Impacts d’apports de matières organiques exogènes sur les propriétés du sol

Définition et principales étapes du compostage

Le compostage est une méthode ancestrale de fabrication d’amendement organique. Il peut être défini comme un procédé biologique thermophile contrôlé de conversion et de valorisation des constituants organiques des déchets en un produit stabilisé, assaini et riche en composés humiques ; le compost (Mustin, 1987). L’évolution de la température au cours du compostage permet de distinguer différentes phases  :
• la phase mésophile : les micro-organismes dont la température de croissance optimale est comprise entre 20 et 45°C se multiplient et décomposent la matière organique facilement biodégradable. Leur activité engendre une forte production de chaleur et une montée rapide de la température au cœur du compost. Cette phase peut durer de quelques heures à quelques jours ;
• la phase thermophile au cours de laquelle la température augmente jusqu’à 60°C voire 70°C. La matière organique est alors fortement dégradée et un assèchement du compost lié à l’évaporation de l’eau est souvent observé. Cette phase peut durer de quelques jours à quelques semaines ;
Ces deux premières phases correspondent à des phases de dégradation aérobie intense de la matière organique. Certains auteurs parlent de fermentation aérobie (Harada et al.,1981).
• la phase de refroidissement se produit lorsque la quantité de matières facilement dégradables diminuent, provoquant un ralentissement de l’activité microbienne ;
• la phase de maturation dure jusqu’à l’utilisation du compost. Les processus d’humification prédominent durant cette phase et les composés résistants sont lentement dégradés. Cette phase peut durer de quelques semaines à quelques mois.

Les microorganismes au cours du compostage

Le processus de compostage résulte de l’activité microbiologique complexe d’une multitude de populations microbiennes évoluant en milieu aérobie (Sharma et al., 1997).
L’inventaire des microorganismes présents lors d’un compostage a révélé la présence de 155 espèces de procaryotes, dont 33 Actinomycètes, et de 408 espèces fongiques (Ryckeboer et al., 2003a). Ces populations microbiennes se succèdent au cours des différentes phases du compostage (Mustin, 1987 ; Hassen et al., 2001). Afin de suivre ces successions microbiennes, différentes méthodes sont utilisées allant de la culture microbienne aux analyses moléculaires pour caractériser une biomasse, une structure et/ou un profil d’activités.
Ces analyses montrent que les bactéries sont toujours présentes et largement dominantes, en particulier pendant la phase thermophile du compostage (Ryckeboer et al., 2003b). Elle concerne principalement les bactéries gram-positives, dont l’abondance augmente rapidement avec l’augmentation de la température. A l’inverse au cours de cette phase, l’abondance des bactéries gram-négatives et des champignons diminue (Klamer et Bååth, 1998). La phase thermophile permet une hygiénisation du compost. En effet, Hassen et al. (2001) ont observé que les températures élevées (50-60°C) induisent une diminution d’Escherichia coli et des Streptocoques fécaux de 2×107 à 3.1×103 à 1.5×103 cellules/g de matière sèche respectivement et une élimination des spores de Salmonelles. Les Actinomycètes ont une grande importance. Ils sont caractérisés par une croissance lente et par conséquent n’entrent pas en compétition avec les organismes stratèges-r caractérisés par une croissance rapide et qui apparaissent préférentiellement en présence de matières organiques fraiches (Ryckeboer et al., 2003a ; Fierer et al., 2007). Ainsi, leur abondance est faible pendant la phase mésophile mais augmente durant les phases de refroidissement et de maturation (Klamer et Bååth, 1998). Cependant, contrairement à Xiao et al. (2011) qui ont rapporté un développement des Actinomycètes lorsque la température excède 50°C, Klamer et Bååth (1998) ont observé une inhibition des Actinomycètes au cours de la phase thermophile. La baisse de la température au cours des phases de refroidissement et de maturation entraîne donc une reprise de la croissance des bactéries et des champignons, avec un changement de la composition microbienne. En effet, les Staphylocoques dominent durant la phase mésophile et le début de la phase thermophile alors que les Bacilles prédominent durant les phases de refroidissement et de maturation (Hassen et al., 2001). L’abondance des champignons augmente aussi au cours des deux dernières phases du compostage . De même, comme nous l’avons déjà mentionné, l’abondance des Actinomycètes augmente en comparaison avec la première phase mésophile (Klamer et Bååth, 1998 ; Ryckeboer et al., 2003a). Les champignons sont essentiellement actifs pendant la phase de maturation et sont responsables de la dégradation de la cellulose et de la lignine tandis que les Actinomycètes dégradent les substances non dégradées par les bactéries et les champignons (e.g. la chitine ; Mustin, 1987). Malgré l’accroissement de l’activité des champignons et des Actinomycètes, l’activité microbienne globale décroît au cours de la phase de maturation alors que la diversité microbienne augmente (Ryckeboer et al., 2003b).

Intérêt du compostage et Législation

Le procédé de compostage présente des intérêts écologiques et agronomiques :
• il permet de diminuer le volume et la masse des déchets d’environ 50%. Ces réductions sont dues à la minéralisation des composés organiques, à la perte d’eau ;
• les températures atteintes au cours du compostage permettent d’hygiéniser le produit final par une destruction des micro-organismes pathogènes ;
• le compost produit, assez riche en substances humiques, constitue un amendement organique permettant d’améliorer la stabilité structurale et la fertilité des sols.
Il existe une grande diversité de composts liée à la nature des déchets compostés et à la diversité des procédés de compostage. Ces amendements organiques peuvent être commercialisés et épandus s’ils sont conformes à la norme NF U 44-051 qui fixe leurs dénominations et spécifications. Les produits à base de boues d’épuration font l’objet d’une norme différente : la norme NF U 44-095.
La norme NF U 44-051 à la quelle doivent répondre les composts que nous utilisons dans le cadre de cette thèse, s’applique aux produits destinés à améliorer les sols en place et/ou les supports de culture. A l’exception des amendements organiques avec engrais, cette norme s’applique aux composts dont la somme des formes nitrique, ammoniacale et uréique ne doit pas dépasser 33 % de l’azote total, et le rapport C/N doit être supérieur à 8. La norme impose que les amendements organiques doivent respecter un taux de matière sèche (MS) ≥ 30 % de la matière brute (MB) et des spécifications dépendant de la nature des amendements.
Les teneurs en éléments traces métalliques (ETM) inclus dans les apports d’amendements organiques doivent être inférieures à des valeurs limites et ne pas aboutir à dépasser des flux d’importation maximaux annuels.

Impacts sur les propriétés du sol

Plusieurs études ont montré l’importance de l’apport des amendements organiques dans l’amélioration des propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Ces matières organiques sont variées : boue, fumier, compost, etc. Cependant, tous les types de matières organiques ne permettent pas d’atteindre les mêmes améliorations. En comparaison avec les boues et le fumier, le compost est riche en matières organiques stables qui améliorent les propriétés du sol et par conséquent sa fertilité physique et sa productivité.

Impacts sur les propriétés chimiques

Les composts constituent une source de substances organiques et minérales contribuant à l’amélioration de la fertilisation des sols. L’incorporation de compost au sol augmente le stock de carbone organique (Albiach et al., 2001 ; Ros et al., 2006a ; Ros et al., 2006b ; Bastida et al., 2008; Arthur et al., 2011). A même dose, le compost enrichit plus le sol en carbone organique total que le fumier (Tabuchi et al., 2008 ; Jemai et al., 2011). Ainsi la valorisation agronomique du compost permet d’entretenir, voire d’augmenter la séquestration du carbone dans les sols contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une augmentation de ces stocks de 0,2% par an (6 Mt) permettrait de compenser 4% des émissions brutes annuelles des gaz à effet de serre (GES), ou un quart environ des missions des secteurs agricole et forestier (Arrouays et al., 2002). Les composts constituent aussi une source d’azote (Tabuchi et al., 2008 ; Arthur et al., 2011), de phosphore (Caravaca et al., 2002 ; Bastida et al., 2008 ; Alburquerque et al., 2011), et de potassium (Alburquerque et al., 2011). Cependant la valeur fertilisante azotée et phosphatée des composts diminue en cas de grande stabilisation de la matière organique des composts alors que la valeur amendante, associée à la capacité à augmenter le stock de matières organiques du sol, augmente avec la stabilité de la matière organique (Houot et al., 2003).
L’ajout de compost contribue aussi à une augmentation de la capacité d’échange cationique (CEC) (Ouédraogo et al., 2001 ; Arthur et al., 2011) augmentant ainsi le pool de nutriments potentiellement disponibles pour les végétaux sous forme cationique (Larchevêque, 2004). Les composts pourraient par ailleurs servir d’amendements calciques et réduire l’acidité des sols (Bougnom et al., 2010). Cette augmentation de pH provoquerait une immobilisation des ETM. En effet, l’abaissement du pH favorise la mobilité des ETM, notamment par mise en solution de sels métalliques ou la destruction de la phase de rétention. Inversement, l’augmentation du pH provoque l’immobilisation par formation de composés insolubles ou l’accroissement de la capacité d’échange cationique engendrant la rétention des cations métalliques. La fixation des métaux et des polluants organiques modifie ainsi leurs propriétés de transfert dans le sol et réduit leurs toxicités (Alburquerque et al., 2011). Par conséquent, l’ajout de compost s’insère dans les techniques de remédiation des sols contaminés par les métaux lourds (Alburquerque et al., 2011).

Impacts sur les propriétés physiques

Le mélange du compost avec le sol améliore ses propriétés physiques. En effet, l’ajout de compost, matériau riche en matières organiques, fournit davantage d’acides fulviques et humiques et des cations polyvalents au sol (Jemai et al., 2011). Il se forme ainsi de nouveaux agrégats stables par adhésion des particules du sol aux molécules organiques (Chenu et al., 2000 ; Tejada et Gonzales, 2003). En effet, les cations polyvalents lorsqu’ils sont apportés en quantité suffisante au sol agissent en présence des substances humiques comme agents de liaison et forment ainsi des complexes argile-cations polyvalents-matière organique (Jemai et al., 2011). Ces associations organo-minérales diminuent la mouillabilité des agrégats (Chenu et al., 2000 ; Jemai et al., 2011) et contribuent à l’amélioration de la stabilité de la structure du sol (Chenu et al., 2000 ; Tejada et Gonzales, 2003). L’amélioration de la stabilité structurale peut être aussi en partie expliquée par l’action indirecte des microorganismes du sol. En effet, l’ajout de compost stimule l’activité biologique bactérienne et fongique laquelle produit des agents agrégeant tels que les filaments mycéliens et les polysaccharides (Albiach et al., 2001 ; Gomez et al., 2006).
L’augmentation de la concentration des sels solubles de sodium, de magnésium et de calcium dans les sols conduit à une augmentation de leur conductivité électrique et une atténuation de leur stabilité structurale (Tejada and Gonzales, 2005). L’utilisation des amendements organiques permet de réduire les effets négatifs des sols salins ou irrigués avec des eaux salines (Lakhdar et al., 2008) et pourrait par conséquent être exploitée comme stratégie favorisant la remédiation de ces sols (Tejada et al., 2006).
L’amélioration de la stabilité des agrégats, fortement corrélée à l’accroissement de la teneur en matières organiques du sol permet d’augmenter sa porosité et diminue sa densité apparente (Caravaca et al., 2002 ; Arthur et al., 2011). Ainsi, l’érosion par ruissellement est ralentie par une meilleure infiltration de l’eau dans le sol (Bresson et al., 2001).
L’amélioration de la rétention en eau pourrait atténuer les phénomènes de dessiccation liés aux épisodes de sécheresse (Culot, 2005) ; ceci présente un intérêt fondamental en région méditerranéenne où le stress hydrique est un facteur primordial limitant la croissance et l’activité microbienne dans les sols (Paul and Clark 1996).

Impacts sur les propriétés biologiques

L’incorporation de compost a un effet positif sur l’abondance des organismes vivants dans le sol. Les matières organiques apportées par le compost servent de source d’énergie permettant aux organismes de croître (Drenovsky et al., 2004). Globalement, la biomasse microbienne varie dans le même sens que la teneur en carbone organique (ADEME, 2005). Le relargage du carbone organique dissous (COD) du compost et l’amélioration de la biodisponibilité des nutriments pourraient favoriser la croissance de la communauté microbienne autochtone du sol (Borken et al., 2002a). Ainsi, les composts contribuent à l’augmentation de la biomasse microbienne tellurique (Garcia-Gil et al., 2000 ; Borken et al., 2002a,b ; Caravaca et al., 2002 ; Ros et al., 2003 ; Saison et al., 2006 ; Bastida et al., 2008 ; Laudicina et al., 2011).
Le compost stimule aussi l’activité des organismes du sol. Il constitue un apport de substrats mais aussi de cofacteurs contribuant à l’augmentation de l’activité microbienne (Albiach et al., 2000). Borken et al. (2002b) ont montré que les composts de déchets ménagers constituent une source importante de phosphore et de cations basiques contribuant à l’amélioration de l’activité microbienne des sols forestiers. Dans leur étude, l’amendement de compost a permis une augmentation de la respiration des sols forestiers allant jusqu’à 65% après une année d’épandage. Plusieurs études ont montré une augmentation de la respiration des sols après un apport de compost (Tejada et Gonzales, 2003 ; Saison et al., 2006 ; Bastida et al., 2008). Cependant, cette respiration peut être attribuée à une minéralisation du carbone labile apporté par le compost et/ ou à une minéralisation de la matière organique stable du sol (i.e. « priming effect », Leifeld et al., 2002). Au-delà de la respiration des microorganismes, l’activité microbienne peut être aussi évaluée à travers l’étude de leurs activités enzymatiques.
Certaines de ces activités peuvent être stimulées après un apport de compost. Gárcia-Gil et al., (2000) ont montré une augmentation des activités enzymatiques oxydo-réductrices (déhydrogénases et catalases) et des activités hydrolases (β-glucosidases et protéases) à la suite de leurs amendements en compost. Les activités uréases liées au cycle de l’azote et phosphatases liées au cycle du phosphore peuvent aussi augmenter après un apport de compost (Crecchio et al., 2004 ; Bastida et al., 2008). L’augmentation de ces activités enzymatiques peut provenir d’une part d’une contribution directe des enzymes provenant des composts et d’autre part d’une stimulation de la production d’enzymes par les micro-organismes du sol (Guénon, 2010).
Cet accroissement des activités microbiennes pourrait aussi être attribué à une modification de la structure de la communauté microbienne du sol. L’apport de compost constitue un apport d’éléments nutritifs mais aussi une source de micro-organismes. Au cours des différentes étapes du compostage il se produit une succession de microorganismes mésophiles et thermophiles qui sont intégrés directement dans le sol au moment de l’épandage. Ainsi l’augmentation de la biodisponibilité des substrats associée à l’apport d’un inoculum de microorganismes pourrait se traduire par un remaniement de la communauté microbienne indigène du sol. Il en résulterait une augmentation de la biodiversité se traduisant par un changement de la structure de la communauté microbienne comme l’ont montré Bossio et al. (1998), Bastida et al. (2008) et Tabuchi et al. (2008) par analyse des acides gras phospholipidiques, Pérez-Piqueres et al. (2006) par une détermination des profils génétiques et Gomez et al. (2006) en étudiant la diversité fonctionnelle catabolique. Cependant, Saison et al. (2006) excluent l’effet des communautés microbiennes apportées par le compost et attribuent essentiellement les changements fonctionnels aux caractéristiques physico-chimiques des composts et aux communautés microbienne indigènes du sol.

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Table des matières

Introduction
I.Synthèse bibliographique
I.1.Conséquences des évènements extrêmes de température et de sécheresse sur les communautés microbiennes du sol (Article 1)
I.2.Impacts d’apports de matières organiques exogènes sur les propriétés du sol
1. Définition et principales étapes du compostage
2. Les microorganismes au cours du compostage
3. Intérêt du compostage et Législation
4. Impacts sur les propriétés du sol
5. Conclusion : compost et qualité des sols
Conclusion de l’étude bibliographique
II.Matériel et Méthodes
1. Zone d’étude
2. Le sol
3. Description du dispositif au champ
4. Description du dispositif au laboratoire
5. Analyses physico-chimiques
6. Analyses biologiques
6.1. Analyse des acides gras membranaires
6.2. Analyses moléculaires de la communauté bactérienne
6.3. MicroRespTM
6.3.1. Correction des artéfacts des bioessais de microrespirométrie (Article 2)
6.3.2. Adaptation de la technique inhibiteurs à l’outil MicroRespTM , contribution de la partie fongique à la communauté microbienne (Article 3)
III.Résultats et Discussion
III.1. Quelles sont les conséquences d’un événement de type canicule et/ou sécheresse sur les communautés microbiennes d’un sol Méditerranéen ?
III.1.1. Effets à court-terme de perturbations de type canicule et/ou sécheresse appliquées aux communautés microbiennes (structures et fonctions) d’un sol Méditerranéen agricole; influence du type et de la durée de la perturbation (Article 4)
III.1.2. Effets à long-terme de perturbations de type canicule et/ou sécheresse appliquées aux communautés microbiennes (structures et fonctions) d’un sol Méditerranéen agricole (Article 5)
III.2. L’épandage de composts a-t-il une influence sur la réponse des communautés microbiennes à une perturbation de type canicule et sécheresse ?
III.2.1.Contexte de l’étude in situ ; suivi des biomasses microbiennes et de la structure catabolique
III.2.2. Effets à long-terme d’une perturbation de type canicule et sécheresse appliquée aux communautés microbiennes (structures et fonctions) d’un sol Méditerranéen agricole après épandage de composts (Article 6)
IV. Conclusion : Synthèse et perspectives
Annexes

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