Interview informelle auprès des récolteurs
Il a été démontré à plusieurs reprises que lorsqu’il s’agit d’une enquête au milieu rural, la discussion du type informel permet d’obtenir les informations les plus intéressantes. Mais elle exige du temps par rapport au type formel puisque la conversation est souvent écartée du centre d’intérêt de l’enquêteur et la réorientation s’avère parfois difficile. Toutefois, compte tenu de la méfiance des paysans récolteurs vis-à-vis de l’enquêteur, il a été plus favorable de mener une discussion informelle pour aboutir à des résultats plus fiables. L’interview informelle a été surtout menée auprès des collecteurs. Cette étape a précédé les séances de questionnaires.
Cadre institutionnel, réglementaire et fiscal régissant l’exploitation de Centella asiatica
Les règlements qui régissent l’exploitation des produits accessoires des forêts sont bien stipulés suivant l’arrêté ministériel n°2915/87 du 30 Juin 1987. Ces règlements concernent précisément :
– l’exploitation, la collecte, la circulation, la vente et l’exportation des produits forestiers
– les mesures de sauvegarde et d’amélioration des produits
– les infractions et pénalités
– les taxes et les dispositions fiscales mises en place dans le cadre d’une collecte et d’une exportation des produits forestiers. Ces taxes sont relatives aux redevances à la collecte et à l’exportation. Pour les produits de cueillette, elles sont rapportées à l’unité de produits récoltés et leurs montants sont fixés par décisions de la Direction Générale de l’Environnement et des Eaux et Forêts.
L’arrêté interministériel du 30 Juin 1987 porte sur la conduite de l’exploitation des produits accessoires des forêts. Sont réglementés par cet arrêté sur l’ensemble du territoire de Madagascar l’exploitation, la circulation, la vente et l’achat des plantes médicinales et industrielles forestières considérées comme produits accessoires des forêts issus des végétaux spontanés ou cultivés, utilisés en médecine et à la préparation de produits pharmaceutiques ou chimiques. Elles sont classées en deux catégories : les plantes herbacées dont Centella asiatica et les plantes ligneuses.
Facteurs influençant le prix du kg du Talapetraka
Plusieurs paramètres peuvent influencer le prix du produit : moyen de transport mobilisé par les collecteurs ou sous collecteurs, qualité du séchage (bien séché ou non) sans toutefois écarter la volonté des collecteurs ou sous collecteurs à prélever une marge importante sur le prix du Talapetraka.
a. L’existence de plusieurs sous collecteurs : La zone d’intervention d’un collecteur peut s’étendre sur un rayon de 50 à 100km. D’ou leur nécessité d’engager des sous collecteurs afin de récolter les Talapetraka dans les zones éloignées. Les collecteurs intermédiaires engagent à leur tour d’autres sous collecteurs. Ce système influe considérablement le prix d’achat au niveau des récolteurs. Le prix mentionné dans la figure ci-dessus caractérise principalement le prix au niveau des zones accessibles, mais dans les zones enclavées, le prix du kg au niveau des récolteurs peut aller jusqu’à 1 200 Ariary. Par exemple, 10 collecteurs travaillent sous le service du collecteur de Vohidiala. Les sous collecteurs qui interviennent dans les zones enclavées mobilisent encore d’autres sous poste pour récolter les produits auprès des récolteurs. Ainsi, l’existence de nombreux sous collecteurs affecte le prix d’achat auprès des récolteurs à cause de la marge que prend chaque acteur de la filière.
b. Moyen de transport : Compte tenu des zones éloignées, les collecteurs intermédiaires utilisent différents moyens de transport pour acheminer les produits issus des récolteurs vers leur zone de dépôt, soit par une charrette, par bicyclette ou à dos d’homme. Ces moyens de transport sont pris en compte dans le prix d’achat payé par les sous collecteurs aux récolteurs.
c. Temps de séchage et triage : Face à un besoin immédiat d’argent, les récolteurs ne consacrent pas beaucoup de temps dans le séchage et le triage des Talapetraka cueillis, 1h à 2h de temps pour le séchage. Ainsi, les sous collecteurs prennent en considération la perte de poids dans le prix d’achat au niveau des récolteurs suite au séchage et triage qu’ils doivent encore effectuer. En fait, le taux d’humidité ambiante recherché pour le Talapetraka seché final (produit destiné à l’exportation) est d’environ 8%. Les produits fournis par les collecteurs à Sotramex ont en général une humidité entre 13 et 20%. Donc des collecteurs intermédiaires vers les collecteurs, le taux d’humidité est nettement supérieur à 14% et au niveau des récolteurs il se situe entre 20 et 25%. Le procédé de séchage et de triage entraîne ainsi une perte de masse au niveau de chaque acteur de la filière (exploitants, collecteurs, collecteurs intermédiaires et récolteurs).
d. Proximité par rapport aux collecteurs : Le prix d’achat est quasiment différent lorsque les récolteurs livrent directement leur cueillette vers les collecteurs et lorsque ces derniers passent par les sous collecteurs. Mais, du fait de la distance éloignée qui sépare les collecteurs des récolteurs, pouvant aller jusqu’à 50km, les paysans récolteurs doivent recourir aux collecteurs intermédiaires. Le prix collecteur est en moyenne de 2 000 Ariary, celui passant par les sous collecteurs est nettement inférieur à ce prix.
Impacts sur le revenu des paysans récolteurs
La campagne de Talapetraka de Sotramex se situe généralement entre le mois de Septembre et le mois de Février. Mais en fonction du taux de triterpène dans Centella asiatica, les activités de collecte peuvent s’étaler sur plusieurs mois. Pour la campagne 2008-2009, la collecte de Talapetraka à Vohidiala a eu lieu jusqu’en Décembre 2008 tandis que les activités de collecte à Ampasimpotsy et Morarano n’ont pris fin que vers le mois de Mars 2009. Rappelons que les principaux récolteurs de Centella asiatica sont la population la plus vulnérable, qui n’ont pas de terre cultivable, leurs activités génératrices de revenu sont instables, sans emploi, caractérisé par une famille nombreuse parfois sans père de famille, leur activité agricole est précaire, destinée uniquement à l’autoconsommation à peine suffisante pour subvenir aux besoins de la famille. Pendant la compagne de Talapetraka, les paysans récolteurs n’ont comme source de revenu que celui issu de la collecte de Talapetraka. Cette activité est pratiquée par les paysans depuis une vingtaine d’année. Les récolteurs sont surtout actifs dans la collecte du Talapetraka durant le mois de Septembre et Octobre et pendant la période de soudure qui se situe entre le mois de Janvier et Mars. En dehors de ces périodes, c’est à dire à partir de Novembre, les travaux rizicoles commencent à fournir des travaux journaliers pour les paysans. Dans ce sens, certains paysans préfèrent travailler dans les champs de rizières pour effectuer le labour, le sarclage, le repiquage de leur propre champ de culture ou bien celui d’autrui. La stratégie des paysans vise notamment à profiter au maximum des activités génératrices de revenu existantes sans pour autant délaisser leur activité principale, l’agriculture, la base de survie de leur ménage.Les travaux d’enquête ont été surtout focalisés chez les paysans récolteurs, lesquels constituent la plus grande partie des acteurs de la filière et se positionnent en tant que premiers fournisseurs de matière première. Les questions posées à cette catégorie d’acteurs tendent de répondre à deux principales préoccupations, et ainsi de savoir si la collecte de Talapetraka : constitue une source de revenu pour les paysans récolteurs ? contribue au rehaussement de leur niveau de vie ? D’une part, 47% des paysans récolteurs de Vohidiala et 32% de ceux d’Ampasimpotsy et Morarano (figure n°6) considèrent l’exploitation de Talapetraka comme une source de revenu mais qui satisfait uniquement les besoins journaliers et immédiats des ménages. Les revenus issus de la collecte de Centella asiatica ne permettent pas encore de réinvestir dans d’autres activités ou d’avoir des surplus monétaires. 100% des enquêtés ont répondus que les revenus issus du Talapetraka satisfont uniquement les produits de première nécessité des ménages (riz, sucre, bougie, pétrole, etc.) et contribuent à éviter leur endettement durant les périodes de crise en particulier la période de soudure. La collecte de Centella asiatica demeure donc une activité d’appoint pour les ménages. Ce qui revient à dire que malgré le fait que les revenus issus du Talapetraka ne permettent pas encore aux paysans de faire des investissements ou d’améliorer leur bien être, sans cette activité de collecte de Talapetraka, les paysans ne pourront pas faire face à leur besoin quotidien.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie I : PROBLEMATIQUE, HYPOTHESES ET METHODOLOGIE DE TRAVAIL
1. Problématique
2. Hypothèses de travail
3. Méthodologie de travail
3.1. Caractéristiques du milieu humain de la zone d’étude
3.2. Phase de reconnaissance
3.3. Collecte de données
3.3.1. Analyse de la filière Centella asiatica
3.3.2. Etude des impacts sociaux de l’exploitation de Centella asiatica
3.4. Traitement des données
3.5. Contraintes et limites de l’étude
Partie II : ETAT DES CONNAISSANCES
1. Caractéristiques du milieu d’étude
1.1. Situation géographique
1.2. Milieu physique
2. Caractéristiques de Centella asiatica
2.1. Description de Centella asiatica
2.2. Cadre institutionnel, réglementaire et fiscal régissant l’exploitation de Centella asiatica
2.3. Pays exportateurs de Centella asiatica de Madagascar
2.4. Concurrence pour la collecte de Centella asiatica
Partie III : RESULTATS ET INTERPRETATIONS
Chapitre 1 : Description de la filière Centella asiatica
1.1. Structure de la filière Centella asiatica dans la Région Alaotra Mangoro
1.2. Typologie des acteurs de la filière Centella asiatica
1.2.1. Exploitants
1.2.2. Collecteurs
1.2.3. Récolteurs
Chapitre 2 : Analyse des contributions des activités de Sotramex dans la Région Alaotra Mangoro
32.1. Formation des prix au niveau de chaque acteur de la filière Centella asiatica
2.2. Marge bénéficiaire entre les acteurs locaux de la filière Talapetraka
2.2.1. Cas d’Ampasimpotsy
2.2.2. Cas de Morarano Gara
2.2.3. Cas de Vohidiala
3.1. Impacts de l’exploitation de Centella asiatica sur le revenu des récolteurs
3.1.1. Impacts sur le revenu des paysans récolteurs
3.1.2. Comparaison du revenu issu du Talapetraka et du revenu journalier relatif aux travaux agricoles
3.2. Impacts du financement des infrastructures de développement pour la population de Morarano Gara
3.2.1. L’Ecole Primaire Publique (EPP) de Morarano
3.2.2. L’Enseignement Général de la Commune (CEG) de Morarano
3.2.3. L’adduction d’Eau Potable dans la Commune de Morarano
Partie IV : DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
1. Discussions
2. Recommandations
2.1. Amélioration de la filière Centella asiatica
2.1.1. Augmenter le prix d’achat du kg de Talapetraka
2.1.2. Instaurer un prix unique au niveau des récolteurs pour tous les acteurs de la filière
2.1.3. Inculquer les récolteurs sur l’utilisation des matériels de pesage
2.1.4. Création d’une association de paysans récolteurs
2.1.5. Regroupement des acteurs locaux de la filière avant la campagne de Centella asiatica
2.2. Résolution des problèmes liés à la malnutrition et à l’implication des enfants dans la collecte de Centella asiatica
2.3. Dynamisation des associations locales
2.4. Recommandations spécifiques pour la Commune de Morarano Gara
2.4.1. Création d’une coopérative des usagers de l’eau à Morarano Gara
2.4.2. Renforcement des infrastructures scolaires
3. Cadre logique pour la mise en œuvre des recommandations
Instaurer un prix unique au niveau des récolteurs pour tous les acteurs de la filière
Inculquer les récolteurs sur l’utilisation des matériels de pesage
Résolution des problèmes liés à la malnutrition et à l’implication des enfants dans la collecte de Centella asiatica
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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