Impacts de la corruption dans les marchés publics sur l’économie

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La théorie des choix publics 

Les hommes politiques et les fonctionnaires étant des individus rationnels, ils chercheront à maximiser leur utilité13. Ils n’agiront donc pas seulement pour servir l’intérêt collectif, mais aussi leurs intérêts personnels. Les décisions prises par les dirigeants et par les hauts fonctionnaires d’Etat ne sont donc pas les plus optimales car elles intègrent des facteurs qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt collectif.

Une asymétrie d’informations touchant tous les acteurs 

Plus l’entité concernée est puissante financièrement, c’est-à-dire dispose d’un important pouvoir d’achat, plus le risque et l’opportunité de corruption est élevée. Et plus elle a de pouvoir au niveau politique, moins il y a de risques que l’acte de corruption soit découverte car elle a le pouvoir de protéger le corrupteur, de manipuler les informations.
L’un des plus grands points faibles du système de marchés publics est l’existence d’asymétries d’informations. Elles sont présentes durant toute la procédure de passation des marchés.

Avant la signature du marché 

Le problème d’asymétrie se pose entre l’agent public et l’Etat (problème principal-agent). L’Etat qui est le principal ne connait pas les intentions de l’agent public, qui est à son service. Il ne sait pas si l’agent utilisera le pouvoir qui est à sa disposition pour prioriser la satisfaction de ses intérêts personnels à travers la corruption. L’Etat ne sait donc pas si l’agent occupe le poste dans le but de toucher des pots-de-vin en complément de sa paie. Le problème se pose également entre l’agent public et le candidat au marché. Cette fois-ci, le dilemme se pose pour l’agent public responsable du marché. En effet, celui- ci ne sait pas si les coûts proposés par le candidat ne relèvent pas de l’arnaque. Il ne connait pas les coûts réels de la prestation. L’agent privé peut proposer des prix anormalement élevés sans être inquiété. Ce cas est très courant lorsque l’Etat fait appel à des entreprises en situation de monopole ou à des entreprises utilisant une technologie extrêmement complexe.

Après la signature du marché 

Cette fois, le problème se pose entre le fournisseur de la prestation et l’agent public. En cas d’erreur d’appréciation des travaux commise par l’agent public, le fournisseur, qui n’a fait que réaliser les travaux ne sait pas si l’agent public se retournera contre lui et lui attribuera la faute. Il s’agit donc d’un problème d’aléa moral mettant en cause une fois de plus l’honnêteté de l’agent public.

La corruption a un coût 

Il existe un « coût de transgression aux règles »14 supporté par le corrupteur et le corrompu. Il s’agit d’un calcul mathématique tout à fait rationnel qui consiste à comparer le coût de cette transgression au profit envisagé obtenu après l’acte de corruption. Si le coût de la transgression aux règles est inférieur au profit, la corruption devient rentable, et vice versa. L’incitation à corrompre est donc en relation inverse avec la sévérité et l’application effective des sanctions. Si les sanctions existent mais ne sont pas appliquées, le coût de transgression aux règles est nul. L’entente et la complicité qui existe entre les agents publics d’une même entité à Madagascar réduit considérablement les risques de sanctions car généralement, personne ne dénoncera son collègue.

La personne responsable des marchés publics (PRMP) 

Le premier responsable dans l’octroi d’un marché public est la PRMP. Selon l’article 5 du code des marchés publics, « la Personne Responsable des Marchés Publics est la personne habilitée à signer le marché au nom de l’Autorité Contractante. Elle est chargée de conduire la procédure de passation du marché depuis le choix de cette dernière jusqu’à la désignation du titulaire et l’approbation du marché définitif. » Il peut s’agir d’un ministre, d’un chef de région, d’un maire, d’un directeur d’établissement public,… C’est donc un poste très délicat et très sensible. Les risques de corruption à ce niveau sont extrêmement élevés.

Le mécanisme d’octroi des marchés publics

L’article 4 du code des marchés publics définit les principes de base que toute entité de l’Etat doit respecter en termes d’octroi de marchés.
• La liberté d’accès à la commande publique : Toute entreprise ayant la capacité technique, juridique et financière pour remplir les conditions imposées par l’appel d’offres peut postuler pour l’obtention d’un marché public. Aucune discrimination ne doit être effectuée par les personnes responsables de ces marchés.
• L’égalité de traitement des candidats : Tous les candidats seront traités de la même manière. Aucun traitement de faveur n’est permise, quel qu’en soient les raisons.
• La transparence des procédures : Les besoins de l’entité doivent être publiés en détail dans les journaux, tout comme les résultats. L’ouverture des plis doit être effectuée par la Commission d’Appel d’Offres.
• La détermination préalable des besoins : Les travaux à effectuer, les matériels à acquérir, les études à réaliser,…pour une entité administrative sont déterminés dans le budget de celle-ci, élaborée au tout début de l’exercice. Toute dépense est donc prévue à l’avance et rien ne se fait au hasard.
• Le choix de l’offre la plus avantageuse : Il est tout à fait logique que l’administration sélectionne la meilleure offre possible, appelée aussi offre moins-disante18. La sélection suit donc un processus logique dont la finalité débouche sur le meilleur dossier parmi tous les autres.
• Le contrôle par la Commission Nationale des Marchés (CNM) : Toutes les procédures effectuées dans le cadre de l’analyse des postulants et l’adjudication du marché se fait sous la supervision de cette commission.

La réception et l’ouverture des plis 

Après la réception des plis par la PRMP et leur enregistrement dans l’ordre d’arrivée, ils sont un à un ouverts lors de la séance publique d’ouverture des plis23 en présence des candidats ou de leur représentant. Cette séance permet au Comité d’Appel d’Offres, présidée par la PRMP24 de prendre connaissance du montant de chaque offre25. Un procès verbal de cette séance est ensuite dressé26 et sera contresigné par toutes les personnes présentes, puis remis à tous les candidats.

Evaluation des offres et attribution du marché 

La liste des candidats éligibles est établie par la commission selon les critères imposés par l’article 12 du Code des Marchés Publics27. Les offres qui ne correspondent pas à ces critères sont éliminées d’office. La PRMP peut ensuite procéder à une correction d’erreurs en ce qui concerne certaines précisions que le candidat aurait omis, avec l’accord de celui-ci28. La commission procède ensuite au classement des offres en évaluant les compétences et les expériences des candidats, ainsi que les garanties techniques et financières qu’ils apportent, selon les critères admises dans le DAO. Elle peut recourir à l’assistance d’une Sous-Commission Technique d’Evaluation (SCTE)29 dans le cas où cette évaluation requiert des connaissances techniques spécifiques.

Appel d’offres ouverts avec pré-qualifications 

Il s’agit des travaux ou fournitures qui revêtent une importance particulière, qui sont dotés d’une certaine complexité et qui nécessitent des services spécialisés. Un avis spécifique d’appel public à la concurrence est lancé et les candidats qui sont inaptes sont éliminés. La procédure standard est effectuée par la CAO : ouverture des plis lors de la séance publique, liste des pré-qualifiés, information des candidats rejetés, lettre d’invitation adressée aux candidats pré-qualifiés joint au dossier d’appel d’offres. Les procédures de réponse sont les mêmes que décrites plus haut.

Appel d’offres ouverts en deux étapes 

Dans ce cas, l’Autorité Contractante souhaite obtenir des propositions concrètes basées sur l’analyse de la performance de chaque candidat. Le marché comporte des spécificités techniques que seuls les soumissionnaires peuvent comprendre. La première étape sera donc axée sur la proposition de caractéristiques techniques, qualitatives ou autres du marché, sans proposition de prix. Le DAO sera ensuite révisé par la PRMP selon les propositions émises par les candidats. La deuxième étape consistera à la soumission des propositions définitives avec mention des prix. S’en suivront les procédures standards citées précédemment.

Appel d’offres restreint 

L’appel d’offres peut être restreint, c’est-à-dire limité à seulement une poignée de candidats pour diverses raisons. Il peut s’agir d’un marché dont le montant est inférieur à un seuil fixé par la loi, d’une urgence, d’un service confidentiel, du remplacement d’un prestataire défaillant, ou dans le cas où très peu d’entreprises peuvent fournir le service ou le produit. C’est la PRMP qui prépare le DAO restreint et qui avise ensuite la CNM. La CAO propose une liste d’au moins trois candidats et s’en suivront les procédures standards.

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Table des matières

Partie I : Le fonctionnement du système des marchés publics et le comportement des acteurs concernés
Chapitre 1 : Des approches théoriques contradictoires concernant les marchés publics
Section 1 : La théorie keynésienne prône la relance par les investissements publics
1 – Les marchés publics constituent d’importantes dépenses publiques
2 – Les fondements de la théorie keynésienne
Section 2 : Les marchés publics entrainent des distorsions sur les marchés
1 – Une déconnexion entre l’offre et la demande
2 – La théorie des choix publics
3 – Une asymétrie d’informations touchant tous les acteurs
4 – La corruption a un coût
Chapitre 2 : La complexité du fonctionnement des marchés publics
Section 1 : Comment fonctionne un marché public ?
1 – Clarification du concept
2 – Quatre types de marchés publics
3 – Les formes de marchés publics
4- La personne responsable des marchés publics (PRMP)
Section 2 : Le mécanisme d’octroi des marchés publics
1 – Les principes généraux régissant les marchés publics
2- Les conditions d’accès aux marchés publics
Section 3 – Le processus de passation des marchés publics
1 – Pour les marchés de services, de fournitures et de travaux
2 – Pour les marchés de prestations intellectuelles
Section 4 : Différents modes d’appel d’offres selon les caractéristiques du marché
1 – Appel d’offres ouverts avec pré-qualifications
2 – Appel d’offres ouverts en deux étapes
3 – Appel d’offres restreint
4 – Les marchés de gré à gré
Section 5 : L’exécution des marchés publics
1 – Les garanties
2 – Les règlements
3 – Les contrôles
Chapitre 3 : Les marchés publics gangrénés par la corruption
Section 1 : La corruption et ses diverses origines
1 – Qu’est ce que la corruption ?
2 – Les pays en voie de développement sont les plus touchés par la corruption
3 – Une corruption profitant à toutes les parties
4 – Ce qui pousse les acteurs à corrompre dans les marchés publics
Section 2 : L’économie face à la corruption
1 – Le prix de l’information
2 – La sélection adverse appliquée aux fournisseurs et prestataires des marchés publics
3 – Les vertus économiques de la corruption
4 – Les nombreux effets négatifs de la corruption
Section 3 : Les instruments de lutte contre la corruption restent inefficaces
1 – La procédure de recours
2 – Le Bureau indépendant anti-corruption (Bianco)
Partie II : Les impacts de la corruption dans les marchés publics sur l’économie
Chapitre 4 : La discrimination dans l’octroi des marchés publics
Section 1 : Les inégalités découlant de la politique régissant les marchés publics
1 – Une absence de relation directe entre l’Etat et l’entreprise contractante
2 – Les intermédiaires, difficiles à concurrencer
3 – Répartition inégale des marchés au niveau national
Section 2 : La corruption dans les hautes sphères
1 – Un phénomène touchant le continent africain dans son ensemble
2 – Les marchés de gré à gré sont occultés par la politique
Section 3 : L’obtention d’un marché public contre le versement d’une aide
1 – L’aide publique au développement et les marchés publics
2 – Les intérêts des pays donateurs
3 – Les avantages des entreprises étrangères : exemple des entreprises françaises
Chapitre 5 : Impacts de la corruption dans les marchés publics sur l’économie
Section 1 : Une perte d’opportunité pour les entreprises locales
1 – Le coût d’opportunité
2 – Les marchés publics, inaccessibles pour les PME malgaches
3 – Perte d’opportunité de création d’emplois
Section 2 : Les marchés publics contribuent à la fuite des capitaux vers l’extérieur
1 – Limites de la théorie keynésienne
2 – La fuite de capitaux via les entreprises étrangères
3- La fuite de capitaux via les produits importés
Chapitre 6 : Propositions pour réduire la corruption dans l’octroi des marchés publics
Section 1 : Réformer le mécanisme régissant les marchés publics
1 – Limiter les intermédiaires
2 – Créer une commission d’expertise pour évaluer les prix
3 – Pour une déclaration de patrimoine des concernés
4- Information et transparence
5 – Donner plus de pouvoir aux organismes de lutte contre la corruption comme le Bianco
6 – Des cahiers de charges compréhensibles par les experts locaux
Section 2 : Réformer la politique économique relative aux marchés publics
1 – Augmenter le niveau de priorité accordé aux entreprises locales
2 – Adapter les projets de l’Etat aux besoins réels de la population
CONCLUSION

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