Impact d’un séquençage moléculaire systématique au diagnostic en oncologie digestive,expérienced’uncentre

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Patients et Design de l’étude

Pour identifier l’impact d’un séquençage ciblé systématique des patients au diagnostic sur la prise en charge, nous avons recueilli rétrospectivement les données de tous les patients ayant bénéficié d’un NGS dans le service de cancérologie digestive de l’hôpital de la Timone, APHM, Marseille, France, entre janvier 2018 et novembre 2020 pour l’ADN (NGS mutation) et novembre 2018 à novembre 2020 pour l’ARN (NGS fusion).
Les patients éligibles pour l’inclusion dans notre étude étaient ceux avec (i) un cancer digestif, prouvé histologiquement au sein de notre centre avec réalisation d’un séquençage au diagnostic et pour lesquels (ii) une Réunion de concertation pluridisciplinaire a été réalisée au moins pour la première ligne de traitement.
Les patients exclus de notre analyse étaient ceux qui n’avaient pas de suivi dans notre centre (décès avant prise en charge, absence de données dans le dossier médical), les cancers non digestif (lymphome, poumon, vessie) et certains cancers digestif particuliers tels que les GIST, les tumeurs neuro endocrines, les cancers in situ.
Le suivi des patients débutait au diagnostic avec réalisation d’un profilage moléculaire systématique et décision au cours d’une RCP d’une première ligne de traitement.
Les échantillons tumoraux étaient recueillis par biopsie endoscopique ou prélèvement chirurgical et pouvaient être issus de lésions primitives ou secondaires. Ces prélèvements ont été analysés par la technologie Ion Torrent S5 XL Thermofisher, qui est une technique par amplicon, après signature d’une autorisation écrite et éclairée.
Cette technique est basée sur des puces semi-conductrices, remplies de puits, qui relarguent un proton quand un nucléotide est incorporé par l’ADN polymérase. Cette réaction entraine un changement de pH local détecté au niveau des senseurs de la puce et converti en données brutes sous forme d’un ionogramme, avant d’être transformé en données de séquences.
Les données sur les patients ont été recueillies dans le dossier médical informatisé de notre établissement, notamment à partir du compte rendu de la réunion de concertation pluridisciplinaire concernant les données cliniques et le compte rendu de biologie moléculaire pour les mutations.

Séquençage moléculaire

Les recherches ont été orientées à l’aide d’un panel validé, appelé Oncomine Solid Tumor (OST et OST+) comportant 22 gènes pour la recherche sur ADN : EGFR, ALK, ERBB2, ERBB4, FGFR1, FGFR2, FGFR3, MET, DDR2, KRAS, PIK3CA, BRAF, AKT1, PTEN, NRAS, MAP2K1, STK11, NOTCH1, CTNNB1, SMAD4, FBXW7, TP53 ; 4 gènes pour la recherche sur ARN : ALK, RET, ROS1, NTRK1 ; et ajout d’une recherche IDH1 pour les cancers biliaires avancés et d’une recherche BRCA somatique pour les cancers du pancréas (6).
Les traitements spécifiques étaient proposés par l’oncologue et discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire puis expliqués aux patients (inclusion dans un essai, ATU ou traitement exceptionnel) qui avaient le choix d’accepter ou non, après information claire au cours d’une consultation dédiée.
En dehors des mutations RAS dans le cancer colorectal et l’amplification HER2 dans le cancer gastrique qui sont déjà recherchées en routine et nécessaires pour la décision thérapeutique, les mutations actionnables retenues, selon les données de la littérature, étaient les instabilités microsatellitaires (7,8), les mutations affectant le domaine de relecture de l’ADN polymerase POLE dans le cadre du cancer colorectal (9), les mutations BRAF en particulier V600E dans le cancer colorectal (10) le cholangiocarcinome (11) ou le cancer du pancréas(12), les mutations ERBB2/HER2 dans le cancer colorectal (13–15) ou le cholangiocarcinome (16), l’amplification de MET dans le cancer colorectal (17), les réarrangements ALK, ROS1 et les mutations d’EGFR dans le cancer colorectal et du pancréas (18,19), les fusions NTRK1/3(20), les mutations BRCA1/2 voire PALB2, ATM, RAD51 (21–23), les mutations IDH1(24) et FGFR1/2 fusions ou réarrangement (25) dans le cholangiocarcinome, les mutations KRAS de type G12C (26), et de façon plus large et non exhaustive grâce aux essais cliniques « panier » (27–29) : les pertes de PTEN ou mutations de PIK3CA, d’AKT1, de VEGFR, de la voie mTOR (PDGFRA, KIT, DDR1/2), les fusions ou mutations de RET, …

Analyse statistique

Pour comparer des proportions (e.g. statut MSI) un test du χ² était utilisé pour les variables catégorielles et un test de Mann-Whitney pour les variables ordinales. Nous avons effectué les analyses de survie à l’aide de la méthode de Kaplan-Meier et comparé les courbes avec un test du log-Rank, les estimations sont rapportées pour les médianes avec des Intervalles de confiance à 95%. Un seuil de signification pour les valeurs p a été fixé à 0.05 pour tous les tests statistiques. Toutes les analyses ont été réalisées avec IBM SPSS Statistics 26.0 (IBM Inc., New York, USA).

Ethique

L’étude a été menée conformément aux bonnes pratiques cliniques de la Conférence internationale sur l’harmonisation et les recommandations de la Déclaration d’Helsinki. Un consentement éclairé par écrit a été obtenue de tous pour l’analyse de séquençage ADN / ARN.

RESULTATS

Sur les 535 patients ayant eu un séquençage NGS demandé par une unité fonctionnelle digestive de la Timone APHM entre le 1er janvier 2018 et le 30 novembre 2020, 461 ont été inclus dans notre étude. (Fig 3.)
Parmi les patients exclus de l’analyse, vingt et un patients (3.9%) étaient atteints de GIST ou TNE, et ont donc été exclus de notre analyse en raison de différences significatives de prise en charge et d’oncogénèse tumorale de ces types particuliers de tumeur. Quinze patients (2.8%) avaient une localisation digestive d’un primitif non digestif (mélanome, cancer de vessie, lymphome, mésothéliome pleural, cancer pulmonaire). Deux patients (0.4%) sont décédés avant toute prise en charge. Huit patients (1.5%) avaient bien eu un séquençage sur pièce opératoire ou biopsie mais l’analyse histologique ne retrouvait pas de prolifération carcinomateuse. Pour quatre patients (0.7%) les données cliniques n’étaient pas disponibles centre et vingt-quatre (4.5%) étaient suivi dans un autre centre.

Caractéristiques

Les caractéristiques des patients sont présentées dans le tableau 1. Pour les 461 patients inclus, la moyenne d’âge au diagnostic était de 66.2 ans (Extrêmes 17.5 – 95.6 ans), 281 étaient des hommes (61%). Le type de tumeur le plus fréquent était le cancer colorectal (n = 248, 53.8%), devant les autres localisations tumorales : le cancer du pancréas (n = 67, 14.5%), le cholangiocarcinome (n = 54, 11.7%), le cancer de l’estomac (n = 45, 9.8%), le cancer de l’oesophage (n = 21, 4.6%) et d’autres localisations minoritaires (anus, n = 10, 2.2% ; Péritoine, n = 6, 1.3% ; Grèle, n = 5, 1.1% et de primitif inconnu, n = 5, 1.1%).
275 patients étaient métastatiques (60.7%), 161 synchrones (34.9%) et 114 métachrones (24.7%), 186 patients n’ont pas développé de métastases (40.3%).

Analyse de survie

Dans notre étude 13/275 (4.7%) patients ont pu bénéficier d’un traitement ciblé sur les résultats du NGS initial, 7 pour un cancer colorectal (5 MSI, 2 POLE, 1 ATR et 1 PIK3CA), 1 pour un cancer de l’estomac (POLE), 1 pour un cancer du pancréas (MSI) et 3 pour un cholangiocarcinome (2MSI et 1 IDH1), (Tableau 3). Il n’y avait pas de différence significative de survie liée à l’utilisation d’un traitement ciblé sur les données du NGS initial chez les patients métastatiques par rapport aux patients non métastatiques (2.89 [95%CI 1.84 – 3.93] versus 2.86 [95%CI 1.52 – 4.19], p = 0.671). (Fig 5).
La médiane de survie globale était de 2.86 ans [95%IC 1.84 – 3.87] à partir du diagnostic de la maladie métastatique (Fig 7, A). Il n’y avait pas de différence significative de survie en fonction du sexe (Hommes 2.23 [95%IC 0.85 – 3.61] versus Femmes 3.17 [95%IC 2.12 – 4.22], p = 0.683) et de l’âge (≤65 ans 3.17 [95%IC 2.09 – 4.26] versus >65 ans 2.23 [95%IC 0.96 – 3.51], p = 0.332). Il n’y avait pas de différence de survie en fonction du statut mutationnel, < 4 mutations ou ≥ 4 mutations (2.66 [95%IC 1.65 – 3.68] versus 4.19 [95%IC 1.86 – 6.53], p = 0.681) en population métastatiques et par sous-groupe d’organe, mais les patients non mutés avaient une médiane de survie de 2.17 ans [95%IC 1.62 – 2.71] qui semblait inférieure aux patients « hyper-mutés » bien que non significative (4.19, [95%IC 1.86 – 6.53], p = 0.792), (Fig 7, C – D).

DISCUSSION :

Dans notre étude, Il n’a pas été retrouvé de bénéfice de survie globale pour les patients traités par une thérapie adaptée à une cible moléculaire détectée sur un NGS systématiquement réalisé au moment de la prise en charge. Cependant, il existe un large panel mutationnel des tumeurs en cancérologie digestive comme le montre cette étude, 82.9% des patients présentent au moins une mutation en situation métastatique, et de nombreuses cibles potentiellement actionnables en dehors des AMM actuelles ont été retrouvées (43.2% dans la population globale et 34.5% en situation métastatique). Notre cohorte est large avec un effectif de patients important, recueillis en vie réelle et avec un recul de près de 3 ans, et des données descriptives du paysage mutationnel des cancers digestifs fournies sur une base de donnée importante pour des études ultérieures. De plus les localisations tumorales était diversifiées avec près de 50% de cancers non colorectaux, rendant compte des différences d’oncogénèse entre les différents sous type tumoraux et pouvant permettre la sélection des patients pour de futurs essais ciblant une altération moléculaire spécifique. Nous avons aussi inclus les patients sans nous limiter aux patients métastatiques, nous donnant une idée de la dynamique temporelle des altérations génomiques.
Certains patients présentaient un statut « hyper-muté », qui semble prédire une réponse à l’immunothérapie, dans l’essai KEYNOTE 028 (30) ainsi que dans les résultats préliminaires de l’essai TAPUR (31) et ainsi pourrait permettre d’étendre l’indication de l’immunothérapie, notamment chez ceux qui n’ont pas d’instabilité miscrosatellitaire.
Cette étude, bien que basée sur la survie globale qui est un critère de jugement robuste et pertinent, est limitée par le fait qu’elle soit rétrospective. En effet, certains patient inclus en début d’étude présentaient des mutations qui n’avaient alors pas encore été repérées comme potentiellement actionnables et auraient pu faire l’objet d’un traitement ciblé si elles avaient été découvertes en fin d’étude. Ainsi, malgré la durée de près de 3 ans, pouvant sembler relativement courte, les thérapies ciblées proposées en 2020 sont plus nombreuses que celles existant en 2018.
Concernant l’objectif principal portant sur le bénéfice d’un traitement ciblé sur la survie globale, les résultats obtenus dans cette étude ne peuvent être extrapolés à chaque sous-groupe tumoral du fait de l’hétérogénéité de notre cohorte. En effet, chaque sous-groupe tumoral n’est pas impacté de la même manière par la mise en place d’un traitement ciblé sur une mutation retrouvée au NGS. Cette hétérogénéité tumorale entraine un manque de puissance si nous devions analyser le bénéfice d’une thérapie ciblée en fonction de chaque localisation.
Il y a longtemps eu des controverses sur la question de savoir si l’utilisation de la génomique pouvait améliorer les résultats de survie chez les patients avec des cancers difficiles à traiter. Malgré une première étude négative (32), les études récentes montrent aujourd’hui un franc bénéfice de survie à rechercher et traiter des anomalies tumorales activables, avec des survies prolongées dans les sous-groupes et parfois des réponses cliniques et objectives. Schwaederle et al. ont réalisé des méta-analyses des essais de phase 1 et de phase 2 portant sur une stratégie de traitement oncologique personnalisé ciblant un biomarqueur quel qu’il soit et, dans les deux cas, ils ont démontré que l’utilisation d’une thérapie ciblée sur une anomalie moléculaire permettait d’obtenir un taux de réponse plus élevé et une amélioration de la survie sans progression et de la survie globale, par rapport au traitement standard (33,34). Dans l’essai IMPACT/COMPACT, mené par Stockley et al., 1893 patients ont été recrutés et 1640 ont été testés. 84 patients ont été traités par un traitement ciblé sur une anomalie moléculaire (5%) avec un taux de réponse globale significativement plus élevé (35). Dans l’essai WINTHER, 107 patients ont bénéficié d’un traitement ciblé sur une anomalie moléculaire sur la base d’un séquençage ADN (n = 69) ou ARN (n = 38), le taux de maladie stabilisée > 6 mois, de réponse partielle ou complète était de 26.2% (36). Ces résultats sont également retrouvés de manière plus marquée dans l’essai MOSCATO-01 mené par Massard et al., où le séquençage des tumeurs améliore la survie pour 33% des patients atteints de cancers avancés (37) en particulier dans les cancers biliaires avancés (38). Ce bénéfice est également retrouvé avec l’essai mené par Pishvaian et al. dans le cancer du pancréas métastatique, avec une médiane de survie allant jusqu’à 2.58 ans dans le groupe traité par une thérapie ciblé sur une anomalie moléculaire et aucune autre modalité thérapeutique n’offre un avantage de cette ampleur dans cette population de patients (39), Tableau 4.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1. ABSTRACT
2. INTRODUCTION
3. MATERIELS ET METHODES
4. RESULTATS
5. DISCUSSION :
6. CONCLUSION
7. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *