Impact sur la santé physique, psychique et reproductive

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Impact sur les enfants

Les violences conjugales ont des répercussions d’une part sur le couple et surtout la femme comme vu ci-dessus, mais également sur les autres membres du foyer : les enfants. L’enquête CVS ne peut pas prendre en compte directement l’impact et les conséquences les concernant mais peut émettre une estimation : 143 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré être victime de violences physiques et/ou sexuelles. Ces situations à risque tendent à montrer que souvent l’enfant est jeune (moins de six ans), présente un contexte de monoparentalité et dans un ménage défavorisé (15).
Les enfants deviennent les co-victimes des femmes et nous ne pouvons pas ignorer que 36 enfants mineurs en 2015 ont été tués dans le cadre de violence au sein du couple. Leur présence n’empêche pas les violences et le passage à l’acte de l’auteur et par exemple, 11 enfants ont été témoins de l’homicide volontaire d’un parent sur l’autre (19).
Hormis le retentissement d’un l’homicide, visualiser la violence quotidienne conduit l’enfant à grandir dans un climat d’insécurité et de terreur. 60% d’entre eux, s’ils ne sont pas pris en charge, vont développer des troubles psycho-traumatiques graves et durables, tant sur le plan physique que psychique. L’impact sur leur développement cognitif et psycho-moteur est important ainsi que celui sur leur scolarisation et leur socialisation. Ce phénomène prend d’autant plus d’ampleur lors de la période adolescente avec une augmentation des comportements à risque, notamment le risque suicidaire (25).
Des problèmes de santé surviennent tels que des maux de tête ou de ventre fréquents, troubles du sommeil, ORL et dermatologiques. Ces enfants présentent plus régulièrement des accidents divers, des troubles de la concentration et de l’adaptation mais sont également plus à risque de développer des troubles du comportement amenant à des attitudes agressives. En effet, 50% des jeunes délinquants ont grandi dans un milieu familial violent et 40 à 60 % des agresseurs de violences conjugales ont été spectateurs de violences conjugales dans l’enfance.
Ces enfants grandissent donc en développant des capacités de survie et d’adaptation, tout comme les femmes. Il est important de les dépister pour mettre une place une protection adaptée, assurer leur sécurité et leurs soins. Les professionnels de santé doivent également penser à leur montrer une image positive de la société dans le but d’optimiser leurs relations futures et d’éviter qu’ils ne tombent eux-mêmes dans un cycle de violences conjugales où ils se retrouvent soit en position de victime, soit en position d’agresseur.

Les démarches effectuées

Dans le cadre d’un viol, conjugal ou non, les enquêtes dévoilent que deux femmes sur dix se rendent au commissariat et que 10% d’entre elles portent plainte (15). Rappelons que certains viols sont bien plus difficiles à dénoncer, ceux entrant dans le contexte d’une relation conjugale étant en haut de liste.
D’après l’enquête CVS, plus d’un tiers des femmes victimes de viol vivent avec leur conjoint et pourtant les forces de sécurité de France métropolitaine n’en recensent que 16%, ce qui est bien inférieur au résultat attendu. Nous pouvons trouver là une faille dans notre système où il pourrait peut-être exister soit un manque de sensibilisation soit un manque de confiance qui pousserait les victimes à ne pas aller plus loin. Il est en revanche à noter que pour un tiers des victimes, se tourner vers les psychologues ou psychiatres est la 1ère démarche, le recours à un médecin ne concernant qu’un quart d’entre elles.
Les démarches réalisées dans le cadre des agressions conjugales physiques et/ou sexuelles sont globalement similaires même si dans ce cas, les victimes ne portent plainte que pour 14% d’entre elles et 8% posent une main courante. Contrairement à ce que nous avions vu ci-dessus pour les viols, les professionnels de santé type médecin sont les premiers interlocuteurs vers qui les victimes se tournent. Selon l’enquête CVS, 24% des femmes ayant subi des violences conjugales physiques et/ou sexuelles ont été vues par un médecin à la suite de ces violences, ce résultat devançant le recours à un psychologue ou psychiatre (19%), les services sociaux (19%), les associations d’aide (10%) ou même le numéro vert (10%) que nous étudierons un peu plus tard (15).
Le recours aux professionnels de santé, bien que peu représenté au regard du nombre de femmes victimes de violences conjugales, est tout de même présent dans les démarches réalisées par les victimes et constitue aujourd’hui une approche de plus en plus valorisée. En tant que professionnels de santé, le rôle des sages-femmes s’inscrit donc dans ce cadre de l’accueil de femmes victimes de violence et nous devons faire notre possible pour développer un climat de confiance dans lequel les patientes se sentiront écoutées.
Mais ce qui reste le plus marquant, et qui est au cœur de notre réflexion, c’est le fait que plus d’une femme sur deux n’a réalisé aucune des démarches citées ci-dessus.

Le contexte de la périnatalité

L’état de grossesse est vu comme une situation de vulnérabilité tant par la loi que par l’auteur des violences. En effet, il est montré qu’actuellement, 40% des premiers coups débutent lors d’une première grossesse (26). Pour deux femmes sur trois auparavant victimes, ces violences s’aggravent et à ce jour, selon le Dr. Muriel Salmona, nous sommes confrontés à quatre fois plus de femmes qui signalent de très mauvais traitements pendant la grossesse (coups, menaces avec armes, agressions sexuelles) (26). L’enquête périnatale de 2016 montre que 1,7% des femmes sont victimes de violences physiques pendant leur grossesse (27).
Une femme enceinte est moins apte se protéger physiquement mais aussi psychologiquement, elle devient plus vulnérable. De plus, la femme va se focaliser sur l’enfant à venir, elle cherche à garder du pouvoir afin de le protéger ce qui peut amener l’homme à devenir plus violent car il n’est plus le centre de l’attention. Ces deux caractéristiques participent à la mise en place de violences plus intenses et régulières.
Malgré le dépistage systématique, le silence des femmes peut demeurer et en découle un suivi de la grossesse moins bon et plus ou moins irrégulier. A cela s’ajoutent les conséquences des violences et des facteurs de risque qui augmentent (hyper-tension artérielle, consommation d’alcool, tabagisme). L’abdomen étant la cible majoritaire des agressions physiques, le fœtus est alors exposé à une mort in-utéro par décollement placentaire ou rupture utérine mais aussi à une fausse couche spontanée du premier trimestre (31% contre 17% pour celles qui n’ont pas subi de violence), à une hémorragie fœto-maternelle ou même encore à un accouchement prématuré (37% d’augmentation du risque). A cette naissance sont associés également une potentielle souffrance néo-natale et/ou un petit poids de naissance (17% d’augmentation du risque) (2-26).
Une altération de l’état général peut survenir avec une anémie, une asthénie, une mauvaise alimentation et perte de poids pouvant être responsable d’hypotrophie ou au contraire une macrosomie fœtale.
L’enfant né devient lui aussi à risque de violences directement par l’agresseur de la mère et indirectement par les violences que sa mère continue de subir qui impactent la mauvaise prise en charge de cet enfant au domicile (25). Le lien mère-enfant peut devenir profondément altéré et cela va retentir sur le développement de l’enfant. Il va développer des troubles psycho-traumatiques qui le mettent d’autant plus en danger : pleurs continuels, troubles du sommeil ou de l’alimentation, retard au développement qui se relie aux conséquences vues précédemment chez l’enfant au sein d’un foyer à risque. La mort subite du nouveau-né et le bébé secoué se retrouvent plus régulièrement dans un contexte de violences conjugales.
Il en découle donc un véritable problème de santé publique lié à la périnatalité et les professionnels de santé, et notamment les sages-femmes, ont un rôle majeur au sein du phénomène des violences.

La prévention dans le système français

La prévention dans le système français

Définition de la prévention

Crée en 1948, l’OMS conceptualise une nouvelle définition de la santé et de la prévention. Cette première se caractérise par « l’absence de maladie ou d’infirmité, mais aussi comme un état de complet bien-être physique, mental, social » tandis que la seconde « est l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ». Apparaissent ainsi trois niveaux de prévention intervenant à différentes étapes du parcours de santé, détaillés dans l’annexe I du Rapport Flajolet (28).
La prévention primaire vise à empêcher l’apparition d’une maladie. Il s’agit de l’ensemble des actes permettant une baisse de l’incidence d’une maladie dans une population, et donc de diminuer les risques d’apparition de nouveaux cas. Pour cela, des actions sont mises en place en amont de la pathologie de sorte à prévenir les conduites individuelles à risque.
La prévention secondaire intervient de sorte à diminuer la prévalence d’une maladie dans une population afin de retarder son évolution ou faire disparaître les facteurs de risque. Elle prend place dès l’apparition de la pathologie. Le dépistage précoce s’inscrit dans ce cadre puisqu’il permet de détecter la présence d’un facteur de risque ou directement l’atteinte par la maladie. Peuvent également prendre part de manière essentielle le diagnostic et le début du traitement approprié.
La prévention tertiaire vise à stopper l’évolution ou réduire le risque de rechute ou de chronicité. Il s’agit de réduire les complications, invalidités ou récidives consécutives à la pathologie, c’est-à-dire diminuer les effets et/ou séquelles liés au traitement ou directement à la maladie. Elle inclut une réadaptation efficace et agit en pluridisciplinarité par une action à la fois médicale, sociale et psychologique.
En 1982, RS Gordon attribue de nouvelles caractéristiques à la prévention, définissant ainsi 3 catégories. La prévention universelle se dirige vers l’ensemble de la population sans distinction de facteurs de risque. Elle tend à préserver la santé de chacun, qu’importe son état en promouvant des grandes règles telles que les conseils sur les rythmes de vie et de sommeil, les règles hygiéno-diététiques, … La prévention sélective se réalise chez des sujets exposés et elle tente d’éviter la survenue de pathologies définies auprès de cette population.
Elle agit sur ces sous-groupes par des campagnes comme la promotion de la ceinture de sécurité ou encore la contraception. Pour conclure, nous retrouvons la prévention ciblée qui est fonction de sous-groupes et de facteurs de risque existants et spécifiques à cette population comme le dépistage du diabète gestationnel chez les femmes enceintes avec facteurs de risque.
Ces définitions articulent aujourd’hui le système de promotion de la santé et interagissent les unes avec les autres, réalisant un maillage et s’incluant dans les plans nationaux de prévention.

Les grands plans de prévention français

Le 24 novembre 2004 a été lancé le premier Plan global de lutte contre les violences faites aux femmes à l’initiative du ministère des Familles, de l’Enfance et du droit de Femmes (29). Ce plan s’est orienté autour de dix mesures phares. Les deuxième et troisième plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes ont par la suite suivi respectivement entre 2008 – 2010 et 2011 – 2013 (29). Bien que les avancées furent positives, ce n’est qu’à partir du quatrième plan mis en place de 2014 à 2016 que les choses ont commencé à évoluer de manière plus active (30).
Basé sur un plus petit nombre de priorités, ce nouveau plan avait pour but de réorganiser l’action publique autour de trois priorités :
– Aucune violence déclarée ne doit rester sans réponse
– Protection des victimes
– Mobilisation de l’ensemble de la société
Ce plan a été conçu pour être vivant et régulièrement actualisé, en partenariat avec des associations et représentants des collectivités territoriales. C’est de là que découle la plateforme téléphonique d’écoute et d’orientation 3919 et le site internet stop-violence.gouv (31). D’autres moyens vont être mis à disponibilité comme garantir aux femmes victimes l’accès à un hébergement dédié et adapté aux besoins ou encore renforcer l’ordonnance de protection.
Un nouveau projet est lancé : le téléphone portable « Téléphone grave danger » pour les femmes en situation à risque. Ce dispositif a fait l’objet d’une évaluation périodique mais son utilisation n’a pas eu la visibilité attendue.
Une nouvelle option voit également le jour par la prévention des comportements sexistes et les violences en milieu scolaire, sportif et professionnel.
Le dernier axe inclut aussi la sensibilisation du grand public, la formation des professionnels de santé par la MIPROF et le conseil national de l’ordre des sages-femmes (CNOSF), la mise à disposition d’outils d’information mettant en avant les améliorations apportées par la loi et l’organisation de campagnes régulières.
A l’aube du cinquième plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, le bilan s’annonce et le succès du numéro 3919 s’évalue par des appels qui ont doublé au bout d’un an. Les protocoles d’aides à porter plainte se développent, les places d’hébergement et le nombre d’ordonnances de protection sur le plan judiciaire augmentent. Néanmoins les mentalités ont du mal à évoluer et malgré l’essor des médias la communication n’est pas aussi présente que d’autres campagnes de prévention (exemple : la sécurité routière).
C’est dans ce contexte que naît le nouveau plan de 2017 – 2019 dont la phrase « Sexisme pas notre genre » indique la volonté de changer les mentalités (32). Le sexisme n’est autre que la base d’un comportement dominateur des hommes qui aboutit aux violences. N’est-il pas intéressant de se rendre à l’une des racines du phénomène ? Ce plan va dans la continuité du précédent avec en premier axe « assurer l’accès aux droits et sécuriser les dispositifs qui ont fait leurs preuves pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences » et tend à renforcer le deuxième par un renforcement de l’action publique là où les besoins sont les plus importants (32). Et c’est le troisième axe qui expose cette fois ci l’envie de lutter contre le sexisme (32). Nous aurons un renforcement des lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation et aussi des dispositifs tels que le 3919 ou le site internet stop-violence-femmes.gouv (31).
La formation des professionnels au contact des femmes victimes de violences s’inscrit dans le premier axe notamment depuis la loi du 4 aout 2014 où la formation initiale et continue, enjeu crucial pour favoriser l’implication des professionnels, devient obligatoire pour bon nombre d’entre eux (33). Les sages-femmes sont donc aujourd’hui invitées à s’investir d’autant plus dans l’accueil des femmes victimes. La volonté gouvernementale est de développer cette implication.
L’objectif 15 du plan consiste à augmenter la condamnation sociale des violences sexuelles. Il a permis le 25 novembre 2016 de réaliser une campagne de communication sur les violences sexuelles et leurs conséquences. Le but : faire connaître de manière plus précise les réalités que recouvrent le viol et déconstruire certains stéréotypes associés. L’action 67 est elle aussi intéressante dans le sens où la sensibilisation des jeunes femmes va passer par les nouvelles technologies. En effet, une application « tchat » du 3919 va se développer pour dénoncer les violences dont une femme aurait été victime mais également pour s’informer sur leurs droits via un « tchat » plutôt que de vive voix. Notre rôle auprès des femmes se jouera de ce fait au quotidien par la sensibilisation auprès de la population sur ces nouveautés.
Quand nous nous basons sur les lignes directives du quatrième ou du cinquième plan, l’idée que la communication est un outil majeur ressort clairement dans les volontés gouvernementales. Pourtant, lorsque nous regardons les résultats obtenus sur les démarches réalisées par les victimes, il semble y avoir une discordance qui à nouveau peut nous interpeler.

Mise en place de campagnes de communication

La date emblématique du 25 novembre

Depuis le 17 décembre de 1999, le 25 novembre est devenue une date importante dans le calendrier de communication contre les violences faites aux femmes (34). En effet, l’Organisation des Nation Unies (ONU) a proclamé cette journée la Journée Internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, incitant alors les organisations diverses à sensibiliser le public à la problématique de cette journée. Par l’intermédiaire des médias, cette vague de communication a depuis pris de l’ampleur et ainsi des campagnes ont pu faire leur chemin sur internet, dans les journaux, etc.
La visibilité des dispositifs d’écoute et la déconstruction des stéréotypes associés aux violences faites aux femmes sont primordiales pour permettre aux victimes de ne plus s’isoler. Depuis plusieurs années, le 25 novembre est devenu un moment clé dans l’agenda de la communication.

Exemples de campagnes menées

Comme dit juste ci-dessus, des campagnes de communication autour des violences conjugales ou des violences faites aux femmes ont pu se développer.
Lucie Quilot (35) identifie dans son mémoire cinq types d’acteurs principaux qui agissent dans les campagnes de communications destinées à la lutte contre les violences faites aux femmes :
– L’Etat avec les campagnes publiques nationales et leurs déclinaisons locales par les services déconcentrés
– Les collectivités territoriales, qui peuvent réserver, de manière volontaire, une partie de leur budget de communication à cette thématique. C’est l’exemple du
Conseil Général de Seine-Maritime qui a entre autre diffusé un dépliant sur les violences conjugales à destination du grand public (Annexe III)
– Le domaine associatif, comme la FNSF ou le Collectif féministe contre le viol (CFCV) qui s’impliquent activement dans la sensibilisation des violences.
– L’Union Européenne par des campagnes du conseil de l’Europe.
– Les grands organismes internationaux tels qu’Amnesty international.
Les campagnes menées par l’Etat traitent majoritairement depuis 1989 de l’aspect des violences conjugales, prenant ainsi en compte le harcèlement, les violences psychologiques et économiques en plus des violences physiques et sexuelles. C’est notamment par la publication des grands plans de prévention que les campagnes prennent un autre tournant avec par exemple le slogan «Violences conjugales, parlez-en avant de ne plus pouvoir le faire, appelez le 3919 » lancé en 2007 (36).
Comme vu ci-dessus, le 25 novembre est une date clé permettant une excellente visibilité auprès du grand public. Sur novembre 2009 nous retrouvons le spot télévisé « les enfants apprennent beaucoup de leurs parents, y compris les violences conjugales » (36). L’année 2011 est revenue sur la sensibilisation du 3919 avec le slogan « Violences faites aux femmes. Osez en parler » (36). Les années 2012 et 2013 sont parties dans des directions autres que les violences conjugales puisqu’ont été mis en avant respectivement le harcèlement sexuel et la création de nouveaux outils pédagogiques (36).
L’année 2014 elle s’est retrouvée empreinte du slogan « Contre les violences, la loi avance » avec des affiches et dépliants diffusés à grande échelle (36). Au contraire novembre 2015 a plutôt été axé sur les conférences et colloques avec des actions de sensibilisation au local (36).
En 2016, s’inscrivant dans le projet du cinquième plan de prévention de lutte contre les violences, la communication est revenue sur la diffusion du dispositif d’écoute 3919 par l’intermédiaire d’affiches mais aussi d’un spot diffusé sur les chaînes France
Télévision et sur les réseaux sociaux le 25 novembre. Dans l’optique de déconstruire les stéréotypes associés aux violences, des visuels ont été diffusés sur les réseaux sociaux portant sur les violences conjugales, le viol, et l’impact sur les enfants (30-35).
L’association FNSF a elle aussi profité de la visibilité du 25 novembre pour diffuser en 2016 sa campagne de prévention par un spot « L’appel », montrant ainsi une femme cherchant à s’échapper de sa situation (37). Le CFCV a par exemple mis en place une campagne radio bénéficiant de diffusions par exemple sur Radio France Internationale, sur des radios locales du réseau « les indes radios », des radios du groupe Lagardère, et d’autres encore. Cette campagne intitulée « Mémoire » met en scène trois femmes qui nous livrent leur histoire et leur silence dans le but de sensibiliser plus de femmes (38).
Un large public peut donc être ciblé, qu’il soit à l’échelle locale ou internationale mais il serait intéressant d’évaluer l’impact concret de cette communication.

Une prise en charge protocolisée

Moyens de dépistage

La violence conjugale est actuellement un sujet difficile à aborder, tant pour la victime que le professionnel de santé. Une relation de confiance doit s’instaurer par le biais d’une communication verbale mais surtout par le non verbal au travers entre autres de la tonalité vocale, la gestuelle ou le regard. Les capacités d’écoute et d’empathie du professionnel sont primordiales et selon les patientes mais aussi leur interlocuteur, la confiance va s’établir rapidement ou sur du long terme. La difficulté pour un professionnel de santé est de fixer ses limites pour que la patiente se sente à l’aise et comprise sans être jugée ni infantilisée.
De nombreux facteurs peuvent être reliés à des violences conjugales et il est important de savoir en premier lieu dépister les facteurs de risque. Parmi ceux-ci nous pouvons citer les antécédents de violences (personnels ou familiaux), l’âge jeune, la séparation/le divorce surtout récent et le chômage chez le conjoint (2). Mais il ne faut pas se focaliser uniquement sur ces critères, toute femme est potentiellement victime de violences conjugales et c’est pourquoi il faut également prendre en compte les signes d’appels.
Une femme victime aura plus tendance à se renfermer et à s’isoler ce qui amène à des signes tels que la dépression, l’anxiété ou l’apparition de troubles psychiques ou pour d’autres à la consommation d’alcool, drogues, médicaments. La dépendance et les conduites addictives sont donc également les signes précurseurs à explorer (2).
Les plaintes régulières mais vagues, associées à des symptômes psychosomatiques (migraines, maux de ventre, mal au dos, troubles du sommeil, etc.), à des blessures et des justifications incohérentes peuvent mettre sur la piste d’un contexte conjugal à risque. La patiente peut vouloir maquiller ses blessures par un comportement inhabituel et c’est pourquoi le professionnel, au moindre doute, se doit d’aborder la question des violences conjugales.
Comme nous avons vu dans les conséquences sur la femme, nous faisons également face à une perte d’estime de soi, culpabilité, honte, etc. (2-23-39-40).Ces signes peuvent être dépistés au travers de phrases telles que « c’est de ma faute » ou « personne ne peut m’aider » et il faut être réactif lors de ces perches tendues pour faire le rapprochement avec des violences conjugales. Au cours de sa vie, une femme est amenée en général à consulter un professionnel de santé ce quel que soit son niveau socio-économique. Médecin généraliste, gynécologue, sage-femme, sont des professionnels qui les accompagnent au quotidien : c’est donc au cours d’une consultation avec eux que le dépistage peut par exemple s’effectuer.
Le dépistage au cours d’une grossesse est un moment clé du processus, d’une part car les femmes ont un accès aux soins régulier mais aussi car les différentes consultations prénatales permettent d’identifier les facteurs de risque avant, pendant et après la grossesse. Le plan de périnatalité de la Haute Autorité de Santé (HAS) a abouti à des recommandations où les violences conjugales appartiennent à la liste de facteurs de vulnérabilité à dépister au cours de la grossesse. Un repérage systématique doit être effectué afin « de convaincre, avec tact, les femmes de ne pas taire les violences conjugales » pour par la suite « envisager une conduite à tenir devant de réelles
situations de danger ou d’insécurité » (41).
Les femmes sont souvent plus vulnérables et en mesure de dévoiler leur contexte au cours de la grossesse car désormais elles pensent également au bien être de leur enfant et envisagent les possibilités de protection qu’elles peuvent lui offrir. L’entretien précoce du quatrième mois s’avère être une excellente opportunité pour développer le contexte conjugal et dépister des violences domestiques. Il faut chercher à savoir si la femme se sent menacée et si oui par quoi, chercher les signes d’appels vus précédemment. Une consultation supplémentaire peut être réalisée pour aborder plus en détails la vie du couple et pour développer des contacts avec d’autres structures spécialisées dans la prise en charge de victimes de violences conjugales (2-26).

Information et orientation

Une fois le premier pas réalisé pour ces femmes, ce sont les professionnels qui doivent agir afin de les orienter dans les structures spécialisées et adaptées aux besoins de la victime (42). Nous pouvons retrouver différents niveaux d’actions:
– Les numéros d’urgence et les numéros d’écoute, information et orientation
– Les associations locales
– Les associations nationales
Cinq numéros d’urgence existent, totalement gratuits et joignables depuis n’importe quel téléphone. Nous pouvons ainsi communiquer aux victimes le 15, numéro spécifique aux urgences médicales, le 17 permettant de joindre les services de police/gendarmerie, le 18 pour joindre les pompiers mais aussi le 112 un numéro d’urgence valable dans toute l’Union Européenne et le 114 pour les personnes sourdes ou malentendantes.
Nous pouvons de plus leur conseiller d’appeler le 3919 ou le 0 800 05 95 95 « SOS Viols Femmes Informations « . Ce dernier numéro est destiné aux femmes victimes de viols ou autre agression sexuelle et propose le même service d’écoute que le 3919 en restant dans un contexte précis. Le 119 Allô enfance en danger est également une proposition judicieuse aux vues des risques de violences auxquelles les enfants sont confrontés.
Concernant les associations locales, nous pouvons orienter vers le Centre national d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) ou encore le CFCV. Ces associations sont impliquées dans l’accueil et la prise en charge des victimes de violences conjugales. D’autres associations existent bien sûr pour d’autres contextes comme les violences au travail, les mutilations sexuelles et mariages forcés, etc.
Sur le plan local en Normandie orientale, différents centres ou associations peuvent servir de lieux de réorientation des victimes. Dans l’Eure nous avons le CIDFF d’Evreux ou les établissements et services La Pause. Du côté du Havre les femmes ont la possibilité d’être adressées à l’association Femmes et Familles en difficultés ou bien au Comité Femmes Solidaires du Havre. Rouen possède également un CIDFF mais aussi une Maison Médico-Judiciaire au service des victimes de violences, le CASA (43).
Le Centre d’accueil spécialisé pour les agressions (CASA) est une structure destinée à simplifier le parcours médico-judiciaire des victimes, quelle que soit la cause des violences, afin de faciliter leur prise en charge par la suite et améliorer les démarches à la fois médico-légales et aussi auprès de la justice (43). Des professionnels de santé sont à disposition comme une psychologue ou une assistante sociale. Une prise de contact avec un officier de police judiciaire peut être réalisée dans le but de recueillir une plainte ou de mettre en place la protection de la victime.
A Rouen existe aussi le Pôle Accueil Violences Intra-Familiales, le PAVIF, une branche de l’association Œuvre Normandes des Mères. Financé par la CAF de Seine-Maritime, cet organisme est lui aussi dans l’optique d’améliorer la prise en charge globale des femmes mais propose également un accompagnement spécialisé pour les enfants de ces victimes (44).
Ces adresses locales ne sont que des exemples et il existe d’autres associations engagées dans la lutte contre les violences conjugale, centres d’accueil des femmes victimes. Mais sont-elles pour autant connues du grand public ?
Suivant le quatrième plan de prévention de lutte contre les violences faites aux femmes, le 1er janvier 2014 la ligne d’écoute 3919-Violences Conjugales Info devient le 3919-Violences Femmes Info. Elle accroit ses compétences pour offrir un service gratuit et anonyme sept jours sur sept. Il devient alors le numéro de référence pour toute femme victime de violences mais également l’entourage proche de la victime ou professionnels en contact avec elle. Le 3919 est géré par la FNSF et soutenu par le Ministère chargé des droits des femmes.
Sur l’année 2015, plus de 38 000 appels pris en charge (soit plus de 77% de tous ceux pris en charge) sont des appels pour des violences faites aux femmes et parmi eux, 98% présentent une femme victime. Les violences conjugales représentent 97,6% de ces 38 000 appels. Nous constatons également une nette prédominance de la relation femme victime/homme agresseur (45).
Grâce aux fiches informatiques remplies, nous avons des profils d’appelantes et des classements de régions plus sensibles que d’autres. De fait, nous apprenons qu’en 2015 l’Île de France est une zone avec beaucoup plus d’appels tandis qu’en Normandie orientale, le nombre de fiches réalisées est de 220, une cinquantaine de moins qu’en 2013.
La classe d’âge des 30-49 ans est la plus représentée sachant que pour presque huit femmes sur dix, l’auteur des violences s’avère être le partenaire. Nous retrouvons là des résultats qui ne concordent pas vraiment avec ceux retrouvés dans les enquêtes comme CVS mais cela est peut-être dû au fait que les appelantes ici sont surtout celles victimes de violences conjugales.
Contrairement à l’enquête CVS, les violences psychologiques sont ici étudiées et en 2015 près de 87% des femmes déclarent en avoir fait les frais ; 76% ont dénoncé des violences verbales. Plusieurs formes de violences peuvent être subies par une même victime (en moyenne 2,5). Plus de deux tiers des victimes subissent des agressions physiques – taux en diminution depuis 2011 – les coups à main nue, les coups de pieds et de tête étant les plus cités. Sur le plan sexuel, 7% de femmes déclarent avoir subi des violences sexuelles, résultat stable depuis plusieurs années. Des éléments contextuels sont apparus comme facteurs favorisants et des antécédents de violences notamment dans le cadre familial sont dénoncés. Les conséquences psychologiques, psychiatriques, sociales et physiques sont les mêmes que celles retrouvées dans les études précédentes.
En revanche plus d’une victime sur deux déclare avoir effectué une démarche d’aide ou de plainte au cours de l’année, dans 41% des cas auprès des services de police et de gendarmerie. Le recours aux professionnels de santé arrive ensuite et parmi celles ayant réalisé cette démarche, presque la moitié s’est rendu auprès d’un médecin traitant. A nouveau ces résultats ne concordent pas avec ceux retrouvés dans d’autres enquêtes néanmoins nous pouvons supposer que les victimes qui arrivent à faire le premier pas vers des services annexes ont moins de difficultés par la suite à appeler le 3919.
Malgré une augmentation des appels, les professionnels participent peu à l’orientation des femmes vers ce numéro d’urgence, les forces de police/gendarmerie et les services de santé étant loin derrière les ressources que sont internet ou la diffusion de documentation. Nous avons donc une nouvelle preuve que la communication envers le grand public est importante et qu’elle doit être ciblée et comprise pour en améliorer l’apport.

Systèmes de protection

Lorsqu’une femme victime de violences conjugales décide de se lancer dans une démarche judiciaire, celle-ci a besoin d’éléments probants pour faire valoir ses droits et obtenir par la suite une mesure de protection. Le professionnel de santé, qu’il soit médecin, sage-femme ou dentiste même, une fois sollicité doit donc rédiger un certificat médical qui servira de preuve par la suite. La copie sera conservée par le professionnel tandis que l’original sera remis à la victime.
Dans le cadre de notre profession, le CNOSF en 2015 a mis à disposition de toute sage-femme un modèle de certificat médical (Annexe IV). Celui-ci comporte des critères précis. Le certificat engage la responsabilité de la sage-femme, laquelle ne peut le réaliser sans avoir examiné la patiente. Cette dernière doit également décliner son identité et en cas de doute, la sage-femme est autorisée à noter entre guillemet « me déclare se nommer… » (46).
La sage-femme ne peut interpréter les faits, le certificat doit se limiter aux constatations : rapporter les dires de la patiente sur le mode déclaratif « Madame X me dit avoir été victime de … », « selon les dires de la victime », « la victime déclare … ». Les signes cliniques de lésions doivent être décrits avec précision et sans ambiguïté : nature, dimension, forme, couleur, localisation. L’ensemble des lésions et symptômes doivent être répertoriés sans aucune omission. Il ne faut certifier que les faits médicaux personnellement constatés à travers un examen clinique minutieux.
Les médecins possèdent le même type de certificat qui, bien que basé sur un modèle de forme différent, revient à décrire exactement la même chose.
L’issue de la démarche peut donc être l’obtention d’une ordonnance de protection. Il s’agit d’un dispositif civil introduit par la loi du 9 juillet 2010 et complété par la loi pour l’égalité homme – femme d’aout 2014 (47-33). Nous retrouvons sa définition dans l’article 515-9 du Code Pénal : « Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection. » (48). Ce dispositif assure donc la sécurité physique des personnes, la sécurité juridique en tant que parents et garantit également la mise à l’abri et une sécurité économique.
Au cours de l’année 2014, un peu plus de 1 300 demandes d’ordonnances de protection ont été acceptées totalement ou partiellement, ce qui est une augmentation depuis 2013. Une augmentation des logements proposés est aussi remarquée (15).
Existent aussi, mais beaucoup moins fréquents, les certificats de contre-indication aux rapports pour les femmes qui souhaitent cesser les rapports sexuels imposés. Il s’agit d’un concept employé par Emmanuelle Piet, médecin en PMI mais également présidente du CFCV. La phrase clé est « C’est pour des raisons médicales que vous ne devez pas la toucher, pour qu’elle se repose. Si vous ne le faites pas, c’est que vous ne vous intéressez pas à sa santé. » (49). Ce système tend à se développer, lentement mais surement. Cette gynécologue réalise également des dossiers en accord avec les patientes : avec leur autorisation, elle photographie les blessures dues à des agressions physiques et/ou sexuelle, les classe dans une pochette au cas-où un jour une patiente souhaite se libérer de son couple et porter plainte.
Les différentes sources, les enquêtes, la littérature, beaucoup de ressources convergent en de multiples croisements. Tout d’abord, il y a bel et bien une volonté de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette volonté est associée à la mise en place de système de protection, de dépistage et de prévention au sein d’une société dans laquelle il devient honteux d’être une victime. Et pourtant malgré toutes les prises en charge proposées et les systèmes mis en place, nous remarquons qu’aujourd’hui encore les violences conjugales sont un sujet bien trop tu tant par les victimes que par l’entourage, le grand public ou encore même les professionnels de santé.

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Table des matières

INTRODUCTION
REVUE DE LITTÉRATURE
1. Violences conjugales en France
1.1. Rappel des définitions
1.1.1 Cycle des violences
1.1.2 Violences physiques
1.1.3 Violences sexuelles
1.1.4 Violences psychologiques et verbales
1.1.5 Violences économiques et administratives
1.2. Les violences aujourd’hui en France
1.2.1 Quelques chiffres clés
1.2.2 Impact sur la santé physique, psychique et reproductive
1.2.3 Impact sur les enfants
1.2.4 Les démarches effectuées
1.2.5 Le contexte de la périnatalité
2. La prévention dans le système français
2.1. La prévention dans le système français
2.1.1 Définition de la prévention
2.1.2 Les grands plans de prévention français
2.2. Mise en place de campagnes de communication
2.2.1 La date emblématique du 25 novembre
2.2.2 Exemples de campagnes menées
2.3. Une prise en charge protocolisée
2.3.1 Moyens de dépistage
2.3.2 Information et orientation
2.3.3 Systèmes de protection
MÉTHODOLOGIE
1. Problématique et hypothèse
2. Objectifs de l’étude
3. Population étudiée
4. Outils employés et démarche effectuée
5. Déroulement de l’étude
6. Analyse statistique
RÉSULTATS
1. Description de la population étudiée
1.1. Généralités
1.2. Situation familiale
2. Sensibilisation, prévention et connaissances
2.1. Modes de prévention
2.1. Contacts dans un contexte de violences conjugales
2.2. Connaissances des femmes sur les violences conjugales
3. Relation avec les professionnels de santé
3.1. Suivi de grossesse
3.2. Incidence des violences conjugales
3.3. Les professionnels de santé face aux situations de violences conjugales
DISCUSSION
1. Caractéristiques de l’étude
1.1. Points faibles de l’étude
1.2. Point forts de l’étude
2. Validation de l’hypothèse et réponse à la problématique
3. Remise en question du modèle de prévention actuel
3.1. Une histoire de mauvaise interprétation ?
3.2. Moyens de communication sur les violences conjugales
4. Le professionnel de santé au cœur du système préventif
4.1. Le professionnel de santé, un acteur ressource ?
4.2. Valoriser la délivrance d’information dans la périnatalité
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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