Déroulement de l’hivernage 2018 à Léona
Au niveau agronomique et agro-climatique, les variables les plus importantes sont les dates de début et fin de la saison des pluies ainsi que la durée de celle-ci (Balme et al. 2006). Dans cette approche agronomique, nous avons adopté le mode de détermination de Sivakumar (1988) selon lequel le début de l’hivernage correspond à la première pluie ou ensembles d’évènements pluvieux produisant plus de 20 mm en moins de trois jours et non suivis par une phase sèche de plus de sept jours pendant le mois suivant. Les données de la DRDR de Louga montrent que l’hivernage a débuté le 27 juin 2018 sur toute la région de Louga avec un cumul de 39 mm, largement déficitaire par rapport à 2017 qui a enregistré 60 mm le 26 du même mois, soit un écart de 21 mm. Cependant, cette pluie comme toutes les autres d’ailleurs a été inégalement répartie dans la région. La commune de Léona a enregistré un cumul de 45,5 mm contre 51,5 mm le 26 du même mois en 2017. Suite à cette première pluie, qui était d’ailleurs importante, les paysans ont bien démarré leurs travaux champêtres avec les semis d’arachide qui est la principale culture pluviale du terroir. Si nous nous référons à la méthode de Sivakumar selon laquelle la fin de l’hivernage correspond au dernier évènement de plus de 10 mm non précédé par un épisode sec de plus de 20 jours, la fin de l’hivernage à Louga est intervenue le 7 octobre avec 28,2 mm enregistrés à la station de Louga contre 12,6 mm le 4 du même mois en 2017. La station de Léona a enregistré 7 mm de pluie à la même date, valeur bien déficitaire par rapport à la définition de Sivakumar, contre 32 mm le 4 du même mois de l’année 2017. Pendant cette période, les cultures suivaient leur développement, laissant le monde paysan espérer. L’arachide était au stade de floraison, gynophorisation et remplissage des gousses. Le niébé était déjà au stade de maturation pour la première génération et au stade de floraison et formation de gousses pour la dernière génération de semis. Cependant, nous avons remarqué que l’hivernage 2018 ne s’est pas déroulé suivant les critères de Sivakumar car la première pluie a été suivie par une phase sèche et la dernière pluie qui marque la fin aussi n’est pas conforme aux critères. C’est cette configuration qui manque souvent au niveau agronomique et on observe fréquemment des séquences sèches de 15 à 20 jours ou même plus dans le premier mois. Selon Balme et al, 2005, la connaissance de la date de démarrage de la saison des pluies ne renseigne en rien sur le cumul pluviométrique à venir ; en revanche, elle permet de prévoir la longueur de la saison des pluies, la fin de celle-ci étant moins variable. L’hivernage ayant débuté le 27 juin et pris fin le 7 octobre, on en déduit que la durée est de 103 jours répartie sur 5 mois contre 101 jours en 2017 ; ce qui nous conduit à la conclusion que nous avons une durée d’hivernage normale cette année.
L’arachide (Arachis hypogaea)
Son nom scientifique est Arachis hypogaea. Elle appartient à la famille des légumineuses, les « Fabaceae ». C’est un oléagineux dont les graines contiennent une importante matière grasse d’où l’on peut extraire de l’huile d’arachide. Elle est la principale culture de la commune, surtout que celle-ci se trouve dans le bassin arachidier. L’arachide est consommée dans sa totalité. Les graines, transformées en poudre ou en pâte d’arachide, sont utilisées dans beaucoup de plats sénégalais. Ces mêmes graines sont consommées cru, accompagnant souvent le thé, ou préparées (guerté tiaf) et vendu un peu partout par les femmes. Cette légumineuse, transformée, peut donner du savon, du beurre, mais aussi du tourteau qui reste après qu’on ait pressé la graine pour alimenter le bétail de même que les restes de la plante après l’enlèvement des gousses. Les coques issues des gousses après décorticage peuvent être utilisées comme combustible.
Perception par les paysans des changements climatiques
La variabilité pluviométrique n’est plus une expression nouvelle. Plusieurs analyses ont démontré que la pluviométrie connait des variations d’une année à l’autre surtout au niveau de la zone sahélienne. Ainsi, parmi les 318 paysans enquêtés, 100 % ont affirmé avoir senti la variabilité pluviométrique. Même les paysans qui habitent au niveau de la zone des Niayes ont affirmé la diminution de la pluviométrie ; un vieux parmi eux m’a notifié qu’il y’avait des années où on atteignait l’eau en creusant avec la main (la nappe superficielle) alors qu’actuellement il faut creuser jusqu’à 6 à 10 m pour atteindre la nappe. Et ce sont ces modifications qui ont poussé ces paysans des Niayes à abandonner les cultures pluviales qu’ils effectuaient dans le Diéri pendant l’hivernage. Face à ces changements, nous allons voir comment les agriculteurs se sont adaptés, avec quelles pratiques et méthodes.
Les conflits avec les éleveurs
L’augmentation des aires de cultures entraine un manque d’espace de pâturage. Ainsi, les pasteurs ont beaucoup de difficultés pour faire paître leur troupeau et souvent les bêtes entrent dans les champs des cultures car ces derniers ne sont pas clôturés. Si les paysans recherchent une bonne production, la population pastorale elle n’est intéressée que par la survie de son troupeau. Cela entraine souvent des conflits entre agriculteurs et pasteurs. Ces cas sont fréquents et interpellent souvent les autorités locales et gouvernementales.
Conclusion générale
La commune de Léona est, sur le plan physique, constitué d’un relief de dunes favorisant la présence de sols meubles ou « dior ». L’étude des caractéristiques physiques montre que la commune appartient au bassin sédimentaire Sénégalo-Mauritanien et que son histoire géologique se rattache à cet ensemble. Sur le plan climatique, la zone est marquée par la présence de l’alizé continental ou harmattan et aussi de l’alizé maritime du fait de sa position côtière. Celui-ci est à l’origine de températures fraîches ressenties sur toutes les localités de la commune bordant la mer. Quant à l’alizé continental, il constitue un rabat-joie pour les populations du diéri à cause de sa température excessivement chaude causant un assèchement rapide des points d’eau mais aussi une forte évapotranspiration des végétaux. Durant l’hivernage, les pluies sont apportées principalement par les lignes de grains. Les facteurs climatiques, combinés au relief et à la structure pédologique de la zone, expliquent la présence d’un faible couvert végétal. Celui-ci est composé le plus souvent d’espèces herbacées et d’arbustes. La steppe est de plus en plus victime d’une disparition de ses végétaux. Cette situation physique a influé la répartition et le dynamisme de la population. Celle-ci est majoritairement jeune avec une diversité ethnique dominée par les Wolofs. En effet, depuis les trois dernières décennies, la péjoration climatique a fortement marqué cet espace, conditionnant aussi les activités des populations en particulier l’agriculture. La commune est sujette à une péjoration pluviométrique entraînant des conséquences socioéconomiques désastreuses. La sensation de chaleur constatée de plus en plus et la raréfaction de certaines espèces végétales sont des preuves concrètes du changement climatique qui touche Léona. Quant à l’hivernage 2018, il est marqué par une mauvaise répartition temporelle de la pluviométrie et l’apparition de séquences sèches très longues et fréquentes impactant négativement les productions. Pour parer à cette menace devenue permanente que constitue la forte irrégularité pluviométrique, les paysans ont adopté de nouvelles manières et pratiques agricoles. Ils utilisent de plus en plus des variétés à cycle court, des fertilisants sans oublier les activités secondaires tels que l’élevage, le commerce, la pêche, etc. Par ailleurs, le maraîchage représente l’activité de secours de presque toute la population. Elle est pratiquée pendant toute l’année avec diverses spéculations. Ces activités secondaires sont maintenant fréquentes chez les paysans. C’est l’ensemble de ces pratiques que nous considérons comme des réponses à l’irrégularité pluviométrique. Selon les résultats obtenus, nous pouvons dire que nos hypothèses sont, en grande partie, confirmées. Pour la première hypothèse, les résultats d’analyse montrent que la variabilité pluviométrique est marquée par une baisse considérable des cumuls pluviométriques et un retour à une situation normale à partir des années 2009. Cependant, nous constatons un retour de la pluie à partir des années 2009. La deuxième et la troisième hypothèse sont totalement confirmées. L’hivernage 2018 est marquée par une mauvaise répartition de la pluviométrie dans le temps, d’où les nombreuses séquences sèches observées. Cette mauvaise répartition de la pluviométrie a négativement impacté sur les productions agricoles dont les résultats escomptés n’étaient pas à la hauteur des attentes. En ce qui concerne la dernière hypothèse, les populations n’ont pas développé des stratégies dans l’immédiat pour faire face aux séquences sèches survenues en 2018 mais ils développent davantage des stratégies pour faire face à la variabilité pluviométrique tels que le maraîchage, l’usage de variétés culturales à cycle court ainsi que l’utilisation de plus en plus importante des fertilisants. Comme perspective, la commune de Léona, très vulnérable à la variabilité pluviométrique du fait de sa position septentrionale, constitue un intéressant champ de recherche. Une étude approfondie sur la capacité d’adaptation des populations serait une grande opportunité pour mieux développées les stratégies et maintenir en marche l’économie de la commune.
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Table des matières
Introduction générale
Synthèse bibliographique
Problématique
Contexte
Justification
Questions de recherche
Objectif Général
Objectifs spécifiques
Hypothèses de recherche
Définition des concepts
Méthodologie
1. La recherche documentaire
2. Le travail de terrain
3. Le traitement des données
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE
Introduction
Chapitre 1 : Le cadre physique
1. Le relief et la géologie
2. Le climat
2.1. Les facteurs généraux
2.2. Les éléments du climat
2.2.1. Les vents
2.2.2. Les températures
2.2.3. La pluviométrie
3. Les ressources hydriques
3.1. Les eaux souterraines
3.2. Les eaux de surface
4. Les sols
5. La végétation
Conclusion
Chapitre 2 : La population et les activités économiques de Léona
1. La population
1.1. Evolution et répartition de la population
1.2. Diversité ethnique et religieuse de la population
2. Les activités économiques
2.1. L’agriculture
a. Les superficies emblavées
b. Les rendements
c. Les productions
d. Les contraintes liées à l’agriculture
2.2. L’élevage
2.3. Le commerce
2.4. La pêche
2.5. L’artisanat
Conclusion
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DE L’EVOLUTION PLUVIOMETRIQUE DE 1981 A 2018 A LOUGA ET IMPACTS DE LA PLUVIOMETRIE DE L’HIVERNAGE 2018 SUR LES PRODUCTIONS AGRICOLES DANS LA COMMUNE DE LEONA
Introduction
Chapitre 3 : Analyse de l’évolution pluviométrique de 1981 à 2018 à Louga
1. Evolution des cumuls pluviométriques de 1981 à 2018 à Louga
2. Evolution décennale de la pluviométrie de 1981 à 2018
3. Pourcentages des écarts à la normale intermédiaire 1981-2010
Chapitre 4 : Analyse de l’hivernage 2018 à Léona
1. Déroulement de l’hivernage 2018 à Léona
1.1. Le début de l’hivernage
1.2. La fin de l’hivernage
1.3. La durée de l’hivernage
2. Répartition temporelle de la pluviométrie de l’hivernage 2018 à Léona
2.1. Répartition mensuelle de la pluviométrie en 2018 à Léona
2.2. Répartition décadaire de la pluviométrie
2.3. Nombre mensuel de jours de pluie
2.4. Etude des séquences sèches mensuelles
2.5. Les pauses pluviométriques
Conclusion
Chapitre 5 : Impacts de la pluviométrie de l’hivernage 2018 sur les productions agricoles
1. Présentation des principales cultures du terroir
1.1. L’arachide (Arachis hypogaea)
1.2. Le niébé (Vigna unguiculata)
1.3. Le Bissap (Hibiscus sabdarifa)
1.4. La pastèque (Citrulus lanatus)
2. Impacts des séquences sèches et des pauses sur les productions agricoles
2.1. Impacts sur l’arachide
2.2. Impacts sur le niébé
2.3. Impacts sur le bissap
2.4. Impacts sur la pastèque
2.5. Impacts sur le maraîchage
2.6. Autres facteurs négatifs de la production
Conclusion
TROISIEME PARTIE : STRATEGIES D’ADAPTATION ET LEURS LIMITES
Introduction
Chapitre 6 : Les stratégies d’adaptation
1. Perception par les paysans des changements climatiques
2. Les plantes cultivées en 2018
3. Les stratégies d’adaptation
3.1. Focalisation sur les cultures les plus adaptées
3.2. Utilisation des fertilisants
3.3. Le maraîchage
3.4. Les activités secondaires
3.5. L’intervention des partenaires
Chapitre 7 : Limites des stratégies d’adaptation
1. Les dégâts sur les cultures
2. Les dépenses énormes liées au maraîchage
3. Difficultés rencontrées dans l’agriculture
3.1. Les difficultés dans la commercialisation
3.2. L’insuffisance du soutien
3.3. Le non-suivi de certains projets
3.4 Les conflits avec les éleveurs
Conclusion
Conclusion générale
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