Impacts sur la place financière londonienne
Introduction
Toute personne qui s’intéresse de près ou de loin à la finance connaît l’importance mondiale de Londres dans le secteur. Mais il y a encore quelques années, peu de gens imaginaient que l’avenir de la place londonienne et son rôle central seraient remis en question. Or, avec l’acceptation du Brexit, le développement de la City et sa place prépondérante dans la finance sont menacés. Dès lors, il est primordial d’évaluer l’ampleur de la menace et de prévoir des mesures qui permettent de la réduire, voire même de la transformer en opportunité de croissance. C’est là l’objectif principal de ce travail. Toutefois, avant de pouvoir atteindre cet objectif, il est nécessaire d’acquérir une vision détaillée de la place financière de Londres et du Brexit. C’est pourquoi, dans un premier temps, nous nous devons d’analyser la City sous toutes ses coutures ; son Histoire, ses forces et lignes de métiers clés, mais aussi les principales places concurrentes sont des éléments qui nous permettront de mieux comprendre le contexte actuel et les raisons qui ont mené Londres à son statut privilégié dans la finance mondiale. Dans un second temps, il est indispensable d’analyser la menace imminente : le Brexit. Ainsi, nous nous intéresserons aux procédures de sortie de l’Union Européenne, aux négociations qui s’en suivront et à leurs issues possibles, mais également aux réactions observées sur les marchés britanniques lors de certains événements clés de la période de transition dans laquelle nous nous trouvons. Le sort de la place londonienne dépendant grandement de l’issue des négociations et des termes de l’accord commercial qui seront convenus avec l’Union Européenne, l’élaboration de scénarios visant à prévoir différentes hypothèses d’accords permet d’évaluer les conséquences à moyen/long terme sur la place londonienne et sur l’économie britannique.
Description de la place financière de Londres
Londres est un des centres financiers les plus importants au monde. La place londonienne est même régulièrement citée comme le centre financier global, en concurrence avec New York. En Europe, elle a toujours su garder sa position dominante, malgré des événements qui auraient pu favoriser l’essor de Francfort ou Paris à ses dépens. Ce succès peut s’expliquer par son histoire et son développement précoce, mais aussi par les réformes entreprises par le gouvernement et les acteurs financiers afin de soutenir la City et de la rendre plus attractive aux yeux des investisseurs, des banques et des autres sociétés financières. Dans ce chapitre, nous allons tout d’abord nous concentrer sur l’histoire de la place financière de Londres ; le début des activités financières du XVIIème siècle, la création de la Bank of England, les turbulences de la 1ère moitié du XXème siècle, l’essor d’aprèsguerre, le Big Bang et l’implémentation de l’euro font partie des éléments cruciaux qui ont permis à Londres de développer sa place financière et renforcer sa stature internationale. Après s’être forgé une bonne vision de l’histoire de Londres, nous pourrons nous intéresser à ce qui fait sa force en tant que centre financier. Nous allons également nous intéresser aux autres places financières mondiales, telles que New York, Francfort et Singapour notamment, afin d’avoir un aperçu de leurs forces et faiblesses. Enfin, nous analyserons les différentes industries financières et lignes de métiers présentes à Londres, dans le but de mieux nous rendre compte de la situation concurrentielle et de la position relative de Londres
Il y avait cependant une dimension manquante à la place londonienne pour que celle-ci soit globale et accessible : le marché des capitaux était fermé et mal organisé. Les brokers percevaient des commissions fixes sur les transactions, pénalisant ainsi les gros clients, tandis que les « market makers » manquaient de capitaux pour gérer des ordres volumineux. La séparation entre ces deux types d’acteurs et la rigidité des régulations du marché des capitaux rendaient ce dernier peu attractif. De ce fait, le commerce des actions britanniques commençait à se faire à New York, où les banques étaient capables d’offrir de meilleurs services et des prix plus attrayants grâce aux synergies générées par le fait que les banques y étaient autorisées à combiner les activités de courtage et de trading (The Economist, 2006). La bourse londonienne n’était pas en mesure d’effectuer des réformes pour contrer ces flux sortants, car son règlement faisait l’objet de poursuites par l’« Office of Fair Trading », un organe gouvernemental. En parallèle, la crise bancaire britannique des années 1970 a mis à mal la City. La chute des prix de l’immobilier et la hausse des taux d’intérêt a forcé la Bank of England à venir en aide à des dizaines de banques. De plus, le krach boursier global de 1973- 1974, causé par la chute du système Bretton Woods et la crise pétrolière, ont encore compliqué la situation de la place londonienne. La fin de la décennie est marquée par la volonté du gouvernement à encourager la concurrence dans l’industrie et redynamiser la place financière de Londres, dépassée par New York et même menacée par Francfort et Paris dans son statut de centre financier européen.
Le Big Bang : de 1986 à aujourd’hui
L’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher et de son gouvernement conservateur en 1979 a été très positive pour la compétitivité de la place londonienne. En 1983, la bourse de Londres conclut un accord avec le gouvernement afin de se libérer des poursuites dont elle faisait l’objet, en échange de l’abandon des commissions minimales perçues par les brokers (The Economist, 2006). Puis, d’importantes réformes légales sont effectuées par le gouvernement Thatcher le 27 octobre 1986, afin de faciliter l’accès au secteur financier et de libéraliser la bourse de Londres, en abandonnant le protectionnisme national qui entravait son développement. Cette dérégulation massive et soudaine, qui a été très bénéfique pour la compétitivité et la diversité du secteur financier britannique, est connue aujourd’hui sous le nom de « Big Bang ».
Dès lors, en abolissant les barrières qui compliquaient la venue de sociétés financières internationales, Londres est devenu une véritable place financière globale. La City a ainsi attiré beaucoup de banques commerciales américaines, car celles-ci n’étaient pas autorisées à faire du business de titres dans leur pays d’origine. Les banques d’investissement américaines ont également suivi le mouvement, ce qui a amené des changements dans l’environnement financier britannique. En effet, ces dernières ont modernisé la place en la rendant plus méritocratique et moins axée sur les relations. Cet afflux de banques, américaines mais aussi européennes, a amené une croissance et une diversification du secteur bancaire qui a considérablement renforcé le statut de centre financier international de Londres
Genève & Zurich
Bien que ce soient des places financières distinctes, Genève et Zurich peuvent être décrites ensemble, car la majeure partie des industries fortes, des atouts et des faiblesses sont communes aux deux places suisses. La gestion de fortune est incontestablement l’industrie phare des centres helvétiques, qui parvenaient à maintenir la position de leader de la Suisse dans le domaine en 2015 (Deloitte, 2015). Bien que l’abolition du secret bancaire et l’entrée en vigueur imminente de l’échange automatique des renseignements freinent la compétitivité suisse dans l’industrie (Bartolomei, 2016), les places suisses parviennent tant bien que mal à enrayer un exode qui pourrait être dramatique, grâce aux nombreux autres arguments qui jouent en leur faveur. Parmi ceux-ci, un environnement politique et légal très stable, des services professionnels de qualité et un accès à un capital humain intéressant ont permis aux centres helvétiques de se faire une place de choix dans de nombreuses industries financières. Ainsi, le trading mondial des matières premières est largement dominé par la Suisse, environ un tiers du commerce de transit étant géré depuis la Suisse (Bader, 2016). La Suisse dispose également d’un marché Forex qui est l’un des plus importants au monde en termes de volumes journaliers, derrière Londres, New York, Tokyo et Singapour (Countingpips, 2011). Toutefois, malgré des forces et des arguments incontestables en leur faveur, les places financières helvétiques souffrent de quelques défauts, notamment le prix des locaux, des services et le coût de la vie en général, mais aussi une relation compliquée avec l’Union Européenne, qui oblige la Suisse à adopter certaines règlementations sans avoir le bénéfice de l’accès au marché unique
Banque privée & gestion de fortune
La Grande Bretagne est l’un des acteurs clés de ce marché, avec $1700 milliards de fonds sous gestion en 2014, seule la Suisse faisant mieux avec $2000 milliards, tandis que les Etats-Unis arrivent troisième avec $1400 milliards (Deloitte, 2015). Ces segments de l’industrie bancaire sont grandement influencés par le nombre de résidents à haute capacité financière. En effet, Zurich, Genève, Londres et New York sont parmi les villes accueillant le plus de millionnaires, en nombre et en proportion (Frank, 2014). C’est un constat relativement évident, puisque pour qu’il y ait un développement des activités de banque privée et de gestion de fortune, il faut des fortunes à gérer et donc des personnes fortunées à proximité. Ainsi, cette activité est influencée par les règlementations fiscales et autres lois nationales, puisqu’une modification dans ces conditions cadres pourrait entraîner une migration des personnes fortunées et du même coup un exode des capitaux. La Suisse en fait l’amère expérience avec l’abolition de son secret bancaire, ce qui diminue son attractivité et menace ses activités de gestion de fortune (Bartolomei, 2016).
Emissions obligataires
Bien que Londres ait une part importante du marché obligataire, les Etats-Unis et principalement New York dominent largement cette industrie. Entre 2006 et 2015, les émissions obligataires aux Etats-Unis s’élèvent en moyenne à $2400 milliards par année, tandis qu’elles sont « seulement » autour de $330 milliards en Grande Bretagne (Wallace et Wright, 2016). Cette différence extrême, qui est illustrée dans le graphe de la page suivante (Figure 2 : Comparaison des émissions obligataires), s’explique notamment par les traditions culturelles. En effet, il est très commun pour une société de lever des fonds à travers les marchés aux Etats-Unis, tandis que les sociétés européennes se financent davantage grâce à des emprunts bancaires.
Banque d’investissement
Cette industrie dépendant grandement des activités de financement des entreprises, il est normal, au vu des chiffres concernant les émissions obligataires et le marché des capitaux observés dans les parties précédentes, que les Etats-Unis soient leader sur ce segment. Toutefois, l’importance de Londres n’est pas à négliger, puisqu’elle est clairement la principale place financière européenne dans la banque d’investissement et qu’elle reste un acteur majeur de cette industrie au niveau mondial. L’un des éléments déterminant au niveau du commerce de titres et des banques d’investissement qui gèrent leurs émissions est la réglementation concernant le mouvement des capitaux ; plus il y a de barrières et de taxes sur l’entrée ou la sortie de capitaux, moins le marché est attractif aux yeux des sociétés, des investisseurs, et donc des banques d’investissement. C’est notamment cet aspect régulatoire qui a permis à Londres et son cadre légal très favorable de rattraper son retard sur New York dans ces industries ces dernières décennies, bien que la Grande Pomme domine toujours les émissions de dette et de capitaux en termes de volume. Outre les activités d’émissions, les banques d’investissement ont également un rôle important dans les fusions & acquisitions, les crédits internationaux et la recherche économique. Comme on peut le voir dans le graphe de la page suivante (Figure 4 : Banque d’investissement – Répartition géographique des frais perçus), l’industrie de la banque d’investissement est largement dominée par les Amériques, principalement les Etats-Unis et New York, tandis que l’Europe, groupée avec le Moyen-Orient et l’Afrique dans le graphique (EMEA – Europe, Middle East & Africa), ne collecte qu’un quart des frais perçus dans le monde. Cela s’explique notamment par le fait que la majeure partie des grandes banques d’investissement sont d’origines américaines et qu’elles ont logiquement développé leurs affaires sur leur continent initialement. C’est donc sans surprise que New York domine largement Londres dans les activités de fusions & acquisitions (IMAA, 2015). C’est probablement le cas également dans une moindre mesure pour les crédits internationaux, même si les données à ce sujet sont plus difficiles à trouver. Quant à la recherche économique, elle semble être menée davantage à Londres, grâce notamment à la présence de nombreux « Think Tanks » actifs dans ce domaine. Toutefois, c’est une activité qui peut facilement être déplacée, car elle nécessite uniquement une main d’œuvre qualifié
Forex
Londres est incontestablement le leader dans le marché Forex, avec 37% du volume journalier en 2010 (Countingpips, 2011). Cette proportion est montée à presque 41% en 2013, avant de retomber au niveau de 2010 trois ans plus tard, notamment à cause de la croissance des centres asiatiques sur ce marché (Martin, 2016). La principale concurrence est là aussi New York, qui détient autour de 20% du volume journalier sur cette même période. La régulation est un des facteurs déterminants sur ce marché. En effet, le Forex permet l‘investissement au niveau international. Dès lors, lorsque les marchés de titres ont des régulations favorables au mouvement des capitaux, ceux-ci attirent les investisseurs internationaux et font croître le marché des devises parallèlement.
Commodities
Le trading des matières premières est une industrie forte à Londres, qui accueille notamment le London Metal Exchange (LME) et le London Bullion Market. Ces deux entités sont leaders mondiaux dans leur segment, respectivement le commerce de métaux non ferreux et le trading « wholesale » de l’or et l’argent (UNCSBRP, [sans date]). Toutefois, le marché des commodities ne se réduit pas aux métaux, et malgré une certaine présence dans le trading de sucre et de pétrole, Londres n’est pas l’acteur principal dans ce domaine. En effet, c’est la Suisse qui est largement leader dans l’industrie, laissant Londres, Singapour et Shanghai loin derrière en termes de parts de marché (Bader, 2016). Les Etats-Unis, principalement New York et Houston, doivent se contenter d’une très maigre part dans les matières premières, avec une forte concentration sur le pétrole.
Assurance
Le marché international de l’assurance est dominé par Londres. La présence de Lloyd’s, poids lourd de l’industrie, joue certainement un rôle, mais c’est surtout la force du système légal britannique, discutée dans la partie précédente, qui a permis à ce secteur de se développer à Londres (UNCSBRP, [sans date]). En effet, Londres étant le centre légal pour la majorité des transactions commerciales internationales, cela a permis aux services annexes de se développer ; les compagnies d’assurance ont pu grandement évoluer grâce à la demande en assurances internationales, notamment en assurances maritimes. Mais la concurrence s’intensifie, avec New York, Singapour, Hong Kong et Tokyo qui s’adjugent des parts grandissantes dans ce marché.
Produits dérivés
Pendant longtemps, Londres était leader sur le marché des dérivés. En 2013 encore, Londres détenait environ 50% du volume de transactions, avant de tomber autour de 39% en 2016, laissant les Etats-Unis prendre les devants avec environ 41% (Wallace et Wright, 2016). Toutefois, ce n’est pas New York mais davantage Chicago qui fait concurrence à Londres, avec le Chicago Mercantile Exchange (CME) qui est la plus grande bourse de produits dérivés. Malgré cela, Londres reste le centre européen majeur et un acteur mondial très important dans le trading de dérivés, grâce notamment aux dérivés libellés en euro (« Euro-denominated derivatives ») qui sont échangés principalement dans la capitale britannique.
Synthèse
Afin de résumer les différentes lignes de métiers présentes à Londres et d’avoir un aperçu de leur force relative à celles des places financières concurrentes, il est intéressant de construire un tableau récapitulatif en guise de synthèse. Ainsi, pour chaque ligne de métier précédemment analysée, nous déterminons la position concurrentielle de Londres (dominante, moyenne ou faible) et les barrières à l’entrée existantes pour une place financière qui désirerait se développer dans l’activité en question. Nous nous intéressons également au degré de réplicabilité de chacune de ces lignes de métier, qui dépend évidemment des barrières à l’entrée, mais aussi de la force des acteurs déjà implantés sur le segment en question. Ce degré de réplicabilité est évalué sur une échelle de 1 à 5, la difficulté augmentant avec la note (de 1 : « facilement réplicable » à 5 : « réplicabilité difficile, voire quasi-impossible »). Enfin, nous énumérons les principales places financières concurrentes de Londres pour chaque ligne de métiers, qu’elles soient leaders du segment ou en mesure de concurrencer la City. Dans cette partie, les centres financiers que sont Genève et Zurich sont considérés ensemble, leurs profils étant similaires
Conclusion
À travers les thématiques qui ont été abordées jusqu’à présent, on constate aisément la forte concurrence qu’il y a entre les différentes places financières dans le monde. Chacune à ses forces et arguments qui la rendent attractive, mais aussi ses lacunes et restrictions qui peuvent entraver ou limiter son développement. Toutefois, à l’exception de New York, aucun autre centre n’est comparable à Londres une fois que l’on agrège les industries et activités financières. En effet, la polyvalence de Londres est exceptionnelle ; que ce soit dans la gestion de fortune, les marchés Forex, le trading de matières premières ou l’assurance, la place londonienne est toujours parmi les plus compétitives au monde. Le succès de Londres en tant que pôle financier global s’explique notamment par l’Histoire britannique et la suprématie économique précoce du Royaume-Uni. Cependant, l’Histoire ne peut à elle seule expliquer la position dominante dans laquelle la City se trouve encore aujourd’hui. En effet, la capacité de l’État britannique à fournir un cadre politico-légal stable et attractif, et d’être suffisamment réactif afin de le maintenir, a joué un rôle majeur pour la compétitivité de Londres en tant que centre financier. La présence accrue de sociétés financières, de services professionnels liés et de main d’œuvre qualifiée, qui sont la conséquence de la mise en place d’un environnement stable et complaisant, ont permis la création du cercle vertueux expliquant la position dominante de Londres, historique et actuelle. Toutefois, les succès passé et présent ne garantissent pas le succès futur ; le cercle vertueux peut se briser à l’annonce d’un bouleversement des conditions macroéconomiques par exemple, et la réactivité du gouvernement serait alors décisive afin de préserver la position centrale de Londres dans la finance.
Les négociations
Dans l’optique d’avoir une bonne compréhension des enjeux qui entourent le Brexit, il est nécessaire de décrire le processus de sortie de l’Union Européenne. Nous nous rendrons rapidement compte de la complexité de ces procédures et des challenges qui attendent le Royaume-Uni. C’est en analysant les négociations commerciales par la suite que nous comprendrons que les challenges ne s’arrêtent pas aux procédures de sortie, et que le gouvernement britannique aura la lourde tâche de parvenir à un accord qui satisfasse ses objectifs et qui soit acceptable aux yeux de la contrepartie européenne.
Processus de sortie de l’UE
La sortie de l’Union Européenne promet d’être longue et compliquée, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est la première fois que cela se produit. En effet, l’article 50 du Traité de Lisbonne prévoyant les démarches à entreprendre pour quitter l’union date seulement de 2009, et le Royaume-Uni est le premier pays à déclencher la procédure (Hunt et Wheeler, 2017). Ainsi, comme cet article le prévoit, la Première Ministre britannique a notifié la sortie de son pays de l’Union Européenne par le biais d’une lettre officielle. Cette démarche, entreprise le 29 mars 2017, laisse deux ans aux protagonistes afin de négocier les termes de sortie. Si cette période ne suffit pas, ce qui est probable au vu des 43 ans de lois et traités qu’il faut défaire, alors une prolongation des négociations est possible à condition que la majorité des membres l’accepte.
Modèle Norvégien
Membre de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) et de l’Espace Economique Européen (EEE), la Norvège bénéficie d’un accès complet au marché unique (BBC, 2017b). Toutefois, cela contraint le pays nordique à effectuer des contributions financières importantes à l’union. Par ailleurs, la Norvège est également soumise aux lois Européennes sans pouvoir les influencer ; le libre mouvement des personnes est donc appliqué.
Modèle Suisse
La Suisse est membre de l’AELE mais pas de l’EEE, ce qui permet notamment le commerce de produits sans taxes douanières. Pour garantir un accès au marché unique, la Suisse a conclu plus de 120 accords bilatéraux avec l’Union Européenne, impliquant notamment l’obligation d’effectuer des contributions financières et d’appliquer le libre mouvement des citoyens européens (Foulkes, 2016). L’accès au marché unique n’est toutefois pas complet, les services financiers n’étant par exemple que partiellement couverts par ces accords. Cet accès au marché unique est désormais menacé, puisque les votations suisses visant la restriction du libre passage ont fortement déplu à l’UE, qui considère que les libertés de mouvement des biens, services, capitaux et personnes vont de pair (BBC, 2016a).
Modèle Turque
Bien qu’elle ne soit ni dans l’AELE, ni dans l’EEE, la Turquie est parvenue à intégrer l’union douanière de l’Union Européenne. Cela permet l’abolition des tarifs douaniers sur les biens transitant dans l’union, mais limite la capacité de la Turquie à faire ses propres accords commerciaux avec d’autres pays (BBC, 2016a). En effet, une union douanière implique l’application de tarifs douaniers identiques par tous ses membres face aux pays externes à l’union, contrairement à une zone de libre-échange qui laisse la liberté aux pays de négocier leurs propres termes avec d’autres partenaires (BBC, 2017c).
Impacts sur la place financière londonienne
Dans cette partie, nous allons tout d’abord analyser les différents impacts qu’ont eus le Brexit et les évènements qui ont suivi sur l’économie britannique et la place financière de Londres. Nous allons voir que cette période de transition dans laquelle se trouve le Royaume-Uni affecte les marchés financiers, notamment à certaines dates clés sur lesquelles nous nous concentrerons. Par la suite, nous adopterons une perspective à plus long terme, afin de juger des véritables conséquences que peut avoir le Brexit sur Londres. Ces conséquences dépendant grandement des termes de l’accord commercial qui sera conclu, nous envisagerons deux scénarios possibles et nous évaluerons les effets qu’ils peuvent avoir sur les différentes industries financières et sur la place londonienne dans son ensemble.
Période transitoire
Dans ce travail, la période transitoire est considérée comme étant l’intervalle de temps entre l’acceptation du référendum et la sortie effective de l’Union Européenne. Toutefois, cette période de transition allant très probablement s’étendre jusqu’à mars 2019 au minimum, ce travail ne pourra pas couvrir l’entièreté de cette période. Au vu des contraintes temporelles, l’analyse de ces événements de transition s’arrêtera au 1er mai 2017.
Acceptation du Brexit – 23.06.2016
L’acceptation du référendum avec une faible majorité a eu l’effet d’un choc sur les marchés financiers. En effet, une grande partie des observateurs pensait que cette issue était très peu probable, évoquant notamment les gros risques engendrés par un tel saut dans l’inconnu. Pourtant, le Brexit a bel et bien été accepté, et la réaction des marchés ne s’est pas fait attendre. Celle-ci a encore été amplifiée par la démission immédiate de David Cameron, l’ancien Premier Ministre, ce qui a encore augmenté l’incertitude régnant autour de l’économie britannique et de son futur. En conséquence, la bourse de Londres et la livre Sterling ont durement chuté les quelques jours suivant le référendum. Au 27 juin 2016, la monnaie britannique est tombée à un niveau qui n’a plus été connu depuis 30 ans face au dollar américain, une chute brutale qui peut être observée dans le graphe de la page suivante (Figure 5 : Cours de la livre Sterling – Juin 2016).
Discours de T. May – 17.01.2017
Le discours de la Première Ministre était très attendu, car il avait pour principal objectif de clarifier les volontés du gouvernement dans les négociations et les démarches qui seront entreprises dans le cadre du Brexit. Lors de ce discours, Madame May a confirmé que le Royaume-Uni quitterait le marché unique et l’union douanière, tout en visant à conclure un accord de libre-échange qui donnerait le plus grand accès possible au marché européen (Bilan, 2017). Toutefois, elle a confirmé que le contrôle de l’immigration sera leur priorité, ce qui relègue ces considérations commerciales au second plan. Elle a également annoncé qu’un accord de transition est envisageable, et que l’accord final sera soumis au vote des deux chambres du Parlement. De plus, la Première Ministre a donné la date exacte de la mise en œuvre du Brexit, qui sera amorcée le 29 mars 2017 avec la notification prévue dans l’article 50 du traité de Lisbonne (Moseley, 2017). Ce discours a eu un effet très positif sur la livre Sterling, qui a connu sa plus belle montée face au dollar américain depuis 2008 (BBC, 2017f). Malgré la priorisation de l’immigration, qui était déjà attendue d’après les observateurs, les marchés ont bien reçu le discours, car il a permis de dissiper quelque peu les incertitudes régnant autour des négociations futures. Toutefois, cette hausse impressionnante de la livre Sterling est intervenue après des baisses répétées les jours précédant le discours, ce qui met en exergue la forte volatilité de la monnaie britannique dans cette période transitoire.
Déclenchement de l’article 50 – 29.03.2017
Au 28 mars 2017, la monnaie britannique se traitait à environ 15% de moins face au dollar américain et 12% de moins face à l’euro en comparaison à l’avant-Brexit (Bowler, 2017). Outre cette dévalorisation, c’est la volatilité de la livre Sterling qui est marquante, la devise fluctuant rapidement à la moindre information nouvelle concernant les négociations et les procédures en cours. Sur cette même période, les FTSE 100 et FTSE 250 ont connu des hausses respectives de 16% et 11% (Bowler, 2017), notamment grâce à une hausse générale des marchés actions mondiaux en fin d’année 2016 et en début 2017. L’une des raisons qui explique l’augmentation plus conséquente de l’indice principal est qu’il concerne davantage de sociétés d’exportation que le FTSE 250, lesquelles bénéficient de la dévalorisation de la livre Sterling.
Sommet Brexit des pays de l’UE – 29.04.2017
Les membres restants de l’Union Européenne se sont réunis le 29 avril afin de s’accorder sur les lignes directrices de leur politique de négociation. Lors de ce sommet, il a été convenu que l’union donnera la priorité à la quittance de divorce (« Brexit Bill ») ainsi qu’aux droits des citoyens européens résidant au Royaume-Uni et vice-versa. Ces deux aspects devront être réglés avant l’entame des négociations sur des accords visant à définir les relations futures des deux parties (Boffey et Rankin, 2017). L’Union Européenne adopte une position ferme, mais elle se veut également rassurante, garantissant qu’il n’y aura pas de réaction punitive envers le Royaume-Uni et qu’elle cherchera à garder de bonnes relations avec le membre sortant. Le déroulement du sommet va dans ce sens, les membres s’étant accordés sur l’importance d’un accord de transition qui permettrait une mise en œuvre par étape du Brexit et des termes qui définiront leurs relations ensuite, une disposition qui est également valorisée par les politiques britanniques. De plus, la rapidité avec laquelle les 27 membres ont unanimement accepté les lignes directrices lors de ce sommet est également un très bon signe. En effet, cela porte à croire que les membres ont une vision commune sur la suite des événements, ce qui pourrait accélérer les négociations et faciliter la conclusion d’un accord final. Ce sommet n’a pas réellement eu de conséquences sur les marchés financiers, même si les discussions qui s’y sont tenues ont pu quelque peu éclaircir la position de l’UE dans ces négociations. En effet, la livre Sterling et les indices boursiers britanniques ont fluctué les jours suivants, mais aucune tendance claire ne s’est dégagée, illustrant une volatilité persistante sur les marchés anglais. L’incertitude règne toujours autour des perspectives de l’économie britannique, et celle-ci ne pourra se dissiper qu’avec l’évolution des négociations sur les futures relations commerciales. Le début de ces négociations étant prévu pour juin 2017, le Royaume-Uni aura tout intérêt à rapidement régler les aspects concernant le « Brexit Bill » et le droit des citoyens afin de pouvoir entrer dans le vif du sujet au plus vite. En effet, plus les négociations pour un accord commercial pourront être entamées tôt, plus vite l’incertitude sera dissipée, ce qui ne peut être que bénéfique pour les marchés et la place financière de Londres.
En résumé, un accord qui priorise l’immigration aurait des effets négatifs sur la majeure partie des industries financières de Londres. Toutefois, l’ampleur de ces effets est très difficile à évaluer, car cela dépend grandement des barrières qui apparaîtront avec l’accord, mais aussi de la réaction du pôle financier dans son ensemble. En effet, la force et l’attractivité de Londres réside principalement dans le fait que c’est un carrefour, un nœud qui regroupe une masse d’acteurs financiers et de facteurs qui favorisent leur développement, comme l’accès à la main d’œuvre qualifiée ou la présence de services professionnels liés par exemple. Ainsi, si certains acteurs de ce nœud financier sont incités à quitter Londres car leurs avantages à y être ne sont plus suffisants, cela peut créer une réaction en chaîne et se propager à d’autres industries. Dès lors, la clé dans ce type de scénarios réside dans la capacité du gouvernement et du centre financier à diminuer les effets négatifs et/ou à offrir de nouveaux avantages à être implanté à Londres. Bien qu’il soit peu réaliste d’envisager que ces réactions puissent répondre aux préoccupations de toutes les lignes de métiers, cela aurait au moins le mérite d’endiguer l’hémorragie et d’éviter un effet boule de neige qui pourrait être dramatique pour l’avenir de la place financière de Londres. Une étude prévoit que ce genre de « worst-case scenarios » pourrait réduire le PIB britannique de 2% à 3% dans les années suivant la sortie de l’Union Européenne (Mansfield, 2014, pp. 45-46), avec comme principales victimes les investissements internationaux et l’import-export, ce qui n’augure rien de bon pour l’industrie financière britannique
Par ailleurs, la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’UE permettrait non seulement à la place londonienne de conserver ses atouts, mais aussi d’envisager des perspectives de développement supplémentaires. En effet, le Royaume-Uni serait en mesure de négocier ses propres accords commerciaux avec d’autres pays, ce qui pourrait consolider leurs relations avec des puissances mondiales telles que les EtatsUnis et la Chine par exemple. De plus, le gouvernement peut agir en parallèle sur sa fiscalité et ses régulations spécifiques, afin de rendre la place financière de Londres plus attractive. Au vu de ces éléments, un tel scénario permettrait de protéger l’industrie financière britannique, mais également de favoriser son développement en améliorant son attractivité, ce qui offrirait des perspectives très réjouissantes pour le futur du pôle financier londonien. Cela permettrait également à la bourse et la monnaie britanniques de retrouver une certaine stabilité et de se renforcer, grâce aux perspectives positives générées par les actions du gouvernement britannique. Dans ce type de scénario, la City pourrait finalement se renforcer grâce au Brexit, malgré une longue période d’incertitude dans laquelle son développement aurait été considérablement freiné. D’après une estimation, ce genre d’issue permettrait une croissance du PIB britannique entre 0.1% et 1.1% et un retour des investissements en provenance de l’étranger à leur niveau pré-Brexit quelques années après la sortie effective (Mansfield, 2014, p. 45), l’ampleur de la croissance dépendant surtout des accords commerciaux que le Royaume-Uni serait parvenu à conclure avec des puissances économiques hors Europe.
Conclusion
Malgré l’adoption d’une approche manichéenne qui peut paraître simpliste, cette démarche permet d’avoir une vision claire des impacts que peuvent avoir l’issue des négociations. Même si l’ampleur de ces impacts est très incertaine, puisqu’elle dépend essentiellement des termes spécifiques de l’accord conclu et de la réaction des différentes industries financières qui s’influencent entre elles, on remarque rapidement qu’il y a un type de scénario à éviter. En effet, le gouvernement britannique a un grand intérêt à prioriser les considérations commerciales aux dépens de la maîtrise de l’immigration, surtout si elle souhaite favoriser la croissance de son économie et celle de son industrie financière. Dans ce scénario, la place financière de Londres conserverait ses avantages inhérents et verrait même ses activités se développer, grâce à la liberté d’action dont bénéficierait le gouvernement britannique dans ses relations internationales et ses régulations nationales. À l’inverse, un scénario où le contrôle de l’immigration est préféré à des relations commerciales sans barrières avec l’Union Européenne pourrait avoir des conséquences dramatiques pour la place londonienne, qui verrait certains de ses atouts principaux s’amenuiser, voire disparaître en même temps que le passeport financier. Ainsi, la seule option qui resterait au gouvernement pour protéger quelque peu son industrie financière serait d’agir au niveau fiscal ou régulatoire, mais en plus d’être possiblement cher pour l’Etat, cela ne permettrait certainement pas de compenser pleinement les avantages perdus par les sociétés financières, et celles-ci pourraient tout de même être tentées de déplacer leurs activités. Sachant que, d’après l’estimation d’un économiste de JP Morgan, une baisse de 1% du taux d’imposition appliqué aux entreprises équivaudrait à une diminution des recettes fiscales d’environ £ 2.4 milliards sur 3 ans (Williams Grut, 2017), soit 0.1% du PIB britannique, le gouvernement doit être très prudent quant à la prise de mesures fiscales, d’autant plus que leur effet incitatif est hautement incertain.
Conclusion
En résumé, Londres a une place privilégiée dans la finance mondiale ; ses industries financières sont développées et très compétitives, lui procurant une polyvalence et une profondeur difficiles à répliquer. En effet, la seule place capable de rivaliser avec le statut global de Londres est New York, qui dispose de conditions cadres comparables à celles de la capitale britannique. Nous avons vu que l’essor de Londres a été soutenu par un environnement politico-économique stable et un cadre régulatoire compréhensif qui ont permis d’attirer une masse d’acteurs financiers. Cela a ensuite généré la création d’un cercle vertueux, dans lequel les sociétés financières étaient grandement incitées à s’implanter près de leurs concurrents et partenaires, afin de profiter notamment de la liquidité créée par ce regroupement et de l’accès à la main d’œuvre qualifiée, elle même attirée par le nœud financier. Une fois le pôle en place, il se développe de manière naturelle et cela semble difficile de concevoir sa chute. Toutefois, comme New York a pu l’expérimenter à quelques reprises, un changement dans les conditions macroéconomiques d’un pays peut impacter grandement une place financière et menacer ses perspectives de développement. Avec l’acceptation du Brexit, une telle menace plane au-dessus de Londres ; la sortie de l’Union Européenne promet de gros changements à tous les niveaux pour le Royaume-Uni, ce qui génère beaucoup d’incertitude autour des perspectives de l’économie britannique et de la place londonienne. Par conséquent, les marchés britanniques connaissent une forte volatilité, les décisions d’investissement au Royaume-Uni sont repoussées jusqu’à ce que les futures conditions soient clarifiées et les sociétés financières implantées à Londres envisagent une délocalisation si l’environnement se détériore. Ces conditions futures dépendant grandement de l’aboutissement des négociations commerciales avec l’UE, il est clair que les enjeux entourant le Brexit sont grands et que l’avenir du pôle financier londonien y est étroitement lié. En bref, le sort de la place londonienne est entre les mains du gouvernement britannique. Pour le bien de Londres, la priorité dans ces négociations doit être la conclusion d’un accord de libre-échange, garantissant la libre mobilité des biens, services et capitaux, afin de maintenir des conditions similaires à celles qui ont attiré tant d’acteurs financiers. Au vu de la politique inflexible de l’UE sur ces libertés, un tel accord ne pourra être signé qu’avec la garantie de la mobilité des citoyens, une concession que le gouvernement britannique ne semble actuellement pas prêt à faire.
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Table des matières
1. Introduction
2. Description de la place financière de Londres
2.1 Le développement précoce : du XVIIème au XXème siècle
2.2 Le Big Bang : de 1986 à aujourd’hui
2.3 Forces de Londres
2.4 Aperçu des places financières concurrentes
2.4.1 New York
2.4.2 Singapour
2.4.3 Hong Kong
2.4.4 Tokyo
2.4.5 Francfort
2.4.6 Luxembourg
2.4.7 Genève & Zurich
2.5 Produits & lignes de métiers clés
2.5.1 Banque privée & gestion de fortune
2.5.2 Emissions obligataires
2.5.3 Emissions d’actions
2.5.4 Banque d’investissement
2.5.5 Asset Management
2.5.6 Gestion de fonds de placement
2.5.7 Forex
2.5.8 Commodities
2.5.9 Assurance
2.5.10 Produits dérivés
2.5.11 Hedge Funds & Private Equity
2.5.12 Synthèse
2.6 Conclusion
3. Le Brexit
3.1 Les négociations
3.1.1 Processus de sortie de l’UE
3.1.2 Modèles d’accords commerciaux
3.1.2.1 Modèle Norvégien
3.1.2.2 Modèle Suisse
3.1.2.3 Modèle Turque
3.1.2.4 Modèle Canadien
3.1.2.5 Cadre OMC
3.1.3 Plausibilité des accords
3.2 Impacts sur la place financière londonienne
3.2.1 Période transitoire
3.2.1.1 Acceptation du Brexit – 23.06.2016
3.2.1.2 Discours de T. May – 17.01.2017
3.2.1.3 Déclenchement de l’article 50 – 29.03.2017
3.2.1.4 Sommet Brexit des pays de l’UE – 29.04.2017
3.2.2 Prévisions futures
3.2.2.1 Scénario 1 : maîtrise de l’immigration
3.2.2.2 Scénario 2 : accord de libre-échange
3.3 Conclusion
4. Recommandations
5. Conclusion
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