IMPACTS DES INONDATIONS SUR LES STRUCTURES COMMUNAUTAIRES

Les stratégies d’adaptation

   Ce chapitre analyse les stratégies d’adaptation des structures de Médina Gounass face aux inondations. En d’autres termes, ces stratégies constituent des réactions aux changements faisant suite aux inondations. Elles dépendent de l’ampleur des dommages subis et des moyens financiers dont dispose la structure mais également du secteur considéré.
1. Le secteur de l’éducation et de la culture : Dans le secteur de l’éducation et de la culture, les stratégies d’adaptation mises en place sont assez variées. Mais elles constituent des mesures ponctuelles de faible portée (40%), qu’il faut renouveler, tant que subsistent les inondations ou que les moyens le permettent. Les actions entreprises sont fonction des dégâts subis et des moyens (fonds propres et/ou aide) dont dispose la structure en question. Mais certaines de ces mesures sont à l’origine d’autres problèmes. En effet, les stratégies liées à l’hygiène et l’assainissement peuvent poser un problème sanitaire, avec le risque d’intoxication surtout des enfants, aux produits chimiques utilisés lors des campagnes de saupoudrage. Par ailleurs, le remblaiement, effectué à titre curatif ou préventif, finit par abaisser les constructions. Au fil des remblaiements, la topographie naturelle finit par disparaître, laissant la place à une topographie artificielle, sans compter les conséquences au plan physico-social. Celle-ci est à l’origine de la constitution d’îlots inondés à l’intérieur de quartiers traditionnellement non inondés comme la zone Parc et environs. La réfection quant à elle, peut poser un problème sécuritaire surtout si le bâtiment est assez endommagé et encore susceptible d’être fragilisé par la fréquence des travaux. Elle coûte relativement cher et consiste en la pose de quelques marches à l’entrée du bâtiment et le colmatage des murs fissurés. Par ailleurs, 60% des structures n’ont pas mené d’actions particulières faute de moyens pour en entreprendre, ou qu’elles ne sont pas concernées par les inondations. Toutefois, le dernier groupe (pas concernées) est constitué en partie de structures ayant appliqué une stratégie durable : le déménagement dans la zone non inondable de la commune d’arrondissement. Il s’agit exclusivement d’écoles privées.
2. Le secteur de la santé : Les espaces de santé de Médina Gounass ont mis en place des mesures pour accompagner l’affluence des malades pendant l’hivernage. C’est ainsi qu’un allongement de la journée de travail est effectué. Celle-ci peut commencer de 4 heures du matin à 19 heures et bien au-delà parfois (pour l’espace privé) et de 8 heures du matin à 18 voire 19 heures (pour le poste de santé). Cette mesure s’accompagne de l’approvisionnement en médicaments à partir des pharmacies internes, pour la satisfaction de la forte demande consécutive au rush de malades pendant la période post-hivernage. À part ces mesures d’accompagnement, aucune autre n’est entreprise. Car, les questions de santé (campagnes de vaccination, de sensibilisation ou de gratuité des soins) sont traitées au niveau national.
3. Le secteur socio-économique : Les groupements féminins essayent de s’adapter aux conditions imposées par les inondations. En effet, à l’approche de l’hivernage, des stocks de produits finis (brisures de mil et de maïs ainsi que des produits localement transformés et prêts à la consommation tels que le « thiakry »30, le couscous, le « arraw » 31) sont constitués, sachant que la péremption de ces produits survient 6 mois après la date d’ensachage. De cette façon, ils réduisent l’impact des inondations sur leur chiffre d’affaires tout en approvisionnant le marché. Ainsi, l’écoulement progressif de la marchandise renfloue la caisse qui, à son tour, impacte sur les employés et leurs familles en leur offrant une certaine stabilité économique, psychologique et sociale. Cependant, le manque d’espace et de financement limitent la portée de cette mesure. En effet, l’insuffisance du fonds de roulement et l’inexistence de magasins de stockage de produits finis sont les causes d’une faiblesse des stocks. Ce qui ne permet pas de résorber le gap financier occasionné par l’arrêt de production. Toutefois, des stratégies sont mises en place, dans le but de renforcer leurs capacités de production. Il s’agit notamment de la recherche de partenariat allant dans le sens de trouver des locaux adéquats, d’améliorer la qualité des emballages des produits, de renforcer leur capacité financière, mais également de prospecter de nouveaux marchés (nationaux et internationaux).
4. L’administration locale : L’administration locale a mis en place une série de mesures, dans le court, moyen et long termes, pour lutter contre les inondations dans la commune d’arrondissement. À court terme, il s’agit de mesures ponctuelles pour améliorer la mobilité des personnes et des biens. Elles consistent à dégager les places stratégiques de la commune (places publiques, rues et ruelles passantes) en pompant et drainant l’eau, en remblayant et en désinfectant. En outre, une assistance (denrées alimentaires) est apportée aux sinistrés dont les maisons sont envahies par les eaux. Mais, ces mesures ponctuelles risquent d’être sans grande portée dans le temps. Dans la mesure où, d’une année à l’autre, elles doivent se répéter (et même s’amplifier en fonction de l’intensité de la catastrophe), tant que perdureront les inondations. Non seulement, elles n’empêchent pas celles-ci, mais également, elles vont créer d’autres problèmes. En effet, elles vont ponctionner une part non négligeable du budget communal pendant que des secteurs prioritaires tels que l’éducation, la santé et l’emploi, sont laissés en rade. Ensuite, au fil des remblaiements les ruelles vont devenir plus hautes que les planchers des maisons et des structures. Ainsi, l’évacuation de l’eau des maisons est d’autant plus difficile que son installation est facilitée par cette situation. À moyen et long terme, il s’agit de projets d’une certaine envergure et qui sont soit en cours de réalisation (construction du centre artisanal et socio-éducatif), ou non (construction du marché et de la station de pompage des eaux pluviales), soit simplement envisagées (déplacement du service de l’état-civil vers les populations). Cependant, les délais de réalisation de ces projets sont longs malgré leur caractère urgent. Par ailleurs, le budget de la commune d’arrondissement ne peut pas supporter toutes les dépenses occasionnées par ces mesures. Ainsi, la commune est aidée dans leur réalisation par des ONG : Caritas, PLAN, Fondation Coumba Gawlo Seck (FCGS), l’entreprise Oryx et des partenaires : l’Agence régionale de Développement(ARD), le Programme national de Développement local(PNDL) et la Ville d’Istanbul. L’appui consiste en denrées alimentaires, motopompes, produits désinfectants, des signatures d’accords de financement. Mais le caractère irrégulier de cette aide ajouté au manque de recettes de la mairie expliquent la faiblesse de certaines stratégies. En résumé, les stratégies d’adaptation sont nombreuses et dépendent des secteurs d’activités considérés, des moyens dont disposent les structures et de l’état psychologique des personnes. Toutefois, le remblaiement/réfection constitue la stratégie la plus utilisée par les structures dont les locaux sont directement concernés par les inondations et qui en ont les moyens. Mais la réadaptation des structures aux nouvelles réalités imposées par les inondations s’opère presque automatiquement par leurs moyens propres ou par l’aide reçue.

Les impacts positifs des inondations sur les structures

   Ce chapitre est dédié aux impacts positifs des inondations sur la population de Médina Gounass, à travers les structures communautaires. Affirmer que les inondations ont des impacts positifs, c’est prendre l’opinion à rebours. Mais l’objectif poursuivi ici n’est pas de leur trouver un aspect positif mais plutôt de donner l’occasion aux enquêtés de donner libre cours à leurs sentiments et affects. Ce qui peut se révéler intéressant pour l’étude des impacts psychologiques.
1. Le secteur de l’éducation et de la culture : À Médina Gounass, seuls 6,5% des structures du secteur de l’éducation et de la culture trouvent aux inondations un aspect positif (pour l’aide reçue et la construction des bassins de rétention), contre 80,6% qui pensent le contraire. En effet, pour les enquêtés de Médina Gounass, le côté positif des inondations réside dans l’aide qu’ils escomptent en tant que victimes. C’est d’ailleurs ce qui explique le fait que les mosquées ne trouvent absolument rien de positif aux inondations, sachant qu’elles ne subsistent que grâce aux dons de bonnes volontés. Cette « auto-victimisation » en dit très long sur leur état psychologique. En effet, en se considérant comme victimes, ils s’attendent à être assistés et par conséquent, ils ne peuvent (ou ne veulent ?) rien faire par eux-mêmes et renoncent à faire quelque chose de leur vie. Alors, il survient un sentiment d’abandon quand l’assistance qui leur est dû, venant de l’État ou de particuliers, n’est pas suffisante ou n’est pas effective ; ce qui donne lieu à la frustration et au désespoir. Les sans réponses entrent dans le même schéma : elles expriment des frustrations faisant suite à leur non-assistance. Alors, le silence constitue pour eux, non seulement un mode d’expression mais encore un moyen de faire chanter ou de faire la pression : pour avoir des informations, il faut quelque chose en retour. Par ailleurs, les écoles privées qui ne sont pas inondées voient leurs effectifs se renforcer par l’admission d’élèves en provenance des autres écoles inondées. Ainsi, pendant que celles-ci se vident de leurs effectifs, d’autres se renforcent numériquement mais aussi financièrement.
2. Le secteur de la santé : Dans ce secteur, fort heureusement, les espaces de santé ne sont pas inondés. Mais à part les actions menées par les autorités centrales en charge des questions sanitaires (la gratuité de certains traitements, la relative modestie des prix des médicaments dans ces espaces, les campagnes de sensibilisation, ou de distribution de moustiquaires, etc.), aucune mesure significative, allant dans le sens d’une amélioration des conditions d’accès aux soins des populations n’est notée. Toutefois nous pouvons remarquer que les patients de Médina Gounass peuvent se faire soigner à n’importe quelle heure. C’est une bonne mesure, mais les problèmes de mobilité qui se posent dans la localité en période d’inondations auraient dû amener les autorités communales ou l’État, à une plus grande adaptation aux réalités communautaires : par exemple, en mettant sur pied une équipe mobile dotée d’une calèche qui sillonne la localité pour soigner les malades.
3. Le secteur socio-économique : Pour les acteurs de ce secteur, les inondations n’ont aucun impact positif ni sur eux ni sur leurs activités. Toutefois, les acteurs du secteur estiment qu’il aurait dû en être autrement. En effet, ils considèrent la présence permanente de l’eau dans la localité comme une aubaine qui leur aurait permis de diversifier leurs activités par l’agriculture, notamment le « micro jardinage ». Ce projet aurait pu avoir beaucoup d’impacts positifs sur la vie communautaire. Ainsi, il aurait atténué l’impact des inondations sur la transformation des céréales locales tout en ayant créé de nouveaux emplois et renforcé l’autonomie financière de ces personnes (surtout les femmes) qui s’activent dans les groupements féminins. Alors, le bien-être des personnes et de leurs familles en serait amélioré, socialement, économiquement et psychologiquement. Mais la pollution de l’eau par les rejets domestiques rend toute utilisation impossible. À cela s’ajoute, le manque de moyens financiers et logistiques.
4. L’administration locale : Pour l’administration locale, le côté positif des inondations réside dans l’appui ponctuel des bonnes volontés et les accords de financement signés avec des partenaires stratégiques. Cet appui provenant des Organisations non gouvernementales(ONG), des agences nationales de développement, des structures de coopération internationale et de simples particuliers, est utilisé dans le cadre de la lutte contre les inondations, l’assainissement de la commune et l’assistance des sinistrés. Il consiste en biens matériels (motopompes, produits désinfectants, etc.), immatériels (formation, campagnes de sensibilisation) et en denrées alimentaires. Par ailleurs, un programme visant à l’autonomisation financière de l’administration locale est mis en place. Il passe par la réalisation d’infrastructures génératrices de recettes pour la municipalité (marché, centre artisanal) tout en participant également à la lutte contre la pauvreté dans la localité. En outre, d’après le secrétaire municipal, il existe un programme d’assainissement en partenariat avec la ville d’Istanbul pour la construction d’une station de pompage des eaux pluviales. En définitive, les inondations n’ont aucun impact positif sur les structures et/ou leurs activités, pour 90% d’entre-elles. Les 10% restant pensent qu’à côté des  nombreux impacts négatifs, les inondations ont un impact positif. Mais ces points de vue contradictoires faits en dehors de toute objectivité, le sont juste pour une chose : l’aide reçue ou non. Mais elles sont, par ailleurs, révélatrices d’une mentalité particulière : celle de victime, qui leur confère le droit d’attendre et de recevoir de l’assistance de l’État ou de particuliers pour faire face aux changements, par la mise en place de stratégies.

CONCLUSION

   En définitive, les inondations ont des impacts sur les structures communautaires de Médina Gounass, notamment des impacts négatifs dont l’ampleur dépend des moyens de celles-ci et de la localisation. Tous les secteurs (éducation et culture, santé, administration locale et socio-économique) ont été touchés à trois niveaux : dans leur existence physique(le bâtiment), dans leur fonctionnement et dans leur vocation(les services aux populations). Ces impacts ne sont pas propres à un secteur défini mais se répercutent au plan social. Par ailleurs, la prééminence de ces impacts négatifs et l’engrenage dans lequel ils plongent les populations font que celles-ci n’ont plus assez de recul pour pouvoir juger objectivement de la situation en ne lui trouvant rien de positif. En même temps, il s’est opéré en elles une mutation psychologique : de citoyens, elles deviennent des victimes et attendent systématiquement de l’assistance. Malgré tout, des stratégies d’adaptation voient le jour pour faire face aux changements. La nature de ces stratégies ainsi que leur ampleur dépendent beaucoup de la situation géographique et des moyens de la structure en question. Dans leur totalité, ces stratégies constituent des réactions ponctuelles aux inondations qu’il faut renouveler autant de fois que nécessaire ou que les moyens le permettent. Au terme de cette recherche, nous pouvons dire que l’objectif que nous nous sommes fixé au début qui est de montrer la dimension sociale des inondations est atteint. Cela a permis de confirmer nos hypothèses émises plus haut : que les inondations sont un risque social à Médina Gounass et que les réponses au problème sont insuffisantes à différentes échelles. Mais, l’inefficacité des stratégies tant locales que nationales que semble confirmer le caractère permanent des inondations dans la banlieue en général et à Médina Gounass en particulier, n’est-elle pas tributaire de l’état psychologique actuel de ces populations ?

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Table des matières

Introduction
Première partie : cadre théorique et méthodologique
Chapitre 1 : La présentation de Médina Gounass
Chapitre 2 : La problématique
Chapitre 3 : Méthodologie
Deuxième partie : Présentation et analyse des résultats
Chapitre 4 : Présentation des structures
Chapitre 5 : Les impacts négatifs des inondations sur les structures
Chapitre 6 : Les impacts positifs des inondations sur les structures
Chapitre 7 : Les stratégies d’adaptation
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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