Impact des vers de terre sur les mécanismes de résistance des plantes

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La qualité des sols

Différentes tentatives pour définir un sol ainsi que sa qualité se sont succédées et sont souvent le reflet d’une école de pensée. Elles sont adaptées à un objectif ou s’adressant à des utilisateurs différents (Gobatet al., 2010). La définition d’un sol est préalable à la définition de sa qualité. La complexité de l’objet qu’est lesol rend difficile la définition d’une qualité générique. Dans notre problématique d’étude, nous allons adopter, en partie, la définition proposée par Lavelle et Spain (2001) formulée à partir du rapport de la Société Américaine de Science du Sol (Karlen et al., 1997). Le sol peut-être défini comme un assemblagorgano-minéral et comme tel, il est fortement dépendant et influencé par les processus biologiques. Il est composé par un assemblage stable mais non consolidé de trois composantes : (1) de la matière organique, (2) de la matière minérale et (3) de la matière organo-minérale et inclu un ensemble d’organismes vivants qui lui est spécifique.
Au sein d’un sol, la matière organique est représentée par la biomasse et les produits issus du métabolisme des organismes vivants (végétaux, animaux ainsi que des microorganismes) et de la biomasse morte, issue de la décomposition de ces organismes. La matière organique issue de la décomposition des organismes du sol, est composée de : (1) la matière organique fraîche représentée par la litière et (2) la matière organique humifiée représentée par des macromolécules synthétisées danslesol à la suite de processus chimiques et biochimiques complexes constituant l’humification (Gobat et al., 2010).
La matière minérale résulte de la dégradation physique et chimique de la roche mère. Elle est composée de trois fractions identifiées selon leur granulométrie : les sables (50 – 2000 µm), les limons (2 – 50 µm) et les argiles (< 2 µm) . La proportion de chaque fraction déterminera la texture minérale du sol. Parmi la fraction minérale, les argiles, qui sont des colloïdes minéraux, vont jouer un rôle central dans le sol. Ces particules colloïdales vont influencer la structure, la porosité et la capacitéd’échange ionique du sol. Ces processus sont la résultante de trois capacités que possèdent lesargiles : elles sont (1) électronégatives, (2) hydrophiles et (3) capable de se disperser ou de floculer (Gobat et al., 2010).
La matière organo-minérale (communément appellée mus)hu est constituée de complexes argilo-humiques. Ces complexes sont issus de l’assemblage via des liaisons chimiques, généralement au travers d’un cation (calcium ou fer), entre des argiles et des polymères organiques. Ces complexes argilo-humiques vont conférer de nombreuses propriétés au sol et influeront sur sa qualité. Ilsvont ainsi : (1) modifier l’aération du sol et le stockage de l’eau, (2) ralentir la minéralisation de la matière organique, (3) empêcher la dispersion des argiles, évitant le colmatage du solet la compaction, (4) augmenter la capacité du sol à retenir les bioéléments indispensables auxplantes (Gobat et al., 2010).
La qualité du sol quant à elle, peut-être définieommec « étant la capacité d’un sol à maintenir la production biologique, la qualité de l’environnement et de promouvoir la santé des plantes, des animaux et de l’homme » (Doran et al., 1996) ou encore comme étant : « La capacité du sol à fonctionner comme un système vivant. Les sols en bonne santé maintiennent en leur sein une diversité d’organismes qui contribuent à combattre les maladies des plantes, les insectes et les adventices, s’associent de faço n bénéfique et symbiotique aux racines, recyclent les nutriments essentiels, améliorent la structure du sol et, partant, la rétention des eaux et des nutriments, le tout contribuant à améliorer la production végétale » (FAO, « Save and grow », 2011).

Le rôle des invertébrés dans la qualité du sol

Le sol est de moins en moins considéré comme une simple « boîte noire » dont l’utilité se limite à l’apport de nutriments nécessaires à la croissance des plantes (Lavelle & Spain, 2001). En effet, le sol contient un des assemblages les plus complexes d’organismes vivants, qui interagissent avec les composantes organiques et inorganiques d’un sol.
Parmi la composante biotique de ce système, les invertébrés du sol sont des acteurs important dans ces interactions. De ce fait, ils ont un impact majeur au niveau des caractéristiques physiques, chimiques et biologiques du sol, assurant le maintien de la capacité du sol à délivrer des services écosystémiques (Lavelle, 2002; Lavelle et al., 2006). Ces services écosystémiques concernent l’approvisionement en eau, le cycle des nutriments, la formation des sols, la régulation du climat ou encore le contrôle de l’érosion. Parmi les invertébrés du sol, les vers de terre sont probablement les acteurs les plus importants dans la formation des sols, dans le maintient de la structure et de la fertilité des sols. Ils représentent la biomasse animale la plus importante des sols dans la plupart des écosystèmes terrestres. Des ouvrages comme « The formation of vegetable mould through the action of worms » écrit par Charles Darwin en 1881, ont très tôt rapporté l’importance des vers de terre en termes de fragmentation de la matière végétale et animale morte, du remaniement et de la stabilisation de la structure du sol, de l’aération, du drainage et de la fertilité.

Les vers de terre au fil des âges

Comme rapporté dans la synthèse de Minnich (1977),de tout temps les vers de terre ont attiré l’attention des hommes. Leurs effet bénéfiques sur la fertilité des sols était déjà connu dans l’Egypte antique allant même jusqu’à être déclarés sacrés par la reine Cléopâtre (69 – 30 av J.-C.), rendant passible de la peine de mort toute extraction du sol. De grands philosophes grecs tels Aristote (384 – 322 av. J.-C .) reconnurent aussi leur vertu en les qualifiants « d’intestins de la terre ». Cependant, du 17ème siècle au 20ème siècle ils furent considérés comme nuisibles, nécessitant d’être éradiqués des sols. Ils seront par la suite réhabilités au travers d’ouvrages de grands naturalistes tels que Darwin (1881). Depuis le vers de terre sur la structure et fertilité des sols, mais aussi sur les différents paramètres agissant sur la croissance des plantes n’ont eu de cesse d’augmenter et ont fait à ce jour, l’objet de nombreux travaux (Bouché, 1971; Sims et al., 1985; Edwards & Bohlen, 1995; Lavelle & Spain, 2001; Edwards, 2004).

Taxinomie des vers de terre

Les vers de terre appartiennent au sous ordre des lombrics (Lumbricina), sous division de la sous-classe des Oligochètes (Oligochaeta) appartenant à l’embranchement des annélides (Annelidae). Les vers de terre représentent plus de la moitié des 6000 espèces décrites chez les oligochètes et regroupent un ensemble de vers terrestres, arboricoles et aquatiques. Très répandus, ils se retrouvent dans la plupart des régions du monde, à l’exception des milieux climatiques extrêmes à l’image des déserts ou encor des régions constamment enneigées ou recouvertes de glace. La diversité des espèces de vers de terre rend difficile les généralisations sur leur impact sur le sol. Cependant, dans son ouvrage référençant les vers de terre en France, Bouché (1971) a distingué 3 classes écologiques distinctes de vers de terre, suivant des paramètres morphologiques et comportementaux (physiologiques) reflétant leurs mode de vie et activité dans le sol: (1) les épigés, (2) les anéciques et (3) les endogés.

Ecologie des vers de terre

La classe des épigés, décrite par Bouché (1971), ncerneco les vers de terre vivant à la surface du sol (Figure 1), dans la litière (en dehors de la phase minérale du sol). Ces vers de terre, généralement de petite taille et fortement mobiles, possèdent une forte pigmentation qui leur confèrent une coloration rouge foncé qui leurpermet de se dissimuler dans la litière de feuilles mortes et les déjections animales dans lesquelles ils vivent. Ces vers de terre, de part leur régime alimentaire, vont être responsables dela décomposition et de la fragmentation de la matière végétale morte (feuille, tige, tronc) etde toute autre matière organique résiduelle à la surface du sol.
La classe des anéciques (Figure 1), regroupe les vers de terre vivant dans le sol et créant des galeries verticales. Ces vers de terre à pigmentation brune, parfois irisée (mimétisme crépusculaire) possèdent une taille beaucoup plus importante que les vers de terre épigés. Ils sont caractérisés par une forte activité dans le sol, observable par le réseau complexe de galeries et les nombreux turricules (déjections) qu’ils déposent à la surface du sol. Ces vers de terre sortent généralement la nuit, afin de limiter la prédation. Ils vont prélever la litière superficielle, qu’ils tirent dans leurs galeries. Ils réutilisent les mêmes galeries pendant un certains temps, à la différence des endogés.
La classe des endogés (Figure 1) regroupe les vers de terre, de taille petite à intermédiaire qui sont souvent caractérisés par unmanque de pigmentation. Cette caractéristique est répandue dans la faune édaphiquede profondeur. Vivant en permanence dans le sol, dans des galeries horizontales, ils se nourrissent de la phase organo-minérale du sol (géophagie), de fragments de racines mortes (rhizophagie), mais aussi de la microflore et mésofaune qui sont ingérées avec le sol. Cependant, leurs habitudes alimentaires sont hétérogènes et dépendent fortement de leur préférencpour le type de matière organique (Curry & Schmidt, 2007). Les turricules résultant de leur activité métabolique sont déposés dans les galeries souterraines, qui sont donc peu réutilisées.
Dans la plupart des écosystèmes, les vers de terre sont des facteurs clé dans la fragmentation de la matière organique (Lavelle & Spain, 2001). On estime ainsi qu’ils sont capables de consommer la quasi-totalité de la litière annuelle (Brown et al., 2004). L’activité conjointe de ces 3 classes écologiques de vers de terre permet la dégradation fine de la matière organique ainsi que son enfouissement dans le sol selon la chronologie suivante : dans un premier temps, la litière à la surface du sol va être fragmentée par les vers de terre épigés. On estime que, cette litière fragmentée, sera à son tour consommée par les vers de terre anéciques, la dégradant encore plus et permettantons enfouissement dans le sol. Cette matière organique fortement dégradée va poursuivre son cycle en étant ingérée par les vers de terre endogés et subissant un nouveau processus de dégradation et de dissolution. L’activité conjointe des vers de terre contribue ainsi à l’ent rée du carbone dans les sols et va permettre tous les processus physiques, chimiques et biologiques qui vont être décrits ci-après.

Impact des vers de terre sur les bactéries du sol

L’impact des vers de terre sur l’activité microbienne peut être expliquée par la métaphore de « la belle au bois dormant » (Lavelle et al., 1995). Les vers de terre sont capables de produire un ensemble de métabolites et autres substances actives, qui vont être bénéfiques à l’activité des microorganismes, lors ed leur passage dans le tube digestif du vers de terre (Lavelle et al., 1995; Brown et al., 2000; Edwards, 2004). Au cours de ce processus, du mucus intestinal chargé en eau et en carbone soluble (le baiser) est produit par le vers de terre (le prince) et va permettre le réveil de certaines bactéries (les belles au bois dormant). Ainsi, pendant et après le passage dans le tube digestif des vers de terre, les bactéries seront fortement actives (Bernard et al., 2012). La forte activité des bactéries va permettre la décomposition des formes stables de matière organique du sol pour lesquelles les vers de terre ne possèdent pas les enzymes adéquates (Lavelleet al., 1995; Brown et al., 2000). Pendant ce processus, la population d’autres organismes (protozoaires, nématodes, champignons) va diminuer. Toutefois, aucun lien direct entre la digestion de ces organismes et l’alimentation des vers de terre n’a été clairement démontré (Curry & Schmidt, 2007).
A la fin du processus de digestion, les populations bactériennes restent encore un temps actives dans les turricules laissés par les vers de terre. Ceci va avoir comme effet d’augmenter la minéralisation et la disponibilité des nutriments. Avec l’âge, l’activité à l’intérieur de ces turricules va décroître jusqu’àretourner à son niveau initial, voir inférieur à celui d’un sol non ingéré, ce qui serait responsabl d’une protection de la matière organique.

Effets des vers de terre sur les plantes

Effet des vers de terre sur la croissance des plantes

Jusqu’à aujourd’hui, le nombre d’expériences visant à étudier l’effet des vers de terre sur la croissance des plantes n’a eu de cesse d’aug menter et a fait à ce jour, l’objet de deux revues de synthèse (Scheu, 2003; Brown et al., 2004), référençant respectivement 67 études en milieu tempéré et 246 expériences en milieu tropical. Les questions récurrentes posées par les études référencées portent sur : (1) quantifierl’effet (négatif ou positif) des vers sur la biomasse des plantes, (2) quelles espèces de plantes sont les plus affectées et (3) quelle espèce de vers de terre est la plus efficace dans la promotion de la croissance des plantes (Scheu, 2003; Brown et al., 2004). Ces études mettent en évidence un effet positif des vers de terre sur la croissance des plantes avec un effet positif sur la biomasse aérienne dans 75% des cas pour les vers de terres tropicaux et 79% des cas pour les vers de terre tempérés. Ces études ce sont intéressées tout particulièrement à l’effet des vers de terre sur des espèces de plantes d’intérêt agronomique.
Les auteurs des ces deux revues soulignent que les études référencées soulèvent rarement la question du mécanisme via lequel les vers de terre agissent sur la croissance des plantes et sur la fertilité des sols. Dès que le sol rentre en contact avec le tube digestif du vers de terre, il va subir de profonds changements physico-chimiques et biologiques qui affectent l’ensemble du profil du sol. Ces changements sont les facteurs déterminants pour expliquer l’effet des vers de terre sur les plantes et sont fortement dépendants de la classe écologique du vers de terre étudié. De l’interaction entre les vers de terre, les microorganismes du sol et la plante va résulter des bénéfices mutualistes pourhacun des organismes (Figure 3). De cette relation tripartite découle de nombreux services etmodifications de l’environnement pouvant influencer la croissance des plantes. Ces modifications étant tant d’ordre physique (modification de la porosité et de l’agrégation), himiquec (enrichissement en minéraux et matière organique) que biochimique (via la synthèse de molécules agissant directement sur la physiologie de la plante).

Mécanismes à l’origine de l’effet des vers de terre sur la croissance des plantes

Modification de l’environnement physique

La relation significative entre l’activité des vers de terre, la fertilité du sol, la structure du sol et la dynamique de la matière organique est depuis longtemps reconnue (Darwin, 1881; Edwards & Bohlen, 1995; Edwards, 2004). Lors de leurs déplacements, les vers de terre consomment du sol et des résidus organiques qui vont être mixés pendant le passage dans leur tube digestif, pour être finalement excrétés sous forme de turricules. Ce processus va fortement affecter la dynamique de la matière organique, la porosité ainsi que la formation et la stabilité des agrégats de sol par la formation de complexes argilo-humiques.

Impact sur la porosité des sols

La création de galeries dans le sol, par les vers de terre, va fortement influencer la porosité de ce dernier. La porosité est le résultat de l’agencement entre les espaces vides et des agrégats de sol de tailles différentes. Cette modification de la porosité va avoir une influence au niveau de la croissance des plante en modifiant les échanges gazeux, la résistance à la pénétration racinaire, la composition biotique de la rhizosphère mais surtout l’infiltration et la rétention de l’eau (Shipitalo & Le Bayon, 2004). Les pores ainsi formés seront remplis avec de l’eau ou de l’air et vont servir d’habitat à de nombreux organismes tel que des bactéries, des protozoaires ou encore des nématodes dans la phase aqueuse et des champignons, racines et microarthropodes dans la phase gazeuse (Brown et al., 2000). En plus d’influencer les habitats de ces organismes, la porosité du sol va également influencer la capacité de rétention de l’eau par le sol. La capacité de rétention de l’eau d’un sol résulte essentiellement des forces de tension superficielles exercées sur les molécules d’eau due aux effets de liaison autour des particules de sol et aux effets de capillarités dans les pores (Gobat et al., 2010). En modifiant la porosité du sol, par la création de galeries, mais aussi en compactant ou décompactant le sol (Blanchartet al., 1997; Blanchart et al., 1999), les vers de terre vont influer sur l’espacement entre les particules de sol et donc sur la capacité de rétention de l’eau par le sol. Enfin, la modification de la porosité va également influer sur les processus métaboliques, en changeant notamment les concentrations en O2 favorisant plus ou moins les processus métaboliques anaérobiques (Brown et al., 2000; Lavelle & Spain, 2001). L’activité des vers de terre au niveau de la porosité du sol est très dépendante de la catégorie écologique du vers de terre. Une série expérience,d’ montre que les galeries créées par des vers de terre anéciques ou endogés ont une bonne conductivité hydraulique.
Cependant, l’activité principale des vers de terre endogés ayant principalement lieu sous la surface du sol, il en résulte la création de galeries horizontales souvent obstruées par des turricules. Par conséquent, ils n’influencent probablement pas directement le transport de l’eau dans le sol (Shipitalo & Le Bayon, 2004). C’e st pour cette raison que la plus plupart des recherches ce sont centrées autour des vers de terre anéciques tel que Lumbricus terrestris, ayant probablement la plus grande action au niveau de la conductivité hydraulique dans le sol, dû à la création de galeries verticales, partant de la surface et allant vers les profondeurs du sol.

L’agrégation du sol par les vers de terre

Les vers de terre sont responsables de la majeure partie des agrégats à la surface des sols. Certains auteurs ont établi que 50% des agrégats à la surface des sols tempérés seraient constitués de ces turricules, représentant 40 à 50 t ha-1 an-1 en surface et d’autant plus en profondeur (Six et al., 2004). Il existe deux mécanismes via lesquels les vers de terre vont influencer cette agrégation : (1) la création de galeries et (2) la formation de turricules (Brown et al., 2000).
Lors de leurs déplacements, les vers de terre vont exercer une pression sur le sol environnant et du mucus, essentiellement constitué de polysaccharides et de macro-protéines, va être excrété et déposé sur la paroi des galeriesnouvellement formées, stabilisant ainsi leur structure (Edwards & Bohlen, 1995).
Le processus de formation des agrégats dans les turicules est quant à lui différent et influencé par de nombreux facteurs comme l’âge, la qualité de la matière organique ingérée, ainsi que de l’activité des vers de terre elle mêmeinfluencée par la disponibilité en nourriture (Six et al., 2004). Une fois de plus, ce processus est fortement dépendant de la catégorie écologique du vers de terre considéré. Toutefois, unprocessus général exhaustif peut-être proposé quant à la formation de ces agrégats.
Le processus d’agrégation au sein d’un sol est soumis à plusieurs facteurs (Figure 4):
(1) la faune du sol, (2) les microorganismes du sol, (3) les systèmes racinaires des plantes, (4) des liants inorganiques et (5) des facteurs environnementaux. Tous ces acteurs interagissent pour conduire à la formation de (1) micro-agrégats (50 – 250 µm), (2) macro-agrégats (> 250 µm) et (3) de micro-agrégats dans les macro-agrégats. La formation de ces 3 composantes est illustrée par la théorie de l’agrégation hiérarchique et est fortement dépendante des facteurs biotiques du milieu (système racinaire des plantes, mycéliums et bactéries) (Oades, 1984; Six et al., 2004). Parmi la faune du sol, les vers de terre sont les organismes les plus étudiés en relation avec l’agrégation du sol (Six et al., 2004).
Pendant le transit intestinal, le sol ingéré est entièrement déstructuré jusqu’à l’échelle des micro-agrégats (Shipitalo & Protz, 1988; Barois et al., 1993; Bossuyt et al., 2005). De nouveau macro-agrégats vont être formés grâce à desagents de liaison (liants) produits par les vers de terre, sous la forme de mucus ou encore de carbonate de calcium (CaCO3), à l’intérieur de leur tube digestif (Oades, 1984; Shipitalo & Protz, 1989; Edwards & Bohlen, 1995; Shipitalo & Le Bayon, 2004; Six et al., 2004). Les vers de terre ont également un effet à l’échelle des micro-agrégats. A l’intérieur de leur tube digestif, les débris organiques ingérés vont servir de noyau à la formation de nouveaux mic ro-agrégats (Shipitalo & Protz, 1989; Barois et al., 1993).
Le processus de formation de micro-agrégats est fortement lié à l’activité microbienne au travers du recouvrement de particules de matière organique en décomposition avec une association de particules d’argile et de substances mucilagineuses (Six et al., 2004; Pulleman et al., 2005; Caesar-TonThat et al., 2007). Ces substances mucilagineuses sont principalement composées de polysaccharides, mais peuvent aussi contenir des acides polyuroniques et divers composés aminés (Caesar-TonThatet al., 2007). Ce processus va se poursuivre dans les turricules excrétés par les vers de terre avec la ormationf rapide (< 20 jours) de micro-agrégats dans les macro-agrégats. Ce processus va d’autant plus stabiliser la matière organique contenue dans les turricules, en la protégeant physiquement des bactéries (Bossuyt et al., 2005). L’activité des microorganismes va par la suite décliner à l’intérieur du turricule due à une réduction de la disponibilité des ressources encarbone et azote labile (Lavelle et al., 1989). Ces micro-agrégats ayant incorporé de la matière organique fraîche, seront par la suite rendus disponibles au fur et à mesure de la désintégration des macro-agrégats. Ces micro-agrégats, plus stables que les macro-agrégats vontainsi contribuer à la protection à long terme du carbone du sol et contribuer au cycle de l’azote et du carbone (Brown et al., 2000).

Modification de l’environnement chimique

La disponibilité en nutriments dans l’environnement est indispensable à la croissance des plantes. Souvent, la limitation en nutriments concerne l’azote, le phosphore et le potassium. La disponibilité de ces nutriments essentiels a déjà été montrée comme étant accrue dans les structures produites par de nombreuses espèces de vers de terre. Les turricules + – 2+ + de ces vers de terre présentent une teneur en nutriments élevée pour NH4 , NO3 , Mg , K et HPO4 2- en comparaison avec un sol non ingéré (Syerset al., 1979; Mackay et al., 1983; Tiwari et al., 1989; James, 1991). Les vers de terre sont des acteurs majeurs au niveau de la circulation des nutriments dans le sol de part la consommation, la fragmentation et le mixage de cette matière organique avec les particules minérales de sol, afin de former des agrégats. L’action des vers de terre au niveau de la concentration des nutriments dans le sol peut être réalisée, par un effet direct via (1) les produitsissus de leur propre métabolisme (déchets azotés et mucus), (2) l’ingestion et le brassage de résidus de matière organique avec la microflore dans leur tractus digestif ou (3) via un effet indirect au travers de changements dans leur environnement. Ces changements au niveau de l’environnement peuvent correspondre à une modification de la structure des communautés microbiennes du sol ou au déplacement de résidus de matière organique. Il a insia été estimé que les vers de terre au travers d’excrétion, de la production de mucus, ainsi que du passage du sol dans leur tractus digestif, contribuaient fortement à l’apport en nut riments dans les écosystèmes tropicaux comme tempérés, avec un apport en azote estimé de 03à 50 kg ha -1 an-1 (Curry & Byrne, 1992; Edwards, 2004).

Digestion

La digestion de la matière organique par le vers de terre est réalisée dans leur tube digestif au travers d’un ensemble d’enzymes tel que des chitinases, des protéases, des phosphatases ainsi que diverses glucosidases (Brown et al., 2000). Ces enzymes leur permettent de digérer des bactéries, protozoaires,champignons et une partie des débris végétaux. Cependant, la majorité des invertébrés possèdentne pas les enzymes appropriés afin de digérer la cellulose, la lignine, les tanins ou encore des complexes humiques qui constituent une grande partie des ressources présentes dans le sol (Lavelle et al., 1995; Brown et al., 2000). Néanmoins, il a été observé que certainsersv de terre étaient tout de même impliqués dans les processus de dégradation de cescomposés (Lattaudet al., 1998a; Lattaud et al., 1998b). Le mécanisme à la base de la digestion de ces composés repose sur une association avec la microflore ingérée et certainsmicroorganismes déjà présents dans le tube digestif, activés au travers de l’effet «belle au bois dormant » (Lavelle et al., 1995; Brown et al., 2000). Ces bactéries, par l’ensemble des enzymes qu’elles sont capables de synthétiser et que ne possèdent pas les vers de terre, vont permettre de réaliser une digestion mutualiste de la matière organique (Lattaud et al., 1998a; Lattaud et al., 1998b; Brown et al., 2000). Durant le processus de digestion par les vers de terre, le ratio carbone/azote va chuter progressivement. La majeure partie de l’azote sera convertie sous forme de nitrate ou d’ammonium. En parallèle, le potassium et le phosphore seront eux aussi convertis en une forme qui les rend disponibles pour la plante (Edwards, 2004).

Minéralisation dans les turricules

La digestion mutualiste initiée dans le tube digestif du vers de terre va se poursuivre à l’intérieur des turricules (Lavelle et al., 2004). Les microorganismes du sol réalisent à eux seuls près de 90% des transformations de la matièreorganique dans les sols (Lavelle et al., 2004). L’activité des microorganismes qui sont rejetés avec les turricules va être stimulée par priming effect et ces microorganismes vont poursuivre la digestion de la matière organique (Lavelle et al., 1995; Brown et al., 2000). Ainsi, les produits issus de cette digestion externe pourront être assimilés de nouveau par les vers deterre ou bien par les plantes.
Au niveau de l’implication des microorganismes dans le cycle de l’azote on peut bien sûr citer les bactéries symbiotiques ou non-symbiotiques capables de fixer le diazote atmosphérique et dont les effets ont déjà été largement étudiés (Hayatet al., 2010).
Cependant, aucune influence des vers de terre sur ces populations n’a été démontrée à ce jour. Toutefois, d’autres bactéries, au travers d’activités de nitrification et de dénitrification, sont capables elles aussi, d’intervenir dans le cycle de l’azote (Figure 5). L’activité et l’abondance de ces populations de bactéries nitrifiantes et dénitrifiantes restent très élevées dans les turricules (Businelli et al., 1984; Parkin & Berry, 1999; Wu et al., 2012), ayant pour conséquence d’accroître les teneurs en NH4+ et NO3-. Les vers de terre vont également impacter les populations bactériennes intervenant dans la solubilisation et la minéralisation du phosphate inorganique (AB & Fraga, 1999; Wu et al., 2012) ainsi que sur la solubilisation du potassium (Wu et al., 2012).

Modification de l’environnement biologique et biochimique

En modifiant le milieu biologique, notamment l’activité des microorganismes du sol, les vers de terre vont fortement modifier les processus biochimiques qui leurs sont associés. L’implication d’une modification de l’environnement biochimique par les vers de terre est un facteur déterminant dans la compréhension de situations où des changements dans la structure du sol ou dans la disponibilité en nutriments ne permettent pas à eux seuls d’expliquer l’effet des vers de terre sur la physiologie et la croissance des plantes (Tomati et al., 1988; Blouin et al., 2005; Blouin et al., 2006; Laossi et al., 2010). L’hypothèse selon laquelle l’effet des vers de terre impliquerait des composés ayant un effet égulateur sur la croissance des plantes fût proposée par Gravilov (1963). Cette hypothèse fût ppuyéea par l’isolation, dans les tissus de vers de terre, de nombreuses molécules régulatrices de la croissance des plantes, essentiellement des molécules issues de la familledes indoles (Nielson, 1965). Par la suite, cet effet a été confirmé pour d’autres espèces de versde terre (Nardi et al., 1988; Tomati et al., 1988). Ces études ont également montré que ces substances stimulaient la rizhogenèse et la croissance racinaire selon un processus proche de l’action de certaines phytohormones notamment de l’auxine, une des phytohormones majeures, contrôlant de nombreux processus de croissance chez la plante (Hooykaas et al., 1999; Taiz & Zeiger, 2010). De plus, dans certaines de ces études, de l’Acide Indole Acétique, une des formes majoritaires de l’auxine endogène, a été isolée (Tomatiet al., 1988; Muscolo et al., 1998; Canellas et al., 2002). Concernant l’origine de ces composés, aucune de ces expériences n’excluent que ces composés proches des phytohormones soient produits par les microorganismes vivant dans le tube digestif du vers de terre ou restant dans les structures biogéniques laissées par ce dernier (Tomati et al., 1988; Brown et al., 2004). D’autant plus qu’à ce jour, rien dans la l ittérature concernant les oligochètes ne suggère qu’ils soient capables de synthétiser ces composés.
La synthèse de ces composés par les microorganismesdu sol a depuis longtemps été observée (Frankenberger & Arshad, 1995; Persello-Cartieaux et al., 2003; Ping & Boland, 2004; Hayat et al., 2010). Toutefois, l’impact des vers de terre sur ces communautés de microorganismes a été peu étudié. On peut postulerque par les changements dans la diversité et la densité de ces communautés par les vers de terre, la production de ces composés et les processus biochimiques associés (Figure 5) vont être fortement modifiés.

Effet des microorganismes sur les plantes

La capacité des micro-organismes du sol à produire des molécules régulatrices (Figure 5 et 6) de la croissance des plantes est depuis longtemps reconnue et référencée (Frankenberger & Arshad, 1995; Persello-Cartieaux et al., 2003; Ping & Boland, 2004; Hayat et al., 2010). Ces micro-organismes peuvent avoir des effets bénéfiques sur la croissance des plantes en interférant avec la rhizosphère (Figure 1 et 2). Elles promeuvent ainsi leur croissance, limitent l’attaque de pathogènes ou encore améliorent la qualité du sol. Ces effets sur les plantes ont amené les microbiologistes à les regrouper sous le nom de Plant Growth Promoting Rhizobacteria (PGPR), terme introduit par Kloepper et Schroth (1978). Généralement, le mode d’action des PGPR suit 3 axesmajeurs (Persello-Cartieaux et al., 2003; Hayat et al., 2010) : (1) la synthèse de composés interagissantdirectement avec la physiologie des plantes, (2) en facilitant le prélèvement de certains nutriments du sol et (3) en diminuant ou en prévenant les maladies causées pardes phytopathogènes.

Production de molécules phytostimulantes

Les bactéries du sol sont connues pour être capables de produire un large spectre de molécules actives sur la physiologie des plantes (Figure 6). Ces molécules vont agir notamment au niveau de la morphogenèse racinaire (production de poils absorbants et de racines latérales), pouvant conduire à une optimisation du prélèvement des nutriments et de la synthèse d’exsudats par la plante (Persello-Cartieaux et al., 2003; Spaepen et al., 2007). Ces rhizobactéries promotrices de la croissance des plantes (PGPR) synthétisent et excrètent des hormones végétales, qui sont des substances organiques interagissant avec la physiologie de la plante à des doses très faibles (Frankenberger & Arshad, 1995; Persello-Cartieaux et al., 2003; Hayat et al., 2010). La production de phytohormones par les microorganismes est très connue notamment au niveau des mécanismes de morphogénèse pour l’établissement d’une relation symbiotique, c’est-à-dire avec un contact physique, entre la plante et un microorganisme (Spaepen et al., 2007). La production de phytohormones a été étudiée par la suite chez d’autres organismes de la rhizosphère, non symbiotiques (Hayat et al., 2010). Même si la production de certaines phytohormones, ommec celles de la famille des gibbérellines ou encore des jasmonates ne semblentque faiblement produites par les bactéries du sol, la capacité à produire des phytohormones de la famille des auxines, des cytokinines ou encore de l’éthylène, semble largement répandue ausein des microorganismes de la rhizosphère (Frankenberger & Arshad, 1995; Persello-Cartieaux et al., 2003.

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Table des matières

Synthèse bibliographique
1. Contexte socio-économique
2. La qualité des sols
2.1. Le rôle des invertébré dans la qualité du sol
2.2. Les vers de terre au fil des âges
2.3 Taxinomie des vers de terre
2.4. Ecologie des vers de terre
2.5. La drilosphère
2.6. Impact des vers de terre sur les bactéries du sol
3. Effets des vers de terre sur les plantes
3.1 Effet des vers de terre sur la croissance des plantes
3.2. Mécanismes à l’origine de l’effet des vers de terre sur la croissance des plantes
4. Effet des microorganismes sur les plantes
4.1. Production de molécules phytostimulantes
4.2. Optimisation du prélèvement des nutriments par la plante
4.3. Effet sur les mécanismes de défense de la plante
5. Problématique
Résultats et discussions
Chapitre 1 : Etude de la réponse morphologique et physiologique d’Arabidopsis thaliana à la présence du ver de terre Aporrectodea caliginosa
Chapitre 2 : Impact du vers de terre Aporrectodea caliginosa et de la plante Arabidopsis thaliana sur la production de l’hormone végétale acide indole acétique par les bactéries cultivables
Chapitre 3 : Impact du vers de terre Aporrectodea caliginosa et de la bactérie productrice d’acide indole acétique Micrococcus luteus sur la croissance et le développement d’Arabidopsis thaliana
Chapitre 4 : Impact du vers de terre Aporrectodea caliginosa sur la pathogénicité du piétin échaudage du blé
Discussion générale
1. L’interaction des plantes avec les organismes du sol : un réseau signalétique complexe
1.1 Les molécules signal dans la communication entre bactéries de la rhizosphère
1.2 Les molécules signal dans la communication entre bactéries et plantes
1.3 L’impact des vers de terre sur ces échanges de signaux
2. Les molécules signal dans le développement des plantes
2.1 L’importance des hormones végétales dans l’effet des vers de terre
2.2 La balance hormonale : un mécanisme fin de régulation de la croissance des plantes
2.3. La balance hormonale : une petite perturbation pour de grandes conséquences
3. Impact des vers de terre sur les mécanismes de résistance des plantes : implication des molécules signal
3.1. Les mécanismes de défense basale chez les plantes
3.2. Les molécules signal dans la reconnaissance de Gaeumannomyces graminis
3.3. La balance hormonale dans les mécanismes de résistance des plantes
3.4. L’induction de mécanismes de défense systémique par les vers de terre
Perspectives
1. Etude des modifications de la composition des communautés microbiennes du sol.
2. Etude des voies métaboliques impliquées dans la réponse des plantes aux organismes du sol
3. Dosage des molécules signal dans les sols
4. Etude du lien coévolutif entre les plantes, les vers de terre et les microorganismes de la rhizosphère
Références
Annexes
Annexe 1 : Tableau supplémentaire 1 de la publication du Chapitre 4
Annexe 2 : Article publié dans Functional Plant Biology

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