IMPACTS DES ROUTES SUR LE COMPORTEMENT ET LA SURVIE DU CARIBOU FORESTIER

Le développement anthropique, les réseaux routiers et leurs effets sur la  faune terrestre

   Depuis la révolution industrielle, l’Homme a des impacts négatifs majeurs sur son environnement (V itousek et al. , 1997) et plus particulièrement sur la biodiversité terrestre (Hughes, Daily et Ehrlich, 1997; Dirzo et Raven, 2003; Morrison et al.,2007). L’exti ncti on massive des espèces qui se déroule présentement est principalement causée par la surexploitation, la dégradation et la destructi on des habitats par les humains (Tilman et al., 1994; Lande, 1998; Wi\cove et al., 1998). Le développement urbain, les activités agricoles et l’exploitation des ressources naturelles sont à leur paroxysme afin de soutenir les besoins et les désirs croissants de l’Homme. Or, la plupart de ces activités économiques dépendent de l’existence d’un réseau routier performant qui joue un rôle central dans le développement économique en permettant les échanges de biens entre personnes et en facilitant leurs déplacements (Forman et al., 2002). Ainsi, dans la plupart des pays industrialisés, les réseaux routiers accueillent un nombre grandissant de véhicules et sont soumis à des améliorations continuelles. Au tournant des années 2000, plus de 8 millions de kilomètres de routes étaient empruntés par un quart de milliard de véhicules en Amérique du Nord, et près de 100000 km de routes étaient construits chaque année (Forman et al., 2002). Les routes représentent donc une des intrusions les plus évidentes de l’Homme en milieu naturel. Compte tenu des impacts potentiels élevés des routes sur les milieux naturels, le chercheur Richard T. T. Forman suggérait, dans un article clé paru en 1998, un investissement majeur en recherche sur le thème de l’écologie routière, qui se définit comme l’étude des interactions entre les organismes vivants et les routes (Forman, 1998). Les écologistes et les gestionnaires du monde entier s’intéressent de plus en plus aux effets des routes sur la faune. Ces effets peuvent s’avérer positifs ou négatifs pour les animaux, selon les espèces en cause (voir les revues de littérature détaillées de Spellerberg, 1998; Trombulak et Frissell, 2000; Underhill et Angold, 2000; Fahrig et Rytwinski, 2009; Benftez-L6pez, Alkemade et Verweij, 2010). Par exemple, sur le plan négatif, les accidents routiers impliquant des animaux se traduisent par des mortalités qui s’ajoutent aux mortalités naturelles (Groot Bruinderink et Hazebroek,1996; Romin et Bissonette, 1996; Putman, 1997; Lopez et al., 2003; van Langevelde, van Dooremalen et Jaarsma, 2009; Gunson, Mountrakis et Quackenbush, 2011). Les habitats adjacents aux routes sont pollués (Muskett et Jones, 1980; Gjessing et al.,1984; Thunqvist, 2004), fragmentés (Andrews, 1990; Jaeger et Fahrig, 2004) ou dégradés (Fonnan et Deblinger, 2000). Les routes et le trafic créent un effet de barrière aux mouvements (Goosem, 2001; Bélisle et St-Clair, 2002; Shepard et al., 2008) qui a le potentiel de réduire les échanges génétiques de part et d’autre des routes (Mader, 1984; Gerlach et Musolf, 2000; Keller et Largiadèr, 2003). Les routes modifient le comportement et engendrent des dépenses énergétiques additionnelles chez les animaux, au détriment d’autres activités essentielles comme la quête de nourriture et la reproduction (Frid et Dili, 2002). De plus, les routes stimulent les activités anthropiques en facilitant l’accès au milieu. Elles peuvent donc avoir des impacts indirects comme l’augmentation de la pression de chasse et de braconnage (Johnson, 1985; Cole, Pope et Anthony, 1997; Rempel et al., 1997).

Impacts des routes sur les grands ongulés

  Dès 1977, Johnson et Todd étudiaient les traversées d’une route de Colombie Britannique par des caribous le long de passages migratoires traditionnels, et Singer (1978) rapportait que des chèvres de montagne Oreamnos americanus n’arrivaient pas à traverser une route du Montana lorsque la densité de trafic était élevée. Les études plutôt descriptives du comportement des ongulés en périphérie des routes réalisées au cours des années 1970 ont ensuite fait place aux études empiriques portant sur l’effet de barrière aux mouvements (e.g., Murphy et Curatolo, 1987), ainsi que sur les impacts des routes sur la distribution des individus au sein des populations vivant à proximité des routes (e.g., Cameron et al., 1992). Toutefois, entre 1980 et 2000, la majorité des études portant sur les interactions entre les ongulés et les routes s’ intéressaient aux impacts des collisions routières sur la survie des animaux et sur la santé des automobilistes (e.g. , Bashore, Tzilkowski et Bellis, 1985 ; Lavsund et Sandegren, 1991; Conover et al., 1995 ; Farrell et al., 1996; Groot Bruinderink et Hazebroek, 1996; Romin et Bissonette, 1996; Finder, Roseberry et Woolf, 1999;Joyce et Mahoney, 2001), ainsi qu ‘ aux mesures permettant d’atténuer ces impacts (e.g. , Fraser et Hristienko, 1982; Ward, 1982; Feldhamer et al., 1986; Foster et Humphrey, 1995 ; Clevenger et Waltho, 2000; Clevenger, Chruszcz et Gunson, 2001). Suite aux travaux de Forman (1998) et à l’avènement de l’écologie routière, de plus en plus de chercheurs se sont intéressés aux impacts des routes sur différentes facettes de l’écologie des ongulés, notamment leur comportement, leur distribution, leur abondance, leur survie et leur diversité génétique. St-Clair et Forrest (2009) ont démontré que les wapitis mâles effectuaient moins de comportements reproducteurs en présence de trafic. Gagnon et al. (2007a, 2007b) et Dodd et al. (2007a, 2007b),dans une série d’études portant sur les déplacements, la sélection d’habitat et la distribution du wapiti par rapport à une autoroute en Arizona, ont démontré que les wapitis évitaient davantage les routes lorsque la densité de trafic était élevée. Au Québec, Dussault et al. (2007) ont observé que des orignaux avaient des taux de déplacement significativement plus élevés à l’ approche d’une route, suggérant qu’ils percevaient les abords des routes comme un endroit risqué et inhospitalier. Enfin, Epps et al. (2005) ont démontré que le développement industriel, dont notamment la présence d’ autoroutes, avait créé une barrière génétique et causé un déclin de la diversité génétique chez une population de mouflons d’Amérique Ovis canadensis nelsoni en Californie.

Taxonomie du caribou Rangifer tarandus

   On ne retrouve qu ‘ une seule espèce de caribou à travers le monde, Rangifer tarandus,nommé caribou en Amérique du Nord et renne (reindeer) en Eurasie. Il existe quelques sous-espèces de caribou, mais la seule sous-espèce retrouvée au Québec est le caribou des bois Rangifer tarandus caribou (woodland caribou). Des divergences dans l’écologie, le comportement et même le bagage génétique de divers groupes de caribous des bois ont mené à la distinction d’ écotypes pour faciliter sa conservation (Courtois et al., 2003 ; Festa-Bianchet et al., 2011 ). L’écotype forestier du caribou des bois (ou caribou forestier, forest-dwelling caribou, aussi appelé caribou boréal,boreal caribou) est menacé d’extinction au Canada (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, 2002) et a le statut d’espèce vulnérable au Québec (Équipe de rétablissement du caribou forestier du Québec, 2008). Il se retrouve à l’ état naturel à faible densité dans la forêt boréale canadienne, où il utilise entre autres les peuplements forestiers de résineux matures et surannés pour s’alimenter de lichens terricoles et arboricoles en hiver (Bergerud, Ferguson et Butler, 1990; Rettie, Sheard et Messier, 1997; Johnson, Parker et Heard, 2001). Il s’agit de l’écotype qui a été étudié dans cette thèse. Les deux autres écotypes du caribou des bois présents au Québec sont le caribou migrateur (ou caribou toundrique, migratory caribou), qui vit dans la toundra du nord du Québec, et le caribou montagnard (mountain caribou), qui effectue des migrations altitudinales annuelles en montagnes pour la mise bas. Néanmoins, plusieurs études empiriques suggèrent que les différents écotypes et sous-espèces de caribou pourraient avoir des réactions comportementales semblables face aux perturbations anthropiques (e.g., Vistnes et Nellemann, 2008). Au cours de cette thèse, le terme caribou sera utilisé pour discuter de l’ espèce Rangifer tarandus et le terme caribou forestier sera employé pour discuter de l’écotype forestier du caribou des bois Rangifer tarandus caribou.

Le caribou: une espèce sensible au dérangement anthropique

   La majorité des populations de caribou suivies à travers le monde sont en déclin (Vors et Boyce, 2009). Au Canada, l’aire de répartition du caribou a grandement diminué durant le siècle dernier (Bergerud, 1974; Courtois et al., 2003 ; Vors et Boyce, 2009) malgré les nombreux efforts de conservation déployés pour renverser cette tendance (Environnement Canada, 2011 ; Festa-Bianchet et al. , 2011). Les principaux facteurs proposés pour expliquer le déclin des populations de caribou forestier au cours des 150 dernières années furent la chasse excessive (maintenant abolie dans la plupart des juridictions, à l’exception de la chasse traditionnelle autochtone), la perte d’habitat et la prédation par le loup gris et l’ours noir. Une des principales perturbations humaines affectant aujourd’hui l’habitat du caribou, et souvent reconnue comme potentiellement responsable du déclin des populations canadiennes de caribou forestier, est l’exploitation commerciale de la forêt boréale. Les grands massifs de forêt recherchés par le caribou forestier se font de plus en plus rares, puisque l’ industrie forestière est intéressée par le même type de milieu pour rentabiliser sa récolte (Terry, McLellan et Watts, 2000).Les impacts négatifs de la perte et de la fragmentation de l’ habitat que cette activité engendre sont tels qu’ils peuvent menacer la conservation du caribou forestier (Courtois, 2003). Par exemple, Vors et al. (2007) ont démontré que les coupes forestières étaient les perturbations humaines expliquant le mieux l’absence du caribou forestier dans certaines régions de l’Ontario, parmi une liste incluant, entre autres, les routes, les feux et les mines. Ces auteurs ont établi que le recul des populations de caribou vers le nord de l’Ontario suivait l’ avancée du front de coupe à 13 km près et selon un délai temporel d’environ 20 ans. Smith et al. (2000) ont observé que les taux de déplacement quotidiens et le domaine vital hivernal des caribous diminuaient avec l’avancement de la première phase d ‘ une récolte commerciale en Alberta. Enfin, plusieurs études ont démontré que les caribous forestiers évitaient les coupes forestières et les milieux en régénération après coupe (e.g., Hins et al., 2009) et qu’ils modifiaient leurs déplacements et la composition de leur domaine vital pour éviter de fréquenter les milieux fortement perturbés par la récolte ligneuse (e.g., Chubbs et al., 1993).

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Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
RÉSUMÉ
INTRODUCTION GÉNÉRALE 
Le développement anthropique, les réseaux routiers et leurs effets sur la faune terrestre
Impacts des routes sur les grands ongulés
Taxonomie du caribou Rangifer tarandus
Le caribou : une espèce sensible au dérangement anthropique
La situation particulière du caribou forestier de Charlevoix
Principales approches préconisées dans cette thèse
Objectifs et aspects novateurs employés dans cette thèse
CHAPITRE 1 ASSESSING THE INFLUENCE OF RES OURCE COVARIATES AT MULTIPLE SPATIAL SCALES: AN APPLICATION TO FOREST-DWELLING CARIBOU FACED WITH INTENSIVE HUMAN ACTIVITY 
1.1 Sommaire
1.2 Abstract
1.3 Introduction 
1.4 Methods
1.5 Results
1.6 Discussion
1.7 Conclusion
1.8 Acknowledglnents 
1.9 References
CHAPITRE II A VOIDANCE OF ROADS BY LARGE HERBIVORES AND ITS RELATION TO DISTURBANCE INTENSITY
2.1 Sommaire 
2.2 Abstract 
2.3 Introduction
2.4 Materials and methods
2.5 Results
2.6 Discussion
2.7 Acknowledgelnents
2.8 References 
CHAPITRE III IMPACTS OF HUM AN DISTURBANCES ON LARGE PREY SPECIES:  DO BEHA V IOURAL REACTIONS TRANSLATE TO FITNESS CONSEQUENCES?
3.1 Sommaire 
3.2 Abstract
3.3 Introduction
3.4 Materials and methods
3.5 Results 
3.6 Discussion
3.7 Acknowledgements
3.8 References
CONCLUSION GÉNÉRALE
Impacts des routes sur le caribou forestier : revue des connaissances
Recommandations pour la conservation du caribou forestier
Limites de l’étude
Perspectives de recherche
Conclusion
Bibliographie
Annexe A
Sommaire des principaux résultats obtenus au cours de cette étude

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