Pour l’industrie pharmaceutique, les barrières physiologiques sont très importantes. Ce sont elles qui déterminent si un médicament va être rejeté du corps, absorbé ou métabolisé. C’est pourquoi le développement de modèles de barrières in vitro est si important et ces barrières doivent être caractérisées au mieux possible. La science cherche à comprendre comment le passage et la sélectivité des molécules s’effectue au travers des différentes barrières biologiques afin de définir si un médicament peut avoir des répercussions ou non. Le principal objectif du développement de nouvelles entités chimiques et biologiques au sein de l’industrie pharmaceutique est de prédire comment les paramètres in vivo vont être assimilés à partir des essais in vitro de culture cellulaire et des études animales. Les essais in vitro sont nécessaires car in vivo ils demandent une isolation de la barrière biologique qui est très difficile. De plus, la reproductibilité entre différents explants d’un même patient est très basse. C’est pourquoi la nécessité de modèles in vitro permettant l’étude des barrières biologiques et des transports de molécules est donc devenue primordiale. Le développement de tels systèmes in vitro est très délicat et inclus deux tâches cruciales : l’imitation de l’environnement in vivo et la surveillance de l’intégrité de la barrière in vitro.
L’environnement cellulaire in vivo est compliqué à imiter du fait que le corps humain est très complexe. En effet, les interactions entre les cellules, entre les organes, la présence d’un flux continuel comme le sang sont très bénéfiques pour les cellules et leur apportent certaines caractéristiques supplémentaires. Ils sont difficiles à mettre en œuvre in vitro. Ainsi, de grands progrès ont été accomplis dans le domaine de la microfluidique pour fournir des substituts in vitro qui sont conçus pour imiter l’architecture physiologique et dynamique du corps humain. De plus, ces modèles ont besoin d’être caractérisés afin d’affirmer qu’ils imitent au mieux la situation in vivo. Un corps humain est capable de résister à un courant électrique auquel il est soumis de différentes manières selon le type de tissu en présence.
Les barrières biologiques
L’être humain est protégé par différentes barrières biologiques. Les agents externes se heurtent à des obstacles extrêmement sélectifs et très robustes. Les barrières qui protègent l’intérieur du corps humain contre l’extérieur de celui-ci sont dites physiques, comme la peau et les muqueuses (Figure 1). Les barrières biologiques étant cachées dans le corps humain sont par exemple, la barrière hématoencéphalique ou encore la barrière rénale (Figure 1) en sont des exemples. Ces barrières sont principalement des couches cellulaires unistratifiées ou pluristratifiées séparant le sang d’autres compartiments et sont suivant l’emplacement dans le corps humains composés principalement de cellules épithéliales ou de cellules endothéliales. Les cellules épithéliales sont des cellules formant les différents épithéliums. Il s’agit de tissus organiques dit de revêtement puisqu’ils recouvrent la surface interne ou externe des divers organes. Les cellules endothéliales sont les cellules qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins et sont de ce fait en contact direct avec le sang. Ces cellules permettent de laisser passer des petites molécules comme les nutriments pour alimenter les cellules comme dans les reins où la lame basale est dite fenestrée qui permet le passage non spécifique de molécules.
La barrière hémato-encéphalique (BHE)
La barrière hémato-encéphalique est présente dans le cerveau chez tous les vertébrés terrestres. Elle est situé à toutes les interfaces séparant la circulation sanguine du tissu nerveux sauf au niveau de certaines petites zones spécialisées appelées organes circumventriculaires (glande épiphyse, glande pinéale). Cette barrière physiologique permet de filtrer et contrôler sélectivement le passage des substances sanguines et les empêche de passer librement dans le cerveau. Elle permet de réguler la composition du milieu dans le cerveau, c’est-à-dire de garder une homéostasie. La BHE (Figure 2) protège contre les agents pathogènes, les toxines ou encore certaines hormones présentes dans le sang. Les nutriments nécessaires au bon fonctionnement du cerveau seront choisis extrêmement sélectivement alors que les déchets seront éliminés. Les cellules endothéliales étant reliées par des jonctions serrées (tight junction) entre elles tapissent les capillaires sanguins et sont les composants essentiels de cette barrière. Les capillaires sanguins cérébraux contiennent des jonctions serrées dans eur épithélium endothélial. Lorsque ces capillaires sanguins ont quitté le cerveau, les cellules endothéliales ne contiennent plus de jonctions serrées mais des jonctions communicantes (gap junction). Deux autres types de cellules s’ajoutent aux cellules endothéliales pour former la BHE et sont très importantes. Les péricytes, les astrocytes ainsi que des neurones permettent la naissance et la croissance de la barrière hémato-encéphalique. Les péricytes sont des cellules qui se trouvent au niveau de la lame basale de l’endothélium des capillaires qu’elles entourent par de longs prolongements cytoplasmiques. Même si les péricytes sont peu nombreux, ils ont une fonction de contraction et un rôle dans la régulation métabolique à travers la régulation du débit sanguin au niveau des capillaires. Il faut distinguer deux termes différents : le complexe neurovasculaire et la barrière hémato-encéphalique. La barrière hémato-encéphalique comprend les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins irriguant le cerveau, tandis qu’un complexe neurovasculaire est l’ensemble des cellules entourant la BHE comme montré à a figure 2. De nombreux transporteurs spécifiques (transport vésiculaire, transcytose à récepteurs ou transcytose par adsorption) sont présents dans la BHE. Le transport non-spécifique est du coup limité, car la BHE doit assurer à la fois la protection, le transport des aliments et de l’oxygène nécessaire au cerveau.
Il est très difficile d’obtenir des tissus cérébraux humains. Une grande variété de modèles in vitro de la BHE ont été développés à partir de cellules animales de rat, souris, porc ou bœuf principalement. L’utilisation de lignées endothéliales fait partie du développement de modèles in vitro humains de la BHE. Néanmoins, différentes lignées humaines ont été développées dont les lignées hCMEC/D3 [3], HBMEC TY08 [4] et HBMEC/ciβ [5].
La barrière rénale
La barrière rénale (Figure 3) comme son nom l’indique est présente dans les reins pour permettre la filtration glomérulaire. Il s’agit de la filtration du plasma sanguin au travers de la membrane basale du glomérule vers le tubule. La première étape de l’élaboration de l’urine est la formation de l’ultrafiltrat glomérulaire qui se dit aussi urine primitive, par la diffusion de l’eau et des constituants du plasma à travers la barrière rénale. La filtration s’effectue par équilibre des pressions. La pression hydrostatique glomérulaire et la pression osmotique permettent le passage du liquide plasmatique. Les éléments figurés du sang et les protéines plasmatiques sont quant à elles retenus dû à la taille des pores et à l’électronégativité de la membrane.
Les premières lignées épithéliales et endothéliales de cellules glomérulaires ont été établies à partir de cellules de souris [7]. Les cellules MPK (MCCD, Mouse Kidney Cortical Collecting Duct) font parties des modèles utilisés. Ces cellules (Annexe 8.8) sont des cellules dérivées du tube collecteur cortical d’un rein de souris. Ce sont des cellules épithéliales adhérentes. Elles expriment de nombreuses caractéristiques du tube collecteur comme la spécificité à certains antigènes. Une fois cultivées sur des supports perméables, ces cellules présentent une résistance transépithéliale élevée avec une différence de potentiel négative. Faisant parties de la barrière rénale, les cellules MPK peuvent être un indicateur d’une toxicité liée au rein.
Il est donc possible de tester la toxicité de médicaments en ajoutant le médicament dans la partie basolatérale représentant le compartiment sanguin. Le composé décrira une toxicité venant depuis le sang et non depuis le tube collecteur. D’autres cellules comme les cellules endothéliales glomérulaires humaines font partie des modèles très utilisés, parmi eux la lignée HK-2 [9]. Des modèles utilisant des cellules de rats, de chiens, d’opossums, de souris, de lapins, etc. ont aussi été établis.
La fluidique dans les modèles in vitro
L’un des défis fondamentaux auxquels est confronté le développement de nouvelles entités chimiques et biologiques au sein de l’industrie pharmaceutique est de prédire comment les paramètres in vivo vont être assimilés à partir des essais in vitro de culture cellulaire et des études animales [11]. Le développement de dispositifs intégrant des cellules humaines primaires peut potentiellement fournir une meilleure prédiction, plus rapide et plus efficace de la toxicité in vivo et de la performance clinique des médicaments. Avec cet objectif à l’esprit, de grands progrès ont été accomplis dans le domaine de la microfluidique pour fournir in vitro des substituts qui sont conçus pour imiter l’architecture physiologique et dynamique du corps humain.
Pour mettre en œuvre un système microfluidique, deux composants sont cruciales, premièrement les cellules et deuxièmement l’environnement des cellules. La culture cellulaire est donc très importante pour l’étude et le développement de médicaments [12-14]. Les cellules in vivo sont contenues dans des microenvironnements formant le tissu [15]. Les cellules se développent à travers des interactions et de la communication avec d’autres cellules, des interactions avec la matrice extracellulaire (ECM) et des facteurs systémiques [16] in vivo déterminant ainsi leur phénotype. Ce sont des systèmes micrométriques complexes et bien organisées en deux dimensions ou trois dimensions selon le type cellulaire. Les microenvironnements in vivo de la plupart des types de cellules mammifères ont plusieurs qualités: de courtes distances entre les cellules, un approvisionnement en éléments nutritifs continu, une élimination des déchets, un maintien de température de consigne et un minimum de stress [15]. Les environnements de culture cellulaire in vitro ne sont pas assez élaborés pour imiter avec succès leurs homologues in vivo [15]. La plupart des recherches biologiques basées sur la culture de cellules sont effectuées en isolant des cellules et en les plaçant dans un flacon de culture avec le milieu nécessaire. Aucune autre structure cellulaire n’est présente dans le flacon de culture. De ce fait, il n’y a pas d’interaction ou de communication avec d’autres types cellulaires [12]. Par conséquent, les cellules cultivées in vitro modifient souvent leurs propriétés cellulaires liées à leur taux de croissance, leur morphologie et leurs activités métaboliques intracellulaires [12]. De nouvelles approches sont nécessaires pour établir un microenvironnement se rapprochant de celui in vivo. Pour imiter au mieux les microenvironnements du corps humain, le mouvement est un paramètre primordial. C’est pourquoi la notion de microfluidique est importante. Comme une grande partie des cellules in vivo sont en perpétuel présence d’un flux, elles ont des caractéristiques différentes en présence de celui-ci. Le flux sanguin par exemple génère des forces de cisaillement qui régulent la fonction des cellules endothéliales, l’étanchéité de la barrière ou encore les jonctions serrées [17]. Les forces de cisaillement induisent l’élévation du nombre de jonction serrées, et donc une perméabilité à un médicament réduite. Des dispositifs microfluidiques pour les études de culture cellulaire gagnent rapidement en importance dans le développement de médicaments et les applications de recherche biologique telles que les études de toxicité de médicaments, de métabolisme ou de différenciation cellulaire. Récemment, la perfusion dans des conditions physiologiques de systèmes in vitro a été développée pour fournir un environnement le plus proche de l’environnement in vivo par exemple, les conditions fluidiques ou les interactions d’organes. Une perfusion est l’injection longue et progressive d’un liquide (milieu de culture, molécule cible) principalement effectuée à l’aide de pompes et pouvant durer plusieurs semaines. Les cellules restent dans le système et l’évacuation du milieu utilisé peut être faite sans que l’on évacue les cellules en même temps. C’est un très grand avantage. Il est possible de modéliser et comparer le sort d’un produit chimique ou médicament dans une perfusion. Un exemple de système de tests in vitro est composé de cellules Caco-2 et des cellules HepG2, de manière à imiter l’absorption dans l’intestin grêle et le métabolisme intestinal et hépatique. Il a été montré que la perméabilité des cellules Caco-2 dans le système de culture perfusée par rapport au composé benzoα-pyrène est plus proche des conditions in vivo que celle obtenue dans un système statique et que les activités métaboliques cellulaires observées sont plus élevées dans des conditions statiques [18].
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Table des matières
1. Introduction
1.1. But du travail
1.2. Les barrières biologiques
1.2.1. La barrière hémato-encéphalique (BHE)
1.2.2. La barrière rénale
1.3. La bioimpédance
1.4. La fluidique dans les modèles in vitro
1.5. Quelques modèles in vitro de barrières intégrant la fluidique le TEER
1.5.1. Modèles de barrière hémato-encéphalique (BHE)
1.5.2. Modèles de barrière rénale
2. Matériels et méthodes
2.1. Culture cellulaire
2.1.1. Comptage des cellules
2.1.2. Cellules MPK (Mouse Kidney Cortical Collecting Tube)
2.1.3. Ensemencement des cellules
2.2. Test de viabilité
2.3. Immuno-marquage membranaire des jonctions serrées ZO-1
2.4. Test de perméabilité
2.5. Test de biocompatibilité
2.6. Test de toxicité
2.7. Mesure du TEER
2.8. Utilisation et contrôle des systèmes de fluidique
2.9. Cellware Hepia
3. Résultats
3.1. Caractérisation des cellules MPK
3.2. Fluidique dans la chambre supérieure
3.3. Fluidique dans la chambre inférieure
3.4. Validation du Cellware Hepia
3.5. Validation de Cellware Hepia avec fluidique
3.6. Test de toxicité in vitro
4. Discussion
4.1. Caractérisation des cellules MPK
4.2. Fluidique
4.3. Validation du Cellware Hepia
4.4. Validation de Cellware Hepia avec fluidique
4.5. Test de toxicité in vitro
5. Conclusion et perspectives
6. Remerciement
7. Bibliographie
8. Annexes
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