IMPACTS DE L’HYPOXIE AIGÜE SUR LE MÉTABOLISME DU FLÉTAN DU GROENLAND REINHARDTIUS HIPPOGLOSSOIDES

L’HYPOXIE DANS L’ESTUAIRE ET LE GOLFE DU SAINT-LAURENT

   L’estuaire et le golfe du Saint-Laurent forment un grand système estuarien de 230 000 km2 caractérisé par des chenaux profonds (300-540 m) et une stratification permanente en deux couches l ‘hiver et trois couches l’été (Koutitonsky et Bugden, 1991). La couche de surface et la couche intermédiaire froide sont saturées en oxygène. La couche d’eau profonde ne peut pas se mélanger aux couches supérieures plus oxygénées (Chabot, 2004) à cause de la barrière physico-chimique créée par la présence d’une halocline et d’une thermocline. Dans le détroit de Cabot où les eaux profondes pénètrent dans le golfe, elles sont légèrement hypoxiques (50-60 % sat.) et le deviennent de plus en plus lors de leur progression vers l’estuaire (20-30 % sat. ; Chabot, 2004 ; Gilbert et al., 2005) suite à la respiration des animaux marins et à la reminéralisation de la matière organique lorsque le plancton chute dans la colonne d’eau (D’Amours, 1993 ; Gilbert et al., 2005 ; Gilbert et al., 2007 ; Genovesi et al., 20 Il). À la tête des trois principaux chenaux de l’estuaire et du golfe (Laurentien, Esquiman et Anticosti), le niveau de saturation de la couche profonde est typiquement de 20 à 30 % sat. (figure 1) (Gilbert et al., 2007). Comme le niveau de saturation diminue quand la profondeur augmente, l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent présentent des diminutions des niveaux d’oxygène dès 150 m de profondeur tout au long de l’année. Les zones sous les 300 m présentent des valeurs minimales d’oxygène atteignant moins de 20 % sat. (Thibodeau et al., 2006). Entre les années 1930 et 1980, le niveau d’oxygène dans les eaux de l’estuaire a diminué de moitié (passant d’environ 38 % sat. dans les années 1930 à environ 21 % sat. entre 1984 et 2003). Cette diminution est due avant tout à l’augmentation de la proportion des eaux chaudes en provenance de l’Atlantique nord dans le mélange pénétrant dans le chenal Laurentien (Gilbert et al., 2005 ; Thibodeau et al., 2006 ; Gilbert et al. , 2007). Ce phénomène explique environ les deux tiers de la baisse en oxygène dissous. Le reste serait dû à une augmentation des flux de matière organique marins et terrigènes, suite à des floraisons massives de diatomées. L’intensification de l’agriculture et donc l’augmentation des concentrations de nitrates dans les eaux de surface seraient responsables de ces floraisons massives (Gilbert et al., 2007).

RÉPONSES DES ORGANISMES À L’HYPOXIE

   Les phénomènes hypoxiques peuvent être continus, saisonniers, journaliers ou même influencés par les marées selon les milieux. Ainsi, tous les organismes marins ou estuariens sont à même de rencontrer une diminution d ‘oxygène au cours de leur vie (Storey, 1996 ;Brown-Peterson et al., 2008). Il est nécessaire de comprendre l’impact d’une rencontre avec de telles conditions environnementales sur l’organisme, ses réponses face à celles-ci et les conséquences à long terme sur la biodiversité.Les effets de l ‘hypoxie chronique, cyclique ou intennittente ont été étudiés chez de nombreuses espèces estuariennes ou marines. Face à cette contrainte, des changements comportementaux, physiologiques et cellulaires à long tenne ont été observés chez beaucoup d’organismes, par exemple chez les crustacés en général (Burke, 1979 ; McMahon, 2001), chez le crabe bleu Callinectes sapidus (Brouwer et al., 2004 ; BrownPeterson et al., 2005) ou chez des poissons démersaux, tels que la morue franche Gadus morhua (Claireaux et Dutil, 1992 ; Herbert et Steffensen, 2005 ; Johansen et al., 2006 ;Chabot et Claireaux, 2008), le tambour croca Leiostomus xanthurus (Cooper et al., 2002) ou le fondule Fundulus grandis (Martinez et al., 2006). Les conditions hypoxiques peuvent entraîner une mortalité massive chez les invertébrés et les poissons (Gewin, 2010), des déplacements d’espèces ou une baisse de biodiversité. Ainsi, au niveau écosystémique, la productivité diminue et les relations proies-prédateurs sont modifiées (Diaz et Rosenberg, 1995 ; Diaz, 2001 ; Chabot et Claireaux, 2008). La tolérance à l’hypoxie varie selon les espèces et les plus tolérantes sc sont adaptées, ce qui leur permet de faire face à ces conditions (McMahon, 2001 ; Nikinmaa et Rees, 2005 ; Lushchak et Bagnyukova, 2006).Par exemple, les crustacés pounaient survivre à des pourcentages de saturation d’oxygène très faibles en ajustant leur consommation d’oxygène (e.g. McMahon, 2001). Lorsqu’un organisme mobile se retrouve dans une zone où les conditions d’oxygène ne sont plus optimales, sa première réaction sera de se déplacer vers un milieu où les conditions lui sont plus favorables. Cependant, cette option nécessite qu’un autre milieu présentant des conditions de vie plus appropriées soit disponible (I(ramer, 1987 ; Wu, 2002; Chabot et Claireaux, 2008). Or un autre habitat n’est pas toujours disponible. Se déplacer vers une zone où le niveau de saturation d’oxygène est plus élevé peut aussi être défavorable si d’autres conditions abiotiques (température, salinité … ) et biotiques (prédation, compétition … ) sont défavorables (Kramer, 1987 ; Chabot et Claireaux, 2008).L’organisme doit donc faire un compromis et il est parfois plus intéressant au niveau énergétique de demeurer dans un milieu hypoxique si les autres conditions sont favorables, et ce malgré le stress associé à la baisse du niveau de saturation d’oxygène (Kramer, 1987).

LE CAS DE LA MORUE

    Chez les poissons marins de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent, les impacts de l’hypoxie ont été étudiés principalement chez la morue franche car au moins deux stocks (celui du nord du golfe du Saint-Laurent et celui de la mer Baltique) font régulièrement face à l’hypoxie. Beaucoup de données biologiques, physiologiques et comportementales sont disponibles sur cette espèce (SchUlmann et Steffensen, 1992 ; Plante et al., 1998 ;Schum1ann et al., 1998 ; Petersen et Steffensen, 2003 ; Chabot, 2004 ; Herbert et Steffensen, 2005 ; Johansen et al., 2006 ; Jordan et Steffensen, 2007 ; Chabot et Claireaux, 2008 ; Hall et al., 2009 ; Methling et al., 2010 ; Petersen et Gamperl, 201 Oa, b ; Petersen et Gamperl, 2011). Plante et al. (1998) ont montré qu’après 96 h d’exposition, les valeurs de CLso (concentration létale pour 50 % de la population testée après une période de temps donnée) et de CLos (concentration létale pour 5 % de la population testée) de la morue franche sont de 2 1,2 % et 27,7 % sat. respecti vement. Ainsi, cette espèce ne peut pas vivre longtemps dans des zones dont le niveau d’oxygène est inférieur à 20 % sat. (Chabot et Claireaux, 2008) et elle évite les zones où il est inféri eur à 30 % sat. La croissance de la morue est affectée par des niveaux d ‘oxygène compris entre 30 et 70 % sat. (Chabot et Dutil, 1999) et sa locomotion et son mécanisme de digestion sont fortement inhibés dès 50 % sat. (Chabot et Claireaux, 2008). Malgré cela, Plante et al. (1998) ont démontré qu ‘elle peut faire des incursions rapides dans des zones où le niveau d ‘ oxygène descend jusqu ‘à 15 % sat. , pour aller se nourrir par exemple, sans que cela n’ait de conséquences négatives, ce qui a été démontré en laboratoire (Claireaux et al., 1995) ainsi que sur le terrain (Neuenfe ldt et al., 2009). Au niveau physiologique, Claireaux et Dutil (1992) ont constaté que sous des conditions hypoxiques moyennes (38 % sat.), la morue modifiait en premier lieu son taux de ventilation et que cette seule modification lui permettait d’éviter d ‘autres réponses physiologiques plus importantes. Cependant, Petersen et Gamperl (2010a) ont montré qu’à 40-45 % sat. , la vitesse maximale de nage de la morue franche diminue, ce paramètre étant associé à une diminution de la consommation maximum d’oxygène et du registre aérobie de l’organisme. À des conditions hypoxiques plus importantes (1 9 % sat.), une augmentation de la concentration en lactate dans le muscle, le cœur et le foie est enregistrée (Claireaux et Dutil, 1992 ; Hall et al., 2009), ce qui est la conséquence du passage au métabolisme anaérobie et indique un état temporaire qu ‘ il n’ est pas possible de maintenir sur le long terme.

Crevette nordique

   La crevette nordique est une espèce de décapode des eaux froides de l’hémisphère nord. Dans l’Atlantique, elle est présente le long de la côté amélicaine entre Cape Cod et l’île de Baffin, à l’ouest du Groenland depuis Cape Farewell à la baie de Melville et à l’est du Groenland jusqu’au 70ème parallèle nord (Bergstr6m, 2000 ; Garcia, 2007). C’ est une espèce dominante de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. Elle vit sur des fonds argileux à des profondeurs variant de 20 à 1 330 m. Dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, elle est retrouvée entre 150 et 350 m de profondeur où le niveau d’oxygène varie souvent de 50 à moins de 20 % sat. (figure 7). Les individus peuvent atteindre une longueur maximale de céphalothorax de 28 mm pour les mâles et 32 mm pour les femelles (Bergstr6m, 2000). Cette espèce se développe en passant par différents stades ayant des habitats distincts (Simard et Savard, 1990). Tout d’abord, les stades larvaires vivent dans un environnement pélagique, puis les juvéniles acquièrent une position plus benthique et vivent en eaux peu profondes. En grandissant, les juvéniles muent et se transforment en crevettes mâles et au bout de quelques années, ces derniers changent de sexe pour se transformer en femelles. Ces deux derniers stades adultes migrent dans les eaux plus profondes (Simard et Savard, 1990 ; Daoud, 2008).La crevette représente un des produits les plus importants pour les pêcheries de l’Atlantique nord (Holthuis, 1980). Ce commerce a connu un développement très rapide, les débarquements passant de 152 t en 1982 à environ 1 000 t dans les années 2000 dans l’estuaire du Saint-Laurent (Savard, 20 Il), et de 1 000 t au début des années 1970 à 36 000 t en 2010 dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent réunis (DFO, 20 Il a).Aujourd ‘hui, cette industrie est la quatrième pêcherie mondiale et la troisième dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent au niveau du volume total de production de mollusques et crustacés. Les principales zones de capture de l’est canadien se situent dans le golfe du Saint-Laurent, les bancs de la Nouvelle-Écosse, les détroits de Davis et au large de Terre-Neuve.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
REVUE DE LITTÉRATURE
L’HYPOXIE DANS L’ESTUAIRE ET LE GOLFE DU SAINT-LAURENT
RÉPONSES DES ORGANISMES A L’HYPOXIE
LE CAS DE LA MORUE
PRÉSENTATION DES ESPÈCES
Crevette nordique
Flétan du Groenland
OBJECTIFS
MATÉRIEL ET MÉTHODES
CAPTURE ET MAINTIEN DES ORGANISMES À L’ÉTUDE
PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL
EXPÉRIENCE D’EXPOSITION À UNE HYPOXIE AIGÜE
EXPÉRIENCE D’EXPOSITION À UNE HYPOXIE CHRONIQUE
ACTIVITÉ ENZYMATIQUE
PRÉPARATION DES HOMOGÉNATS DE TISSU
ANALYSES ENZyMATIQUES
EXPRESSION GÉNIQUE
EXTRACTION ET TRANSCRIPTION INVERSE
SÉQUENÇAGE
PCR QUANTITATIVE EN TEMPS RÉEL
TESTS STATISTIQUES
CHAPITRE 1 IMPACTS DE L’HYPOXIE AIGÜE SUR LE MÉTABOLISME DE LA CREVETTE NORDIQUE PA NDALUS BOREALIS
1.1 RÉSULTATS
1.1. 1 CHEZ LES CREVETTES NORDIQUES FEMELLES
1.1.1.1 Métabolisme aérobie
1.1.1.2 Métabolisme anaérobie
1.1.1.3 Enzymes antioxydantes
1.1.2 CHEZ LES CREVETTES NORDIQUES MÂLES
1.1.2.1 Protéines
1.1.2.2 Métabolisme aérobie
1.1.2.3 Métabolisme anaérobie
1.1.2.4 Enzymes antioxydantes
1.2 DISCUSSION 
CHAPITRE 2 IMPACTS DE DIFFÉRENTS NIVEAUX D’HYPOXIE CHRONIQUE SUR LE MÉTABOLISME DE LA CREVETTE NORDIQUE PANDALUS BOREALIS
2.1 RÉSULTATS 
2.1.1 PROTÉINES
2.1.2 MÉTABOLISME AÉROBIE
2.1.3 MÉTABOLISME ANAÉROBIE
2.1.4 ENZYMES ANTIOXYDANTES
2.2 DISCUSSION
CHAPITRE 3 IMPACTS DE L’HYPOXIE AIGÜE SUR LE MÉTABOLISME DU FLÉTAN DU GROENLAND REINHARDTIUS HIPPOGLOSSOIDES 
3.1 RÉSULTATS
3. 1.1 ACTIVITÉ ENZYMATIQUE
3.1.1.1 Flétans du Groenland adultes
3.1.1.2 Flétans du Groenland juvéniles
3.1.2 EXPRESSION GÉNIQUE
3.1.2.1 Dans le muscle
3.1.2.2 Dans le foie
3.2 DISCUSSION 
CHAPITRE 4 IMPACTS DE DIFFÉRENTS NIVEAUX D’HYPOXIE CHRONIQUE SUR LE MÉTABOLISME DES FLÉTANS DU GROENLAND JUVÉNILES REINHARDTIUS HIPPOGLOSSOIDES
4.1 RÉSULTATS
4.2 DISCUSSION
DISCUSSION GÉNÉRALE
RÉPONSES DE LA CREVETTE NORDIQUE À L’HYPOXIE
RÉPONSES DU FLÉTAN DU GROENLAND À L’HYPOXIE
DANS LE MILIEU NATUREL
IMPACTS SUR LES PÊCHERIES
VARIABILITÉ DES RÉPONSES
VARIABILITÉ INTER-INDIVIDUELLE
VARIABILITÉ INTER-TISSUS
PERSPECTIVES
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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