 18 heures avant de migrer vers les tissus. Cela explique les difficultés d’obtention et de purification d’éosinophiles de sujets sains. A la différence du sang, leur demi-vie dans les tissus est plus longue puisqu’ils peuvent y survivre pendant plusieurs semaines (11). Leur localisation tissulaire est très variée. En effet, à l’état physiologique, on les retrouve au sein des organes lymphatiques et hématopoïétiques, et principalement au niveau des tissus à l’interface avec l’environnement tels que le tractus gastro-intestinal, respiratoire, uro-génital ou encore la peau. Ces tissus constituent des endroits de renouvellement tissulaire important. Il pourrait alors exister un lien entre la présence d’éosinophiles et le remodelage tissulaire homéostasique et/ou la réparation dans les tissus lésés, par exemple au niveau des tumeurs.

En cas de réaction inflammatoire, les éosinophiles sont redistribués et quittent leurs sites : exemple, dans le tractus gastro-intestinal, les éosinophiles résident dans la lamina propria en condition d’homéostasie. Lors d’une situation inflammatoire, ils migrent et sont retrouvés au niveau des plaques de Peyer (12).

Molécules d’adhérence

La migration tissulaire nécessite une étape de roulement sur les cellules endothéliales suivie d’une adhérence permettant la transmigration. Deux types de molécules d’adhérence sont nécessaires à ce passage tissulaire: les sélectines et les intégrines. Les intégrines sont nécessaires au roulement. Les éosinophiles expriment constitutivement la L-sélectine qui interagit avec le CD34 et MAdCAM-1, exprimés par l’endothélium. Ils expriment également le CD162 (P-selectin glycoprotein ligand-1 ou PSGL1) ainsi que le CD15s (sialyl-Lewisx ) qui permettent l’interaction avec la P-selectine et la Eselectine de l’endothélium (3) (Fig. 4). Les intégrines sont des molécules hétérodimériques constituées d’une chaine α et d’une chaine β. L’avidité de la liaison entre l’intégrine et son ligand est plus importante que celle de la liaison sélectine-ligand, elle permet donc le renforcement de l’adhérence des éosinophiles à l’endothélium. Ceux-ci expriment les intégrines β1, β2 et β7 (α4β1 (VLA-4 ; CD49d), α6β1 (VLA-6 ; CD49f), αMβ2 (MAC-1 ; CD11b/CD18), αLβ2 (LFA-1 ; CD11a/CD18), αXβ2, αDβ2 et α4β7), qui ont pour ligands VCAM-1, ICAM-1, -2, -3, MAdCAM-1 et le fibrinogène (3).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. LES POLYNUCLEAIRES EOSINOPHILES
1. Ontogénie
2. Morphologie
3. Recrutement des éosinophiles
3.1. Localisation
3.2. Molécules d’adhérence
3.3. Les chimiokines et leurs récepteurs
3.4. Recrutement en condition homéostasique
3.5. Recrutement en conditions inflammatoires
4. Les fonctions des éosinophiles
4.1. Rôle dans l’immunité innée
4.2. Rôle dans l’immunité adaptative
4.3. Fonctions cytotoxiques
4.4. Fonctions immunorégulatrices
4.5. Fonctions de réparation et de remodelage tissulaire
5. Rôle des éosinophiles en pathologie
5.1. Asthme
5.2. Syndromes Hyper-Eosinophiles
5.3. Maladies Inflammatoires Chronique de l’Intestin (MICI)
5.4. Tumeurs
II. L’INTERLEUKINE-18
1. Production de l’IL-18
1.1. Cellules productrices d’IL-18
1.2. Clivage de l’IL-18
2. Signalisation et régulation de l’IL-18
2.1. Le récepteur de l’IL-18
2.2. L’IL-18 Binding Protein (IL-18BP)
3. Fonctions biologique de l’IL-18
3.1. L’IL-18 : une cytokine immuno-régulatrice
3.2. Augmentation de l’activité cytotoxique
3.3. IL-18 et éosinophiles
4. IL-18 et tractus gastro-intestinal
4.1. Homéostasie intestinale
4.2. Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
4.3. Cancer colorectal
III. IMMUNITE ANTI-TUMORALE ET EOSINOPHILES
1. Généralités
1.1. Arguments épidémiologiques, cliniques et expérimentaux
1.2. Effecteurs immunologiques
2. Implication des éosinophiles dans l’immunité anti-tumorale
2.1. Conséquences anatomo-pathologies des TATEs
2.2. Recrutement des éosinophiles aux sites tumoraux
2.3. Propriétés tumoricides des éosinophiles
2.4. Le concept d’Allergo-Oncologie
2.5. Eosinophiles, IL-18 et cancer du côlon
OBJECTIFS DU TRAVAIL
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
I. PARTIE I : CARACTERISATION DE LA CYTOTOXICITE ANTI-TUMORALE DES EOSINOPHILES HUMAINS
1. Variation de la cytotoxicité des éosinophiles humaines selon la cible tumorale
2. Variation de la cytotoxicité des éosinophiles selon le statut du donneurs
3. La cytotoxicité vis-à-vis des Colo-205 est temps et concentration-dépendante
4. ICAM-1 et JAM-A sont nécessaires au contact entre les Colo-205 et les éosinophiles
5. Adhérence et hétérogénéité fonctionnelle des éosinophiles
II. PARTIE II : ACTIVATION DES EOSINOPHILES PAR L’IL-18
1. Les éosinophiles humains expriment l’IL-18R
2. Activation par l’IL-18 : libération de ROS et de protéines cationiques
3. Activation par l’IL-18 : libération d’IFNγ et expression de FasL
III. IMPLICATION DE L’IL-18 DANS LA CYTOTOXICITE ANTI-TUMORALE DES EOSINOPHILES
1. L’IL-18 est sur-exprimée dans les éosinophiles en contact avec les colo-205
2. L’IL-18 contribue à la cytotoxicité des éosinophiles vis-à-vis des Colo-205
3. L’IL-18 n’induit pas directement la mort des Colo-205
4. L’IL-18 est impliquée dans l’adhérence entre éosinophiles et Colo-205
5. L’IL-18 régule CD11a et ICAM-1
6. Les éosinophiles expriment l’inflammasome NLRP3
IV. CONCLUSION DE LA PARTIE EXPERIMENTALE
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
CONCLUSION

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