LโHomme ne peut pas vivre sans la nature. Loin dโรชtre une hypothรจse, cโest une vรฉritรฉ. En effet, nous ne pouvons pas imaginer un futur sans air, sans eau, sans aliments pour les gรฉnรฉrations ร venir ! Mais ceci dรฉpend de la pรฉrennitรฉ des forรชts, des sources dโeau, de la biodiversitรฉ,โฆ de la nature en bref ! Or, les activitรฉs humaines telles que le prรฉlรจvement des ressources sans souci de leur renouvellement, la dรฉforestation, lโรฉradication des espรจces animales et vรฉgรฉtales, la pollution de lโeau, du sol et de lโair provoquent la dรฉgradation de lโenvironnement et menacent la survie de tous[49].
Pour faire face ร la dรฉgradation de cette diversitรฉ biologique, la question de la gestion durable des ressources naturelles a fait lโobjet de rรฉflexions diverses et dโactions de la part des organismes de protection de lโenvironnement[25]. De ce fait, la prรฉservation et la conservation des espรจces animales et vรฉgรฉtales et des รฉcosystรจmes naturels ne peuvent se concevoir que dans des zones dรฉlimitรฉes bรฉnรฉficiant dโun statut, dโune lรฉgislation et des moyens appropriรฉs : ce sont les Aires Protรฉgรฉes (AP)[62]. Selon lโUnion Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), une aire protรฉgรฉe est ยซun espace gรฉographique clairement dรฉfini, reconnu, consacrรฉ et gรฉrรฉ, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin dโassurer ร long terme la conservation de la nature ainsi que les services รฉcosystรฉmiques et les valeurs culturelles qui lui sont associรฉsยป[57]. LโUICN, la principale Organisation Non Gouvernementale (ONG) mondiale fondรฉe le 5 octobre 1948 ร la suite dโune Confรฉrence internationale tenue ร Fontainebleau a pour mission dโinfluencer, dโencourager et dโassister les sociรฉtรฉs dans le monde entier, dans la conservation de lโintรฉgritรฉ et de la diversitรฉ de la nature, ainsi que de sโassurer que lโutilisation de ces ressources naturelles soit faite de faรงon รฉquitable et durable[42].
Les sociรฉtรฉs humaines ont donc commencรฉ ร prendre en compte lโenvironnement aprรจs avoir pris conscience que la nature est prรฉcieuse et doit รชtre prรฉservรฉe. Ainsi, les EtatsUnis ont crรฉรฉ le statut de Parc National (PN), avec le Prรฉsident Abraham Lincoln le 30 juin 1864 et la Yosemite Valley est devenue le premier site naturel protรฉgรฉ au monde. La cรฉlรจbre Aire Protรฉgรฉe de Yellowstone est devenue en 1872 le premier parc national[41]. Les parcs nationaux sont de vastes espaces protรฉgรฉs terrestres ou marins dont le patrimoine naturel est exceptionnel, et dont le but est ร la fois de protรฉger des processus รฉcologiques ร large รฉchelle et de fournir des possibilitรฉs de dรฉcouverte de la nature[47].
Situation gรฉographique, cadre institutionnel et historique du Parc National de Marojejy
Localisation
Le Parc National de Marojejy est situรฉ dans la Province dโAntsiranana, Rรฉgion SAVA[15]. Il se trouve dans la partie Nord-Est de Madagascar[46], ร 60 kilomรจtres du District de Sambava et ร 40 kilomรจtres du District dโAndapa[36], [3], [59]. Il sโรฉtend sur une superficie de 55 500 ha et est centrรฉ dans la chaรฎne de montagnes connue sous le nom de massif du Marojejy qui culmine ร une altitude de 2 132 m[56]. Son centre se trouve ร la longitude 14ยฐ 26โ 06โโ Sud et ร la latitude 49ยฐ 42โ 22โโ Est[56], entre la vallรฉe du fleuve Androranga au Nord et celui de Lokoho au Sud, la cuvette dโAndapa ร lโOuest ainsi que les plaines cรดtiรจres et les contreforts ร lโEst[56], [15].
Cadre institutionnel
Le Parc National de Marojejy fait partie du rรฉseau national des Aires Protรฉgรฉes de Madagascar, gรฉrรฉ par MNP. Selon le Dรฉcret nยฐ 66-242 du 1er juin 1966, Marojejy fut classรฉe Rรฉserve Naturelle Intรฉgrale sous la gestion de la Direction des Eaux et Forรชts, par le biais du Chef de Rรฉserve. Son statut a รฉtรฉ changรฉ en Parc National le 19 mai 1998 par le Dรฉcret nยฐ 98-375[56]. La gestion de la Rรฉserve a connu des phases successives[56] :
– Au cours de la premiรจre phase du Programme Environnemental (1991- 1998), elle a รฉtรฉ gรฉrรฉe conjointement par la Direction des Eaux et Forรชts et le WWF.
– Durant la deuxiรจme phase, lโopรฉrateur principal pour sa gestion รฉtait le WWF sous la coordination de MNP.
– A partir de juillet 2004, ce Parc National est gรฉrรฉ directement par MNP et devient une Unitรฉ de Gestion ร part entiรจre, ayant son bureau ร Andapa. Depuis son changement de statut en 1998, le site dispose dโun Plan de gestion dont la base essentielle est la gestion de la conservation[15]. Aujourdโhui le Parc National joue un rรดle stratรฉgique dans le Rรฉseau National. Il est gรฉrรฉ par MNP qui est financรฉ par le Groupe bancaire allemand KfW Bankengruppe[56].
En effet, le parc est un rรฉservoir gรฉnรฉtique pour le rรฉseau[56] :
– Il est lโune des deux Aires Protรฉgรฉes du rรฉseau ร abriter le lรฉmurien Propithecus candidus (Simpona malandy) ; et lโextinction รฉventuelle de cette espรจce remettrait en question la reprรฉsentativitรฉ non seulement de la rรฉgion Nord mais รฉgalement du rรฉseau national. Cette espรจce endรฉmique ne se rencontre รฉgalement quโร Anjanaharibe-Sud, du moins jusquโร ce jour.
– Il est aussi lโhabitat le plus connu de lโoiseau Euryceros prevostii (Siketribe).
– Il regroupe une grande variรฉtรฉ dโรฉcosystรจmes et dโhabitats caractรฉrisant les Hautes Montagnes du Nord.
– Il est parmi la seule montagne malgache, qui dispose encore dโun fourrรฉ montagnard (plus de 1 800 m dโaltitude) intact et en รฉtat primaire.
– Cโest un centre de biodiversitรฉ et dโendรฉmisme exceptionnel disposant du plus grand nombre dโespรจces de reptiles et dโamphibiens connues ร Madagascar.
Par ailleurs, il joue un rรดle รฉconomique pour la rรฉgion[56] :
– Il assure la viabilitรฉ des activitรฉs agricoles des Communes environnantes ร travers la protection du sol et des bassins versants.
– Il abrite plusieurs cours dโeau, dont les huit les plus importants assurent les besoins en eau potable de la population des huit Communes Rurales et de la Commune Urbaine aux alentours.
Historique du Parc National de Marojejy
Marojejy a รฉtรฉ dรฉcouvert en 1948 par le Professeur Henri Humbert, un รฉminent botaniste du Musรฉum dโHistoires Naturelles de Paris[59] qui, aprรจs avoir parcouru de nombreux massifs montagneux africains, est arrivรฉ ร Madagascar[3]. A cet รฉgard, une cascade du parc porte son nom[59]. Entre novembre 1948 et novembre 1950, il passa cinq mois ร rรฉcolter un herbier de 4 039 รฉchantillons pour รฉtude. Aprรจs ses intenses efforts de terrain et ses analyses des spรฉcimens, il publia le livre ยซUne Merveille de la Natureยป en 1955 dans lequel il dรฉcrit le massif comme รฉtant ยซle plus impressionnant de tout Madagascar tant par sa taille que par la diversitรฉ de ses flores et son รฉtat totalement viergeยป[56]. Dรจs son retour de terrain, Humbert redoubla dโeffort pour dรฉfendre Marojejy et le faire classer. Le massif est devenu la douziรจme et derniรจre Rรฉserve Naturelle Intรฉgrale malgache en 1952. Sous ce statut, la rรฉserve รฉtait interdite ร toute visite ร lโexception des expรฉditions scientifiques dรปment autorisรฉes. Ce faisant, il permit sans doute au massif de survivre ร la croissance dรฉmographique et aux multiples pressions anthropiques de cette zone[56]. En 1998, Marojejy devint le treiziรจme Parc National de lโรฎle pour enfin permettre sa visite au public[56]. Plusieurs missions ont confirmรฉ lโintรฉrรชt biologique de la rรฉserve de Marojejy (PAULIAN, 1975) oรน trois des quatre grands types dโรฉcosystรจmes forestiers malgaches sont reprรฉsentรฉs : forรชt pluviale de basse altitude du domaine de lโEst malgache, forรชt pluviale du domaine du Centre malgache et formations vรฉgรฉtales du domaine des Hautes montagnes malgaches. Ces deux derniรจres formations nโexistent que dans cinq localitรฉs de Madagascar et cโest ร Marojejy quโelles sont les plus รฉtendues et les plus intactes (NICOLL, LANGRAND, 1990, WWF, 1990)[6]. Le massif est reconnu comme unique, avec lโune des biodiversitรฉs les plus riches de lโรฎle. En 2007, Marojejy, au sein des Forรชts Humides de lโAtsinanana, est inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de lโUNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation). A cause des coupes illรฉgales et des trafics de bois prรฉcieux, surtout aprรจs le dรฉbut de la crise politique de 2009, les Forรชts Humides de lโAtsinanana furent placรฉes sur la liste du Patrimoine Mondial en pรฉril en 2010 .
Caractรฉristiques physiques du milieuย
Relief et topographie
Le Parc National de Marojejy, couvrant 55 500 ha, protรจge pratiquement la totalitรฉ du massif dont les altitudes sโรฉchelonnent de 75 m ร 2 132 m ร son sommet. Le massif fait partie dโune chaรฎne de montagnes qui sโรฉtend du Tsaratanana au Nord-Ouest jusquโร la presquโรฎle de Masoala au Sud[56]. Il prรฉsente un relief extrรชmement accentuรฉ et dรฉcoupรฉ. Il est caractรฉrisรฉ par des reliefs forestiers multifaces trรจs accidentรฉs et de formes complexes[6]. Les crรชtes du massif forment une bande Est Ouest sur laquelle se trouvent de nombreux pics intรฉgrรฉs dans une structure discontinue avec de nombreuses ruptures de pentes, des lignes de crรชtes parallรจles et divergentes entrecoupรฉes par des falaises escarpรฉes et irrรฉguliรจres[56]. Au fur et ร mesure que lโon monte en altitude, on note un changement des pentes, de plus en plus raides, une dissymรฉtrie morphologique marquant le dispositif structural du relief avec rรฉtrรฉcissement des vallรฉes et frรฉquence importante des escarpements et de pics rocheux[6]. En gรฉnรฉral, les pentes du Sud du massif sont trรจs escarpรฉes et celles du Nord sont plus modรฉrรฉes[3]. Sโรฉlevant ร 2 000 m dโaltitude sur une distance de moins de 8 km, le massif de Marojejy offre un des terrains les plus accidentรฉs de Madagascar.
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Table des matiรจres
Introduction
Partie I : Cadre gรฉnรฉral du milieu dโรฉtude
I- Situation gรฉographique, cadre institutionnel et historique du Parc National de Marojejy
I.1- Localisation
I.2- Cadre institutionnel
I.3- Historique du Parc National de Marojejy
II- Caractรฉristiques physiques du milieu
II.1- Relief et topographie
II.2- Gรฉologie et pรฉdologie
II.3- Hydrologie
II.4- Climat
III- Caractรฉristiques biologiques du milieu
III.1- Biodiversitรฉ floristique
III.2- Biodiversitรฉ faunistique
IV- Milieu humain
IV.1- Situation dรฉmographique et ethnies
IV.2- Activitรฉs รฉconomiques de la population
IV.3- Problรจmes relatifs ร la conservation du Parc National
Partie II : Matรฉriels et mรฉthodes
I- Matรฉriels utilisรฉs
I.1- Questionnaires
I.1.1- Fiches dโenquรชte pour les mรฉnages
I.1.2- Fiches dโenquรชte pour les dirigeants communautaires et les Tangalamena
I.2- Supports techniques
I.3- Matรฉriels de bureau
I.4- Ordinateur bureautique
II- Mรฉthodes utilisรฉes
II.1- Investigation bibliographique et webographique
II.2- Enquรชtes
II.2.1- Objectifs de lโenquรชte
II.2.2- Prรฉsentation et choix des sites dโรฉtude
a. Choix des sites dโรฉtude
b. Situation gรฉographique des trois villages : Manantenina, Mandena et Ambohimanarina
c. Historique de ces trois villages
II.2.3- Collecte dโinformations
a. Echantillonnage des mรฉnages
b. Entretien avec les dirigeants communautaires et les Tangalamena
II.2.4- Traitement et analyse des donnรฉes
a. Traitement des donnรฉes
b. Analyse des donnรฉes
III- Problรจmes rencontrรฉs
Partie III : Rรฉsultats et discussions
I- Contexte sociodรฉmographique
I.1- Rรฉpartition de la population par tranche dโรขge et par sexe
I.2- Taille des mรฉnages
I.3- Composition ethnique
I.4- Tabous
I.5- Habitation
I.6- Education
I.7- Migration
I.8- Accรจs ร la terre et sรฉcurisation fonciรจre
II- Impacts de la mise en place du parc sur la population locale
II.1- Activitรฉs รฉconomiques de la population locale
II.1.1- Activitรฉs agricoles
a. Culture vivriรจre
b. Culture de rente
II.1.2- Elevage et pรชche
II.1.3- Tourisme
II.1.4- Autres activitรฉs
II.2- Revenu annuel, dรฉpenses de la population locale
II.2.1- Revenu annuel
II.2.2- Dรฉpenses
II.3- Problรจmes socio-รฉconomiques auxquels la population locale est confrontรฉe
III- Dรฉpendance de la population locale vis-ร -vis du parc
III.1- Impact du travail au sein du parc sur le revenu du mรฉnage
III.2- Intrusion et exploitation illicite des ressources naturelles ร lโintรฉrieur du parc
IV- Perception de la population locale des biens et services rendus par le parc
IV.1- Valeur รฉcologique
IV.2- Avantage รฉconomique
IV.3- Avantage socio-รฉconomique
IV.4- Avantages socioculturel et environnemental
IV.5- Aide octroyรฉe par MNP au profit des villages autour du parc
Partie IV : Suggestions apportรฉes par la population riveraine, propositions dโorientation pour le dรฉveloppement local ainsi que la conservation du parc et intรฉrรชts pรฉdagogiques
I- Suggestions apportรฉes par la population riveraine
I.1- Avis de la population locale pour le dรฉveloppement socio-รฉconomique de leur village
I.2- Aspirations de la population locale pour prรฉserver le parc
II – Propositions dโorientation pour le dรฉveloppement local et la conservation du parc
II.1- Intensification de lโagriculture
II.2- Diversification des activitรฉs des communautรฉs locales
II.3- Promotion de lโรฉcotourisme
II.4- Satisfaction des besoins en bois des communautรฉs locales et sรฉcurisation fonciรจre
II.5- Intensification de la sensibilisation des communautรฉs locales
II.6- Renforcement de la surveillance au sein de lโAP et mise en place dโun systรจme de contrรดle rigoureux
III – Intรฉrรชts pรฉdagogiques
III.1- En faveur du parc et de sa population riveraine
III.2- Dans le cadre du domaine รฉducatif
Conclusion
Rรฉfรฉrences bibliographiques