Impacts des mono et diglycérides dans les matrices alimentaires

Impacts des mono et diglycérides dans les matrices alimentaires 

Une matrice alimentaire est notamment constituée de nombreuses molécules telles que des lipides, des protéines, des sucres (plus ou moins polymérisées tels que sucres simples ou glucides complexes : amidon ou fibres) et d’eau. Tout cela constitue alors un mélange complexe. Ces molécules vont interagir entre elles, ce qui influence la qualité du produit fini. Les MDGs sont des constituants qui offrent de nombreux avantages fonctionnels dans beaucoup de matrices alimentaires. De ce fait, nous allons détailler leursrôles dans deux sortes de produits céréaliers, c’est-à-dire les pâtes jaunes et les pâtes levées ainsi que dans les crèmes glacées. Ils apparaissent sous le code E471 et offrent des fonctionnalités différentes en fonction du produit formulé. Ils vont permettre de réduire le rassissement, de développer l’alvéolation et de favoriser l’émulsification et le foisonnement (Kamel & Ponte, 1993; Kayacier & Singh, 2003; Stampfli & Nersten, 1995). Enfin, de nombreux travaux apparaissent ces dernières années sur leur rôle en tant qu’agent gélifiant responsable de la texturation des huiles liquides.

Rôle sur le rassissement 

Lors de la formulation de pâtes jaunes de type gâteaux moelleux, barres pâtissières ou madeleines, l’un des paramètres les plus importants concerne la conservation du moelleux dans le temps. Certains émulsifiants sont intégrés pour éviter ou du moins limiter un durcissement trop rapide du produit fini. On dit qu’ils ont un pouvoir anti-rassissement. En effet, dans la fabrication de moelleux, la farine (amidon) est l’un des constituants principaux de la recette. L’amidon est un mélange de deux polysaccharides : l’amylose et l’amylopectine , dont les proportions sont variables en fonction des origines botaniques. L’amylose constitue 15 à 30 % de la masse de l’amidon. C’est un polymère linéaire constitué d’unités de glucose liées par une liaison α-(1,4)-D-glucosidique. L’amylose, dans l’eau, forme une hélice (6 résidus glucose par tour d’hélice), stabilisée par des liaisons hydrogènes. L’amylopectine représente 70 à 85 % en masse de l’amidon. C’est un polymère semi-cristallin ramifié, de haut poids moléculaire. L’enchaînement des molécules de glucose se fait en α -1,4 avec des branchements en α-1,6. L’amylopectine est à l’origine de la structure cristalline des granules, formée par l’empilement ordonné des doubles hélices structurées en lamelle (Jarroux, 2008).

Au cours de la cuisson, le grain d’amidon sera le siège de plusieurs transformations  ; il se produit un phénomène de gélatinisation qui confèrera à la pâte son caractère viscoélastique (Buléon, et al., 1990).

Ainsi, jusqu’à 60°C, il aura tendance à absorber l’eau et à gonfler. Entre 60 et 100°C, les granules d’amidon continuent à absorber l’eau désorganisant les chaînes d’amylose et conduisant à la rupture des liaisons hydrogènes (étape d’empesage). Ceci entraine la déstructuration du grain libérant ainsi les molécules d’amylose et d’amylopectine dans le milieu environnant. A ce stade, il y a perte de la structure cristalline. Au cours du refroidissement, les chaînes d’amylose et d’amylopectine se regroupent en chassant les molécules d’eau (via un processus de synérèse et de rétrogradation). Ce processus est lié à la fusion de la structure cristalline des grains, formée par l’empilement ordonné. Cela se traduit au final par une augmentation de la viscosité (Kamel & Ponte, 1993; Matignon & Tecante, 2017; Wang, et al., 2015).

Ce phénomène de rétrogradation de l’amidon est à l’origine du rassissement des pâtes. Pour pallier ce problème, l’ajout d’émulsifiants au cours de la formulation tels que les MDGs peut être une solution (Eliasson & Krog, 1985; Goldstein & Seetharaman, 2016). En effet, ils permettent la formation de complexes d’inclusion essentiellement avec l’amylose . La cavité interne de l’hélice d’amylose va être occupée par le MDGs, ce qui va éviter une interaction avec les molécules voisines. La formation de ces complexes est possible car l’intérieur de l’hélice d’amylose est hydrophobe et les émulsifiants, comme les MDGs, présentent également cette dualité. Par conséquent, les chaînes hydrocarbonées des MDGs vont directement s’intégrer dans la cavité de l’hélice (Pareyt, et al., 2011; Putseys, et al., 2010; Riisom, et al., 1984; Wang, et al., 2015). Ce complexe est dû à l’existence de forces de Van der Waals entre les méthylènes des chaînes hydrocarbonées et les hydrogènes des unités glucose de l’amylose (Obiro, et al., 2012; Winter & Sarko, 1974).

Les émulsifiants n’ont pas tous les mêmes capacités à former ces complexes d’inclusion avec l’amylose . Parmi les émulsifiants autorisés en agroalimentaire, les mono et diglycérides ainsi que les acides gras sont cependant réputés très efficaces. De par leur structure, les triglycérides ne peuvent pas former de complexes (Gelders, et al., 2005; Karkalas, et al., 1995; Tufvesson, et al., 2003a, 2003b; Yamashita, et al., 2020).

La formation d’un tel complexe dépend essentiellement de la longueur de chaîne de l’amylose ainsi que de la nature et la longueur de chaîne de l’émulsifiant. Si l’hélice est inférieure à 20 unités glucidiques, la complexation ne pourra avoir lieu. De la même manière, si les chaînes aliphatiques sont trop courtes (< 10 carbones), l’hydrophilie de l’émulsifiant étant trop importante, la formation de ces complexes ne peut s’établir. Notons également que les chaînes de carbone constituées de 16 à 18 atomes représentent les longueurs idéales pour la complexation (Blazek, et al., 2011; Osman, et al., 1961). Si l’on compare la nature des chaînes aliphatiques, les émulsifiants polyinsaturés sont moins efficaces que leurs homologues saturés. La non linéarité de leurs chaînes fait qu’ils ont plus de mal à s’introduire dans la cavité des hélices (Seo, et al., 2015; Zhou, et al., 2007).

Pour l’ensemble de ces raisons, les molécules monocaténaires telles que les acides gras ou les monoglycérides qui présentent des longueurs de chaîne entre 16 et 18 atomes de carbones et des chaines plutôt saturées constituent des agents de complexation de choix (Godet, et al., 1995). A l’inverse, les émulsifiants bicaténaires tels que les diglycérides ou les lécithines le sont moins. Pour cette dernière, les charges présentessur la tête polaire peuvent également jouer un rôle délétère supplémentaire dans la complexation de l’amylose, ce qui explique les faibles teneurs d’encapsulation (16%).

Rôle sur le développement de l’alvéolation

L’ajout d’émulsifiants dans les produits céréaliers peut améliorer l’alvéolation de la pâte. Dans la farine en plus de l’amidon, il y a également des protéines plus connues sous le nom de gluten (Landgraf, 2002). Ce dernier est un mélange de gliadines et de gluténines . Les gliadines sont des protéines de faibles poids moléculaire, qui donnent à la pâte des propriétés élastiques. Les gluténines, quant à elles, sont des agrégats protéiques de masses moléculaires variables liées par des liaisons hydrogènes, des interactions hydrophobes et des ponts disulfures. L’association de gliadines et de gluténines est responsable de la structure de la pâte et lui donne ainsi les propriétés d’extensibilité, de viscosité et d’élasticité (Wieser, 2007). Au cours du pétrissage, de l’eau est absorbée par les protéines de gluten qui gonflent et forment un réseau tridimensionnel qui emprisonne les gaz produits . La quantité de gluten est importante car elle détermine la force de la farine, l’hydratation de la pâte et le volume du produit final (Landgraf, 2002).

Au cours de la fabrication de matrices à pâte levée comme le pain ou les brioches, des émulsifiants sont ajoutés pour favoriser l’alvéolation. Cette dernière est liée à la quantité d’air présente dans la pâte ; c’est un paramètre important qui permet d’augmenter le volume du produit mais aussi de changer ses propriétés rhéologiques et donc sa texture. La quantité d’air située dans la pâte sera fonction de la quantité de gaz incorporée au cours de la fabrication. Ceci se fait notamment pendant le pétrissage ou sinon le gaz est généré in situ via un processus enzymatique qui libère du CO2 mais aussi favorise sa stabilisation au sein de la matrice. Dans les produits alvéolés, le réseau protéique de gluten permet en partie de jouer ce rôle de stabilisant (Dizlek & Ozer, 2018; Pareyt, et al., 2011). Un dernier paramètre important concerne le temps de repos, il permet une réorganisation moléculaire des émulsifiants présents dans la matrice aux interfaces. A la cuisson, les gaz se dilatent et la vapeur d’eau se dégage. Les interfaces air-eau sont stabilisées par les émulsifiants favorisant ainsi une augmentation du volume final .

De par leur nature amphiphile, les MDGs peuvent tout à fait favoriser la stabilisation des bulles d’air ce qui permet au produit de gonfler. Du fait de leurs propriétés tensioactives, ils vont abaisser la tension de surface entre l’air et la pâte et rendre l’interface protéines-lipides  plus homogène. (Campbell, 2003; Inoue, et al., 1996; Ooms & Delcour, 2019; Orthoefer, 2008; Sahi, 2003). De plus, ils semblent renforcer le réseau de gluten grâce à l’établissement de liaisons hydrogènes (Pomeranz & Chung, 1978 ; Sahi, 2003). Lors de la fabrication de matrices alimentaires aérées, l’ajout d’émulsifiants tels que les MDGs est nécessaire pour d’une part, assurer une bonne dispersion, répartition et homogénéité des lipides au sein de la matrice et d’autre part, stabiliser les bulles d’air (Cauvain, 2003). Sans ces additifs, les protéines contenues dans les œufs peuvent aussi jouer ce rôle de stabilisant mais la structure résultante est plus grossière et moins homogène. Il est donc important d’ajouter des émulsifiants qui en fonction de la teneur ajoutée peuvent avoir des effets synergétiques avec les protéines.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Etude bibliographique
1. Introduction
2. Réglementation
2.1. Alimentation conventionnelle
2.2. Alimentation certifiée biologique
2.3. Le concept du « clean-label »
2.4. Les additifs
2.5. Les auxiliaires technologiques
3. Systèmes dispersés et agents stabilisants
3.1. Les émulsions
3.1.1. Emulsions simples
3.1.2. Emulsions de Pickering
3.1.3. Emulsions concentrées
3.1.4. Emulsions multiples
3.2. Les mousses
3.3. Molécules assurant la stabilisation des émulsions et des mousses
3.3.1. Les tensioactifs
3.3.1.a. Les lécithines
3.3.1.b. Les mono- et diglycérides
3.3.2. Le Polyglycerol polyricinoleate (PGPR)
3.3.3. Les protéines
3.3.4. Les particules solides stabilisantes
3.3.5. Agents de texture
3.4. Instabilités des systèmes dispersés
3.4.1. Les émulsions
3.4.1.a. Crémage et sédimentation
3.4.1.b. Floculation
3.4.1.c. Coalescence
3.4.1.d. Murissement d’Ostwald
3.4.2. Les mousses
4. Impacts des mono et diglycérides dans les matrices alimentaires
4.1. Rôle sur le rassissement
4.2. Rôle sur le développement de l’alvéolation
4.3. Rôle sur l’émulsification et le foisonnement
4.4. Rôle sur la texture des huiles végétales
5. Les enzymes comme auxiliaires technologiques
5.1. Nomenclature et classification
5.2. Structure et activité
5.3. Mode d’action
5.4. Grandes classes d’enzymes utilisées dans l’agro-alimentaire
6. Conclusion
7. Références bibliographiques
Chapitre 2 : Caractérisation des MDGs et des huiles végétales
1. Introduction
2. Caractérisations des MDGs
2.1. RMN
2.1.1. Intérêt de la méthodologie
2.1.2. RMN 1H d’un mélange de MDGs
2.1.3. RMN des standards
2.1.3.a. Déplacements chimiques en RMN 1H
2.1.3.b. Déplacements chimiques en RMN 13C
2.1.3.c. RMN 2D
2.1.4. Attribution des signaux des MDGs commerciaux en RMN 1H
2.2. Identification des molécules des MDGs commerciaux
3. Caractérisations des huiles végétales de colza et de tournesol
3.1. RMN
3.1.1. RMN 1H
3.1.2. RMN 13C
3.1.3. Analyse des huiles par RMN 13C
3.2. Chromatographie en phase gazeuse (CPG)
3.3. Tension de surface
3.4. DSC
4. Conclusion
5. Partie expérimentale
5.1. Liste des produits utilisés
5.2. Identifications des standards par RMN
5.3. Analyses de la composition en acide gras de l’huile par CPG
5.4. Tension de surface
5.5. DSC
6. Références bibliographiques
Chapitre 3 : Lipolyse enzymatiques des huiles végétales
1. Introduction
2. Principe de la lipolyse enzymatique sur une huile végétale
3. Lipolyse enzymatique de l’huile de colza avec l’enzyme Sumizyme® NLS
3.1. Suivi par indice d’acidité
3.2. Suivi par tension de surface
3.3. Identification des molécules formées au cours de la lipolyse
3.3.1. Analyse CPG
3.3.2. Analyses RMN
3.3.2.a. RMN 1H
3.3.2.b. RMN 13C
3.4. Etude de recyclage de l’enzyme Sumizyme® NLS
3.4.1. Suivi par indice d’acidité
3.4.2. Analyse RMN 13C
4. Lipolyse avec changement du substrat
4.1. Suivi par indice d’acidité
4.2. Analyse RMN 13C
5. Lipolyse avec changement d’enzyme
5.1. Suivi par mesures d’indice d’acidité
5.2. Suivi par tension de surface
5.3. Analyse RMN 13C
5.3.1. Production en AGLs
5.3.2. Production en DGs
5.3.3. Production en MGs
5.4. Analyse thermique des huiles hydrolysées
6. Conclusion et perspectives
7. Partie expérimentale
7.1. Produits commerciaux utilisés
7.2. Réactions enzymatiques
7.2.1. Activation des enzymes
7.2.2. Catalyse en milieu émulsionné
7.2.3. Prélèvements et inactivation des enzymes
7.2.4. Recyclage des enzymes
7.3. Détermination de l’indice d’acidité
7.4. Détermination de l’indice de peroxyde
7.5. Analyse CPG
7.6. Analyse RMN
7.6.1. RMN 1H
7.6.2. RMN 13C
7.7 Analyse DSC
9. Références bibliographiques
Chapitre 4 : Intérêt des huiles hydrolysées dans les systèmes alimentaires
1. Introduction
2. Applications des huiles hydrolysées dans les émulsions
2.1. Les émulsions inverses
2.1.1. Caractérisations
2.1.1.a. Rhéologie oscillante
2.1.1.b. Microscopie optique
2.1.1.c. Granulométrie laser
2.2. Les émulsions doubles
3. Réactions enzymatiques en lot pilote
3.1. Indice d’acidité et mesure de tension de surface
3.2. Etude RMN 13C
4. Utilisation des huiles hydrolysées dans des matrices alimentaires
4.1. Les crèmes glacées
4.1.1. Fabrications
4.1.2. Etude d’écoulement
4.1.3. Etude de la dureté
4.2. Les barres pâtissières
4.2.1. Fabrication
4.2.2. Substitution de l’huile végétale
4.2.3. Ajustement de la quantité d’huile hydrolysée
4.2.4. Suivi dans le temps de la dureté
4.2.5. Sensibilité à l’oxydation
4.3. Les brioches
4.3.1. Fabrication
4.3.2. Substitution de l’huile
4.3.3. Etude du recyclage des enzymes
4.3.3.a. Mesure de la dureté à t0
4.3.3.b. Suivi de la dureté dans le temps
5. Conclusion et perspectives
6. Partie expérimentale
Conclusion générale

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