Les personnes très âgées utilisent beaucoup les systèmes sanitaires et médico-sociaux. Grâce aux bonnes conditions de vie et aux progrès très important de la médecine, le nombre de personnes très âgées ne cesse d’augmenter dans le monde. En Europe, c’est même la tranche d’âge dont l’effectif augmente le plus rapidement. Notre système sanitaire doit donc faire face à un afflux de personnes très âgées.
Notre système de santé s’est développé initialement pour le traitement des maladies aiguës et nous avons aujourd’hui un système de santé fragmenté et très spécialisé. Les traitements de très haute technicité sont accessibles à tous et efficaces mais également très coûteux. Les personnes très âgées souffrent très souvent de multiples maladies chroniques et ont par conséquent principalement besoin d’une chaine de soins de premiers recours solide et coordonnée. L’âge des patients représente donc un important défi pour notre système de santé qui doit trouver un moyen de s’adapter.
La transfusion sanguine est un exemple de thérapie très coûteuse qui a été initialement développée pour le traitement des urgences vitales. Du don de sang à la transfusion sanguine, toute la chaine est organisée pour répondre à l’urgence. L’Etablissement Français du Sang doit à la fois garantir l’autosuffisance nationale en produits sanguins labiles et la qualité de ceux-ci. L’évaluation de leur qualité est centrée sur le risque infectieux.
LES PERSONNES AGEES REPRESENTENT UNE PART IMPORTANTE DES PATIENTS TRANSFUSES
La part de la population très âgée augmente partout dans le monde
La définition de la personne âgée a changé au cours du temps. Alors qu’on avait l’habitude d’utiliser l’âge de 65 ans pour définir les personnes âgées, aujourd’hui on utilise plutôt l’âge de 75 ans dans la pratique médicale. Dans ce document, le terme « les personnes très âgées» désigne les personnes âgées de 80 ans et plus. Cette définition correspond à la définition des personnes âgées dites fragiles au sens de la Conférence de Consensus de la Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU) du 5 décembre 2003 : ce sont les personnes pour lesquelles le problème de la continuité de la prise en charge devient central .
La population très âgée est inégalement répartie sur le territoire
On estime qu’actuellement, 1% de la population mondiale est âgée de 80 ans et plus. 40% de ces personnes vivent en Asie (16% en Chine), 30% vivent en Europe et 13% vivent aux Etats-Unis [2]. En 2050, 4% de la population mondiale sera très âgée. Cette classe d’âge sera cependant très inégalement répartie [3]. En effet, 14% de la population de la région Japon-Océanie aura 80 ans et plus alors que moins d’1% de la population d’Afrique subsaharienne sera très âgée. Néanmoins, de nombreux pays, actuellement en développement, devront faire face aux problèmes liés au vieillissement de la population dans très peu de temps.
Dans l’Europe des 27, 4,7% de la population était âgée de 80 ans et plus en 2010 [4]. Cette population très âgée augmente rapidement. Elle aura presque triplé en 2060. Cependant ce vieillissement de la population n’est pas uniforme. La proportion des personnes âgées de 80 ans et plus varie entre les pays et à l’intérieur des pays, entre les régions. Quatre pays européens ont une population de personnes très âgées qui dépasse 5% de leur population générale : l’Allemagne, la France, l’Italie et la Suède. A l’opposé, cette tranche d’âge représente moins de 3% de la population générale dans seulement deux pays européens : Chypre et la Slovaquie. En Allemagne, la population totale diminue déjà au détriment des populations de moins de 65 ans et la classe d’âge des 80 ans et plus va doubler d’ici 2060 [5]. L’écart est encore plus grand entre différentes régions d’Europe : certaines dépassent les 6% de population âgée de 80 et plus en 2009 [4]. C’est le cas, par exemple, des régions du Sud-Ouest de la France et du Nord de l’Italie. Les régions de l’Europe de l’Est sont globalement plus jeunes. En France, l’Ile de France, la Picardie et le Nord sont les régions les plus jeunes : entre 3% et 4,5% de leur population est âgée de 80 ans et plus.
En France la proportion de plus de 80 ans augmente sans diminution de la population totale
En 2012, 3,5 millions de français sont âgés de 80 ans et plus, soit 5,5% de la population . Cette tranche d’âge comptait 2,8 millions d’individus en 2005 (4,5% de la population) et en comptera 7,3 millions en 2050 (environ 10% de la population) [6]. Les femmes ont une espérance de vie plus élevée [7] et représentent donc une part plus importante de la population âgée. Aujourd’hui, seulement 1/3 des individus de 80 ans et plus sont des hommes. Cette différence devrait diminuer avec le temps. On attend en effet, 60% de femmes et 40% d’hommes dans la population très âgée en 2050. Dans la tranche d’âge des 95 ans et plus, 80% sont des femmes.
Les personnes très âgées sont souvent transfusées
L’Age moyen des receveurs de produits sanguins labiles est élevé
L’âge moyen des patients pour lesquels l’Etablissement Français du Sang (EFS) a délivré des produits sanguins labiles (PSL) en 2010 est de 68 ans, tous produits confondus. Il varie entre 53 ans pour l’établissement régional (ETS) de la Réunion et 71 ans pour 5 ETS (Aquitaine-Limousin, Auvergne-Loire, Bourgogne Franche-Comté, Bretagne et CentreAtlantique). L’âge moyen des patients recevant des concentrés de globules rouges (CGR) est plus élevé que l’âge moyen des patients recevant des concentrés plaquettaires ou du plasma thérapeutiques.
Les personnes âgées sont surreprésentées parmi les personnes transfusées
Alors qu’elles ne représentent que 5,5% de la population française, les personnes très âgées représentent 37% des patients pour lesquels des produits sanguins labiles ont été délivrés par l’EFS en 2010. Cette proportion varie très fortement d’un produit à l’autre : elle est de 38% pour les concentrés de globules rouges, 13% pour les plaquettes et 15% pour le plasma . Elle varie aussi d’une région à l’autre. L’ETS Réunion a ainsi délivré des PSL au plus faible pourcentage de personnes très âgées (13.7%). Le contraste est fort avec les ETS Bourgogne Franche-Comté et Centre-Atlantique qui ont délivré plus de 40% de leurs PSL à des personnes très âgées.
Le nombre de personnes transfusées et la part de personnes très âgées transfusées sont en augmentation
Entre 2005 et 2010, on observe à la fois une augmentation du nombre de patients pour lesquels un produit sanguin labile a été délivré et une augmentation de la proportion de personnes de 80 ans et plus ayant reçu des PSL . Les CGR représentent de loin les plus gros volumes de produits délivrés par l’EFS (environ 80% des produits). Le vieillissement de la population a donc, à pratiques égales, un impact plus important sur la demande en CGR.
L’autosuffisance nationale en produits sanguins labiles doit être préservée
Une des missions principales de l’EFS est d’assurer, en toute sécurité, l’autosuffisance nationale en produits sanguins. Malgré l’augmentation de la consommation de PSL de 21% et une population de donneurs vieillissante, la France n’a pas importé de sang au cours de la période 2000-2010 .
Le nombre de produits sanguins délivrés ne cesse d’augmenter
En 2010, environ 2 300 000 poches de concentrés de globules rouges (CGR), 270000 poches de concentrés plaquettaires (CP) et 360 000 poches de plasma thérapeutique ou plasma frais ont été cédées aux établissements de santé . Les CGR représentent 80% des PSL délivrés.
En Europe, la consommation de produits sanguins est très différente d’un pays à l’autre
La consommation française de PSL se situe dans la fourchette basse des consommations de PSL des pays européens : 36 PLS/1 000 habitants par an. Elle est comparable à la consommation du Royaume-Uni et des Pays-Bas. L’Allemagne et le Danemark consomment plus du double, soit 78 PSL/1 000 habitants par an. Cependant, aux Pays-Bas, la consommation de produit sanguins tend plutôt à diminuer alors qu’elle augmente toujours en France .
Les déterminants de ces différents niveaux de consommations sont mal connus
Une grande hétérogénéité des niveaux de consommation de PSL se retrouve donc au niveau européen sans qu’on n’en connaisse réellement la cause. On retrouve cette même hétérogénéité entre les différentes régions françaises et même entre différents hôpitaux. La région Alsace est par exemple la plus consommatrice de PSL en France.
Peu d’informations sont disponibles sur les receveurs de produits sanguins
Lors de la délivrance des PSL, chaque établissement régional de l’EFS recueille des données sur les receveurs (âge, sexe, taille, poids, groupe sanguin, code postal et ville) et sur les produits (type et nombre de produits délivrés, date et heure de délivrance, établissement et service dans lesquels les produits ont été délivrés). Mais la délivrance des produits ne permet pas de savoir s’ils ont été administrés et les données EFS ne contiennent aucune information sur les pathologies associées à la transfusion. Les données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) donnent des indications sur les pathologies associées à la transfusion. Ces données ne sont pas couplées à celles de l’EFS et elles restent parcellaires car la transfusion n’est pas systématiquement renseignée dans la base de données.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : LES PERSONNES AGEES REPRESENTENT UNE PART IMPORTANTE DES PATIENTS TRANSFUSES
1.1. La part de la population très âgée augmente partout dans le monde
1.1.1. La population très âgée est inégalement répartie sur le territoire
1.1.2. En France la proportion de plus de 80 ans augmente sans diminution de la population totale
1.2. Les personnes très âgées sont souvent transfusées
1.2.1. L’Age moyen des receveurs de produits sanguins labiles est élevé
1.2.2. Les personnes âgées sont surreprésentées parmi les personnes transfusées
1.2.3. Le nombre de personnes transfusées et la part de personnes très âgées transfusées sont en augmentation
1.3. L’autosuffisance nationale en produits sanguins labiles doit être préservée
1.3.1. Le nombre de produits sanguins délivrés ne cesse d’augmenter
1.3.2. En Europe, la consommation de produits sanguins est très différente d’un pays à l’autre
1.3.3. Les déterminants de ces différents niveaux de consommations sont mal connus
1.3.4. Peu d’informations sont disponibles sur les receveurs de produits sanguins
1.4. Les futurs besoins en produits sanguins labiles doivent donc être anticipés
1.4.1. L’approche démographique quantitative ne suffit pas
1.4.2. Des considérations qualitatives de l’impact du vieillissement de la population sur le système de santé sont nécessaires
PARTIE II : LE SYSTEME DE SANTE DOIT FAIRE FACE AUX SPECIFICITES DES PERSONNES TRES AGEES
2.1. Les personnes très âgées veulent rester à domicile même en cas de perte d’autonomie
2.1.1. Les français très âgés préfèrent vivre à domicile
2.1.2. L’entrée en institution est retardée autant que possible
2.1.3. L’entrée en institution n’est pas toujours décidée par le résident
2.1.4. L’offre d’hébergement s’améliore mais l’accessibilité et la réputation restent problématiques
2.2. La prise en compte de la dépendance devient une question centrale pour la société et donc pour le système de santé
2.2.1. Mesurer l’état de dépendance
2.2.2. Offrir l’aide nécessaire aux besoins de chacun
2.2.3. Lutter contre la solitude pour éviter l’altération de la santé
2.2.4. Lutter contre la pauvreté au grand âge
2.3. La santé du sujet très âgé est un équilibre fragile
2.3.1. Une longue espérance de vie
2.3.2. De multiples maladies chroniques
2.4. Les personnes très âgées ont un fort risque d’être transfusées
2.4.1. Les personnes très âgées souffrent de plus en plus souvent de pathologies associées à la transfusion
2.4.2. Les personnes très âgées présentent un risque élevé d’hémorragie
2.5. Malgré un large accès aux soins, la prise en charge des patients très âgés par le système de santé n’est pas toujours optimale
2.5.1. Les très âgés jouissent d’un large accès aux soins
2.5.2. Une prise en charge suboptimale du sujet très âgé dans un système très spécialisé et fragmenté
2.5.3. Une absence de recommandations spécifiques et de recherche dédiée aux personnes très âgées
2.5.4. Un accompagnement de la fin de vie difficile
PARTIE III : ADAPTATION DE LA TRANSFUSION ET DU SYSTEME DE SANTE AU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
3.1. Garantir la meilleure qualité de vie pour le patient très âgé et une fin de vie dans la dignité
3.1.1. Les questions centrales du droits des patients et de l’éthique médicale
3.1.2. La nécessaire prise en compte de la diversité des situations
3.2. Les axes d’évolution du système de santé prennent en compte le vieillissement de la population
3.2.1. L’accent est mis sur la coordination des soins et le renforcement des soins primaires ou soins de premier recours
3.2.2. Des modes de financements et d’organisation nouveaux sont recherchés
3.3. Le vieillissement de la population est une composante importante dans les réflexions en cours en transfusion sanguine
3.3.1. La réflexion sur la qualité et la pertinence des données disponibles
3.3.2. La réflexion sur le recrutement des donneurs
3.3.3. La réflexion sur la qualité des produits, le statut des produits et leurs indications
3.3.4. La réflexion sur la structure logistique de l’Etablissement Français du Sang
3.3.5. La réflexion sur les pratiques cliniques actuelles et futures
CONCLUSION