Impact sur la qualité de vie sexuelle d’un résultat anormal de frottis

Méthodes de prélèvement

Le prélèvement par frottis du col utérin(identique pour réaliser une analyse cytologique ou virologique) est un examen simple, réalisé en consultation lors d’un examen au spéculum, à l’aide d’une cytobrosse et envoyé au laboratoire en phase liquide (figure 11). C’est un examen qui est inconfortable mais indolore, dont l’acceptabilité par les patientesest généralement bonne.(26) Ce prélèvement peut être réalisé par un gynécologue, une sage-femme, un médecin généraliste ou sur prescription médicale dans certains laboratoires de biologie médicale.

La colposcopie

Quelles que soient les recommandations de dépistage appliquées, l’examen colposcopique est unélément clédans la prise en charge des patientes. Cet examen colposcopique doit être réalisé, selon l’INCa, en cas de cytologie cervico-utérine anormale, et désormais en cas de test virologique montrant un papillomavirus oncogène persistant sur un 2 eprélèvement cervicoutérin à un an (même en cas de cytologie réflexe normale).(27) Il est également utilisé dans le cadre de la surveillance post-thérapeutique de lésions cervicales, vaginales etvulvaires.
La colposcopie est un examen du col utérin et de la filière génitale, réalisé à l’aide d’une loupe binoculaire appelée colposcope(figure 12), aidé par l’application successive de deux colorants : l’acide acétique et le lugol. Il permet, lorsque cela est nécessaire, de réaliser une ou des biopsie(s) ciblée(s) afin d’obtenir un diagnostic histologique, plus précis que l’examen cytologique, et d’indiquer d’éventuels traitements.(28) Les biopsies sont généralement indolores et peu ressenties par les patientes.
L’existence et le déroulé de cet examen sont méconnus par la population générale, ce qui engendre une anxiété chez les patientes lorsqu’il est prescrit.

Impact sur la qualité de vie sexuelle d’un résultat anormal de frottis

Au-delà de cette anxiété générée, la qualité de vie globale des patientes à la suite de l’annonce d’un résultat anormal de frottis cervico-utérin, semble altérée.
Dans ce contexte d’altération de la qualité de vie, la question d’une éventuelle altération de la qualité de vie sexuelle se pose.
La littérature est divergente à ce sujet car certaines études ne retrouvent pas d’impact significatif (44) Néanmoins, de nombreuses études retrouvent effectivement un impact, principalement mis enrelation par les patientes avec la notion de contagiosité du papillomavirus. Ont été principalement observés : une diminution du désir sexuel, mais également une altération de l’estime de soi, une culpabilité, un évitement transitoire des rapports sexuels, une diminution de l’excitation, une dégradation del’expérience génitale et de l’expérience orgasmique, et une diminution de la satisfaction des rapportsdirectement liée au fait de se savoir porteuse d’un papillomavirus contagieux.(45–51)
Des supports informatifs fiables à destination des patientes existent pourtant, mais sont méconnus du grand public, et leur lecture semble peu souvent recommandée par les praticiens qui annoncent le résultat de frottis cervico-utérin anormal. Ces supports sont principalement ceux disponibles sur le site de la Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico-Vaginale et ceux de la HAS.

Problématique de l’étude –justification du travail

Le projet de l’étude COLANX est parti d’un constat réalisé en pratique clinique : les patientes arrivent souvent très anxieuses et pleines d’interrogations en consultation de colposcopie, adressées à la suite d’un résultat de cytologie cervico-utérine anormal et se plaignent régulièrement d’une insuffisance d’informations fiables fournies quant au résultat anormal de leur examen de dépistage.
En effet, un résultat de dépistage anormal évoque immédiatement aux patientes la notion de cancer et de risque vital.(37) De plus, le lien singulier de cette pathologie avec un virus, éveille une peur supplémentaire de contagiosité, avec un lien trop souvent fait avec les infections sexuellement transmissibles classiques (telles que le Chlamydia trachomatis, le gonocoque, le VIH, …).(39) Enfin, cette pathologie imperceptible, invisible et totalement asymptomatique dans la plupart des cas est la source de nombreuses angoisses, qui pourraient à notre sens, être amoindries par une meilleure information des patientes.
La problématique que rapportent souvent les praticiens formés en colposcopie est la suivante : un résultat de frottis cervico-utérin anormal reflète un risque significatif de retrouver une réelle lésion pré-cancéreuse mais l’examen colposcopique n’a pas de nécessité d’être réalisé en urgence, le risque de transformation cancéreuse de ces lésions étant à long terme, à l’échelle deplusieurs années le plus souvent. Les rendez-vous de colposcopie sont donc souvent donnés avec un délai de plusieurs semaines ou mois, période pendant laquelle la patiente est anxieuse, désireuse d’informations fiables qu’elle peine souvent à trouver auprès des différents supports à sa disposition.
Comment peut-on donc réduire l’anxiété générée pendant cette attente entre le résultat de frottis cervico-utérin anormal et le rendez-vous de colposcopie ?Une amélioration de la prise en charge permettrait-elle d’améliorer le vécu des patientes et leur adhérence aux suivis ettraitements proposés ?
L’annonce d’un portage du papillomavirusà haut risque oncogène, qui devient de plus en plus fréquente avec les nouvelles modalités de dépistage, pose également question.En effet, cette annonce d’infection latente au papillomavirus, génère chez les patientes une anxiété supplémentaire.(36,53)
Il nous a donc paru intéressant de chercher à prouver que nos patientes, convoquées pour une colposcopie à la suite d’un résultat anormal de frottis cervico-utérin, présentent une anxiété significative impactant sur leur qualité de vie personnelle et sexuelle. Il est donc apparu également intéressant en pratique clinique de comprendre quels facteurs (psychosociaux, modalités d’annonce, nature du résultat fourni, …) influent sur cette anxiété générée.
Enfin, nous souhaitions analyser si réellement les patientes étaient demandeuses d’une information fiable délivrée dans l’attente du rendez-vous de colposcopie, et si oui sur quels thèmes et sous quelle forme.
Nous avons, pour ce faire, souhaité recueillir des auto-questionnaires remplis par les patientes, visant à évaluer leur vécu de la situation et leurs attentes.

Elaboration du questionnaire

Evaluation de l’objectif principal

Afin d’évaluer l’impact psychologique de l’annonce d’un résultat anormal de frottis cervicoutérin, nous avons choisi d’utiliser le questionnaire GHQ-12 (annexe 3), qui a été validé dans la littérature pour évaluer l’existence de troubles anxieux.(54) La version française utilisée a également été validée par la littérature.(55) Ce questionnaire avait pour intérêt d’être court, acceptable, facilement compréhensible par toutes et largement validé.
Pour son évaluation, nous avons choisi d’utiliser l’échelle dichotomique, qui semble être la plus efficace pour la détection des état anxieux dans la littérature, qui l’a comparée à l’analyse des critères diagnostiques officiels de l’anxiété du DSM -IV.(56) Ainsi, pour chacune des 12 questions du questionnaire GHQ-12, les réponses 1 et 2 étaient cotées 0 et les réponses 3 et 4 étaient cotées 1. La somme des items obtenus donnait un score, qui lorsqu’il était supérieur ou égal à 2, était analysé comme reflétant une présence avérée de détresse psychologique.

Evaluation des objectifs secondaires

L’impact sur la qualité de vie sexuelle a été évalué à l’aide du questionnaire ASEX (annexe 4), qui a l’avantage d’être validé, y compris dans sa version française, simple, bref et acceptable pour les patientes.(58) En effet, il existe de nombreux autres questionnaires d’évaluation de la qualité de vie sexuelle mais il sont souvent longs et difficilement acceptables par les patientes.(59) Le questionnaire ASEX comprend 5 questions, cotées de 1 à 6, dont la somme permet de calculer un score sur 30. Selon l’échelle dichotomique, Il était analysé comme positif (présence d’une altération de la qualité de vie sexuelle), lorsque ce score était supérieur ou égal à 18.(58)
Les autres questions analysées ont été rédigées par nos soins, en s’appuyant sur la littérature disponible et sur les critères que nous souhaitions analyser.(60,61)

Population d’analyse

132 questionnaires ont été recueillis.
Un seul de ces questionnaires a été exclu car la patiente avait moins de 25 ans et ne remplissait donc pas les critères d’inclusion.
131 questionnaires ont donc été inclus (figure 13).
131 questionnaires ont donc été analysés concernant le résultat cytologique initial et la réalisation ou non de biopsie(s), spécifiés par le médecin colposcopiste ayant délivré le questionnaire.
1 patiente n’a pas rempli les 2 premières pages de l’auto-questionnaire, les données cliniques et épidémiologiques ont donc été analysées sur les 130 questionnaires remplis, tout comme les données sur l’annonce du résultat cytologique et le vécu des patientes concernant cette annonce et le déroulement de la colposcopie, ainsi que le souhait d’informations complémentaires des patientes.
Concernant le questionnaire GHQ-12, critère de jugement principal de l’étude, 1 seule patiente n’a pas complété cette partie et ce critère a donc été analysé sur 130 questionnaires.
Le délai entre l’annonce du résultat anormal de frottis du col utérin et le rendez-vous de colposcopie a pu être analysé sur les 131 questionnaires inclus.
La partie du questionnaire destinée à évaluer la qualité de vie sexuelle, comprenant le questionnaire ASEX et les trois questions complémentaires, n’a été complétée que par 124 patientes et ces données ont donc été analysées sur cette population de 124 personnes.

Etude de l’impact sur la qualité de vie sexuelle

Calcul du score de qualité de vie sexuelle ASEX

Le calcul du score ASEX, définissant selon l’échelle dichotomique la présence (score ASEX ≥18) ou l’absence (score ASEX <18) d’une altération de la qualité de vie sexuelle, a été réalisé sur les 124 patientes ayant répondu à cette partie du questionnaire et les résultats sont présentés ci-après (tableau 11).

Remarques libres des patientes recueillies en fin de questionnaire

Parmi les 7 patientes qui n’ont pas répondu aux questions sur leur vie sexuelle, 3 ont spécifié qu’elles n’avaient «pas de rapport » actuellement, ou « pas de partenaire depuis l’annonce».
Parmi les autres commentaires libres laissés par les patientes en fin de questionnaire il y avait : « L’explication à l’aide de schémas m’a beaucoup aidée. Je me suis informée plus facilement sur le virus. Des informations supplémentaires devraient être données aux jeunes femmes. » ;
« Donner plus d’informations lors du résultat du frottis et l’annonce du rendez -vous de colposcopie. » ;
« En savoir plus sur ce virus, avoir le moyen d’en connaitre les raisons. Depuis quand ce virus est-il installé ? Provoque-t-il des symptômes ? » ;
« Des explications et hypothèses sur les résultats possibles seraient souhaitables. » ;
« Proposer un document/un sitequi rassure les patientes. » ;
« Pour l’annonce j’aurais aimé qu’elle se passe autrement. » (faite lors d’une consultation avec son gynécologue) « Pour la colposcopie, c’était un moment pas très agréable mais la gynécologue explique très bien et est vraiment douce et à l’écoute.» ; « Pour ma part, je ne connaissais ni l’examen ni les praticiens qui l’assuraient. La femme doit se « débrouiller » pour trouver l’information dans une situation stressante. Délivrer des informations dès le frottisserait une bonne chose. » ; « Je trouve qu’on ne parle pas assez du papillomavirus et ni de l’importance des frottis de manière générale pour le côté préventif et de la régularité à tenir (tous les 3 ans). » ; « Continuez à traduire le jargon médical. C’est très rassurant pour la patiente.» ;« Je pense qu’il est nécessaire de se sentir à l’aise avec la gynécologuequi nous prend en charge. Après malheureusement ce qui complique la chose ce sont les délais d’attente(entre les rendez-vous et les résultats) qui augmentent le stress. » ;

Discussion

Que montrent les résultats de l’étude COLANX?

Un impact psychologique indéniable

Nous avons retrouvé un impact psychologique notable de l’annonce d’un résultat anormal de frottis cervico-utérin puisque selon le questionnaire GHQ-12 calculé, 61,5% des patientes dans notre étude présentaient un score supérieur ou égal à 2, signe d’une détresse psychologique (tableau 6). L’impression clinique très partagée selon laquelle les patientes sont très anxieuses à la suite de l’annonce d’un résultat anormal de frottis du col de l’utérus se vérifie donc dans notre étude.
· Lors de la comparaison de ce score GHQ-12 selon la classification initiale de la cytologie cervico-utérine (tableau 7), on observe que même en cas de frottis ASC-US, quia priori n’alarme pas d’emblée les praticiens, il y a tout de même 50,0% des femmes qui présentent une détresse psychologique notable. Cette détresse grandit, de manière significative, lorsque les résultats du frottis initial évoquent des lésions précancéreuses plus sévères. A noter que sur les deux seules patientes ayant participé à l’étudeet qui présentaient un frottis de type AGC, aucune ne présentait de détresse psychologique significative mais ce constat peut probablement être mis en relation avec le très faible effectif de ce groupe.
· La réalisation de biopsie(s) lors de la colposcopie ne semble quant à elle pas avoir d’influence significative sur l’anxiété des patientes (tableau 8). En effet, lors de la colposcopie, la réalisation de ce prélèvement est souvent indolore et bien comprise quand bien expliquée aux femmes, et ne semble pas rajouter de charge anxieuse supplémentaire.
· Les patientes présentaient dans notre étude significativement moins de détresse psychologique lorsque le délai entre l’annonce du frottis cervico-utérin anormal et la réalisation de la colposcopie était compris entre 3 et 4 semaines (47,9% de détresse psychologique contre 64,5% lorsque ce délai était supérieur à 4 semaines) (tableau 9).
Ces résultats suggèrent un effet bénéfique à convoquer les patientes à moins de 5 semaines de l’annonce. En revanche, les patientes convoquées très rapidement, en 2 semaines ou moins, présentaient un taux d’anxiétéplus important (72,5%). On peut supposer que les patientes sont inquiètes lorsque le praticien les convoque rapidement, ayant peut-être le sentiment que la prise en charge est urgente. Le délai idéal pour convoquer les patientes en colposcopie semble donc être situé entre 3 et 4 semaines selon cette étude.
Concernant la modalité de l’annonce du résultat anormal du frottis cervico-utérin, les patientes étaient significativement plus satisfaites lorsque l’annonce avait été faite par téléphone (à 79,7%) ou lors d’une consultation dédiée (à 88,6%), que lorsqu’elle était faite par courrier (à 50,0%) (tableau 3). En revanche, l’analyse comparative du score GHQ-12 selon la modalité de cette annonce ne retrouve pas de différence significative (tableau 10). La modalité d’annonce a donc un impact sur la satisfaction de la patiente mais ne semble pas influer sur la présence ou non d’une détresse psychologique.

Un impact modéré sur la qualité de vie sexuelle

Notre étude a retrouvé un impact modéré de l’annonce d’un premier frottis cervico-utérin anormal sur la qualité de vie sexuelle. En effet, 36,3% des patientes dans notre étude présentaient une altération de leur qualité de vie sexuelle selon le score ASEX dichotomisé (tableau 11).
En revanche, cette altération de la qualité de vie sexuelle était statistiquement corrélée à la présence ou non d’une détresse psychologiquedétectée par le score GHQ-12 (tableau 15),puisque 46,8% des patientes ayant une détresse psychologique notable présentaient une altération de la qualité de vie sexuelle, contre 19,1% lorsque le score GHQ-12 ne retrouvait pas de détresse psychologique notable.
La peur de transmission du papillomavirus lors des rapports sexuels semble être une préoccupation importante chez les patientes puisque dans notre étude, 47,6% des patientes disaient avoir « assez peur », « très peur » ou « extrêmement peur » de transmettre leur pathologie à leur partenaire (tableau 14 et graphique 12).

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Table des matières
I- Introduction 
1- Physiopathologie –infection à papillomavirus humain
2- Prévention primaire : la vaccination contre l’HPV
3- Prévention secondaire : le dépistage des lésions précancéreuses du col de l’utérus en France
a. Dépistage organisé
b. Dépistage individuel
c. Méthodes de prélèvement
4- La colposcopie
5- Conséquences de l’annonce d’un résultat anormal de frottis cervico-utérin
a. Impact psychologique d’un résultat anormal de frottis
b. Impact sur la qualité de vie sexuelle d’un résultat anormal de frottis
II- Problématique de l’étude –justification du travail 
III- Patientes et méthodes 
1- Elaboration de l’étude
2- Elaboration du questionnaire
a. Evaluation de l’objectif principal
b. Evaluation des objectifs secondaires
3- Population d’analyse
4- Méthodes statistiques
a. Description des résultats
b. Données comparatives
IV- Résultats de l’étude COLANX
1- Résultats cytologiques et réalisation de biopsie(s) au cours de la colposcopie
2- Description clinique et épidémiologique de la population étudiée
3- Vécu de l’annonce du résultat anormal du frottis cervico-utérin et de la consultation de colposcopie
4- Souhait d’informations complémentaires
5- Anxiété de patientes et délai de rendez-vous de colposcopie
a. Délai entre l’annonce du frottis anormal et la colposcopie
b. Calcul du score d’anxiété GHQ-12
c. Comparaison du résultat du score GHQ-12 à différents paramètres
6- Etude de l’impact sur la qualité de vie sexuelle
a. Calcul du score de qualité de vie sexuelle ASEX
b. Auto-évaluation de la vie sexuelle depuis l’annonce du résultat de frottis cervico-utérin anormal
c. Comparaison de la qualité de vie sexuelle selon le statut anxieux et selon le statut en couple ou non des patientes
7- Remarques libres des patientes recueillies en fin de questionnaire
V- Discussion 
1- Que montrent les résultats de l’étude COLANX?
a. Un impact psychologique indéniable
b. Un impact modéré sur la qualité de vie sexuelle
c. Une consultation de colposcopie souvent bien vécue par les patientes
d. Une demande forte d’informations complémentaires
2- Forces et faiblesses de ce travail
3- Comparaison des résultats à la littérature existante
4- Signification de ces résultats et pistes de recherches à venir
VI- Conclusion : pistes suggérées par l’étude COLANX.
VII- Bibliographie 
VIII- Annexes

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