Implantation cochléaire avant 18 mois et partenariat avec les parents

La surdité représente le déficit sensoriel le plus fréquent à la naissance. En France, environ un enfant sur 1000 naît sourd profond et, d’après le Ministère des Solidarités et de la Santé (2016), à 3 ans, la prévalence des surdités sévères et profondes est de 3/1000. Ce déficit entrave de manière significative le développement de la communication, de la perception et du langage. Il peut conduire à de nombreuses situations de handicap dans la vie quotidienne et altérer l’inclusion scolaire et l’insertion professionnelle. La prise en charge de la surdité représente donc un véritable enjeu de santé publique. Afin de tendre vers la plus grande autonomie possible, le développement du langage constitue un objectif majeur pour les enfants sourds, qu’il s’agisse de la Langue des Signes française (LSF), de la langue orale ou d’un mode de communication basé sur le français signé. Depuis l’arrêté du 23 avril 2012, le dépistage néonatal de la surdité est obligatoire dans le cadre d’un programme de santé publique, permettant une prise en charge orthophonique la plus précoce possible. Dans le cadre d’un projet de communication à dominante orale, l’implantation cochléaire (IC) précoce, associée à une prise en charge dès l’annonce du diagnostic et en lien avec la famille, représente un moyen privilégié pour accéder au langage oral.

Chez l’enfant ayant une surdité bilatérale sévère à profonde, la Société française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou (SFORL, 2018) recommande une implantation cochléaire bilatérale, avec une préconisation avant l’âge de 12 mois si cette surdité est congénitale, afin de limiter au maximum la durée de privation auditive.

La revue de littérature réalisée sur ce sujet apporte des preuves robustes d’un lien entre l’âge à l’IC et le développement des capacités perceptives et langagières d’enfants ayant une surdité congénitale bilatérale sévère à profonde. Par exemple, Yoshinaga-Itano et al. (2018) a montré que le dépistage et l’implantation précoces seraient corrélés aux résultats langagiers de l’enfant sourd avec IC. De plus, Colletti et al. (2012) a mis en évidence que les résultats langagiers à 4 ans d’enfants implantés avant l’âge de 6 mois ne sont significativement pas différents de ceux des normo-entendants. Toutefois, même avec un IC précoce (avant 18 mois), une forte variabilité dans les résultats des capacités perceptives et du développement du langage est observée.

MÉTHODE ET MATÉRIEL 

Design de l’étude 

Cette étude rétrospective et monocentrique s’est déroulée entre novembre 2020 et avril 2021 à l’Hôpital Necker Enfants Malade à Paris, dans le service ORL pédiatrique. La population concerne des enfants présentant une surdité congénitale bilatérale, sévère à profonde, et dont les parents ont un projet de communication orale, critères indiqués dans les recommandations d’IC selon la Haute Autorité de Santé (2009).

Échantillon

Il est constitué de 29 sujets, répondant aux critères de sélection suivants.

♦ Critères d’inclusion :
– dépistage néonatal,
– diagnostic de surdité bilatérale, de type sévère à profond,
– surdité congénitale (génétique ou acquise),
– implantation bilatérale (simultanée ou séquentielle),
– au moins un IC posé avant l’âge de 18 mois, entre 2015 et 2020,
– implantés et suivis au sein du Service ORL pédiatrique de l’Hôpital Necker Enfants
Malades, à Paris.
♦ Critères d’exclusion :
– présence de troubles associés avérés,
– surdité évolutive,
– implantation bilatérale séquentielle avec un écart entre les 2 IC supérieur à 2 ans.

Caractéristiques de l’échantillon 

L’effectif de l’échantillon est de 29 enfants, dont 14 filles et 15 garçons. L’âge moyen de dépistage de la surdité est 1,9 mois ± 2,85 [0-12]. L’âge moyen à l’appareillage est de 4,5 mois ± 2,38 [3-13]. L’âge moyen à l’IC1 est de 12,3 mois ± 3,06 [8-18]. L’échantillon est divisé en 2 groupes : G1 pour les enfants ayant reçu leur IC1 avant l’âge de 12 mois ; et G2 pour ceux ayant reçu leur IC1 entre 13 et 18 mois. Il s’agit de surdité bilatérale profonde pour 28 enfants et sévère pour 1 enfant. Concernant le type d’implantation, elle est bilatérale simultanée pour 20 sujets et bilatérale séquentielle pour 9 sujets (cf. Figure 1). Concernant les marques d’IC, 18 enfants ont reçu des IC Cochlear, 6 enfants ont reçu des IC Advanced Bionics et 5 enfants ont reçu des IC MED-EL. Le port des processeurs est constant pour tous, sauf pour un enfant au bilan à 3 mois post-IC (difficulté de tenue des processeurs) et pour un autre enfant à 6 mois post-IC (troubles d’opposition). Des antécédents familiaux sont présents pour 8 enfants. Un enfant de notre échantillon a 2 parents sourds. Concernant les troubles vestibulaires, 2 enfants présentent des hyporéflexies. La prématurité concerne 2 autres patients.

Les étiologies connues de la surdité sont : mutation de la connexine 26 pour 11 enfants, mutation du gène GJB2 pour 2 enfants, mutation du gène MYO15A pour 1 enfant, infection à CMV pour 2 enfants, syndrome de Noonan pour 1 enfant, syndrome de Waardenburg pour 1 enfant, l’étiologie étant inconnue pour 9 enfants. L’environnement familial est monolingue pour 25 enfants et bilingue pour 4 autres. La catégorie socio-professionnelle des parents se répartit comme suit : 5 de niveau 1, 7 de niveau 2, et 17 de niveau 3 (regroupement à partir de la cotation de l’INSEE, 2003).

Comparaison de la moyenne d’âge des 2 groupes
Un test de comparaison (test de Student) confirme que les moyennes d’âge à l’IC1 pour les 2 groupes sont statistiquement différentes (t(27) = 10,17 ; p < 0,0001).

Matériel

Les méthodes d’évaluation utilisées en pré- et post-IC sont des échelles et des questionnaires parentaux subjectifs et des tests d’évaluation normés, adaptés à une population pédiatrique. Elles permettent d’évaluer les capacités de communication, de perception et de développement du langage des enfants, ainsi que le rôle des parents dans la prise en charge orthophonique. Elles donnent lieu à des variables comportementales, correspondant aux observations et aux réponses des parents aux différents questionnaires. Ces questionnaires sont un support pour la guidance et l’accompagnement de la famille autour du développement de la perception, de la parole et du langage de leur enfant.

Pour chaque domaine, les évaluations utilisées sont :
– pour les compétences de communication : différentes observations cliniques recueillies sous forme de données qualitatives ;
– pour les capacités de perception : l’échelle de la CAP, le questionnaire MAIS, la grille LiP (Archbold, 1994, cité par Nikolopoulos et al. en 2000) traduite et modifiée par Isabelle Prang (nommée ArchPrang), l’alerte, la détection, l’identification de bruits, de phonèmes, de mots, de phrases en LO et LF, dans le silence et dans le bruit (RSB = 5dB) en cabine insonorisée ;
– pour les compétences de langage oral : l’échelle de la SIR, le questionnaire MUSS, l’IFDC, l’EVIP, le TEPPP, le Gael-P, l’O52, l’ECOSSE, le développement du système phonologique, le niveau de compréhension et d’expression ;
– pour la participation familiale : l’échelle de PatMoeller (2000).

Description des échelles et questionnaires
La CAP (Category of Auditory Perception, Archbold, 1998) est une échelle de perception auditive en 8 points. Elle permet de mesurer la performance de la perception des bruits et de la parole des enfants avec IC. Détails des items :
0 : pas de conscience des sons de l’environnement ;
1 : conscience des sons de l’environnement ;
2 : réactions aux sons de parole ;
3 : identification des sons de l’environnement ;
4 : discrimination de certains sons de parole sans lecture labiale ;
5 : compréhension de phrases du quotidien sans lecture labiale ;
6 : compréhension de conversation sans lecture labiale ;
7 : utilisation du téléphone avec un interlocuteur connu.

La SIR (Speech Intelligibility Rating, Allen, 1998) est une échelle d’intelligibilité de la parole des enfants avec IC, en 5 points :
1 : La parole n’est pas intelligible. Il existe néanmoins quelques ébauches de mots ; le mode premier de communication peut être le signe.
2 : La parole n’est pas intelligible. Quelques mots intelligibles apparaissent en contexte et des ébauches labiales existent.
3 : La parole est intelligible pour un auditeur qui prête attention et qui utilise la lecture labiale.
4 : La parole est intelligible pour un auditeur qui a une petite expérience de la parole des personnes sourdes.
5 : La parole est intelligible pour tout le monde. L’enfant est compris facilement dans le contexte de la vie quotidienne.

Méthode

Le recueil des données provient d’une extraction réalisée en décembre 2020 à partir de la base de données Popsicube, suivant les critères suivants : surdité sévère à profonde, âge à l’IC1 avant 18 mois et IC1 entre 2015 et 2020. Ces données incluent les résultats aux bilans effectués dans le cadre du protocole des enfants implantés et suivis à l’Hôpital Necker Enfants Malades : bilan orthophonique pré-IC, puis bilans orthophoniques à 3, 6, 12, 18, 24 mois post-IC, puis tous les ans. Les dossiers papier et la base de données médicale Orbis ont également été consultés pour compléter certaines données. Les bilans ont été réalisés par les orthophonistes (au nombre de 8) du service ORL pédiatrique de l’Hôpital Necker Enfants Malades entre 2015 et 2021. La présente étude correspond à un suivi longitudinal jusqu’à 3 ans post-IC. Ce recueil de données a abouti à une liste de 164 patients. Après application de nos critères de sélection, l’échantillon constitué aboutit à un effectif de 29 sujets. Nous avons considéré les enfants ayant eu une implantation bilatérale séquentielle rapprochée (délai entre les 2 IC inférieur à 6 mois) comme ceux ayant eu une implantation bilatérale simultanée. Dans le cas d’une implantation bilatérale séquentielle, le bilan orthophonique retenu est celui correspondant à l’IC1 (noté « âge à l’IC »). Les parents de tous les patients inclus dans cette étude ont signé une feuille de consentement permettant d’utiliser leurs données à des fins de recherche. Certains enfants du groupe G1 n’ont pas encore réalisé leur bilan 36 mois post-IC, c’est pourquoi certaines données sont manquantes pour ce bilan.

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Table des matières

INTRODUCTION
MÉTHODE ET MATÉRIEL
RÉSULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : Description de l’échantillon avec l’âge moyen à l’IC et le type d’implantation
par groupe d’âge à l’IC
Tableau 1 : Données quantitatives sur l’échantillon (N=29)
Tableau 2 : Résultats aux épreuves perceptives en listes ouvertes
Figure 2 : Scores à la CAP pour G1 et G2, aux bilans pré-IC, 3 mois, 12 mois et 24 mois
post-IC
Figure 3 : Scores à la MAIS pour G1 et G2, aux bilans pré-IC, 3 mois, 12 mois et 24 mois
post-IC
Abréviations
AVT : Auditory Verbal Therapy
CAMSP : Centre d’Action Médico-Sociale Précoce
IC : implant cochléaire ou implantation cochléaire
LPC : Langage Parlé Complété
LSF : Langue des Signes Française

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